Broken



Un album hébergé sur le label Anticon s’accueille bien souvent les bras ouverts. Pierre angulaire de l’amorce d’un Hip-hop hors sentiers, avec pour vitrine “Music For avancement of Hiphop” et “Deep Puddle Dynamic”, le label a su, après ses deux premières sorties, étendre son influence et dégager du gros calibre avec Sole, DoseOne, Jel, Pedestrian, Alias, Dosh, Odd Nosdam and co…
Ayant toujours navigué entre Hip-Hop dur, Abstract en diamant, electronica ciselée, sans occulter quelques folies, Why? en tête.

Quand la dernière sortie sertie de la fameuse fourmi s’annonce être un exercice de Pop cassée, on reste circonspect. Attiré à cause du passif du label, qui a su nous pondre des bijoux dans le genre, comme la sublime collaboration Alias / The Notwist pour “Unseen Sight”, le Groupe 13+God (Themselves + The Notwist), les galettes de Why?… Mais l’exercice est bien trop périlleux pour être accepté les yeux fermés.

Sauf que derrière le pseudo “Bracken” se cache la tête pensante du mythique groupe HOOD, accouchant d’un post rock pop expérimental, avec l’un de leurs albums, “Cold House” (En collab avec Dose One et Why?) qui fait encore date dans toutes les oreilles des amateurs… Ou comment réveiller une ribambelle d’auditeurs en peine depuis la fin du groupe.






La jaquette sied parfaitement au contenu du disque. Pop cassée, démontée par une électronique omniprésente, le tout baigne étrangement dans une aura chaleureuse et froide à la fois, sombre, lumineuse mais toujours mélancolique.

On en serait presque effrayé à l’écoute de Of Athroll Slains, renfermé sur lui même, la voix traînante se perdant dans des digressions en tout genre, sans jamais vraiment décoller. La fin du morceau flirte avec un ton “plaintif”, presque dérangeant. Pourtant l’atmosphère mystérieuse donne irrémédiablement envie de creuser. Et bien malheureux soient les obtus, Heathens donne sans l’ombre d’un doute raison à ceux qui ne s’arrêtent pas à l’ouverture d’un disque pour entériner leur avis.

Mélodie limpide, rythme appuyé immédiatement répercuté avec plaisir dans votre nuque, enchevêtrements de voix, sur lequel le chant, superbe, de Bracken se déroule, s’émeut, se meurt. Pour être d’une subjectivité très restrictive, ce morceau m’obsède. Pas par une extrême qualité ni pour un génie de la construction dont il ne pourra pas prétendre. Simplement difficile à exprimer, le clavier, insidieux, s’immisce en vous pour ne plus vous lâcher.
On pense bien évidemment à HOOD, et particulièrement à leur “Cold House”, qui m’a marqué profondément il y a quelques années… Tellement que l’on est presque étonné de l’absence d’un Dose One sur le morceau.
Même écharpe électronique, même ossature rock, même voix poignante sans verser dans le larmoyant, Heathens fait mouche sans nous effarer ni nous bouleverser. Juste imparable dans son écrin.






Et l’album va être incroyablement homogène sur tout son écoulement. Toujours naviguant dans cette pop éclatée, évasive, électronique dans son fond comme dans sa forme. De ces couches de voix, présentes parfois par vingtaines en un mouvement, formant des choeurs, pourtant seulement émanant du même et seul homme aux manettes.

Homogène au point de ne pas dégager des titres phares, au dessus du lot? Evidemment non.




Apres un (int) ne dépassant pas les 5 secondes, Fight Or Flight, superbe en tout point, prend forme d’une longue montée, empruntant un semblant de Air dans ses premières minutes, pour laisser le chant accompagner l’ascension en sa moitié, avant de se dilater dans des nuages de nappes électroniques. On plane à son écoute, objectif assumé dans son titre même.


On sera effaré par un Evil Teeth expérimental, voir bruitiste, implosant de toute part, cascade de samples plus ou moins identifiables, sorte de “Tomorrow Never Know” des Beatles non plus sous influence LSD, mais semblant naître d’un délire paranoïaque sous cocaïne. On sera rassuré par un Safe Safe Safe, délicat, presque angélique avec ses choeurs façon église sans grand moyen…


Mais outre le précité Heathens, il faut voir du coté de Four Thousand Style l’incontournable de l’album. On reste littéralement coi de ce titre tout en progression, greffant petit à petit basses sourdes et percussions tribales sur des nappes de synthés/orgues de plus en plus présents, pour éclater de mille feux en sa troisième minute, après un sombre break. La voix y est toujours aussi bien placée, et le tout nous retourne le cerveau sans sommation…







Le disque n’aura pas une audience extrêmement large, à n’en point douter. Il s’adresse en priorité aux fans de HOOD, et “Cold House” en particulier, tant le mimétisme est parfois flagrant.

Mais les déçu du disque solo de Thom Yorke, “The Eraser”, par son ambiance trop sombre et neurasthénique, trouveront aussi leur compte dans “We Know About the Need”, qui partage le même fond, en plus lumineux, plus ouvert, plus optimiste, sans jamais se déparaitre d’une mélancolie et d’une tristesse latente.
Il va sans dire que Thom Yorke est trois crans au dessus dans la performance vocale, mais les deux disques pourraient jouer dans une cour semblable, celle d’une musique électronique vocale résolument tournée vers la Pop, repliée sur elle même tout en offrant une ouverture :

Vers gouffre de solitude pour Thom Yorke, et un brin de soleil sur une plaine sèche et vide pour celui de Bracken…




La fourmi n’a pas fini de nous étonner…






“Four Thousand Style” et “Heathens” en écoute.

This entry was posted on Monday, February 19th, 2007 at 12:45 am and is filed under Chroniques. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.