Samon Kawamura – Translations



Lost in Delicacy





Les Allemands ont du comprendre que les Japonais avaient un coup à jouer dans la musique Hip-Hop. Car si l’on excepte le roi du genre Dj Krush , il est quasiment impossible de trouver du Hip-hop Japonais, instrumental ou non, à l’exception du disque de Suika en France, Dj Honda ou de deux trois galettes de Dj Baku. Et encore, il faut chercher en s’armant de courage voir s’acharner sur nos pauvres vendeurs… (Alors un jour, peut etre, on verra les genies de Tha Blue Herb dans nos rayons…)
Le gros Label Scape ne s’y est pas trompé, sortant le nouveau disque d’un groupe Japonais Inconnus chez nous mais culte dans l’underground du Soleil Levant, les Cappablack. Résultat, l’un des disque à posséder cette année, supplantant tout ce qui a pu se faire dans le genre récemment. Bien lui en fasse, Nesola Records tente eux aussi de dénicher la perle rare en sortant ce « Translations » de Samon Kawamura, jusqu’à lors inconnu au bataillon dans nos contrées.












Les superbes photos ornant le livret ne trahiront pas la musique, le tout est de grande classe. Tête oscillant inévitablement sous la musique, pour 21 Titres instrumentaux tirant plus dans les touchent Jazzy que l’electro des précités Cappablack. Le tout bien évidemment écrasé par de bons beats Hiphop plus ou moins acérés, claquant dans vos oreilles comme deux couilles sur une banquise.
Les comparatifs peuvent être nombreux, et l’on pense bien évidemment aux bijoux de Madlib pour les pistes les plus Old-School, mais Prefuze 73 sera très rapidement évoqué à l’écoute de pites comme Wake Up ou One And One, qui aurait pu directement sortir d’un Extinguished Outtakes ou d’un Vocal Studies + Uprock Narratives sans rougir : Beats appuyés avec un petit effet de roulement, sample de guitare hachuré donnant un groove imparable, scratchs étouffés et discrets… la mixture est parfaite.
Dans le rayon des grosses réussites, U Nu serait passé comme une lettre à la poste dans le Shade Of Blue de Madlib, avec ce piano Jazzy terriblement entraînant, sautillant entre les attaques de la boite à rythme du Japonais. L’envie de se muscler la nuque sous l’effet du tout se fait rapidement sentir, bien tranquillement calé dans son canapé.

Des voix ? il y en a, mais constamment étouffées, déconstruites ou hachées, étant souvent de vieux sample Soul parés pour être désossés à l’envie, à l’instar de Everlasting ou How Long. Même la seule participation vocale signalée sera très discrète, les susurrements de la chanteuse Fumie faisant complètement corps avec l’écrin très Jazz.


Jazzy. On en parlait récemment avec l’excellente livraison de Kuniyuki Takahashi, on parle encore ici d’orientation raffinée. Mais si le dernier balançait des rythmes syncopés entre ses effluves afro-jazz, Kawamura tisse ici un panel de Beats super classieux. La première image qui vient en tête, c’est le bar enfumé, ou l’on distingue plus le brouillard des cigares que ce qui traîne dans nos verres. Celui où un piano ne délaisse la chanteuse anonyme à sa gauche que pour divaguer quelques instants. Celui où la moitié des gueules semblent menaçantes, où l’on se fond dans al masse, les yeux perdus dans le vague, à savourer cette bulle naturelle composée d’anonymes aux pensées tout aussi vagabondes.









Mais alors pourquoi « Translations » ? Et pourquoi poser d’une façon si sérieuse dans un aéroport sur la pochette ? Parce que Samon Kawamura nous fait indéniablement voyager sur ses compositions. Mais pas obligatoirement à cause de leur exotisme, finalement plutôt limité. Contrairement à la dernière galette d’Oh No, ce n’est pas grâce aux Samples que l’on va voir du paysage, même si les Sitars d’Astral, ou les flûtes asiatiques de People pourraient me faire dire le contraire. Non, c’est réellement par sa propension à nous tisser des ambiances enivrantes, poussant directement à la rêverie que Kawamura nous envoie dans les nuages. Justement, là où le besoin de s’évader est le plus sensible, entre deux vols capricieux, entre deux correspondances aériennes retardées, à errer dans un grand complexe déshumanisé pour échapper à l’ennui. « Translations » c’est ça. Nous guider l’esprit le temps d’une heure, nous cajoler l’âme dans un univers ouaté, fait de bars enfumés ou de parcs avides de gens en quête de plénitude. Tout est distillé d’une façon extrêmement précieuse, ciselé avec grand soin, et toujours avec goût. On ne tombera jamais dans la débauche facile d’effets ou dans le beat trop rentre dedans, tout en ne évitant l’écueil de l’instrue linéaire ou du Jazz Downtempo d’ascenseurs.

Et surtout, contrairement encore à la dernière très moyenne livraison d’Oh No, on a ici de vraies pistes, de vrais morceaux, bien conséquents, et pas une simple collection de jolies rythmiques ne dépassant pas la minute. (Sûrement l’écueil le plus grave à éviter dans les disques du genre. Seul le Extinguished: Outtakes du précité Prefuze 73 s’en est sorti avec un brio inegalé.)








