Bibio – The Apple And The Tooth



Seagull screaming kiss her kiss her






L’année 2009 fut bien chargée pour Bibio : Un album sur Mush (Vignetting the Compost) ode au field recording, folk nostalgique et electro éthérée très Boards Of Canada, puis un deuxième disque sur Warp à peine trois mois plus tard, Ambivalence Avenue, oscillant constamment entre folk et abstract hiphop, pour finir en cette fin 09 sur ce nouveau The Apple and The Tooth, disque batard de 12 titres, comprenant inédits et remixes.

Ce pote de Chris Clark, beaucoup l’ont justement croisé, la première fois, sur le TED Ep de l’anglais, remixant l’énorme rouleau compresseur electro en utilisant strictement que guitares et effets… Depuis, Bibio justement semblait dernièrement ne pas savoir (ni pouvoir) quoi choisir, ce qui lui a valu autant de critiques que d’éloges : sur son très bon dernier album, il sautait souvent du coq à l’âne, passant d’un simple morceau de guitare noyé dans les échos à de l’abstract imparable, en passant par une ou deux digressions dancefloor. Alterner deux facettes au grès du Tracklisting, aussi éloignées soient elles, dans un même album, ne semblaient pas déranger son géniteur. Le genre de disque qui semble au départ parfait pour une écoute au coin du feu, pour tout à coup se braquer sur une ambiance plus festive, avec hochement de nuques et bières jetées sur les murs. Resultat assez rare au final, car pouvant plaire à tout le monde, de l’amateur de vignettes musicales à passer dans sa bagnole jusqu’au collectionneur chevronné de sonorités Warp.













Le label a surement compris que le bonhomme avait du potentiel, et n’a pas attendu trop longtemps pour sortir cette nouvelle galette, sensée montrer le futur visage des compos de Bibio grâce aux inédits et prouver que les compos d’Ambivalence Avenue était au final promises au CrossOver. Pour l’occasion, le label a mis les petits plats dans les grands, avec une édition vynile ultra limitée (enfin bon, ces dernier temps avec Warp, on ne sait plus trop ce que cela veut dire) qui vaut vraiment le coup d’oeil paraît il, avec sa “Gold Sleeve”. Pas croisée en magasin, on se rabat sur l’édition disque, à l’artwork quand même drôlement beau.

Bibio en avait embêté certains en alternant au sein de son dernier album Folk et electro, sans jamais les mélanger, n’ayant pas cette cohérence qu’avait son excellent Vignetting The Compost. On se retrouvait donc avec un fil directeur étrange, modulant les paysages d’un morceau à l’autre, comme si quelqu’un changeait de disque sans prévenir, malgré le fait que la galette enfermait quelques perles (Lover’s Carving, Jealous of Roses, Cry !Baby!, S’Vive putain…) Chez Bibio, cette hésitation semble finie, si l’on s’en réfère aux 4 inédits présents. Le folk, la guitare cristalline et le chant fragile semble toujours bien présents, mais ici, ils se coltinent directement beat Hiphop et synthés electro. La colonne vertébrale n’est plus directement identifiable, et l’anglais s’amuse à faire rebondir son Folk dans tout les sens, là où il se complaisait auparavant dans la contemplation.


The Apple And The Tooth justement, est le parfait exemple de cette direction. L’atmosphère y est super enjouée, beat abstract imparable, ça claque dans les mains, guitare acoustique qui vole dans tous les sens, voix noyée dans les échos qui hululent. A l’écoute, c’est sourire zébrant le visage sans s’en rendre compte, avec claquement de doigt obligatoire sur le final mêlant claviers, petite flute taquine et bleep Gameboy. Rien de spécial, juste vraiment plaisant.
Même combat pour Rotten Rudd plus folky, mais bien vite rattrapé par un rythme bien communicatif. Hop ça repart presque aussi vite que c’est, c’est un peu linéaire mais c’est drôlement sympa.

