Cape Town Beats – Sibot – Fuck n Rad



Beats & Rhymes From Cape Town






Article un peu spécial pour le coup. On ne va pas refaire un laïus sur Jarring Effects, tête de file du Dub électronique français. Le label, s’affranchissant de plus en plus de ses racines, n’oublie pas de nous tuer avec le patchwork superbe d’ High Tone, ou le fracassant dubstep du pionnier Scorn. Jarring Effects, c’est aussi des disques inclassables indispensables, comme le Naphtaline d’ Ez3kiel, objet unique dans son genre. Mais la structure lyonnaise, non contente de nous faire voyager par la force seule de la musique, s’amuse à nous balader aux quatre coins de la terre via la nationalité même des ses artistes, comme la J-pop des japonais Azian Z ou le superbe tour du monde sonore de Filastine.

Cape Town Beats, c’est l’aboutissement de cette politique, de cette envie d’ouverture, de découverte, de ce brassage de culture constant qui émanent des productions qu’héberge le Label. Fruit d’un long travail d’échange et de collaboration entre ce dernier et la scène Hip-hop / Electro d’Afrique du Sud, et résultant d’une forte complicité artistique avec l’un des labels prépondérants dans le genre là bas, African Dope Records.

Le résultat ? Un superbe coffret de trois disques, Digipack se dépliant à n’en plus finir, pour offrir un panel de sons Sud Africains inédits en France : Deux albums et une compilation de 15 artistes du pays, histoire de faire un tour d’horizon des plus complet. Pour le prix d’un disque. Le tout agrémenté d’un petit livret expliquant la démarche et l?importance du label African Dope au Cap, seul gros label de musique hip-hop électro underground là bas.



Un article pour trois disques réunis au sein d’un même coffret, on va essayer d’être un peu plus concis que d’habitude. (C’est pas gagné). Surtout que l’une des trois galettes habrite un petit chef d’oeuvre.









Cape Town Beats Vol 1







Quoi de mieux qu’un Sampler pour présenter la scène bien méconnue d’un pays dans une situation sensible il n’y a encore pas si longtemps. Et cela a évidemment influencé comme jamais la vague artistique de ce pays qui a soif de métissage musical et de télescopage des genres, après une longue politique ségrégationniste d’un demi siècle. Ça tombe bien, car si ce « CapeTown beats vol 1 » est résolument hip-hop, elle ne se garde pas de partir dans tous les sens, pour notre plus grand plaisir.

Le disque s’ouvre avec le hip-hop joyeux et enlevé des nanas de Godessa, formation qui crache ici un texte acerbe sur la société sud africaine, accompagné une musique sautillante. Le titre fait étonnamment penser à l’énorme Good girl gone Bad de The Herbaliser, dans leur disque Something Wicked This Way Comes. Même instrue jazzy gambadante, même envie de bouger sa tête tant le tout est entraînant, parfait pour ouvrir le Sampler. Mais c’est Ben Sharpa qui aura la part belle dans ce dernier, avec pas moins de trois titres séléctionnés. Et Jarring Effects ne s’est pas trompé en multipliant les apparitions du type, tant le rouleau compresseur de « Into The Black » impressionne, implacable, ultra sérieux, avec ce titre fait de longues nappes lugubres et d’une boite à rythme fracassée. Le très court « Sharpa Dub » marquera tout autant à la première écoute, en nous faisant amèrement regretter que le titre ne court pas sur plus d’ 1 minute 30. Le dernier éclaircira un peu la recette en incorporant percussions africaines et claviers grandiloquents. Cape Town Beats nous jette à la figure que le Ben Sharpa est quelqu’un qu’il va falloir suivre malgré les milliers de kilomètres qui le sépare de nos oreilles.