Reste alors un simple petit manque de folie au tout, mais folie qui aurait de toute façon jurée face au monolithe de prestance qu’est ce « Translations ». Dj Krush va devoir se bouger un peu s’il ne veut pas se faire doubler par une batterie de musiciens Japonais tout aussi motivés pour nous ravir les esgourdes, Cappablack et Samon Kawamura en tête. Il est aussi clair que, pour ce dernier, ceux qui n’aiment pas le Hiphop instrumental à teintes fortement acoustiques peuvent directement passer leur chemin. On est dans le pur et dur là, presque trop fortement classique. Mais qu’il est bon parfois de se « laver » un peu les oreilles, de se laisser aller sur des structures simples et directes, avec des Beats qui claquent méchamment, et des samples coupés à la serpe d’or. Tout simplement.


Et si votre nuque se met inconsciemment à bouger d’avant en arrière sous l’effet du rythme, ne prenez pas peur, c’est tout à fait normal.









21 Titres – Nesola Records
Dat’









  1. Gee23 Says:

    J’adore la pochette, classe… Ca donne envie pour le côté bar enfumé que tu dépeins avec brio :jap:

  2. wony, visiteur Says:

    ah ces japonais!!! Ca a l air vraiment trés bon, et je suis tout a fait d’accord avec toi, parfois une bonne instru classe et bien appuyée par un beat efficace ca fait vraiment pas de mal. Bien au contraire!

  3. tom, visiteur Says:

    Salut, alors moi je t’écris pas pour cette chronique. J’ai découvert ton site en cherchant une chronique sur Villalobos et j’ai été scotché par ton acuité, ta qualité d’écriture et un goût certain. J’ai ensuite lu presque toutes tes proses (celles qui m’intéressaient)et je suis vraiment conquis. Seulement, là où j’ai été étonné,c’est quand tu as avoué ton amour pour Pills. J’ai acheté le single Rock me quand j’avais 14 ans et franchement j’ai toujours pensé à une mauvaise blague: cet hystérique obscur avec ses dreadlocks rouges toutes pourries et les scarifications sur la pochette, ça faisait un peu trop satanique pour moi et un peu bidon par la même occassion. Cela semblait être une vieille blague. Ensuite, perso, le titre, franchement pas terrible. Je vais peut être te décevoir car j’ai cru comprendre que tu les kiffaient pas trop, mais je suis fan (on peut le dire) des daft punk. Attention, fan première heure, depuis da funk. Parralèlement à toi, ce sont eux qui ont jalonné pour moi ma culture musicale. Cette dernière n’est pas trop éloignée de la tienne: Autechre, Clark,mr oizo… en musique électronique, je pense pas mal en connaître. En tout cas je connais quasimment tout ce que tu as chroniqué et j’adhère complètement à ta vision. Sauf que Pills… Donc comme je suis ouvert d’esprit, j’ai trouvé electrocaine et musicsoldia sur ebay, ben ouais paske à part rock me, comme 99 % de la population, je ne suis pas allé plus loin, (mais moi je le reconnais) et je vais écouter. Tu vois, ton style m’a convaincu qu’il fallait que je laisse de côté mes préjugés. Bravo!Je te recontacte quand j’ai écouté, et j’espère vraiment m’être trompé sur le cas Pills et avoir assez de recul pour me mettre dans le contexte…

  4. Dat' Says:

    Ah j’aime énormement les Daft Punk ! Et Fan de la premiere heure aussi (tu as peché où le contraire?)
    Le premier album a ouvert une vraie porte dans ma culture musicale, et le deuxieme est absolument culte pour moi. Seul le dernier m’a vraiment refroidi, je le trouve vraiment mauvais (pas d’autre mot).

    Le seul truc dommage, c’est que les gens ont écouté Daft Punk sans chercher à aller plus loin. Quid des Etienne de Crecy, Zdar ou Boombass qui sont tout aussi talentieux? Un vrai rouleau compresseur, qui a permis à l’electro d’avoir enfin toute sa noblesse. Mais un peu trop rouleau compresseur justement…

    En tout cas merci pour ton post, cela fait plaisir de lire quelqu’un de passionné aussi.

    Pour le Pills, c’est un cas à part. Comme je l’ai expliqué dans le texte, ce gars m’a eveillé aux sons crades. Le single Rock Me est une grosse bastonnade putassiere, certes, mais l’album est bien plus profond, et surtout, CRADE, saturé. Donnée tres importante dans mon appreciation du “groupe”. Pour le reste, je trouve Musicsoldia absolument énorme.

    M’enfin on ne peut jamais etre d’accord sur tout dans la musique, je surprends les gens en ayant meme quelques Cd d’eurodance dans mes tours à disque ^^

  5. Tanukii-Sama, visiteur Says:

    tout a fait d’accord avec et j’ajouterai DJ MItsu a la liste des pures merveilles venant du pays du soleil levant.

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