Bibio nous offrira un morceau plus escarpé en la présence de Bones And Skulls, qui démarre sur une intro limpide, avec guitare belle comme le jour, chant lancinant qui parasite, mélodie évidente. On prend sa chaise, on ferme les yeux et on ouvre la fenêtre, pret à se faire dorer par les rares rayons de soleil (et chopper la creve) en dodelinant de la tête. Mais voilà qu’un parfait métronome Hiphop vient nous tabasser et faire son office, alors on abandonne l’assise pour remuer du cul au milieu de son appart. Bibio se tait, un choeur vocodé intervient, fait planer le morceau, qui va mourir sur une jolie conclusion au piano, même si tranchant un peu avec l’aura enjouée du depart. (On aurait bien vu un titre entier pour ces trente dernières secondes en fait…)
On termine dans les inédits avec un Steal The Lamp renvoyant Bibio derrière ses machines. C’est bien synthétique, ça tourbillonne de partout. Mais l’anglais c’est promis de jouer les entremetteur sur ce disque, et ne va pas se la faire strictement electro. Aors il se remet à chanter, et accompagne le lit de clavier avec son éternelle gratte acoustique, pour une étrange ritournelle de manège. L’attraction se bloque et explose, le morceau part dans un trip Dubstep drum’n bass surprenant mais comme d’hab bien négocié. Ça gronde, bassline qui chauffe, amen break qui claque sur la dernière minute. Nickel. Et ça assure en plus parfaiterment le lien avec les remixes qui s’empilent sur la suite du disque.








On commence avec Chris Clark, qui retouche S’vive. Bon attention, pour moi, S’vive, c’était la bombe absolue du disque. Superbe morceau electro, à la mélodie géniale, à chialer, tournant sur un rythme mutant et imparable, petite bombe qu’aurait pu créer un Mr Oizo venant de tomber amoureux, ou un Nil Hartman voulant tâter l’Abstract Hiphop de plus près. Sérieusement, ce morceau défonçait sur Ambivalence Avenue, c’était sauter sur un dancefloor en voyant son âme soeur courir dans un champ de pâquerette, jouer à Mario Kart avec ses potes tout en écrivant une lettre d’amour, boire une canette de Banga orange en pleurant dans un vocoder avec un caleçon sur la tête. Bref, un truc cool, ce S’vive.
J’aime énormément Clark, et j’ai bien souvent confiance en lui. Son remix du titre décrit ci-dessus, est excellent, il tabasse (grosse montée en sa moitié), imposante machine à danser. Ok. Mais il n’y a plus la magie décrite précédemment. En privilégiant le coté dancefloor, il en oublie la mélancolie, qui ne s’éparpille plus des masses. Donc bon, jolie cette refonte, mais impossible, dès la moitié de l’écoute, de ne pas avoir envie de rejouer l’original. Les fans de Clark se consoleront en écoutant son dernier remix, pour Let’s Get Clinical de Maximo Park, qui est une vraie boucherie.

Et c’est un peu le problème de certains remix (voir des inédits) parsemant ce The Apple And The Tooth : Ils sont souvent très bien (c’est déjà ça vous allez me dire), mais ils tronquent parfois ce qu’il y avait de plus important dans les compos de Bibio : la beauté des mélodies, le petit truc à fleur de peau qui surnageait souvent sur Ambivalence Avenue.
Eskmo oublie le coté enjoué de Dwrcan pour se concentrer sur sa facette sombre. C’est superbement executé, mais pareil, on regrette un truc, en pestant sur un remixe pas forcement justifié. Wax Stag transforme l’abstract de Sugarette en long morceau electronica-retro-analordien bien foutu aussi, mais pas foncièrement renversant. (Même si le dernier tiers vaut le détour)


A l’opposé, d’autres semblent avoir tout pigé, et utilisent la substantifique moelle des morceaux de Bibio, plutôt que leurs apparats. The Gentleman Losers transforment l’ensoleillé Haikuesque en superbe folk sombre, façon caverne de glace, avec une montée électronique en conclusion.
Letherette (jamais entendu parlé) s’attaque à Lover’s Carving. On sent le drame, vu la beauté du morceau original, avec son superbe changement d’ambiance, cette mélodie de folie qui émanait de la deuxième partie. Une vignette presque magique sur Ambivalence Avenue, la pièce maitresse du coté folk de Bibio, le truc qui file la banane et donne envie de chialer au même moment. Et bien Letherette reprend cette litanie de la deuxième partie, la fait rechanter, l’étire, l’écrase sous les échos, et balance un rythme abstract de folie par dessus. Evidemment, cela n’égale pas l’original, mais ça démonte tellement que l’on écoute le titre (un peu court) trois fois pour bien encaisser sans trop baver. La boucle, le rythme, la mélodie élégamment distillée, tout défonce. Superbe morceau, très bon remix sans prétention ni débordements superflus.
Dans le même genre, on appréciera aussi le boulot de Keaver & Brause sur Fire Ant qui rehausse le coté “put your hands in the air” de l’original, tout en insufflant ce qu’il faut de mélancolie, en plus de la très belle ouverture finale.

