World’s End Girlfriend – Farewell Kingdom



Bench Nowhere Tronica







Toujours pas remis de la grosse claque administré par le disque de Wisp il y a peu. En écoutant le disque de l’anglais pendant la semaine précédant l’article, j’avais très souvent pensé à un autre disque, sans jamais le mentionner, obnubilé comme un con par les comparaisons règlementaires quand on parle du genre. Pourtant, impossible de ne pas penser à un disque de World’s End Girlfriend à l’écoute de The Shimmering Hour.
Bien que les deux galettes soient clairement différentes, il y a cette même envie de télescoper des rythmes vrillés, concassés, explosés, sur une richesse mélodique affolante. Des morceaux à tiroir, souvent longs, qui se laissent découvrir sur des mois et des mois tant les détails abondent. Mais Katsuhiko Maeda, l’homme multi-instrumentiste derrière le projet World’s End Girlfriend (qui est un nom drolement classe, soit dit en passant) va plus loin que l’anglais. Son truc, c’est de construire des cathédrales presque Post-rock quasi acoustiques, pour les étriper dur, avec une avalanche de rythmes électroniques. Au fil des années, le japonais va privilégier de plus en plus le son post-rock, sans perdre en intensité. Ce Farewell Kingdom est peut être le disque imprimant parfaitement cette dualité Electro/post, omniprésente.

L’occasion d ?ailleurs de souligner que je suis tombé sur les productions de ce mecs grâce à un commentaire sur ces pages de deux lecteurs, “K”, il y a maintenant plus d’un an, puis “Popof22”, me poussant à me plonger dans les disques du musicien. Merci à eux ! Ceci fut d’ailleurs facilité par le fait que la majorité des galettes du japonais sont dispo en Europe (assez rare pour être signalé) ayant donc pu glaner la plupart des sorties du gars en cherchant bien, et en ayant pas mal de chance (ah ben oui, il ne faut pas déconner non plus)

















L’artwork de l’album est surement le plus simple de la discographie de Maeda. Peu d’informations, excepté les quelques musiciens invités. Pas d’indices sur la durée des morceaux (pourtant souvent gargantuesques). Petite anecdote cependant, à la lumière, sous un certain angle, le nom du groupe apparaîtra en gros sur la jaquette. Il m’a fallu plus d’un mois pour m’en rendre compte.









Coté musique, il suffit de se plonger dans le premier titre, Yes, pour comprendre que le japonais ne fait rien comme les autres. On pense avoir acheté un disque de musique électro, on se retrouve plongé dans une longue introduction, faite de chants d’oiseaux, de nappes mystérieuses et de bouts de dialogues enfantins difficilement compréhensibles. Une guitare perle, jette deux-trois notes complètement étouffées par les autres éléments, un piano tente le coup aussi. On frole le recueillement. Pourtant, on sent qu’un édifice se dresse, les clochettes, les violons, les nappes se faisant de plus en plus concrètes. L’ensemble si propre du début commence à être bouffé par les bugs, les grésillements, les parasites, aux facettes plutôt hostiles dans cette représentation méditative. Et sur cette ligne qui commence à se détraquer, la guitare acoustique te chiale une mélodie à griller ta colonne vertébrale, façon folk dépressif. Le morceau commence alors à prendre son envol. Fini les divagations, bonjour l’envolée acoustique, la litanie se renforce, se façonne. Le piano pleure aussi. Les enfants reviennent, mais les voix, les rires, les exclamations candides se tordent, se révulsent.
Pour se retrouver balayer par un rythme pachydermique, grosse batterie à l’entrée incongrue au bout de 8 minutes, alors que l’on attendait qu’elle au départ. La mélodie continue de grimper et le tout continue de vriller de craquer, de se révulser. Le rythme s’emballe, part dans un trip Drill’n bass avec une guitare électrique qui hurle un larsen, qui s’arrache, qui expulse une rage contenue depuis les prémices, tout en laissant les violons et les cuivres continuer leur mélodie. C’est le bordel, la folle explosion, ça crisse, ça hurle, on vient de se faire dérouiller, il fallait attacher sa ceinture, le morceau est parti dans le ciel avec notre âme. Et quand tout se tait, tout s’éteint, il ne reste que cette saturation cradingue et cette clarinette ( ??) pour nous arracher la mâchoire, avant qu’un rythme Hiphop superbe finisse le travail à coup de talons. 15 minutes de musique, l’accélération est tellement aberrante que l’on s’est tout pris en pleine poire sans réagir une seule seconde. A ne pas écouter en pleine nuit, ou perdu dans ses pensée, sous peine de perdre pied totalement. Il faut se raccrocher à quelque chose de concret, une lumière, un voisin, une télé en sourdine pour éviter de se retrouver en miette après un truc pareil. Ecouté d’une façon distraite, le morceau peut s’avérer pompeux, ou ampoulé. Mais si l’on rentre dedans, c’est la sensation assurée de se prendre un immeuble en pleine gueule.










