Lone – Lemurian



Beach and Boards (of Canada)






Difficile de trouver une electronica rêveuse, un peu Idm, un peu vaporeuse, parfois poignante, ces temps ci. La vraie, la belle, celle qui sort un peu de l’ordinaire. Depuis que Warp diversifie ses cartouches au maximum, que Planet Mu fonce dans le Dubstep ou que Rephlex semble presque définitivement atone, le genre est de moins en moins mis en avant. Trouver des disques ayant la “patte” des grands ( Boards Of Canada, Plaid, les Chris Clark) s’avère bien difficile dans un magasin rempli de joyeusetés en tout genre. Les Net-labels s’emploient à devenir la force nouvelle du mouvement, et l’on trouve encore quelques trésors dans les bacs ici et là, sortant sans faire trop de bruit (Mrs Jynx, Alias… d’ailleurs quand est-ce que son dernier disque va-t-il enfin débarquer chez nous ?)
Compliqué aussi de citer plus d’exemple de mon coté, ayant un peu lâché le truc, attendant patiemment le retour des patrons et me restreignant à tomber completement au hasard sur quelques bons disques, noyé dans une masse de productions pas super affolantes.


Lone, from Nottingham, a du méchamment baigner dans le moule décrit plus haut. Cela s’entend des les premières mesures du disque, des le premier frémissement de synthé. Pourtant ultra référencée, son disque m’a hypnotisé comme rarement par les temps qui court. Ce qui prouve que même avec une recette bien connue, on peut encore surprendre.















Et là, c’est le drame. Ce n’est pas une blague, je ne vais pas parler du dernier Summer Hit vol75, ne paniquez pas. Ce bel artwork estival (et une photo intérieure dévoilant une curieuse illusion d’optique au milieu de tahitiens) cache presque le contraire de ce qu’il semble annoncer. A l’instar d’un Shitmat balançant un disque de Hardcore ultra violent derrière une cover habillée façon compile tuning, Lone se la joue versatile :

A l’écoute, la filiation entre Lone et Boards Of Canada saute aux yeux. C’est presque instantané, immédiat, voir naturel pour ceux qui ont au moins une fois écouté le duo anglais Warpiens.






Il suffit de lancer un titre pour s’en convaincre, n’importe lequel. Prenons Banyan Drive. L’intro pourrait même sortir de Geogaddi sans problème. Même teinte de claviers, même atmosphère duveteuse emplissant vos esgourdes, et même nostalgie sous-jacente. Des nappes imposantes dealent avec des synthés cristallins. Petite différence : le rythme. Plus appuyé, plus sec, plus hip-hop. Il claque tranquillement, assaillit directement votre nuque, pendant que le tout virevolte et s’élève, chapeauté par un soleil vert. C’est super beau, un peu candide, un peu bucolique, un peu mélancolique. Cela n’a l’air de rien, et pourtant ça happe en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

Cali Drought optera pour le même manteau, en surenchérissant avec des handclaps bien placés, donnant un aspect super entraînant à une mélodie hésitant constamment entre jouer l’ingénue et la chagrinée. On pense aussi au dernier µ-ziq dans la façon de saupoudrer ses compos avec des claviers un peu malades, un peu crevés, un peu joyeux. Comme des zombies souriant en regardant des photos de leur défunte famille. Quand le titre s’illumine sur la fin, en flirtant avec les nuages, on est tenté de lâcher prise, de se laisser bercer par le beat bien présent, et la ritournelle diffuse.









Tout l’album est dans ce schéma, les morceaux sont courts, arrivent et repartent comme si de rien n’était, s’effacent dans un fondu discret pour laisser place au suivant. On se retrouve dans une valse lumineuse mais chagrinée. C’est profiter d’un joli moment présent tout en étant étranglé par un vieux souvenir inspirant quelques regrets. Marcher sur une plage de paradis en pensant que l’avion est à prendre dans deux heures, qu’il va falloir plier bagage dans l’urgence, lâcher son dernier moment d’évasion, serrer une dernière fois la belle autochtone rencontrée au détour d’un lit de coquillages. Puis on regarde le tout du coin de hublot, souriant une dernière fois de voir cette île s’éloignant, emportant avec elles tous les bons moments que l’on a pu passer dessus, s’éffaçant au profit d’une couche de nuages de plus en plus impénétrables. On se dit que l’on aurait du plus profiter, moins tergiverser. On tient son appareil numérique comme un forcené, à faire défiler toutes les photos bardées de sourires, pour se résoudre enfin à avaler un plateau repas dégueulasse.