Dans les autres titres à ne pas louper se glisse sans ménagement l’énorme déflagration de Crypticism, « The Man Who Never Came Back ». Basses tonitruantes à faire trembler les murs, donnant au morceau des allures presque Techno Deep, cassures de rythmes soudaines, le tout habité par le génial Mc Totally Rad, dont on reparlera plus bas, et que certains connaissent déjà grâce aux petits français d’Interlope, qui laisse transparaître toute sa schizophrénie en partant littéralement en vrille tout au long du morceau, changeant de tons de voix et d’accents toutes les trois phrases, vomissant onomatopées et autres désarticulations de mâchoire sans discontinuer. (Dis moi quelle drogue tu prends, je te dirais qui tu es…) Impressionnant et complètement dingue. Sûrement LE titre de la compilation.
On se demandera même si les marionnettes de Puppetmastaz ne se sont pas payées des petits congés au Cap, tant le gros délire de Neon Don sur « Disco Toothbrush » pourrait s’y apparenter, entre montée de samples vieillots et instrue épileptique, le tout sucré par un flow ramassé difficilement intelligible.
Mais l’autre grosse claque de la sélection lui sert justement de conclusion : Maxnormal.TV (Sibot) et Dj dope nous balance un morceau absolument gigantesque, entre dancehall pour drogué et electro tapageuse, avec un clavier mortuaire monstrueusement classe pour porter aux nues les refrains. Petit Break candide façon générique de dessins animés, avant de repartir dans la tempête du début. Un vrai triomphe, une grosse mandale comme on en fait peu.

Mais le Sampler n’est pas qu’Hip-hop, et distille quelques titres instrumentaux parfois electronica, souvent abstract, comme le très beau morceau de Felix Laland, « Donkey Rattle », electronica dark aux notes de synthés cristallines, prenant le temps de nous envelopper sur plus de 5 minutes, pour une coupure salvatrice entre deux avalanches de Beats. Le morceau n’en reste pas moins dérangé, tentant en vain de dissimuler une folie sous jacente, traduite par de discrets soulèvements du fil mélodique parcourant le titre. On aurait presque pu parler de Techno minimale. On appréciera aussi le groove discoïde et vénéneux du « Jihad On the Dancefloor » de Markus Wormstorm, faisant penser aux premières tracks de Mr Oizo.






Il est évident chacun fera sa tambouille dans le choix que propose ce disque, profusion de style, autant avantage qu’inconvénient, inhérent aux compilations du genre. Mais rien que le fait de découvrir une scène dont l’exposition en France frisait le néant absolu, est de toute façon le principal intérêt de la démarche pour les oreilles un peu aventureuses. Surtout quand le contenu est de cette qualité, avec des titres à écouter absolument pour les amateurs.










Sibot – In With The Old







Présent sur la compilation ci dessus en temps que producteur, Sibot est l’un des musiciens / DJ / producteur les plus influents de son pays, pour grandement développer la musique électronique et le Hiphop indé entre le Cap et Johannesburg. Balançant des disques avec ses multiples groupes (Maxnormal, Constructus Corporation, The Real Estate Agents…) ou en solo, sa musique oscille toujours entre les deux genres précités. Jarring Effects saute sur l’occasion pour nous offrir son dernier album en date sorti cette année, « In With The Old ».

Et pour le coup, ça va être simple : dés l’entame de Get Clean, on pense sans hésitation aux premiers travaux de Pefuze 73, quand ce dernier privilégiait l’efficacité des beats à la préciosité de ses compostions actuelles. On a tout ce qui fait un bon gâteau hip-hop instrumental dans ce titre : rythme appuyé et guilleret, synthé s’amusant des aléas de la structure, scratchs bien placés. Tout pour vous chatouiller la nuque en quelques minutes. Et ce ne sont pas les ultra efficaces 12345, Hello Flat Foot You Had Your Fish Yet ou Only Doin the Bit Lads qui me contrediront et rendront caduc la comparaison avec Scott Herren.







On appréciera donc tout autant la facette plus expérimentale de l’album, tempérant un peu le monolithe (22 titres !). Dans le genre, Who Split The Beans On The Dancefloor est à tomber, vrillant des discours de film par des beats tranchants comme des couteaux, et des petites sonorités sorties directement d’un jeu vidéo. Le titre est un vrai grand huit, partant d’une phase posée et froide, pour finir sur une ligne plus old-school presque jazzy, après être passé dans un tunnel électronique assez angoissant. Itch Cross Over Retrospective frisera lui les compositions abstraites d’ Autechre, avec ce son ramassé mutant petit à petit, se donnant de l’importance, s’enroulant sur lui-même, sur un lit de synthés fragiles et cristallins, pour débouler sur un versant moins expérimental et plus cadré en fin de piste. Le superbe Expect Everyon contentera lui les amoureux de Samples tirés de vinyles poussiéreux (on entend le tout bien crépiter) attaqué par des beats bien appuyés. On sera même étonné par Granny Scotch, qui fait furieusement penser au Drunk Trumpet de Kid Koala, qui scratchait d’une façon lente sur un sample de trompette (ça ne s’invente pas), donnant l’impression que cette dernière était démontée à l’alcool. La ressemblance est tellement frappante sur le début que l’on croirait à une relecture du morceau ci-dessus, à nous téléporter directement dans un des disques du Kid.

