Yimino – Autonoe Vora



Mélodie, Tu m’en auras fait faire…






J’ai un peu perdu la foi lors de la sortie du Variance de Jega. Apres avoir attendu pendant des années un disque semblant incarner le messie d’une electronica qui se raréfie, tomber sur un double disque au concept étrange (2 disques de 30 minutes chacun, c’est incroyablement pratique), et la musique incroyablement datée m’avait un peu décontenancé. Le nuage que j’avais réservé pour la sortie de l’album s’est barré sans m’attendre. Attention, j’y reviens assez souvent, le premier disque étant une bonne galette d’electronica lumineuse et aérienne, palliatif parfait, mais sans franche dimension, d’un album de Plaid qui semble coincé dans les machines du groupe depuis des années. Le problème, c’est le deuxième disque qui ne m’a clairement pas inspiré, vague rejeton sans relief d’un Out From Nowhere d’Amon Tobin, si l’on excepte l’impressionnant morceau “Kyoto”. Bref, après ça, je ne savais plus quoi attendre et je me suis tourné vers le bien cool Few Nolder du même label en rêvant à des mélodies divines.

Pendant ce temps, un groupe semblant debarquer de nul part a sorti sur son propre label un album super mal distribué, donc forcement difficile à écouter sans que quelqu’un vous mette la tête dedans. Ca tombe bien, c’est ce qu’il s’est passé, encore merci pour les échanges de commentaires sur ces pages. Il suffisait en plus d’aller fouiller vers ce qu’avait fait Plaid récemment pour entendre parler de Yimino, vu que le groupe culte anglais s’est fendu d’un remix sur l’Ep Doe.
















Et l’alliance de Plaid et Yimino pouvait pas plus couler de source quand on entend la musique de ces derniers. A dire vrai, en les écoutant la première fois, j’ai cru à un Side project des deux londoniens tant les ressemblances sont grandes. Le même amour pour les rythmiques vrillées et mélodies cristallines / fragiles. Pour s’en convaincre, il suffit de se plonger dans Doe, premier extrait de l’album, qui draguera sans peine les amateurs d’une electronica Warpienne, celle que personne, ou presque, ne fait plus depuis quelques années. L’intro est sombre, crasseuse, grosse ligne de basse tentant de se faufiler entre les rythmes zébrant les tympans, et le tout aura pu se trouver sur Spokes sans trop de problème. Mais le morceau prend son envol avec un break intervenant bien rapidement. Et c’est à partir de ce moment, 1min 11 pour être précis, que je suis tombé amoureux du groupe. Une mélopée, superbe, se déplie, s’élance, s’élevé vers les cieux. Rien de spécial, simple strates de synthés planants supplantés de quelques notes claires. Pesque scolaire, mais là, ça te fonce sur la gueule. C’est bien subjectif une mélodie, vous allez me dire. C’est sur. Mais quand elles font mouche, il n’y a rien de mieux. Plus qu’une simple ascension musicale, le tout devient vecteur de souvenirs, de divagations mélancoliques et autres introspections plus ou moins stériles. On prend son pied, on laisse son âme divaguer en écarquillant les yeux en se promenant dans une mégalopole blindée de lumières. Le rythme tentera bien une soudaine embardée, les claviers s’enrichiront graduellement, mais on s’en fout, on est déjà parti, à ruminer sur le passé et à avoir peur de l’avenir.

Et le disque entier repose sur ce système, sur cette dualité rythmes drill/electronica martelant des mélodies angéliques. Gros bloc de 70 minutes, (et avec des titres descendant rarement sous les 5 minutes) le disque ne laissera que peu de chance aux allergiques d’une musique suintant l’Idm candido-melancolique se pressant jusqu’à la fin des 90’s. Jamais le disque ne frôle les délires neurasthéniques abscons embrasant le cerveau mais laissent le coeur en arriere. Car le palpitant est bien la matière première pétrie tout au long de ce Autonoe Vora. Et contrairement à certains, si Yimino ne danse pas encore sur notre coeur, il se débrouille pour au moins le cajoler, l’enserrer de son mieux. Tous les titres, ou presque, sont là pour ça. Pour nous envoyer au ciel sur un lit de claviers cristallins, tout en nous lardant de coup de couteaux avec des beats escarpés. On crève sur le superbe Kelpy, on rêve sur sombre et beau Miagranov, on abandonne son âme sur le cabossé puis planant Sevenhead.









Là où Yimino surprend, c’est dans son amour pour les samples de voix, cutés, dérouillés, tordus, qui parasitent certains morceaux du disque. Loin d’être de simples apparats, ces intervenants anonymes sont utilisés comme de vrais axes mélodiques et percussifs. Squeeze Me commencera d’une façon commune, avec arc de synthés paraboliques et beat qui se tord, crisse, vrille, mute constamment, roulant sur la mélodie comme un gamin sur son tapis après avoir eu le mauvais cadeau de noël. Drolement, joli, ça convole au grés des nuages, s’infiltre dans nos tympans. Bref, tout se passe tranquillement jusqu’à ce qu’un certain Pigeon ( ??), à l’accent bien prononcé vient balancer ses réflexions agrémentées d’une tonne de Fuck Fuckin’ wicked fuckin’ sixteen i try fuckin’ hard…. Le morceau bascule dans un espèce de The Streets qui voudrait flirter avec un Amber d’ Autechre. Et les lyrics sont broyés, coupés, histoire de copuler au mieux avec le rythme convulsé du morceau, et avec cette mélodie qui n’arrête plus de monter et de nous étrangler.

