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“J’aimerai à nouveau retravailler avec des MCs japonais pour mon prochain album”
Cette interview de Dj Krush a une longue histoire, qui remonte maintenant à il y a 5 ans. Les lecteurs parcourant ces pages depuis un bail se souviendront peut-être de l’anecdote émanant de l’interview d’Antipop Consortium. Accrédité lors des Nuits Sonores de Lyon, je devais interviewer Dj Krush. Ce qui, à l’époque, revenait à dire que j’allais bientôt poser un pied sur la lune, tant le japonais a joué un rôle gigantesque dans ma vie musicale. Malheureusement, l’entrevue avait été annulée à la dernière minute (ce qui était synonyme de fin du monde dans mon petit coeur), l’orga du festival me demandant en plus de remplacer un journaliste pour l’interview d’Antipop Consortium, faite donc en mode improvisation totale au milieu d’autres médias. Mais ce n’était que partie remise. Une nouvelle interview aurait pu être décrochée pour son passage en suisse quelques mois après, mais sans suite donnée malgré l’accord des organisateurs… Arrivé au Japon, on me dit que rencontrer Dj Krush relève du quasi-impossible, l’artiste étant une institution dans le pays.
Effectivement, cela aura été difficile. Mais après moultes tractations, et grâce à l’aide de Hennessy Artistry qui organisait un concert de Dj Krush x Large Professor (Main Source), on a pu finalement avoir un peu de temps avec Dj Krush, légende du hiphop, et l’un des pères de l’abstract. Evidemment, vu le statut de Krush au Japon, l’interview fut bien plus cadrée qu’habituellement (pas de chat et bières à outrance comme avec Doseone, de crêperie avec Grems ou de plateau de fromages avec Raoul Sinier), avec un timing assez serré et des managers très présents. Reste qu’au fil de l’interview, le propos va se délier, les rires aussi, pour des réponses souvent très personnelles.
Où l’on parle donc de son nouvel album à venir, de Hiphop Japonais, d’influences US, d’hommage, de hard-rock et d’une technique de drague.
Dj Krush sortira 3 Ep réunissant ses “monthly releases” de 2011/12 début décembre… et un nouvel album mi-2013.
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– dat’ : Pour vos 20 ans de carrière, vous avez sorti un morceau tous les mois entre 2011 et 2012. Pourquoi avoir fait ce choix inhabituel, au lieu de les compiler dans un “vrai” album ?
DJ Krush : Clairement, la façon de vendre de la musique a changé depuis quelques années. Au départ, on avait du vinyle, puis on est passé sur le CD, et maintenant les CD ont muté en simple “fichiers” numériques, qui se baladent sur le net. Moi, j’ai clairement grandit avec les vinyles et les CD, donc on a tenté ça, comme une expérience, un test. De faire rentrer Krush dans l’ère du numérique. Et c’était une bonne expérience de faire cela en vendant ma musique sur le net avec cette formule “un single par mois”.
– dat’ : Vous semblez toujours prendre une direction différente à chaque nouvel album, parfois comme une réaction au précédent LP. Ces dix morceaux sortis entre 2011 et 2012 était très progressifs, avec beaucoup d’instruments lives, certains étaient très mélodiques… mais votre site officiel décrit le prochain album à venir comme étant radicalement différent de ces “monthly releases”. Pouvez-vous nous donner des indices sur la direction prise sur votre prochain album ? Sortira-il en 2013 ?
DJ Krush : Comment dire… Pour l’anniversaire de mes 20 ans de carrière, j’ai été dans plus de 20 pays en 6 mois. Evidemment, en France également. Au cours de ces voyages aux 4 coins du monde, j’ai été énormément influencé par la culture de tous ces pays. Je suis en train de placer toutes ses influences dans mon nouvel album. C’est encore trop tôt pour dire comment l’album sonnera de façon exacte, mais il sera clairement ouvert sur ces voyages.
