Magnolia – Intravenus

Fleur de Trip-Hop



Incompréhensions.

A vrai dire, je me pose parfois de sérieuses questions. (Si si)

Tout le monde s’est déjà retrouvé dubitatif devant le peu de médiatisation d’un artiste, surtout quand nous l’apprécions au plus au point.
Pourquoi reste t’il sur un label indépendant, à faire 5000 ventes de sa galette, alors qu’il a clairement le potentiel pour multiplier les ventes par 5. Certes, ces pensées sont bien subjectives, et propres à chaque individu.
Mais que dire quand un groupe de ce potentiel n’a même pas la joie, le privilège, de se mouvoir dans un label indépendant. Quand il est autoproduit, obligé de galerer pour faire sa promo, pour chercher des tourneurs et des scènes afin de s’exposer un minimum.


Allez, on va arrondir à 2 ans le jour ou je suis tombé plus que par hasard sur un CD. “Intravenus” du groupe Magnolia. Rien ne paie de mine. Meme pas la façade, qui, si elle bénéficie d’un traitement visuel non négligeable, n’est clairement pas faite pour attirer l’oeil du chaland.
Les raisons de mon écoute? Franchement aucun souvenir…

La déliquescence du Trip-Hop, je l’ai encore bien en travers de la gorge. Ayant été bercé par Portishead, Massive Attack, Earthling, Morcheeba, Lamb, Pressure Drop, Archive et compagnie, le manque fut bien difficile à combler depuis un bail.

Et cet “Intravenus”, français de surcroît, fut l’un des très rares disques à me regonfler le coeur d’admiration pour le genre. (Allez, avec en vrac Wax Taylor, Circlesquare, Une Feuille Noire et Ez3kiel…)








En parlant d’Archive, les premières notes d’Intravenus semblent nous diriger en terrain connu, ressemblant fortement à l’opening du chef d’oeuvre “Londinium”.
Mais la voix, claire et belle comme le ciel, de Jessica, porte directement le tout vers un autre horizon. Les sons discrets se baladent de façon éparse, comme pour envelopper d’un drap soyeux les louanges d’une chanteuse maîtrisant sans problème l’anglais, bien loin des errements que nous gratifies pas mal de groupes français avec peu de moyens habituellement. Queen est un bon titre d’ouverture. Il pose les bases d’un Trip-Hop torturé sans être souffrant, et suffisamment mélancolique et directe, sans tomber dans le mélo vaseux.



Mais ce qui va faire sortir ce Cd de la masse absolument considérable des autoproduits va jaillir, sans l’ombre d’une hésitation, des le 3eme morceau, Cyclothymic qui m’avait littéralement retourné après la première écoute à l’époque. Ce genre de morceau qui vous semble somme toute presque commun lors de ses prémisses, pour vous retourner violemment la gueule avec une lente montée concluant sur une explosion juste majestueuse.
Début énigmatique donc, fait de discrets bleeps et d’un sample de violon presque étonné d’être de la fête. La voix est impeccable, portant la moitié de la piste presque à elle seule.
Et au moment ou l’on ne s’y attend vraiment pas, le morceau prend une tournure tétanisante. Le chant nous arrache la colonne vertébrale, les violons et digressions electros nous mettent à genoux.
Mais ce qui nous achève sans l’ombre d’un remord, c’est cet accordéon, pourtant discret, qui accompagne le tout, pour tout simplement magnifier les dernières secondes de ce Cyclothymique




J’ai une excuse. L’Accordéon (je ne parle pas de musette) est pour moi, avec le violon, le seul instrument à pouvoir pleurer toute la misère du monde avec une beauté absolue. Cet instrument, s’il est joué avec mélancolie et délicatesse, me touche profondément. Mélangé à de la musique électronique, il ne peut qu’être sublimé.

Par chance, de l’accordéon on va en retrouver au cour de cet album.
J’avancerais même qu’il fait parti intégrante de l’album, et pousser le vice pour présenter ce groupe comme étant composé de trois personnes et non deux, même si la pochette annonce Benoit Rey comme “invité”.



Parce qu’il va en faire des miracles. Il suffit de s’abandonner au fond de la piste suivante Spoilt Frog, pour s’en convaincre. Il en est l’ossature, la mélodie. Le tout sur un beat Hip-hop et une voix qui confirme l’excellence de l’ensemble.
Sur Dust il sera un peu moins présent. Ce morceau n’en restera pas moins remarquable. La production est juste impressionnante pour un disque autoproduit. On pense clairement à du Bjork période Homogenic, avec une voix plus douce, mais tout aussi porteuse d’émotion. L’instrue est presque aussi tourmentée que dans le chef d’oeuvre de l’islandaise, sans bien sur attendre le niveau du dieu Mark Bell.
Tout comparaison gardée, on obtient l’un des sommets de l’album, d’une beauté presque déchirante, les trois têtes du groupe étant en parfaite osmose.
Farewell passera même l’épreuve du morceau “acoustique” de la galette avec brio. Seul l’accordéon habillera la voix de Jessica. Toujours aussi charmant à écouter, surtout que la compo évite l’écueil de la linéarité des cadres épurés se taillant une part d’un disque électronique.





