Paulie Jan – Trunkenstein / Skip Club Orchestra – Deep Architecture EP


Loaded pistol



On était tous d’accord, le Humian Ep de Paulie Jan était l’une des sorties les plus marquantes de 2012. Sorti de nul part, entre bières vides, balades en voiture la nuit et émotions à la folie, le 6 titres fut une vraie mandale, un quasi sans faute accouché par un type qui avait sacrément bourlingué dans sa vie avant de pondre des disques. C’était beau, c’était dur, violent, pop, mélancolique, épique, parfois grandiose. Ca tabassait le cerveau et se chantait sous la douche. Forcément, on s’attendait à quelque chose de grand directement après l’Ep. Mais rien. Respecter le silence et dort l’artiste, aucune nouvelle de lui, que dalle, nada. Alors forcément, quand les trublions flingués de Fin De Siècle balancent une annonce au même moment que pour la sortie de leur Leave Things, on ne peut qu’entrechoquer nos paluches. Et l’on n’attendait pas à ce que Paulie Jan s’enfonce dans un style aussi radical.

Mais vu qu’une chronique d’un deux titres, c’est court, et que malgré ma fainéantise légendaire, j’ai quand même envie d’être un minimum présentable, il y a aussi un autre Ep sorti cette semaine qui a dragué mes esgourdes. Sorti sur le label japonais Dubliminal Bounce, ce Deep Architecture de Skip Club Orchestra continue de tracer le chemin du Footwork d’Hiroshima, toujours plus ouvert et aventureux. Laisse tomber l’épilepsie : de tranquilles spasmes en pleine nuit, c’est bien meilleur pour ta santé.







Dans nos souvenirs, on avait laissé un Paulie Jan émo, assez serein, certes torturé, mais tourné vers la lumière. Surprise à l’écoute de ce nouvel Ep, le bonhomme a laissé passer quelques accès de violence. Dur, sombre, âpre, les premières minutes au sein de cette nouvelle sortie déconcertent. La boite à mouchoir n’est plus à portée de main, il va falloir se battre et ramasser des gnons pour lâcher quelques larmes. Trunkenstein pilonne avec un rythme sourd, quasi claudiquant, des machines qui prennent vie et crachent du métal dans tous les sens. Dans ce magma cassé et malade, une mélodie désabusée, quasi morte, tente de se faire entendre, râle à bout de souffle dérouillé par le bordel ambiant. Alors que le matraquage reprend, on est presque perdu, à chercher la sortie, l’indice qui pourrait nous faire tenir plus longtemps, et c’est pile à ce moment là que le morceau se révèle, avec cette fin grandiose, où la mélodie l’emporte sur tout le reste, pile à 1 minute de la fin. Empereur, couronnement, le synthé pose son cul sur le trône après avoir roulé sur la foule, et toise le reste du morceau avec dédain. C’est cette conclusion, ce soulèvement soudain qui légitime toute la bataille subit en amont, et si cela reste sombre, c’est franchement beau.

Mais c’est avec Ginger que Paulie va voler les cœurs, sans pour autant laisser rentrer une once de soleil dans sa musique. Toujours menaçant, avoir la tête dans un sac plastique pendant 8 minutes, ça va être duraille à supporter. Sauf qu’après 2 minutes 30 de borognymes, chutes, cassures, des claviers de folie déboulent et tabassent tout ce qui bouge. Oh, ça ne va pas durer bien longtemps. Juste quelques secondes. Mais des putains de secondes folles. Alors quand ça repart sur le terrain autiste du départ, tu sais que tu tiens un diamant. Qu’il va falloir se foutre à genoux et creuser comme une pute pour le trouver, tu vas souffrir un max, mais bordel, que la récompense sera belle. Et boum, le synthé revient, encore plus majestueux qu’avant, le rythme devient binaire, techno de cathédrale, strip club de fin du monde, ce n’est même plus un empereur qui débarque, mais un trou noir d’enculé qui s’ouvre et avale tout. En portant le morceau vers le sombre absolu, Paulie Jan transforme subitement Ginger en tube de stade. Tu la sens cette 4min50 ? C’est le moment où tout bascule, ou le club devient fou, où les morts refont surface. Et comme pour le précédent Ep du bonhomme, là aussi, tu as envie de chialer sec. D’autant plus que la conclusion du morceau ne sera qu’une longue chute brumeuse et cafardeuse, avec un synthé bigger than life, un rouleau compresseur qui traumatisme un immeuble entier, qui ronfle et vibre dans tes putains de viscères, qui donnerait presque envie à Sunn0))) de se tirer une balle dans la tempe. Sacrifice et amourette, fin du film, tout le monde est mort, les viscères maculant les murs.

Oui, Ginger est l’un des titres les plus violents et fous de 2014. L’un des plus beaux aussi. Oui l’Ep est bien solide, réussi et frustrant dans le même mouvement.  Car après un 6 titres aussi réussi il y a deux ans, on était en droit d’espérer un premier album. Mais la musique de Paulie Jan a tellement changé depuis la dernière épopée que ce Trunkenstein/Ginger semble un indispensable marche pied, première étape d’une aventure qui risque de flinguer bien des cerveaux. Alors on va attendre patiemment. Parce que si LP il y a, et si Paulie Jan garde cette science de la mélodie belle, folle, imparable et violente, ça risque d’être putain de dantesque.








