Merzbow – Merzbear



Chute








Ah Merzbow. S’il devait exister un pays des musiciens cinglés, il en serait sûrement l’un des rois.

Masami « Merzbow » Akita officie dans la musique depuis plus de 25 ans, et s’est permis de sortir plus de 200 Cds ( !) sur les plus grands et/ou les plus discrets labels de musique Electronique, Rock indépendants ou autres structures pour désaxés.
Merzbow est évidemment le représentant de la Noise le plus connu et le plus respecté, tout en étant considéré comme le père de la « Japanoise », tant ce courant musical ne peut être dissocié de son bouillonnement au pays du soleil levant.

Car si la Noise, genre honnis par la musique elle-même, considérée comme un sous-genre ne méritant au final de ne pas exister, de ne pas être représenté autrement que dans des concerts anonymes au 36eme sous sol d’une cave, a pu être totalement libérée de toute critique, de tout jugement de valeur, de tout crachats acerbes d’intellectuels en manque de cibles, c’est bien au Japon. De nombreux artistes l’utilisent, l’assume, la façonne, lui donne une envergure sans précédent. Des magasins collés à des échoppes mainstream se spécialisent dans cette musique façon attentats-sonores, et l’on ne rechigne pas à la sortir à toutes les sauces. Car qu’on se le dise, la musique a besoin d’un genre qui refuse tout compromis, d’une telle brutalité implacable, d’un jusqu’auboutisme assumé jusqu’au plus profond de sa moelle.

Et même si beaucoup ne pourront jamais se plonger à corps et à cris dans la Noise pure, beaucoup l’utilisent avec des pincettes ( Nine Inch Nails, Sonic Youth, Dalek… ) ou d’une façon complètement décomplexée (John Zorn, Melt Banana, Mike Patton, “SunO)))”, Atari Teenage Riot, Throbbing Gristle…). La liste est évidemment trop importante et impossible à dérouler. (Et il est intéressant de voir que Merzbow a collaboré avec la quasi-totalité de ces artistes…)





Merzbow, lui, continue donc son travail de sape. Merzbear est le dernier disque sorti de sa série des « Merz_ (insérer un mot)» après les Merzbuta, Merzbird ou Merzbuddha…
Apres des essais strictement digitaux, voir Harsch Noise, pas toujours convaincants, Merzbow semble revenir un peu vers l’analogique, et se permet même de ressortir ses guitares.

Sortez les pots de miel.















Outre un artwork qui porte illustre évidemment bien le patronyme Merzbear on se retrouve, comme habituellement avec Masami Akita, avec un boîtier sobre, minimaliste, mais plutôt classe. Le tout cartonné, avec une photo du maître torturant ses machines et un texte en Japonais qui restera bien obscure. 4 pistes pour un disque d’environ 50 minutes, on n’en attendait pas moins du Monsieur.









Part 1 est presque déroutante. La déflagration est gigantesque. Sans pour autant vous agresser une seule seconde. (Enfin seulement pour les oreilles habituées, sinon le choc risque d’être rude.) Une masse de son, sourde, lourde, pesante, vous emplie les oreilles, le corps, le coeur, pour vous laisser groggy des les premières minutes. Aucune autre agression que celle d’une implacable « masse » sonore, pratiquement inarrétable. Pas de bruits stridents, pas de beats violents, non, juste cette nappe, effrayante, effarante, qui s’avance vers vous, tel la plus destructrice des tempêtes. On est en plein dans l’oeil d’un cyclone, d’une gigantesque tornade. Tout tourbillonne autour de nous, sans aucun point d’accroche ni de repère, rien, à part ce mur ébouriffant vous enveloppant à 360°. On parle de tempête, car derrière ce typhon, un semblant de destruction semble perler, semble se laisser deviner. Comme un jeu de piste. Vient t’elle d’happer une maison ? Une usine ? Des animaux ? Des variations transparaissent, tentent de surnager de vous attraper le bras pour vous entraîner en vain à l’extérieur de la bourrasque. Sur la fin, on distinguera même comme un instrument du Moyen-Orient, perçant comme il peut la surface de ce morceau, pour mourir, balayé comme un vulgaire fétu de paille par la puissance déréglée des machines.