On retrouvera ce procédé sur quelques morceaux, dont le très réussi No Gamet, invitant le discours d’une demoiselle, pour le poser sur une electronica céleste mais tordue. Souvent sombre, et coupée par des tunnels Idm décharnés, le titre va petit à petit fondre vers un Hiphop electro hypnotique. Même combat pour Bracket, qui commence d’une façon bien sombre, avec des machines se nécrosant sur elles-mêmes, implosant sous des impulsions sonores semblant aléatoires. La même demoiselle refait son laïus, mais c’est pour laisser cette fois le morceau partir peu à peu vers le paradis, se dernier laissant une mélodie lumineuse perler graduellement, parvenant à éviter au mieux les aspérités d’une electronica sauvages, qui tentera des soulèvements presques indus pour détruire la belle. Ca crache, ça se cabre, les beats se déchirent, se bouffent entre eux, mais au final, il ne reste plus que cette mélopée enfantine et sereine.

Au final, Yimino arrachera les coeurs en plaçant le meilleur titre de l’album en fin de celui ci, avec Ze-Ka. Et là je déconne pas, c’est du sublime. On sent que c’est du sérieux des l’introduction, avec cette mélodie malade en fond sonore, fragile, portée par les échos. Les rythmes défigurés tente de faire couler le sang, mais la sérénité s’empare vite du tout. La voix féminine est ici réduite à de simples intonations servant à construire une mélopée divine. Et ça s’eleve, ça monte, ça s’enrichi de tous les cotés. Et moi je lâche irrémédiablement prise, je joue avec le néant, je flirte l’inconscience. La nana se tait, alors un synthé parfait prend le relais, les notes cristallines pleuvent, c’est bourré de petits détails et l’on accepter de se laisser dériver, de se faire écraser le coeur, de se noyer. Le cerveau vomit ses souvenirs, la gorge se serre. Ca me fait chier, j’ai le coeur trop mou, Le groupe a su pondre le genre de morceau electronica planant que je trouve parfait, le genre de fresque sur lesquelles on tombe parfois, en replongeant dans sa collection de disque. C’est marrant, ce morceau semble avoir des années de voyages, de souvenirs greffé sur lui. Il semble s’enraciner sur une multitude de périodes de ma vie, ses joies, ses rencontres, ses peines, ses découvertes, et pourtant je ne le connaissais pas il y a une semaine. Il semble naturel, comme s’il m’avait accompagné pendant des années, comme le font encore certaines galettes de Plaid ou µ-ziq. Et Je suis sur qu’il continuera à parasiter mon cheminement pendant pas mal de temps…










Peut être parce que Yimino arrive, avec une musique semblant pourtant coincée dans une période archi-reférencée, à nous faire divaguer, à nous donner envie d’oublier, de partir, de rêver un instant. Certes, ils n’inventent rien. Certes, ils ressemblent à trop de groupes, trop de références. Certes, ça pourrait être un disque oublié de Plaid. Mais les mélodies accouchées par le groupe semblent si évidentes, si naturelles qu’on oublie rapidement de poser des balises. Que ce disque soit sorti il y a dix ans, ou juste la semaine dernière, on s’en fout. Oublions certains Unheard miteux de Warp, laissons de coté les disques semblant être accouchés dans la douleur comme celui de Jega, et ne pestons plus devant ceux qui ne semblent pas vouloir sortir comme le prochain Plaid.

Quand on a la chance d’écouter une électronica aussi belle que celle façonnée par Yimino, on arrête de penser, et l’on en profite pour déconnecter et chialer. Un peu, tranquillement, dans son coin.














Yimino – Doe















13 Titres + 3 videos – Ominim Records
Dat’











  1. janvier18 Says:

    morceau mgnifique, clip génial, pochette superbe, merci pour la découverte ! (et belle chronique comme d’hab :D)

  2. K, visiteur Says:

    de meme: superbe morceau merci (encore) pour la decouverte!!
    je rajoute quand meme que plusieurs morceaux du dernier Jega valent le detour quand meme ( comme Moment, The Girl Who Fell To Earth, Sakura ou encore Dreams..), bon apres c est un avis personel mais bon. apres j avoue que l ecouter sur la longeur j ai eu une impression de platitude comme on dit
    par contre oui pour Few Nolder je suis vraiment reste accro!
    Presque tous les morceaux sont enorme: Pillow, Fluttery, Top, Malayska, Brenn… que du bonheur!
    voila! よろしく!