Même avis positif sur la conclusion Mums The World très belle balade atmosphérique, laissant un piano grave égrener ses notes, laissant l’écho donner de la force aux touches. Gros scratch, on bascule dans une Jungle hésitante, au rythme cassé, accompagnant superbement l’instrument classique, donnant une aura littéralement lunaire au tout. Impressionnant.






« In With The Old » est un album chargé, long, varié, et très plaisant. Il est clair que l’on aurait pu tailler dans le vif pour rendre le tout un peu plus uniforme, mais comme on le soulignait déjà avec la récente sortie de Samon Kawamura, il est parfois bon de se laisser aller sur de bonnes boucles Hip-hop, d’autant plus que Sibot se permet d’être bien plus entreprenant que le Japonais. Mais la réelle preuve de son éclatant talent est à chercher un disque plus loin :










Fuck n Rad – Mc Totally Rad and DJ Fuck are Fuck n Rad






Fuck n Rad, ou la réunion de Mc Totally Rad (aka Waddy Jones et de Sibot aka Dj fuck. Ce dernier, on en parle depuis tout à l’heure. Mc Totally Rad, c’est le grand malade entendu sur le titre de Crypticism sur la compilation plus haut. MC que l’on a pu croiser sur trois titres du très bon album d’Interlope, « Electrified ». On se demandait déjà à l’époque si une camisole n’était pas nécessaire en entendant les élucubrations du type… Et la pochette l’annonce clairement, on ne va pas avoir à faire à du traditionnel.




Le contenu va être facile à cerner, et cela des les premières secondes : Super Evil est un titre absolument énorme. Bourré de contre temps, de ruptures de rythme, de breaks scratchés et cela toutes les trente secondes, bouffant vos tympans avec un beat irrésistible. Mais celui qui vous balance une grosse claque bien violente, c’est le Mc Totally Rad. Il est tout simplement grandiose. D’une aisance assez hallucinante au micro, son flow est modulable selon son envie, variant de ton, d’accent, de débit de parole, s’adaptant à ce qu’il crache, poussant des borborygmes sans faillir. ( Mike Patton s’est mit au rap ?). On a l’impression d’écouter un gros délire, un roller-coaster qui frise, dans ses grandes boucles, le grand morceau. Qui s’amuse à freiner et accélérer selon son bon vouloir, là oû le Space Moutain ne se permet de balancer le jus qu’une seule fois.

Et si les deux titres suivants, You are Ok et Infinite Kif, étonnent par leur minimalisme, faisant presque passer le dernier disque des Clipse pour une production de Bangalter, Drunk By Name remet les choses bien en place, en balançant un véritable petit bijoux. Sur un sample de film un peu vieillot, le rythme se veut entraînant comme la mort, avec le Mc qui se délecte de tout, ravageant la structure de son flow bien rond, toujours en mutation, cabotinant sur un refrain que tout le monde chantera à tue tête un jour ou l’autre. TOUT est là : le refrain qui tue, le rythme qui tue, le sample qui tue, et sans oublier la petit blague à la fin (et qui m’a bien fait marrer tout seul comme un con dans le métro, à la première écoute. Vous imaginez le tableau) Le morceau est super accessible, génial, un petit tube qui pourrait passer en boucle à la radio sans vendre une seule seconde son cul à la facilité, reléguant l’autre zozo qui rappait sur des samples de Charlie Chaplin (on y pense irrémédiablement) à l’état de simple amuseur public.