Une baffe énorme, on vient de se faire littéralement ramoner le crâne par Merzbow. Pourtant rien ne relève de la maltraitance ici. Ni même de violence, ou de rage. Car derrière ce Maelstrom aberrant se cache presque un sentiment de plénitude. C’est tout à fait ça, une plénitude, un voyage aux confins des machines, des fils électriques, des guitares ravagées, des androïdes, de la guerre des sons. On ne participe pas à la bataille, on la survole, on la contemple, notre nuage tremblant sous les explosions sans jamais nous laisser dégringoler dans le chaos. On caresse ce dernier avec notre main, sans qu’elle soit arrachée.








La Part – 2 va nous ramener dans des confins plus habituels de ce style musical : Une ligne de saturation va courir tout le long du morceau, pour donner le « la », pour en être son ossature. Elle crie, se démène, se débat, se révulse, se contorsionne dans tous les sens imaginables, comme un être proche de la mort. Mais ce qui va retenir notre attention, c’est cette pulsation, régulière, ininterrompu pendant ces 10 minutes, qui va battre tel un coeur. Qui va servir de repère, de bouée de sauvetage. Ce battement servant de rythme, presque naturel, nous donne l’impression, vu que le son est toujours aussi envahissant, d’être un putain de foetus en attente d’être siphonné par le bas. Mais le foetus n’est pas dans un habitat fait de chair et de sang, il est compressé dans un habitacle froid, gris, crade, avec une pompe en ferraille rongée par la rouille à la place du cordon ombilical. L’accouchement n’est pas fait dans les règles de l’art. Ce battement de coeur que l’on perçoit, qui nous berce, subsiste encore, mais la saturation, la scie circulaire qui s’approche de nous, qui tente de percer la coque, la croûte nous séparant du monde extérieur se rapproche de plus en plus violemment, ne faisant pas dans le détail, tranchante comme jamais, pour percer littéralement le tout et nous laisser assister à un véritable déferlement d’organes, une vague de merde métallique qui nous emplie les oreilles, la bouche, le nez, pour nous couper le souffle, nous noyer, nous étrangler en se faufilant dans la moindre ouverture de notre organisme.







Comment daigner ne pas se laisser surprendre par les Part – 3 et Part – 4 ? Comment les aborder avec toute sa tête, comment ne pas craindre de plonger dans ces deux monolithes qui se disperseront chacun sur plus d’un quart d’heure ?

Le Part – 3 va faire la part belle aux saccades dans son intro. Le son, lourd et profond proposé jusqu’à lors va être cuté et parsemé d’une oscillation façon « laser ». On se retrouve avec un son que j’ai toujours trouvé incroyable, ce son « blanc », mur de sons qui semble imiter une bourrasque de vent de 200kmh, une pluie diluvienne, ou une mousson géante tombant sur votre tête comme si les océans se vidaient d’eux même. Le tout reste moins inflexible et inhumain que les deux premières pistes, et donne plus l’impression de faire une longue longue chute dans le vide, le vent formant un écho exacerbé par un vide incommensurable.
L’écoute file le vertige, tout simplement. Pourtant des bruits, entre une machine pétant les plombs et un jeu vidéo tout droit sorti d’une vieille Atari se démène, se déroule, crie, craque et sature, sans parasiter une seconde notre chute.
On ne la voit au final que comme un compagnon de déchéance. Voila, c’est tout à fait ça. Deux corps se dissipent, tombent à l’infini dans un tube aux dimensions gargantuesques. Votre voisin, sachant sa fin inévitable, crie, hurle, se révolte d’une façon désespérée car totalement vaine. Vous, vous entendez ses implorations sans les prendre en compte, en les mettant au second plan. N’etes vous pas aussi en train de voir le néant défiler autour de vous ? Mais contrairement à l’âme voisine, vous profitez de ces instants, en vous laissant happer par le vent, laissant le tout s’effacer au profit de ce mur de son léger et presque apaisant. Le fond approche, car tout se coupe, presque brutalement, pour laisser une machine éructer sa douleur, imploser, se nécroser pour mieux craquer de toute part, comme pour symboliser le spectacle cauchemardesque et le fracas indescriptible d’un être s’écrasant au ralenti. Impressionnant.




