Otomo Yoshihide – Multiple Otomo



Turntable Graveyard






Otomo Yoshihide est une grande tête pensante de la musique expérimentale. 20 ans qu’il a ce style de musique en intraveineuse. Il est connu par certains comme étant l’instigateur de son collectif « Ground Zero », crachant un Rock Noise sans limite, surréaliste. Mais c’est aussi un grand adorateur et musicien de Free Jazz, et un défricheur de sons, que l’on pourrait pratiquement élever au rang de scientifique sonore. Pire ennemi des platines et autres tourne-disques, Yoshihide s’est longtemps servi de ces derniers pour sortir des sons inimaginables en les torturant comme personne n’aurait eu l’idée de le faire sur cette planète.

Alors quand le label Asphodel sort un Cd + un Dvd de performances inédites du maître, on bave, en ne se doutant pas de la force et du jusqu’au boutisme du voyage qui nous attend…


Et franchement… Qui avait déjà entendu le son d’un vinyle en train de brûler ? D’une scie circulaire sur une platine ? D’une guitare hurlant à la mort ?












Format dvd pour le packaging, qui renferme les deux galettes donc, et agrémenté de superbes photos plus ou moins explicites sur les pratiques tendance SM qui vont être mises en images. Et c’est bien les images qui vont être importantes sur ce coup là.

Il faut être franc, et c’est la première fois que vous aller m’entendre dire cela, mais le Cd est d’un intérêt presque limité par rapport au Dvd. Ne vous méprenez pas, le disque se suffit évidemment à lui-même… Mais le montage vidéo (par Masako Tanaka, Tim digulla et Michelle Silva) est d’une telle force, d’une telle rage, qu’il rend l’écoute seule presque obselète.










Car certains morceaux n’ont pour seule optique que de nous transcrire le son d’une action. Et que sans les images, on se retrouve quelques fois plus circonspect qu’autre chose, sur un son suraigu courant sur une poignée de minutes (Handmade Generator), des pistes presque vides, juste parsemées de sons bizarres, diffus et éparses (Alloy, Surface And Sinewave) ou de grondements sourds et continus… (Coins)

Mais bien heureusement, le Cd renferme aussi quelques petites perles de musique bruitiste, avec les Records I & II & III où Yoshihide s’amuse à saccager des vinyles passés plus ou moins normalement. On perçoit alors, d’une façon presque ludique, des bribes de chansons brisées par des gestes brusques, des changements de Pitch et des superpositions de sons en tout genre. Comme si plusieurs programmes radio étaient mélangés entre eux, sans jamais se fixer sur une station précise. La partie II sera même l’un des morceaux les plus concrets du disque, sorte de Trip-hop ralenti, crade et monstrueux, crissant, avançant comme un char d’assaut tombant en ruine… Vraiment excellent.

Le Japonais nous impressionnera tout autant quand il prendra sa guitare pour littéralement la faire hurler, dans Guitar and Rasps notamment. Abrasive et massive comme jamais, on nous crache ce qui pourrait être l’ultime témoignage d’une Guitare électrique, libérée de toute contrainte musicale, de toute théorie bien pensante.

On pourra être fasciné par certaines pièces plus ambiants, comme avec son Violin Bow With Handmade Needle (Et son intitulé est explicite). Son archet de violon va donc tirer du diamant de sa platine de longues plaintes troublantes, presque humaines, hypnotiques et très agréables à l’écoute. On s’étonne à s’abandonner sur ces longues nappes caverneuses, profondes, rugueuses… Avec deux objets plus que communs, Otomo Yoshihide arrive à créer le souffle d’un monstre tapi dans la plus abyssale des grottes. Impressionnant.










Mais comme énoncé ci-dessus, le travail est d’autant plus subjuguant que quand il est couplé avec des images. Et quelles images !
Chaque court métrage (30 pour être précis) fait concorder avec perfection camera et sons. On a le droit à un rythme épileptique ou au contraire l’utilisation de plans fixes, des images plus ou moins endommagées, séparations d’écran, Zooms de folie, effets en tout genre, j’en passe et des meilleurs…

Et là, on rentre de plein pied dans le domaine de la fascination, foulant de nos yeux et oreilles un terrain inconnu pour le plus grand nombre. Qui serait assez fou pour tester des méthodes pareilles sur ses instruments ?

Voir Otomo Yoshihide fracasser ses vinyles en mille morceaux sur Vinyls après avoir scratché comme un fou avec est juste hypnotique. En parlant de choses hypnotiques, la palme reviendra sûrement à Burner, où l’on va voir fondre lentement un disque tournant sur sa platine, mais passé au chalumeau… Tout est filmé d’une façon superbe, presque sensuelle, avec ce vinyle qui se tord sur lui-même pour devenir petit à petit une boue noire s’enroulant autour du « bras » des turntables. Le son est lourd, comme un grondement humain, bien loin d’une explosion apocalyptique de décibels, comme on pourrait l’imaginer de prime abord…