Call Past Rain, titre suivant, débute avec un piano et une douce, envoutante, cristalline. Celle de Piana, chanteuse nippone de pop expérimentale. Ca susurre, ça miaule, ça accompagne une mélodie à crever, entre piano et nappes de synthés. Crac, gros bug, éclats électroniques de 3 secondes, on vient de se faire violer les tympans, mais pas grave, le tout reprend son cours. La voix de Piana est démultipliée, flirte avec des samples cradingues en distillant une pop à se damner, façon japon-traditio-mélancolique. Les violons qui la soutiennent complètent parfaitement le tout.
Et tout à coup, World’s End Girlfriend prend ta tête et l’écrase contre un mur, la frotte sur le bitume et te crache à la gueule, en fracassant le tout avec des brisures électroniques, beats déstructurés hachant la sereine complainte, la malaxant en monstre difforme et sublime. Ca gicle de partout, et c’est pourtant toujours aussi absolu, céleste, magique qu’au départ. Violence.

La demoiselle est dépecée, écrasée, il ne reste presque plus que des réminiscences explosées, des bugs, des soubresauts informatiques. Qui mutent graduellement en un Abstract Hiphop superbe, finissant de concasser le morceau. Mais en fait, on est déjà sur Daydream Loveletter, et l’on ne s’en est pas rendu compte, tant la transition se fait naturellement. Pour la première fois, le morceau commence directement sur un craquage electronica, créature Autechre-ienne en pleine décomposition. L’acoustique est en retrait, les aspérités nous giclent à la gueule, c’est superbe (je sens que je vais encore avoir un problème de synonyme sur cet article) et complètement barré, oscillant constamment entre plénitude totale et déconstruction cramée. Un break super calme va courir sur une minute, désolation, on croit être le seul survivant sur terre, seul compagnon un vent nous frôle. Mais c’était sans compter qu’une armée de robots tombe, des rythmes industriels réduisant tout en charpie, une guitare électrique déboule pour passer le tout au lance flamme, hardcore en roue libre, tout est fracassé, broyé. Le larsen final est libérateur, dernier assaut avant que tout s’éteigne. On voulait juste se faire bousculer, on vient de se prendre un camion de face.

Le japonais n’a toujours pas envie de lâcher ses brisures electronica, et va combiner rythme claudiquant et expérimental avec piano en spirale sur Halfmoon Girl, mélancolie toujours parasitées par des saturations et autres soubresauts. Plus académique, le morceau n’en reste pas moins fascinant dans son exercice de dépeçage de choeurs d’enfants, anges à la voix candide passés à la moulinette. Fragile Fireworks démarrera avec un étrange piano en mode Lounge-hotel-hilton style, avant d’accueillir un salutaire et très beau violon, renouant avec les terres acoustiques des prémices de la galette. Encore une fois l’ascension est de mise, les instruments s’enroulent dans une valse tire larme baroque avant de se retrouver de nouveau dans un mixeur Idm avec des beats coupant le tout façon pluie de couteaux.










Mais l’autre monolithe effarant de ce Farewell Kingdom, le morceau où il faut encore méchamment s’accrocher, prendre sa respiration et décoller avec le feu au cul est cristallisé par Fifteen White, tableau de 12 minutes, débutant sur les susurrements angéliques de notre copine du dessus, avant que de nouveaux bugs apparaissent, et qu’un rythme abstract se déroule tranquillement. Petites clochettes à la mélodie imparable, beat sourd, on pense à Plaid qui aurait fait un tour à l’Hotel2tango. C’est super beau, super paisible. Et quand la voix se mue en choeurs d’église, c’est absolument sublime, touché par la grâce, à crever. Des saturations ultra crades salopent le tout, agressent l’oreille, goutte de sang dans un océan cristallin, sensation unique. Un beat massif comme la mort, renversant, retourne tout, nous étouffe, nous aneanti, Hiphop aberrant, puis Drill’n Bass explosée, massacre, folie, synthés planants, trop beau. C’est fini ? non, le beat devient Indus, hardcore, innommable, la guitare s’arrache les boyaux, ça vocifère, ça se déchaine, tempête absolue, ouragan, tsunami de larsens, de destructions, au secours, tout ça. Avant de mourir sur trois minutes de piano et de reverbs. Putain de merde un des plus beaux morceaux qui puisse exister sur cette petite planète. Si l’album pouvait se résumer à une piste, ce serait celui là, sans hésiter. Un diamant absolu.