Je pense… enfin, j’espère, que l’album sortira dans la première moitié de l’année prochaine. Avant l’été ! Là je suis encore dans le stade d’écriture des morceaux, de la confection de nouveaux sons.
– dat’ : Vous avez toujours travaillé avec les meilleurs MCs, voir des légendes du hiphop américain. Mais cela fait plus de 7 ans qu’il n’y a pas eu d’album de “Dj Krush”, et les choses ont pas mal changé dans le Hiphop US. Quels sont les MCs actuels qui vous inspirent, ou avec lesquels vous aimeriez travailler sur le prochain album ?
DJ Krush : C’est difficile à dire. Il y a tellement de grands MCs, partout dans le monde, en incluant le hiphop français aussi… J’ai l’impression que le hiphop est devenu encore plus puissant et présent qu’à l’époque de mon précédant album. Je parlais des influences de différents pays pour mes sonorités, mais pour les MCs, j’aimerai vraiment recommencer à travailler avec des Japonais. Il y a vraiment de très bons rappeurs au Japon ! Donc pour mon prochain album, j’ai vraiment envie d’axer mes recherches de MCs sur ce critère.
– dat’ : En interviewant DoseOne cette année, il a confié être venu au Japon la première fois car vous vouliez travailler avec le crew Anticon. Pouvez-vous nous dire pourquoi étiez-vous si intéressé par la musique d’Anticon, et comment était-ce de travailler avec ces mecs ?
DJ Krush : Oh, il se souvient de ça ? C’est drôlement cool ! (rires). Ce mec est mortel. Vraiment, c’était génial, on s’était vraiment bien marré, sans calcul, de façon très spontanée. Pourquoi Anticon ? Parce qu’ils avaient tous, chaque MC, de très fortes individualités, ils étaient tous très originaux dans leur approche du hiphop. Donc il fallait absolument que je les contacte, ne pas passer à coté (rires)
– dat’ : Les événements organisés par Hennessy Artistry, tentent toujours de donner la possibilité de réunir des artistes d’Europe ou des USA avec des musiciens japonais (ndlr : à l’instar de C2C et Tucker). Ce soir, c’est vous et Large Professor qui partagez la même scène. Que pensez-vous de ce concept ?
DJ Krush : Vous savez, il y a tellement de problème dans le monde en ce moment. La musique, je ne sais pas si ça peut changer… comment dire, je sais que certains ont une opinion différente sur ce point, mais pour moi, en tant qu’artiste, je pense que qu’il faut avoir un maximum de connexions, d’échanges… surtout dans le hiphop ! Il faut faire les choses ensembles, faciliter le partage. Donc l’événement de ce soir a une forte signification pour moi, cela véhicule quelque chose d’important. On devrait faire ce genre de concerts beaucoup plus souvent. Comme je disais, il y a beaucoup de conflits et de problèmes entre certains pays, entre certaines cultures… mais bon, au moins, dans le monde de la musique, on a tous envie de se serrer les coudes non ? (rires)
– dat’ : Et Main Source (le groupe de Large Professor) a été une influence sur votre façon de faire du hiphop, au tout début des années 90 ?
DJ Krush : J’ai ENORMEMENT écouté Main Source. Enormément ! Je dois avoir tous les albums en version originale, et tous leurs EP aussi ! Le Hiphop est né aux USA. Nous, au Japon, nous avons étudié le mouvement, nous avons appris, nous avons été façonné par le hiphop US. Donc je suis vraiment heureux d’être sur la même scène que ces artistes là. C’est une des raisons pour lesquelles je suis heureux d’être encore DJ. On doit même faire un morceau ensemble ce soir, mais on l’avait un peu oublié à la répétition (il part dans un fou rire). Mais bon, ça devrait quand même aller ! (rires)
“Dans ce film, les mecs, au lieu de se battre à coup de flingues, s’affrontaient avec des micros (…) ça m’a montré une alternative, ce fut un electrochoc”
– dat’ : Vous avez souvent parlé du fait que le film Wild Style avait été l’élément déclencheur de votre carrière dans le hiphop, que vous avez découvert le mouvement via ce film. Vous en portez même le tee-shirt ce soir. Mais je voulais vraiment savoir : comment êtes-vous tombé sur ce film ? Comment un jeune japonais pouvait aller voir Wild Style sans rien connaître du hiphop ?