Comment ne pas se mettre à genoux devant le petit film Hands où le Japonais est filmé avec sa guitare, présentée comme une vraie arme, en contre plongé, criant comme une folle sous les assauts de son gardien, qui a troqué pour le coup son médiator contre une barre en métal. La camera virevolte, ou se plonge littéralement dans les cordes de l’instrument pour nous en faire ressentir toutes les déflagrations. Aussi à l’aise avec ses platines que sa gratte, Otomo nous sert encore un triturage de cette dernière sur Rasps d’une façon moins rentre dedans, en jouant sur les vibrations de la guitare tout en tournant les clefs de tête pour en faire varier la résonance…

Mais la scénette la plus hallucinante restera Color Liquid où l’on va voir / entendre l’effet de jets de liquides en tout genre sur une platine en bonne santé passant un bon petit Jazz des familles ou de la musique latine : Crème glacée fondue, sirop de grenadine, chocolat et je n’ai sais quoi coulent, enveloppent, s’étalent sur les disques, pour un résultat terriblement graphique.











C’est n’importe quoi. A quoi cela sert t’il? Ce n’est pas de la musique! Il est clair que la première pensée qui nous vient à l’esprit, et qui perdurera pour toute personne normalement constitué ressemblera à celles qui viennent d’être énoncées. Mais la démarche n’est pas la même qu’un mec qui va vouloir faire un disque pour faire de la musique. A dire vrai, la démarche d’Otomo Yoshihide n’est même pas comparable à celle des plus âpres activistes de la Noise music, comme Merzbow and co…
Il recherche, il teste, il torture. Ce n’est pas un musicien qui a des années d’avance, un génie ou autres appellations pompeuses. C’est tout simplement un mec à part, qui ose abattre toutes limites. Quoique, ce mot ne doit même pas avoir de signification pour lui. Le film Turntable Graveyard en sera la preuve par l’image, montrant calmement l’étendu des dégâts sur de longs plans continus, toutes les machines ayant rendu l’âme pendant le tournage du dvd étant mises cote à cote.

Il tire de ses instruments des bruits inimaginables, que l’on n’aurait jamais imaginé en regardant une guitare ou des platines. (Pour avoir le même modèle de platines que celles qu’il utilise, je me demande encore comment il peut les faire rugir à ce point, les transformant presque en machines de guerres…)
Plus qu’une merveille sonore et graphique, on tient ici le témoignage d’un homme qui outrepasse les frontières de la bienséance, qui repousse les barrières de l’expérimentation.
Exercice stérile ? Non. Car si personne n’osait tester, n’osait pousser les choses dans leur derniers retranchements, comme la musique pourrait elle avancer, évoluer, muter ?? L’innovation n’est que prise de risque, et là ou tout les groupes de musiques un tant soit peu aventureux ne se contentent que de marcher au bord du précipice, Otomo Yoshihide s’y jette sans hésiter, et la tête la première s’il vous plait.

Et de m’assener en pleine gueule par la même occasion que de jouer de la guitare électrique avec un gros aimant et des trombones autour des cordes n’est pas foncièrement original.








Attention, là ou n’importe qui rendrait l’exercice proposé dans ce CD + Dvd tout simplement chiant, l’artiste et son équipe rend le tout extrêmement ludique, intéressant, riche, et cela d’une façon superbement filmé.
Et c’est bien le tour de force de ce « Multiple Otomo Project » : Rendre attractif, abordable et passionnant quelque chose de complètement hermétique habituellement.




Fascinant.










Trailer du DVD











18 Titres + 30 Films – Asphodel
Dat’








  1. Bluemengua Says:

    ‘tain ça déchire !

  2. vlad1595 Says:

    :sweat:

    Est-ce qu’il verse de la bière sur les platines ?

  3. Skorn Says:

    Tu sais déjà c’que j’en pense. J’ai bien pris mon pied à lire ça !

  4. Dat' Says:

    Vlad1595 ==} nop juste de la glace et autres liquides bien colorés…
    Mais je lui soufflerai l’idée si je le rencontre un jour XD

  5. Gee23 Says:

    le son d’un vinyle en train de brûler ??? WTF ???

  6. Gee23 Says:

    “Comme si plusieurs programmes radio étaient mélangés entre eux, sans jamais se fixer sur une station précise.”
    Ouais bon ok pas pour moi… O___o

  7. Dat' Says:

    mmm? oui tu as bien lu…

    Le son est plutot interressant, mais c’est surtout la maniere dont c’est realisé qui est interressante…
    Tout comme la glace fondue ou le coulis de fraise d’ailleurs, on croirait que la platine est sanguinolente, c’est assez impressionant…

    Quoique, ce n’est pas le pire dans ce Dvd + Cd ^^

  8. Gee23 Says:

    Bon j’ai cherché le trailer et je l’ai vu là http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=61089640
    Bordel ça me crispe ses scratchs avec un archet :crisp:
    Visuellement c’est très étrange mais le son m’indispose, je serai incapable d’écouter ou de regarder ça, ça me bloque comme le bruit d’une nappe en vinyle (le zwiii que ça fait :crispagain:

  9. Aeneman Says:

    :love:….ce trailer :sweat:

    Rah tu fais chier dude ^^…bon c’est quand qu’on va au Japon? :afro:

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