Part – 4 va cravacher dur des le début, avec une ligne un poil trop saturée si l’on écoute le disque depuis son début. Mais très rapidement, la digression va disparaître, ravagée d’une façon effroyable par des androïdes en pleine mutation, tabassants tout sur leur passage.
La piste restera d’une violence sans égale, mettant de coté tout soucis de confort pour l’auditeur. Ce qui, pour ce dernier, laissera un arrière goût de sur excitation, préférant donc à coup sur les 3 premiers essais du disques, alliant à merveille sérénité et violence incontrôlée.













Car Merzbow nous pond là tout simplement l’un de ses meilleurs disques depuis quelques temps, et surtout la meilleur galette de sa série « Merz_(insérer un nom) ». Les 3 premiers titres sont hallucinants, et le premier est sans conteste le moment de bravoure du disque.
Le son est absolument énorme, incroyable, ultra lourd, pesant, oppressant, implacable, sans possibilité de nous laisser respirer une seconde. Le tout est extrême sans pour autant nous faire grincer des dents une seule seconde (bémol pour la dernière néanmoins).

Les émotions ressenties lors d’une écoute sérieuse de ce disque sont indescriptibles. Evidemment, pour la quasi-totalité des humains normalement constitués, le rejet sera immédiat. Mais si l’on se laisse envelopper, séduire, torturer par la musique on en ressort bousculé, comme si l’on avait défriché, découvert des terres vierges de tout parasites, de tout compromis, pures de toutes visites antérieures.

Car on assiste ici à une Noise de haute volée, ne dépassant jamais la limite de l’écoutable, semblant emporter tout sur son passage, et pas à cause d’une agressivité latente, mais juste d’une magnitude, d’une importance et d’une dimension gigantesque. Si la musique de Merzbow était une vague prête à nous engloutir, on n’en verrait clairement pas le sommet, mais uniquement un amas massif de teintes noires et sales. Un monstre sombre et oppressant vous engloutissant de tout son etre, comparable à “Absence” de Dalek, ou “Ordo ad Chao” le dernier Mayhem. Le genre de Disques qui pronnent la destruction massive, l’abandon total.



La musique, dans toutes ses formes, nous transperce, nous bouscule, nous attriste, nous amuse, nous fait sourire, rêver, pleurer, planer, crier…







Celle de Merzbow, sur ce Merzbear indispensable pour tout amateur de Noise, vous submerge, vous étrangle, vous piétine, vous écrase tel un gigantesque rouleau compresseur, et vous laisse simplement pour mort après écoute…












4 Titres – Important Records
Dat’










  1. LordMarth Says:

    merzbow ou l’homme à la disco longue comme la mer atlantique 😆 merci en tout cas la jaquette est énorme

  2. Aeneman Says:

    :bave:

    ARf…pourquoi j’ai pas un disquaire potable ici?…enfin bref vais essayer de me chopper ça…

    Mais quand tu parles de noise inécoutable pour la majorité des gens, ça reste “proche” de qqch dans lequel on distingue un brin 2-3 trucs où c’est un gros bordel sonore inaudible? Pas que je sois fan de la noise brute de chez brute mais un truc comme Sun O))) je peux vraiment pas quoi…

    Et effectivement je t’avais déjà dit qu’il fallait que je me prenne un cd de Merzbow :fou: (me rappelle très bien de la pochette avec le couteau ^^…)

    Rah…bon bah faudra que je me décide un de ces 4 à me prendre une visa je crois T_T

  3. Dat' Says:

    Non non le son reste tres “grave”, lourd et sourd.
    Ce n’est pas du “Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip” a fond les balons.

    Je te dis, ça lorgne plus du coté des demarches, en plus extreme, de Dalek ou Mayhem (enfin le dernier) que des saturations qui percent les tympans. LE contraire de SunO))) quoi…

    C’est un “mur” de son, pas une perceuse…

    Si tu veux un disque de Merzbow, prends celui là…

  4. Aeneman Says:

    Ok si c’est pas du *biiiiip* alors :lol:…

    Vais voir si je peux me le récupérer…en plus la pochette a la super classe quand même :afro:

  5. Nada, visiteur Says:

    Bon, j’vais essayer de le choper celui là …
    Quand à Sunn O))), que je viens de découvrir en live à Dour, quel album conseils tu ?

  6. Dat' Says:

    Putain vous etes tous allé à Dour ou quoi !

    Pour sun, je dirais le “Black 1″… M’enfin à eviter tout les jours au petit dej… Masi à ecouter au casque, dans le noir.

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