Alors, cela fait quelques temps que je cris mon amour pour le label Dubliminal Bounce, qui balance tous les mois de sacrés Ep, souvent pas chers, parfois gratuits. Avec en point d’orgue l’Ep de Dubb Parade, et celui de Poivre, compil’ débile de remix Juke confinant pourtant au sublime (un remix footwork de Retrograde de James Blake qui surpasse l’original sur tout les points, même dans l’émotion, fallait le faire). Alors quand le boss du label, qui fait de la musique depuis un paquet d’année, revient dans le jeu avec un Ep 6 titres, qui allait forcément s’éloigner du footwork dégénéré habituel, je ne pouvais que fêter ça avec du champagne fraichement secoué pour arroser les groupies.

Et ce n’est pas la première fois que le label veut faire coïncider Juke et Dub. Ici avec succès sur Separate Yourself, agréable fresque enfumée et émo, qui tient plus de la drum’n bass nécrosée qu’autre chose. Ca renvoi à la période dubby du début 2000, mais c’est beau et très bien branlé, donc pourquoi pas. Wrong sortira la track brumeuse et renfermée sur elle même, assez anodine mais là aussi agréable. Vous allez me dire que l’Ep est loin de commencer comme un chef d’œuvre. Sauf qu’après, ça ne s’arrête plus.

D’autant plus que l’Ep est loin de cultiver l’hermétisme des sorties juke habituelles, où l’on se retrouve avec 15 tracks hystériques sans la possibilité de respirer. 6 morceaux, 6 genres différents : Luvin’U Diamond sort la litanie pop rose bonbon, à base de petites guitares et chants d’oiseaux. C’est beau, et ça part vite en épilepsie contrôlée, avec une mélodie incongrue, qui n’a rien à faire là, et qui fout les boules. Difficile de dire ce qu’il y a de samplé dans le morceau, et ce que Skip Club Orchestra a produit dans le morceau, mais ça marche dur. Autre mandale, Track4, putain de tube footwork en mode rave salace, avec clavier qui tourne dans tous les sens, et rythme qui n’en fini plus d’exploser. Meilleure track de l’Ep.

Tu veux te poser et respirer ? Pars sur l’ambiant E.O.D, qui tient plus de l’interlude burial-esque à base de voix fantomatiques et synthés noyés sous l’eau. Pour un tabassage en règle, suffit de se laisser défoncer par M on M(no voice mix), crise de nerf quasi-industrielle, avec mélodie à tordre la colonne vertébrale et montée unique vécue comme un traumatisme. Ca n’aura duré que deux minutes, mais niveau climax paralysant, on n’attendait pas mieux.

Japanese do it better ? Difficile à dire. Mais différemment, ça c’est certain. Si Skip Club Orchestra ne signe pas la meilleure galette d’épileptique musique cette année, le japonais fascine par cette propension à tirer le Footwork vers des zones pas assez arpentées. On sent qu’en poussant un peu et qu’en réfléchissant à un vrai Lp cohérent, on pourrait se prendre de sacrés aller-retour sur le citron.








2 titres & 6 titres

Fin de Siècle & Dubliminal Bounce

Dat’

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  1. Uhryks Says:

    J’aime plutôt bien les Skip Club Orchestra, faudra que je creuse ça quand j’aurai un peu plus de temps devant moi.

    Sinon dans des styles différents mais comme on parle de japonais, je me demandais si t’apprécierais pas quelques trucs que j’écoute ces temps-ci

    Y’a le Mirrorball Flare de Hiroshi Matsui, vieux de la house, qui compose ces temps-ci beaucoup pour le groupe d’idols 東京女子流
    https://www.youtube.com/watch?v=ung356DfULg

    Un truc sur lequel je suis tombé par hasard, Moe and ghosts, un hip-hop assez recherché avec une MC, pas très courant et pas très marrant à priori même si je comprends pas grand-chose à mon niveau
    https://www.youtube.com/watch?v=pu45pyrmb8E

    Et puis y’a きのこ帝国 aussi, dont le nom faisait marrer l’autre connasse de 留学生 que j’aime beaucoup, dans un style très mélancolique, mais je connais pas bien tes goûts là-dessus.
    https://www.youtube.com/watch?v=6wnfygDSgQE

    Voilà, bonne journée.

  2. Amano Says:

    T’as tout a fait raison Uhryks!
    東京学こ帝 est pas mal mais 留学 quand meme!!

    Tein le morceau de Paulie Jan…Terrible! Dantesque!! Abyssal!! Ça part dans des noirceurs Lornienne à la fin!!!

  3. Dat' Says:

    Uhryks =>

    Ahah je ne connaissais aucun des trois !!! donc merci pour les découvertes !!

    dat’

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