Girl commence sur une boucle, finie sur la même. Entre temps, un clavier cristallin aura distillé sa petite mélopée poignante, avant de se barrer à son tour vers d’autres horizons.
Certains titres sont plus exubérants, à l’instar de Maya codex, bénéficiant d’un beat pachydermique et de boucles virevoltants, scintillants comme de l’écume s’écrasant au ralenti sur un rocher. Ou Borea, très hip-hop dans l’âme, passant de notes de piano noyées dans du coton à une grosse ligne de basse parfaite pour balancer sa nuque un petit coup. Le tout toujours chapeauté par des fantômes étreints par l’amertume.

On pourrait aussi parfois penser à un Madlib qui aurait troqué ses vieux vinyles crépitants contre un disque de Boards Of Canada. Oui, Boards Of Canada encore. Mais que voulez vous, en plus d’avoir un son assez comparable, l’album lui-même adopte une structure quelque peu similaire. Enfilade de nombreux titres, ambiances délétères et petits interludes mystérieux et sereins. Korean Angel, Green Sea Pageant, Atoll Mirrored, Buried Coral Banks ou Sunken seront là pour en attester. On fait tourner des claviers, rien de plus, pour des mini-pieces faisant le lien, assurant un rôle de pont, entre chaque poignée de plus gros morceaux.










Difficile d’en dire plus, vu que l’album est extrêmement homogène, parfait pour la rêverie, et qu’il est difficile, même en l’analysant un peu, de ne pas partir dans un trip, les yeux à moitié fermés, à rêver de tranquillité, de ciel, de nuages, de pluie, de plages, d’endroits vierges et sereins. Que cela soit sur une plage écrasée par le soleil ou sur une pleine enneigée, blanche comme la mort. Tiens, au final, l’artwork n’est pas si trompeur que ça. Que cache la demoiselle derrière ses larges lunettes ? Peut être se balade t’elle, elle aussi, sur une plage en ravalant ses sanglots. Sentir ses larmes sécher au soleil, avec un sourire se dessinant sur le visage de se sentir bien malgré des souvenirs qui assaillent.
Ce disque de Lone s’écoute comme un dernier jour de voyage. Où comme bande son d’une fresque de pensées brassant de bons moments passés. L’heureuse mélancolie.



Pour être plus terre à terre, ce Lemurian est presque la synthèse parfaite entre Boards Of Canada, Prefuze73 et le dernier µ-ziq. Rien que ça. Evidemment, l’album ne se prêtant pas d’avoir la dimension de ses derniers. Il n’aura de toute façon jamais le même “poids” musical. Mais le tout est tellement bien fait, tellement bien tenu, qu’il se pose comme un album à écouter obligatoirement pour les amateurs des références précitées.



Il est de toute façon tellement rare, ces temps-ci, d’avoir un disque mêlant si bien mélodies rêveuses et rythmes mi-hiphop mi-electronica, qu’il serait dommage de ne pas se pencher dessus.



Chaudement recommandé.











MP3 (extraits, titres non entiers donc, mais parfait pour se faire une idée) :



Cali Drought clic droit / enregistrer sous

Interview At Honolulu clic droit / enregistrer sous











17 Titres – Dealmakers Records
Dat’










  1. ShinobiOfGaming Says:

    Préférence pour l’Interview que pour Cali. C’est très space, je suis pas habitué à ce genre de choses, mais la 2eme me plait ^^.

  2. a3, visiteur Says:

    Très bon papier une nouvelle fois!
    J’avais écouté quelque morceaux de Lone sur son myspace qui m’avais fortement enthousiasmé, j’attendais donc sa sortie avec impatience. Mais je dois avouer que je reste un peu sur ma faim là, malgré la présence de très bons titres à l’image de “Interview at Honolulu” ou encore “Gril” et un album homogène, je trouve le tout un peu trop plat, trop long par moment, pas assez emballant…
    En plus, ce “Lemurian” est arrivé après la sortie du 2nd album de Flying Lotus, tout jsute signé chez Warp: “Los Angeles” qui m’a mis une grosse claque. Toujours dans le même style abstract-hiphop, il est bien plus percutant, vaporeux, tribal, halluciné… Bref Lone ne pouvait pas être à la hauteur.

