Clark – Throttle Furniture



Empty The Flesh Of You








On a laissé Chris Clark avec son mirifique album Body Riddle, en fin d’année dernière. Disque qui fera, j’en suis sur, date dans la musique électronique. De par sa beauté intrinsèque, déjà. Par la féerie et la force de ses compositions, ensuite. Mais surtout pour avoir proposé un son qui n’avait alors pas d’équivalent dans la musique jusqu’à lors. Même une personne insensible à la musique électronique et au dernier disque de Chris Clark ne pouvait nier cette incroyable façon de traiter le son, de nous emplir la tête, le corps et le coeur, de nous plonger dans une telle sculpture musicale. Une texture sonore, une puissance effroyable, un relief hallucinant, impressionnant n’importe quel musicien, allant jusqu’à dégoûter, voir décourager certains électroniciens professionnels, se demandant comment offrir une telle qualité de tessiture de son après ça… Comme le fut « Loveless » de My Bloody Valentine pour les amateurs de Rock en son temps…

Pourtant le choc aurait pu être anticipé… Car avant ce « Body Riddle », qui a réveillé de sa propre personne un label Warp un peu moribond ces derniers temps, Chris Clark a sorti, et de son pseudo nouvellement raccourci, « Clark », un Ep sensé annoncer la sublime bourrasque. (A ne pas confondre avec un autre Clark qui verse dans la Pop…)

Vu qu’il va falloir attendre encore pas mal de temps avant de voir échouer dans nos esgourdes une nouvelle production du maître, il était plutôt de bonne augure de parler de ce Throttle Furniture, trop important, trop bon, pour le laisser dans son coin si longtemps sans en parler.














Nous avions déjà parlé de Herr Bar, présent sur Body Riddle, nous ne nous appesantirons donc pas dessus une nouvelle fois. Mais malgré tout, à chaque nouvelle écoute ce morceau est une claque. D’une beauté absolue. A vous raidir tout votre putain de corps, à vous arracher le coeur avec les mains. Démarrant sur une mélodie de clochettes chahutées par des percussions sèches et presque aléatoires, le titre va petit à petit se laisser submerger par une vague bruitiste incroyable, une sorte de bruit blanc qui va emporter tout ce qui peut valdinguer dans votre conscience, vous projeter bien haut pour vous laisser retomber comme un vulgaire cadavre. La montée est impressionnante, l’une des plus impressionnante phase qui m’ai été donné d’entendre dans la musique depuis des années. Au casque, le volume à bloc, la première écoute est saisissante… D’une beauté ineffable et oppressante à la fois. Comment une telle candeur, une telle innocence en guise d’introduction peut elle autant se faire défoncer, sublimer, enlacer de la sorte par ce monstre sonore ?
Ecouter Herr Bar les yeux fermés, c’est imaginer le corps d’un enfant se faire laminer, déchiqueter par des rochers, au grés des courants d’une mer déchaînée…
C’est sans équivalent.









On change clairement d’optique avec Re Scar Kiln qui débarque presque trop brutalement pour tout les groggys du titre précédent. Basses vrombissantes (réellement, sans métaphore aucune) sur lit de claviers malsains et imposants, on est directement renvoyé, avec cette rythmique mutante, hésitant entre Drum and Bass et IDM, à un Aphex Twin des grands jours, celui qui pouvait faire danser n’importe qui avec un Windowlicker sorti de nul part… Mais ce sont les digressions sonores brisant de plus en plus la piste qui vont venir directement percer nos cortex. Le morceau presque potache se mue alors en ode au bruitisme déstructuré, penchant plus du coté du cinglé RA que des premières productions de C.Clark…

Alors il faut penser à calmer le jeu. A instaurer une atmosphère presque pétrifiante, avec le claustrophobe Urgent Hell Jack, qui après une intro traumatisante pour les oreilles sensibles, va virer de bord pour se complaire dans une Jungle de malade, zébrée par des éclairs Noise qui feront chavirer les tympans… Véritable brûlot, si ce n’est la piste la plus saccagée de Chris Clark, elle assène un violent coup dans les dents à ceux qui ne se serait pas préparé au saccage. Pourtant, le titre va brusquement se calmer en son milieu, pour laisser perler un ensemble de percussions difficilement identifiables, métalliques, comparables aux rythmiques sèches et arides du dernier disque des génies d’ Autechre, et qui vont se nécroser sur elles mêmes petit à petit pour finir dans un marasme de cliquetis.









Mais ces deux morceaux, si imposants soient t’ils, ne pourront faire le poids face à Frau Wav Brief Fling, version alternative du très calme « Frau Wav » de Body Riddle. Voir plus qu’alternative puisque les deux n’ont finalement rien en commun. Et c’est tant mieux, tant cette version surclasse, défonce, humilie la version de l’album en terme de qualité. C’est simple, ce Frau Wav Brief Fling est sûrement le meilleur morceau de la carrière de Chris Clark, avec Herr Bar, Wolf et Night Knuckles…
Et quelle entrée en matière, mon dieu. Clark est en transe, et nous avec.
Deux parties, bien distinctes : On déboule sur une espèce de Dance Rave avec une mélodie de fou, à danser obligatoirement, à vous arracher les jambes sans rémission. Le synthé, imposant comme la mort, casse la gueule. On lève les mains, on crie, on bouge et on saute dans tout les sens, à s’en briser la nuque, on s’abandonne comme la centaine d’autres êtres et âmes errantes semblant se perdre dans leur nuage de drogues, de rêves, de désillusions…
Malgré ce rouleau compresseur Dance, une ritournelle, divine, fragile semble perler, timidement. Et emplie petit à petit l’espace, coulant sur cette saleté de synthé comme le ferrait des larmes sur les joues d’un danseur désincarné décrit ci-dessus… Et ce n’est pas une image. On se sent réellement triste. Les claviers hallucinés s’effacent petit à petit, nous laissant seuls avec ces nappes fantomatiques, tristes comme la mort, nous étreignant la gorge.