Mais même sans cet “invité” enchanteur, Intravenus n’en fini pas d’étonner.
Cross Eyed Cyclops fait furieusement penser à un très bon titre d’Emilie Simon, que ce soit dans l’intonation de la chanteuse comme de la composition aux sonorités froides mais cristallines.
Pour finir dans le rayon des comparaisons, et pas des moindres, Great Times aurait pu figurer presque sans pâlir dans un album du duo mythique de bristol , Portishead (oui, carrément).
L’ambiance est extrêmement lourde, noire, profonde. Démarrant lentement, avec une voix plus que fragile, vraiment sur le fil, le titre va exploser dans un amas de sonorités crasseuses et abrasives, tranchant avec le reste du disque. La Jessica y est superbe, désespérée, tout comme ses textes, et le “refrain”, ne laisse que peu de place pour chopper un bol de lumière, insiste sur le point de non retour. Ce voyage va durer plus de 10 minutes, le dernier tiers, étant plus qu’étonnant, car nous proposant une ambiance en total contre pied avec le déroulement abrupte du titre jusqu’à lors, en laissant place aux cliquetis et aux percus presque tribales.


Shorting Ivory sautera aux oreilles des admirateurs d’Ez3kiel, pour son ambiance sombre et fracassée. La ressemblance entre la chanteuse de Magnolia et Emilie Simon est aussi saisissante sur quelques intonations. On oscillera constamment entre passages planant et rythmique presque martiale, avec un coeur bien plus joyeux, ou le chant et l’accordéon s’en donne à coeur joie. Le morceau titre, Intravenus en sera tout aussi envoûtant, avec ses beats Hip-Hop bien appuyés, ses violons qui semblent venir de tout sauf d’un sampleur et toujours de Mr l’accordéon (Ce mot commence à être redondant, mais je n’ai point de synonymes pour le designer, et il me semble important de souligner sa divine présence à chaque fois) toujours aussi magique et maîtrisé. Un morceau juste énorme, même s’il semble un peu plus convenu que certaines autres perles de l’album. (Quoique la fin me ferait bien dire le contraire)





Dernière piste d’Intravenus, Addiction pointe avec 11 minutes au compteur. Mouerf encore une pseudo longue conclusion faite d’un grand vide et d’un pseudo-titre caché.
Ou pas. On a bien 11 minutes pleines, avec une longue introduction instrumentale, plus que planante, aux cordes cristallines, semblant venir tout droit d’une grotte de glace. La chanteuse interviendra discrètement à partir de 3 minutes, pour tenir cette longue addiction, en constante évolution, et en se payant le luxe de ne jamais nous lasser avec ses constants changements de structures et de rythmes.






Alors certes, les multiples comparaisons égrainées tout au long de ce texte sont carrément flatteuses. Personne n’est dupe, Magnolia n’est pas au même niveau que les anciens cadors du Trip hop, Portishead en tête, pour ne prendre qu’eux. (Bon le contraire en serait étonnant)
Mais, Magnolia arrive carrément à nous servir un disque d’une qualité EXTREME. D’une part car un disque de cette qualité en autoproduit ne court pas les rues. Et surtout que malgré ce statut, et sans misérabilisme aucun, la maîtrise et les émotions plus que présentes. Il suffit d’écouter sérieusement un titre comme Cyclothymic ou Dust pour s’en convaincre.

Ne vous fourvoyez pas, l’avalanche de références précitées ne signifie surtout pas que Magnolia ne fait que puiser chez les “grands” pour faire ses petites affaires. La personnalité propre de ce disque transpire tout au long de la galette :
La voix de la chanteuse parviendrait à hérisser les poils des plus blasés, la production est riche et profonde, sans oublier l’usage de l’accordéon qui est tout simplement Ultime.





Vous avez de la chance, il est en vente sur le site de la Fnac. (Mais rêvez pas pour le trouver en rayon). Même si j’imagine qu’il sera peut être préférable de s’adresser directement aux artistes via leur mail [email protected]





Je vais ratisser large. Mais si vous appréciez Portishead, Massive attack, Bjork, Emilie Simon, Ez3kiel, le Trip hop en général ou simplement l’accordéon utilisé dans de beaux écrins electro, il va falloir craquer et l’acheter.





C’est quand même con que l’un des meilleurs disques du genre sorti ces deux dernières années soit un autoproduit passé inaperçu auprès du plus grand nombre.




11 titres
  1. Aeneman Says:

    Mais si vous appréciez Portishead, Massive attack, Bjork, Emilie Simon, Ez3kiel, le Trip hop en général ou simplement l’accordéon utilisé dans de beaux écrins electro, il va falloir craquer et l’acheter
    _____

    Arf ^^…bon bah va falloir le trouver celui-ci et ça va pas être simple…:/
    Sympa tout ça

  2. LordMarth Says:

    encore une fois très bien écrit :jap:
    Je connaissais pas, on en apprend tous les jours tu me diras
    Ajouté sur mon calepin virtuel 🙂

  3. Dat' Says:

    Aeneman ===} ben il est referencé sur le site de la fnac, donc tu peux deja l’acheter là bas… (ah moins qu’il ne vendent pas la came jusqu’à chez toi… 😐 ?)