DJ Krush : (il éclate de rire) Oui, je me souviens, c’était dans un cinéma du Kabukicho (ndlr : quartier chaud de shinjuku, où se concentrent les yakuzas) ! Alors moi, je n’étais pas tout seul pour voir le film, j’étais avec une nana. Cette fille, c’était… comment dire… une fille du kabukicho, qui travaillait dans les bars louches du quartier (ndlr : Impossible de réellement traduire “kabukicho girl”, englobant les hôtesses de bars comme les stripteaseuses ou les prostituées). Vraiment, on avait aucune idée de ce qu’était le breakdance… ni même le hiphop !! J’étais donc en “date” avec cette fille, on avait juste du temps à tuer, donc j’ai vu l’affiche, et on y est allé un peu au hasard. Il n’y avait pas grand monde dans la salle d’ailleurs…
Le film parlait donc d’une culture de bandes, de mauvais garçons, sauf que les mecs, au lieu de se battre à coup de flingues, ils s’affrontaient avec des micros ! Moi j’étais dans un gang et tout plus jeune, j’ai fais des sales trucs à Shinjuku à l’époque… c’était totalement lié avec le film, mais ce dernier me montrait une alternative, ce fut un électrochoc ! Donc voilà, je ne savais pas où je mettais les pieds en allant dans ce cinéma, c’est arrivé comme ça.
– dat’ : Et la fille ?
DJ Krush : Je l’ai oublié (rires) Je crois qu’elle m’avait dit en sortant du cinéma qu’elle n’avait pas pigé grand chose…
– dat’ : Mais dans ce cas, si vous avez découvert le hiphop avec Wildstyle… quel était votre lien avec la musique auparavant ?
DJ Krush : Je faisais des percussions dans une fanfare en primaire (il éclate à nouveau de rire) ! J’adorais la peinture aussi. Sinon après, adolescent, j’étais dans un groupe, et on faisait du gros hardrock façon Led Zeppelin, Deep Purple ou Black Sabbath ! Des trucs dans le genre. Cela m’arrive encore de passer un peu de Led Zeppelin dans mes mix d’ailleurs. Sinon j’écoutais vraiment pas mal de genres musicaux même étant gosse. Donc, j’écoutais beaucoup de rock, Eikichi Yazawa, Carol… du punk aussi, avec les Sex Pistols, The Clash, The Damned… J’ai écouté aussi de la musique électronique, genre The Human League. En fait, je me foutais un peu des genres musicaux, je n’ai jamais trop réfléchi comme cela, j’écoutais juste la musique que je trouvais “cool”. Peut-être que l’on retrouve un peu cela dans mon hiphop…
– dat’ : A l’instar de new York pour le rap US, pour vous, quel est le rôle de Tokyo dans le hiphop Japonais ?
DJ Krush : Dans les textes… Comment dire… je vis à Tokyo… mais justement, ces temps ci, il y a tellement de type de hiphop diffèrent au Japon ! D’ailleurs, moi personnellement, je ne sais même pas si je suis hiphop ou non. Ou plutôt, dans quelle case du hiphop ma musique est classée. Aujourd’hui, je vais mixer du rap, mais ça peut changer le jours d’après, comme je disais, je joue des morceaux sans distinction de genre. A Tokyo, j’imagine qu’il y a des artistes vraiment “hiphop hardcore” qui pourraient bien mieux répondre à cette question (il écarte les bras, et mime un arbre avec pleins de branches représentant le hiphop, et pointe son doigt très loin du milieu de l’arbre, sur le coté). Moi je pense que dans le hiphop, je suis vers là, sur cette petite branche (rires) !