Ce titre, c’est la mise en musique de l’abandon, de la solitude, de la descente. La mise en musique d’une soirée de folie qui glisserait lentement vers la dépression, vers l’accablement, vers la terrible sérénité d’être délaissé au milieu de nulle part. De courir, de crier en vain, de serrer ses mains sur du vide, de tendre les bras vers un horizon complètement opaque… C’est impressionnant, sublime, dérangeant, unique.







Et cette impression va être littéralement subjuguée par le dernier titre, Dusk Swells, qui en est la continuité directe. Et qui va être un titre d’ambiant désincarné, lent, et poignant, fait de nappes discrètes et superposées, dessinant les dunes d’un désert musical semblant ne jamais été avoir foulé auparavant. Morceau qui n’aurait presque pas d’intérêt s’il n’était pas la continuité directe d’un disque à tomber. Ce Dusk swells c’est la piste d’atterrissage salvatrice, propice à tout songe engendré par l’écoute de cet ensemble de pistes qui n’est rien de moins qu’un chef d’oeuvre… Où comment sombrer dans ses pensées après avoir été physiquement pilonné, troublé, touché, bousculé dans son fort intérieur par Chris Clark.










5 titres. Immenses. Qui ont engendrés d’un monstre, d’une future pierre angulaire du label Warp, et donc de la musique Electronique, Body Riddle. Mais ce Throttle Furnitures ne doit pas être considéré comme le simple EP précédant un album.
C’est un grand disque de musique électro, un chef d’oeuvre qui explose à chaque seconde de musique distillée ici, qui s’écoute en entier, les yeux fermés, le corps prés à partir dans l’autre monde. C’est une musique qui parle directement à votre coeur, à votre âme. Qui vous retourne comme un vulgaire pantin. Qui vous marque à jamais.


Chris Clark est un grand homme, un grand musicien et ça, il faut que tout le monde le sache.











5 Titres – Warp
Dat’

Disponible sur le Warpmart / Bleep.com à 3$99, autant dire une broutille vu la qualité du tout









  1. LordMarth Says:

    oh my god du nouveau clark miam miam
    Il commence à prendre de l’ampleur sur Warp le monsieur, faut dire que body riddle donnait des crampes de machoire 😀

  2. vlad1595 Says:

    Mouarf tu files bien envie mais le truc est pas choppable en CD… Et acheter des mp3 c’est un truc auquel je suis pas près de me faire… :/

    Le Throttle Clarence (sorti en parallèle du Furniture il me semble) est dispo en CD sur le site de Warp par contre et me fait de l’oeil…

    En tout cas y a l’air d’avoir des trucs plus “dansants” (on se comprend) sur ce Throttle Furniture et sur d’autres de ses release on dirait qu’il y a des trucs bien tubesques, ça expliquerait quelques morceaux hyper dansants auxquels on a eu droit au concert qui n’avaient rien à voir avec Body Riddle…

    Bref j’essayerais bien d’écouter quelques autres releases avant de retourner le voir le 14 septembre \o/ *enculé*

  3. Gee23 Says:

    Wishlist, tu vas me tuer ^^

  4. Demosth Says:

    Ha, j’ai été un peu déçu par ce throttle furniture quand même.

  5. Dat' Says:

    Ah bon? en quoi?

    Lordmarth ==} ce n’est pas un nouveau il précéde de peu le Body Riddle

    Vlad1595 ==} certes, mais vu le prix, la rapidité et la facilité du service de bleep (meilleure plateforme d’achat en ligne je trouve) je ne vois pas ce qui pourrait empecher de craquer… (et vu son prix risible et le fait qu’il n’existe evidemment pas en sortie “physique”)

  6. Demosth Says:

    Je dirais que les titres hors albums dans cet ep sont légèrement en deçà de celui-ci, mais quand je dis déçu, c’est pas non plus totalement déçu. Comme sur Throttle Clarence d’ailleurs.

  7. Skorn Says:

    Herr Bar, Wolf, Fraw Wav Brief Fling… brrrrr, rien qu’a y repenser je tremble de partout…

    Je t’aime Clarkounet !

  8. wony, visiteur Says:

    Je crois qu’il était disponible en 1000 exemplaires au format miniCD (Comme throttle clarence) mais qu’il est parti super vite. Throttle clarence ressemble plus a ce qu’il faisait avant body riddle.

  9. Dat' Says:

    Effectivement je crois même qu’il etait vendu specialement en couple avec Body Riddle !

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