    Sinon adresse toi directement à eux, j’imagine que meme le prix doit etre moins élevé que sur le site de la fnac.

    Lordmarth ===} faut dire que le groupe n’est pas vraiment connu :/

  4. kermalex Says:

    “Mais si vous appréciez Portishead, Massive attack, Bjork, Emilie Simon, Ez3kiel, le Trip hop en général ou simplement l’accordéon utilisé dans de beaux écrins electro, il va falloir craquer et l’acheter”

    Que des groupes que j’aime, ça me donne forcément bien envie, comme d’hab’! Quel talent! 😉
    Y’a plein de gens de GK qui vont vider les stocks de la fnac, ça va devenir collector ce cd!

  5. kermalex Says:

    ‘tain je suis tombé sur ce cd chez un pote, l’hallu!

    Malgré une écoute rapide et dans des conditions pas top, j’ai été emballé. Pas par tous, notamment Cyclothymic dont je ne suis pas fan, mais j’ai adoré Dust et Queen.

  6. Dat' Says:

    ah ouai? o_O

    Ben putain c’est un gros hasard ça.. respect à ton pote XD

    Pour cyclothimic, elle est assez difficile d’accés, surtout en écoute “rapide”. On ne peut pas ressentir la grosse monté du titre de la meme maniere. Pour Dust et queen ils sont effectivement tres bon. Queen est la plus “immediate” et directe de l’album je pense.

  7. kermalex Says:

    Mon pote a découvert ce cd par un blog aussi (mais pas par le tien, je lui ai demandé).

    Dans l’ensemble ça se rapproche pas mal des sonorités de Björk, tant dans la voix que dans les sons utilisés, j’ai vraiment bien aimé.
    Vivement que je lui emprunte son cd 😀

  8. Dat' Says:

    Yep effectivement c’est tres “bjorkien” dans l’ambiance comme dans la voix. Mais il y a des pointes de portishead ou d’emilie simon…

    Ya pire comme reference… ^^

    En tout tiens moi au courant sur tes impressions… :jap:

  9. volt.sky, visiteur Says:

    On voit aphex twin dans ta pile d’albums… Pas d’article?

    J’ai lintention de parler de tes chroniques dans mon blog… Pas dsoucis?

  10. Dat' Says:

    mmm pas encore effectivement…

    Tu veux parler de mes articles? dans quel sens? si tu mets la source et le lien, normalement pas de probleme… (file moi ton lien 😉 )

  11. littleric, visiteur Says:

    bonjour….
    d’abord merci et bravo pour ta chronique… on en redemande…
    pour info, MAGNOLIA est maintenant distribué par un petit label : PRODUCTION-SPECIALES… ils ont malgré tout besoin de coups de pouce… c dur…
    sur leur site http://www.myspace.com/magnoliamontmartre
    ils annoncent qq dates… lyon grenoble marseille… en mai et juin

  12. vicky, visiteur Says:

    Bravo pour cet excellent article.
    J’ai moi aussi découvert leur disque en fouinant au rayon electro de la fnac (c’était en 2005)et je suis carrément tombée sous le charme. Plein d’émotions, et plein de souvenirs lorsque je l’écoute après quelques temps..
    Bonne continuation 🙂

  13. Dat' Says:

    Tiens, ça fait plaisir de voir quelqu’un poster sur cet article, merci pour le commentaire !
    Je serais bien curieux de savoir ce que fait le groupe en ce moment. LEs ébauches du deuxieme album promettaient vachement…

  14. Draught.fr, visiteur Says:

    Le groupe a splité.

    Fred qui s’occupait de la partie instrumentale bosse avec un groupe qui s’apelle “Little Big Djü” (pour qui je devrai réaliser un clip avant la fin de l’année d’ailleurs ^^)

    J’avais trouvé le disque a la Fnac à la base y a longtemps aussi. Je l’avais pris parce qu’un autocollant avec une citation d’un mec de One little Indian Records m’avait fait pensé que le cd sortait du même label.

    C’est marrant de voir que tu as fait une chronique.

  15. Dat' Says:

    Ah merde, dommage pour le groupe, tant le second disque semblait prometteur…

    Yep je connais Little Big Dju, mais ce n’est pas la même chose malheureusement…

    Ahah, je crois que c’était à cause du sticker que j’avais acheté ce disque aussi… Je ne me souviens plus vraiment, mais j’aime toujours énormément ce Intravenus…

  16. seeyou, visiteur Says:

    en effet, magnolia c'est fini…hélas; il compose avec little big dju (qui est beaucoup moins ma tasse de thé) l'album intravenus est pour moi hyper chiadé (un petit bijou dans l'ensemble)

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