The Organ Grinder, après l’apocalyptique, déstructuré et énorme burning Desire, tournera tout aussi bien, avec une présence féminine au refrain et un tempo plus lent, qui ne gênera aucunement l’articulation démente du Mc. Plus enjoué, Y-front laissera Waddy Jones tordre sa langue sur des samples de jeux vidéos matraqués par un beat surpuissant. Et qui aura le mérite de nous impressionner, encore une fois, sur la faculté d’adaptation du sud africain. Un peu plus loin, le duo officiera encore dans le Nerdcore avec Visitor un morceau composé de sons directement issus des jeux Nes Rockman et Super Mario. (Liste non exhaustive). Toujours aussi énorme, le morceau alterne couplets psychotiques et refrains bizarres ou l’on susurre des « We are visitors from the future » calmant bien le jeu avant de reprendre les manettes de plus belle. La fin est absolument jouissive, Sibot se permettant une bonne grosse phase de Djeeying sur la musique d’ouverture de Megaman 2 (on ne trompe pas un vieux nostalgique). Les scratchs enflamment une matière première déjà culte, le tout sous les « Di – Ji – FUCK » balancés par Totally Rad. Grosse chaleur. L’un des meilleurs titres 8 bits qui m’ait été donné d’entendre.
Inutile non plus de résister aux coups de butoirs de Fright Biter, où dj fuck sibot s’amuse à pilonner la BO de L’étrange Noel de Mr Jack avec des basses absolument gigantesques, à casser le beau vase ming de votre grand-mère, elle y tenait beaucoup, sous l’effet du souffle.







Et comme je suis un éternel impatient, je ne peux résister de vous parler des deux derniers titres du disques, s’amusant à faire le grand écart en terme d’ambiance. Le lugubre Sun On My Face va commencer sur une longue montée de piano, sombre, étouffé, avant qu’un battement militaire dynamise le tout, tenant la main à Mc Totally Rad, étonnement grave, suivant le métronome sans ralentir, pour se laisser aller à la chansonnette désespérée sur un refrain parsemé d’éclats jazzy. Long acouphène, qui siffle dans nos oreilles avant d’échouer sur un son expérimental étrange, chapeauté par des lyrics violent. Le titre tranche dur avec les ambiances entendue jusqu’à lors.
Pour World Champion c’est LE tube du disque. Un Tsunami ébouriffant, d’une simplicité étonnante, un vrai morceau de hip-hop comme on aimerait en entendre plus souvent dans le mouvement indé. Débutant sur un long monologue à cappella, le titre va littéralement s’envoler avec ce rythme impressionnant, tranchant, vous perçant les oreilles avec des bris de verre. Qu’une envie, bouger la tête, lever les bras et sauter dans tous les coins. Un vrai morceau pour stade, du grand art, qui ferait danser un cadavre. Beaucoup s’y essayent, peu y arrivent. Le refrain casse le tout, dénué de beat, pimp en diable, Totally Rad lançant des « Chaaaampiiiiiooonnn » langoureux sur un synthé planant pour bien caresser vos esgourdes. Uh ? Mais c’est quoi ce morceau ? Pourquoi ne passé t’il pas à la radio? C’est qui Kanye West ? Have you ever been to china? Pourquoi le monde est il si mal fait ?








Il est clair que ce « Mc Totally Rad and Dj Fuck are Fuck’n rad » justifie à lui seul l’achat du coffret. Cette richesse d’ambiances au fil des morceaux, cette précision de Sibot à la production, jouissive, et surtout ce Mc, que l’on a enfin pour nous sur un album entier. Fini le grattage de morceaux glanés ici et là. Il est débout, il est grand, impressionnant, versatile, complètement fantasque, un vrai mutant du micro. La symbiose et la complicité entre les deux énergumènes est tout simplement évidente. Elle nous gicle à la gueule à chaque beats, chaque mot, chaque changement de rythme. On a rarement vu des mecs autant assumer leur connerie, de la plus belle des façons, en nous filant autant de plaisir à les écouter que Mc Totally Rad en prend à jouer le cinglé.
Ce disque est tout simplement énorme.






————————————————————







Un coffret de trois disques donc, pour nous donner un bon gros panorama sur une facette de la musique hip-electro-hop d’Afrique du Sud, portée par le label African Dope. (Là où beaucoup ne se seraient limité qu’au Sampler soit dit en passant…)
Et la bonne nouvelle, pour parachever le coup de la bonne initiative, c’est que le coffret est proposé au prix d’un gros disque, soit 18 euros environ. Une broutille vu la qualité du tout.


Pas besoin d’expliquer combien l’achat de Cape Town Beats est indispensable pour toute oreilles ayant soif de découverte.


Si Jarring Effects pouvait faire un tour du monde avec le même concept, je signe tout de suite.











15 Titres + 22 Titres + 15 titres – Jarring Effects
Dat’










  1. best CBD oil Says:

    always a big fan of linking to bloggers that I adore but dont get quite a bit of link adore from

Leave a Reply