  3. Popof22 Says:

    Un grand merci à toi pour afficher au grand jour ce duo qui en a bien besoin. c’est tout de même hallucinant qu’un groupe aussi talentueux soit aussi méconnu…

    D’ailleurs j’invite tous les gens qui apprécient ce disque à se procurer l’ensemble de leur oeuvre. Pas une seule faute de gout, pas un seul morceau, même “moyen”, sur les 3 CDs et les 3 EPs qui ont enchanté mes oreilles. Mention spéciale à l’EP Qeh, mon petit préféré avec Autonoe Vora.

    Par contre pour les chopper en support physique, à part cet album c’est vraiment pas évident…

  4. janvier18 Says:

    Popof22 >> tout à fait, d’ailleurs j’arrive pas à les trouver, à part en téléchargement lol. Si quelqu’un a un lien je suis preneur 🙂

  5. Popof22 Says:

    Bon comme tu l’as sans doutes vu, on peut acheter le Autonoe vora sur le site du label: http://www.ominim.com/

    Sinon il y a leur premier album choppable sur ebay ici: http://cgi.ebay.fr/YIMINO-Evolution-Of-Bulbuss-CD-Album-ELECTRONICA-new_W0QQitemZ160365400992QQcmdZViewItemQQssPageNameZRSS:B:SILF:FR:101

    par contre dépêche toi il n’en reste plus qu’un 😉

  6. LordMarth Says:

    Une excellente chronique pour un groupe qui a bien besoin d’une meilleure couverture tant l’electronica qu’il desservent est un modèle de qualité. Yimino ou comment refaire vivre au gout du jour les meilleures années d’une musique qui se rarefie au profit d’une avalanche de skeud dits *censuré* (j’ai rien contre attention).

    Merci Dat’

  7. Dat' Says:

    Janvier18 => Yeah, comme dit popof pour Autonoe Vora, vaut mieux aller directement sur le site du groupe/label. Ou voir avec ton magasin, si il est tres gentil et peut passer la commande mais bon… Dans tous les cas il passera par le meme biais.

    K ==> alors oui pour le Jega, je suis comme toi, j’aime beaucoup le premier disque. Il est pas dingue dingue, mais il y a de tres beaux morceaux comme ceux que tu cites, ou le trio Eva/Dreams/Aquaminae. (Et si l’on oublie l’affreux Soulflute). Je me le passe assez souvent d’ailleurs… C’est vraiment sur la deuxième galette où je fais la gueule (à part Kyoto, et à la rigueur Shibuya)… !
    Mais dans l’ensemble, il y a un truc qui ne va vraiment pas je trouve. Biaisé par mon mode d’écoute peut être (deux cd super courts, c’est chiant) et surtout par l’attente du disque assez énorme.

    Il y a un truc aussi, c’est que la musique de Yimino, Plaid, premiers Autechre, Wisp, BlackDog voir Nil ou World’s Eng Girlfriend en plus recent, ça me fait pas planer. ça ne me repose pas. Je trouve ça beau, mais ça me démonte en meme temps. Je sais pas pourquoi. Je rêve pas quand j’écoute ces disques, c’est des trucs qui me tordent l’âme, qui me cassent la gueule, qui m’étoufferaient presque avec mes propres souvenirs. Genre le dernier titre du Yimino là, je morfle en l’écoutant ahah.
    En plus je suis bon public avec ce genre de trucs : un ou deux synthés qui chialent, une rythmique vrillée, et hop je suis parti. Mais dans le cas du nouveau Jega, rien, que dalle.

    Lordmarth ==> héhé merci… C’est sur que PlanetMu par ex, devrait se remettre un ptit peu plus à l’electronica tient !
    Et comme dit K, Few Nolder, c’est le bien.

  8. Popof22 Says:

    tiens je viens de voir ceci sur leur site:

    “We have a new album in development titled, ‘Breaker’, due out early next year, (2010). More info to follow soon.”

    miam miam miam

  9. funky5, visiteur Says:

    c’est vrai que ça fait longtemps qui il y a eu de sortie dans ce style……il y a eu wisp mais ça me fait moins planer…..alors en fait c’étais quand,c’étais quoi???? une éternité…

  10. Z., visiteur Says:

    Mec, il faut absolument que tu écoute ce disque: Dusty Kid -A Raver’s Diary
    Pour te faire une idée, écoute America sur le myspace. 17 minutes sublime.

    http://www.myspace.com/dustylittlekid

    Et merci encore pour ces chroniques..

  11. Danger Says:

    Superbe cette article, j’ai grace à vous fais une excitante découverte !

    Alors j’en profite pour vous rendre la pareil : Music AutOmatik !

    J’n’ai pas eu besoin de chercher bien loin, c’est l’un des artistes signé tout récemment sur le même label.
    Il a bien longtemps que je n’ai pas été aussi éxcité par un projet “electro”, et c’est un frenchy !
    Je n’ai pas votre talent en ce qui concerne la rédaction alors je vous laisse découvrire cette trouvaille, classe, rafraichissante et mélodieuse.

    Merci pour le blog !
    J’aime beaucoup le style.

  12. Dat' Says:

    uh, je ne connais pas, je vais aller y jeter une oreille, merci !

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