You reprendra les éléments de Yes sur une durée presque équivalente, mais touchera moins, malgré une montée toujours saisissante, et un final avec des violons virevoltants Vs gratte électrique du plus bel effet.
Le disque se terminera sur le court Onepiece (enfin, 5 minutes tout de même), sublime conclusion tournant autour d’un sample de violon tournant sur lui même, au départ complètement noyé sur une grosse pulsation bien cradingue. Des dialogues perlent, entre disputes, public d’un show tv, extraits de films, gamins joyeux. Le violon prend graduellement de l’ampleur, chiale sa mélodie, s’imposant comme élément premier du morceau. Il nous embrasse de sa mélancolie, nous cajole, nous rassure. On se laisse emporter, la bave aux lèvres, les yeux dans le vide. Jusqu’à ce qu’une étrange impression nous tenaille. Le violon se fait menaçant. Trop présent. Trop puissant. Etouffant. Il bug. Sature. Crisse. Il ne pleure plus, il s’énerve. S’emporte. Craque. Se transforme en vague Noise écrasante, malsaine, fiévreuse. A la limite du supportable, tout s’éteint nous laissant avec un silence parasité par l’empreinte de ce soulèvement hypnotique, proche de la conclusion d’un autre disque de fin du monde, le dernier Matt Elliott. C’est comme regarder un mec jouer du violon avec passion, avant que ce dernier te saute subitement dessus en te fracassant l’instrument sur le haut du crane.









Difficile d’expliciter la mixture servie par World’s End Girlfriend. Sorte de Post Rock cristallin défoncé par une electronica sauvage, le disque fait parfois penser à un meeting entre A Silver Mont Zion et Venetian Snares période Winter In The Belly Of a Snake. Pour les envolées acoustico-lyriques à crever des premiers, et pour les beats ciselées façon poignard et autres brisures électroniques de l’autre. Certes les allergiques aux morceaux étirés et sérieux vont blêmir, mais il suffit d’écouter certaines fresques (car se sont bien des fresques musicales que le japonais compose) absolument renversantes comme Yes, le couple Call Past Rain / Daydream Loveletter ou l’inénarrable Fifteen White pour partir loin loin loin loin loin, et galoper dans les innombrables strates de son subconscient.

Presque unique, excellent disque.












Mp3 :


World’s End Girlfriend – Daydream Loveletter (Clic droit / Enregistrer sous)










8 Titres – Noble / Third Eyes Recordings
Dat’










  1. wony, visiteur Says:

    J’ai découvert World’s end pendant mon voyage au japon l’été dernier.
    C’est tout simplement une des plus grosse claque musicale que j’ai pu avoir.

    Je n’ai pas ce disque, je vais le chercher de ce pas.

    Trés bonne chronique Mr Dat,

    Peace

  2. K, visiteur Says:

    Superbe album, belle chronique
    et merci pour le merci 🙂

  3. K, visiteur Says:

    Je rajoute une petite note pour dire que je suis en train d ecouter le nouvel album de Jon Hopkins “Insides” et c est MA-GNI-FI-QUE!!
    j espere une petite chronique dessus si l album te plait autant qu a moi

  4. Neska, visiteur Says:

    Yo Dat’,
    Putain, j’ai mangé ta chronique en voyant World’s end girlfriend en haut de la page !
    Pareil que Wony, WEG m’a mis une claque monumentale musicalement parlant.
    Excellente chronique par ailleurs. Tu viens de faire gagner des sous à Mr Maeda…
    Et merci pour le son, je m’en vais le dévorer de suite.
    A +

  5. Neska, visiteur Says:

    @ K –> tu viens aussi de me conforter dans mon choix d’aller choper le dernier Jon Hopkins !

  6. Dat' Says:

    @ Tous ==> Héhé à croire que World’s End Girlfriend est un passage obligé pour ceux qui vont au Japon ^^

    K => Jon Hopkins, pas encore écouté, mais tout le monde en dit que du bien !
    J’aime beaucoup la pochette d’ailleurs…

  7. Popof22 Says:

    Je ne peux qu’encourager tout le monde à se procurer les albums de ce monsieur. Chacun d’entre eux est un véritable don du ciel, un diamant brut.

    Jon Hopkins est un maitre aussi dans son genre, tous ses albums sont excellents.

    @Dat’ : just keep on moving men, tes billets ont une legère tendance à hypertrophier mes glandes salivaires.
    Et mon portefeuille te hait.

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