  3. Dat' Says:

    C’est assez marrant, mais je prefere largement le Lone plutot que le Flying Lotus. Je sais que c’est bizarre, je n’arrive pas trop à le comprendre moi même (et c’est pas faute d’avoir ecouté ce “Los Angeles” en long, large et travers) mais je n’arrive pas à m’impliquer dans le disque.
    D’ailleurs c’est pour cela que je n’en ais pas parlé ici, alors que son chemin etait tout tracé dans mes oreilles ! (et que j’avais adoré son ep précédent “Reset”)

    Effectivement pour le Lone, il est tres homogene, n’a pas vraiment de “highlight”, mais dès que je le lance, je divague mentalement d’une façon presque instantanée. Je trouve que Lone s’en sort super bien avec ces mélodies tres “µ-ziq of canada”. Il est moins cliché qu’un Mrs Jynx aussi…

    En tout cas, ton commentaire me donne envie une fois de plus de me re-re-repencher sur le Flying Lotus, j’ai presque l’impression d’etre le seul à ne pas avoir saisi l’album ^^

  4. wony, visiteur Says:

    Trés bon billet (mais plus court qu a l habitude). Ce Lemurian a l air interessant, je ne connaissait pas du tout.

    Faudrait qu’on se voit pour parler de World’s end girlfriends. Je ne sais pas si tu connais. J’avais acheté 2 disques d’eux au hasard pcq j’aimais bien les pochettes pendant mon voyage à Tokyo. Et je suis tombé completement amoureux.

    PS : pour alias, il devrait deja etre la, mais sinon il est dispo pas cher sur amazon 😉

  5. Dat' Says:

    World’s End Girlfriends, certains en avaient parlé sur des commentaires du blog, j’ai été forcé de m’y pencher un peu vu les avis dithyrembiques, et c’est clair que c’est assez hallucinant. Je vais tester plusieurs disques du mec quand même, voir comment cela évolue…

    Sinon Alias n’est definitivement pas disponible en France (ou en tout cas dans toute ma ville). Effectivement, je pense opter pour amazon, ils ont une politique tarifaire sur les imports qui force le respect… (il est à 7 euros neuf je crois !?!) il y a le shugo tokumaru à 6 euros aussi XD

    J’espere que tu as pris des Tha Blue HErb, et que tu as pu voir tous les disquaires de shibuya à Tokyo !

  6. funky5, visiteur Says:

    mouai je préfère attendre le nouveau plaid,en attendant j’écouterais kelpe:sea inside body+un peu de kettel et vector lovers que du bon son pour mes oreilles et plané…
    (il y a beaucoup d’ artistes dans cette veine)

    néanmoins belle pochette

  7. Neska, visiteur Says:

    Mouai ca à l’air sympa ce Lone.. Même si les avis divergent ici !
    Par contre, je hais la pochette. Elle me répugne. On dirai un vieux CD de techno/house tout pourri ! Mais j’aimerai bien voir “l’illusion d’optique” de l’intérieur quand meme :s

  8. a3, visiteur Says:

    Je viens de tomber sur le tout premier album sorti par Lone, prénommé “Everything is changing colors”, et bien ma foi, je le trouve bien meilleur que ce “Lemurian”. Moins coloré hip hop, mais plus orienté IDM, il nous embarque bien dans les même atmosphères, mais sur des pistes plus longues, plus atmosphériques… Certain titres sont de pures merveilles: “A quadruple sky” ou “Pure white lights”.

  9. Dat' Says:

    Ah ben pour le coup, ça m’interresse drolement, je ne savais pas qu’il avait sorti un album avant celui ci !

  10. K, visiteur Says:

    Wow.
    Wowow.
    Tu connais Keaver & Brause?
    leur premier album “The Middle Way” sort aussi sur le meme label que Lone et c est juste magnifique aussi.
    Je sais pas si c est moi mais j ai l impression que sort tout plein de bonne choses en ce moment entre celui la, Nosaj Thing, Jon Hopkins etc..
    c est bon tout ca l ete s annonce cool!!

  11. Dat' Says:

    Nop jamais entendu parlé. Je vais m’y pencher. C’est à peu pres trouvable?
    Ouai sinon c’est une vraie avalanche de sortie, à chaque fois je dois faire une reunion de crise dans ma tête, pour savoir de quoi je vais parler dans ces pages.

  12. K, visiteur Says:

    c est pas sorti en hard copy du coup je l ai chope sur en digital sur bleep.com…
    en tout cas hate de voir ta prochain chronique 🙂

  13. Dat' Says:

    La prochaine arrive demain, j’ai eu quelques imprévus mais ça arrive ^^

    Il faut que j’ecoute le Nosaj Thing aussi… !!

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