Mais la palme revient à Lone, bonhomme discret qui m’avait enchanté l’année dernière avec son excellence premier album, et qui revient fin Novembre avec un nouvel opus. (En plus du Kona triangle sorti il y a peu, galette faite avec Keaver & Brause justement)
Lone arrive à transcender le matériel de base, et s’empare de l’interlude All The Flowers pour l’étirer sur plus de 4 minutes, avec son abstract Hiphop fortement teinté de Boards Of Canada reconnaissable entre mille. La mélodie et la phrase de l’originale est reprise ici, répétée ad nauseam, mais parfaitement cajolée par un rythme bien rond et des synthés en cascade. Handclap, headbanging, champ de blés et pétales de fleurs qui volent, on n’en demandait pas plus.
Le disque se finira sur une refonte de The Palm Of Your Wave par Bibio lui même, qui arrive aussi à upgrader l’original, en transformant son folk fantomatique en très belle ritournelle de fête foraine dépressive, rongée par le field recording et des simili-accordeons. La colonne vertébrale reçoit bien le message, vraiment beau.









Moins schyzo que son précédant disque, ce Apple And The Tooth montre un Bibio semblant vouloir lier les deux éléments qu’il affectionne depuis un bail, son folk et ses travaux plus electro-abstract. On pourrait arguer sur le fait que les nouveaux morceaux sont un peu moins à fleur de peau, titillent moins les coeurs mous. Certes. Mais ils filent le sourire, allègent l’âme, rendent candide. Et l’auto-relecture de Bibio en fin de disque rassurera les inquiets de voir les morceaux stricto-guitare disparaître. Les remix, même s’ils sont pas toujours pertinents, restent tous largement écoutables et plaisant, pas de déchets ou de gros raté, ce qui reste assez rare dans ce genre d’exercice ( ahem… ). D’autant plus que certains sont de vrais bijoux, comme la relecture de Letherette ou celle de Lone. Et pour mon plus grand plaisir, placés pour la grande majorité sous le sceau de l’abstract hiphop/electro. Le tout formant une très bonne petite galette, sans prétention aucune (pourrait-on craindre le contraire avec l’anglais ?)


Ecouter Bibio, ça te donne envie de marcher dans la rue en profitant du soleil et de l’air frais, tout en tappant la bise à tous les passants, la grippe A, angines et toutes autres saloperies devenant immédiatement chimères. Sourire. Et claquer des doigts.











Mp3 :


Bibio – Bones & Skulls ( Enregistrer sous)









12 Titres – Warp
Dat’











  1. El_pingouino Says:

    Je m’en vais écouter ce nouveau Bilbio.
    J’adore le précédent, rien que d’y penser
    envie de le mettre en fond là.

    Le fait que plusieurs genres étaient mélangés
    sans vraiment choisir clairement qu’elle voie
    emprunter ne m’a pas dérangé du tout au contraire.

    Y’avait quand même la patte bilbio dans chaque
    morceau et juste la manière d’amener les choses qui
    changent dans Ambivalence Avenue.

    D’ailleurs, on est prévenu rien qu’avec le nom de l’album!

    J’ai confiance en cet album de ce que tu en dis il
    assure dans la direction électro au moins autant que
    dans le précédent album.
    Bon il est tard, demain petit plaisir musical 😀

    Très sympa ta chronique, ça met en appétit.

  2. Dat' Says:

    Oui, apres attention, ça reste un album de “remix” donc la part du lion est allouée aux remixeurs..

    Apres, les nouveaux morceaux de Bibio sont bien sympathiques… !

  3. Sylvain, visiteur Says:

    Concernant le LP, il est bon de préciser que l’album est limité à 1000 exemplaires, donc je suis assez fier d’avoir le 801e 🙂

    Pour l’instant, je suis assez comblé et ca me donne envie celui qui est sorti il y a pas si longtemps (ambivalent avenue je crois).

  4. Dat' Says:

    Tiens d’ailleurs, elle a quoi de spéciale, cette edition vynile? C’est vraiment doré en sur-impression sur la pochette?
    Je ne pige pas la description sur le site de Warp…

    Hesite pas à foncer sur Ambivalent Avenue en tout cas…

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