– dat’ : Beaucoup de Français ont découvert Tha Blue Herb avec votre mix Code4109, et Candle Chant de l’album Zen. Maintenant, quand on parle de hiphop japonais, on cite obligatoirement ce groupe, comme étant consideré comme l’un des meilleurs groupes de hiphop japonais. Mais vos morceaux ensemble remontent à loin… Vous avez toujours des connections avec le groupe ?
DJ Krush : En France ? C’est vrai ? Cool ! Les textes de Tha Blue Herb sont aussi bien écris qu’un vrai livre. Ils ne parlent pas que de sexe, de bagnoles etc… On se croise toujours, on est parfois booké sur le même concert, le même festival. Oui j’aimerai vraiment refaire quelque chose avec eux… mais ils sont vraiment très occupés en ce moment !
– dat’ : Il est impossible pour nous de comprendre les lyrics de Candle Chant, morceau composé avec Tha Blue Herb, pourtant, elle est tout le temps citée dans les “meilleurs morceaux de Dj krush”. Le titre précise que c’est hommage. Pouvez-vous nous en dire plus ?
DJ Krush : (il réfléchît longuement) Candle Chant, c’est un morceau parlant d’un Japonais que j’ai connu, qui était métisse japonais/noir américain. Il est mort d’un cancer. C’était un vrai fan de hiphop, il rappait d’ailleurs, et il était fan de ma musique. Je l’avais rencontré à l’hôpital, et il voulait absolument faire quelque chose avec moi. Donc, on s’était mis d’accord pour faire un morceau ensemble, mais malheureusement, il est mort avant que nous puissions commencer. Donc Ill-Bosstino et moi, on a décidé d’écrire quelque chose ensemble, en hommage, et ça a donné Candle Chant. Ce mec avait vraiment du talent. Malheureusement, il se faisait harceler et subissait des brimades au lycée, parce qu’il était métisse, ce qui est parfois mal accepté au Japon. Mais lui voyait ça de façon positive, il me disait “j’ai deux sangs dans mes veines, deux cultures, donc je suis deux fois plus fort !” et ça me touchait vraiment. Au Japon, très peu de gens réagissent de cette façon quand ils subissent le racisme au quotidien vous savez…. C’était vraiment un type bien, donc voilà, on a fait ce morceau pour lui.
– dat’ : Dernière question que je me dois de poser à chaque interview… pouvez-vous nous conseiller trois artistes à écouter ?
DJ Krush : Nous en parlions tout à l’heure, je conseille évidemment d’écouter Tha Blue Herb. Leurs morceaux sont tellement novateurs. Ca serait vraiment bien que les gens comprennent leurs textes, ça serait encore mieux. Qui d’autre conseiller… C’est difficile en fait. Vu que je suis en train de composer mon nouveau disque, je n’écoute pas trop ce qui sort en ce moment, car j’ai trop peur de me faire influencer par ces derniers (rires).
Dans le hiphop japonais, je reçois énormément de démos et de mixtapes de MCs voulant travailler avec moi, il faut que je me concentre là dessus aussi, comme je disais tout à l’heure. Donc pour vous conseiller des artistes… laissez-moi écouter ces démos, et vous verifierez les MCs qui seront sur mon disque (rires) !
Photos Dj Krush x Large Professor / 14 Octobre 2012:
Dj Krush – Kemuri
Dj Krush – Candle Chant feat Tha Blue Herb
Dj Krush – Only the Strong Survive feat CL Smooth
Dj Krush interviewed by dat’ / Chroniques Automatiques / FACEBOOK
All photos by Dat’ / Chroniques Automatiques
Check Henessy Artistry website and videos here http://www.hennessy-artistry.jp
Big shout to Henessy Artistry, Syn Song, James, Asai-san, Séchilnyu and my mates Daz & Myuji
This entry was posted on Sunday, October 28th, 2012 at 9:48 pm and is filed under INTERVIEWS. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.
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