Scriiiiiiitvhfzzz
On parle souvent de la rapport de force / fusion homme-machine dans l’art. Que se soit dans le cinéma (Blade Runner, Terminator, Tetsuo…), la littérature (Asimov, Philip K dick and co…) ou bien sur l’animation (Le grand Lain, Gunnm, texhnolyze… )
Si l’on devait choisir un groupe de musique pour illustrer ce “thème”, Autechre en serait le meilleur représentant…
Ces deux génies ont, en une dizaine d’album, abolit la frontière homme / machine, atteignant son apogée sur le mirifique “Confield”…
Ces deux génies sont cités comme référence par un grand nombre d’artistes, Bjork ou radiohead en tête, (Thom Yorke plaçant le groupe des qu’il le peut dans une interview et revant d’un projet entre les deux groupes) sans compter tout le petit monde de l’électronique et du Hip-hop indépendant…
Ces deux génies sont signés chez Warp depuis leur début, écurie qui bénéficie toujours d’un catalogue d’artistes hallucinants…
Ces deux fous, je n’en pouvais plus de les attendre l’année dernière après l’annonce de leur nouvel album, “Untitled”…
Encore une fois, une chronique complètement subjective, brouillonne et qui n’engage que moi. Car parler “normalement” de ce genre d’album est quasi impossible… Beaucoup de gens crachent sur Autechre, en balançant des « c’est de la musique pour cinglés », « Ce n’est pas écoutable… »
A vous de voir, la musique n’est pas faite pour plaire à tout le monde…

Le packaging est classe, abstrait, comme d’habitude avec eux.
8 titres, pour une durée de 70 minutes… (Une moyenne de 7/8 minutes par titre) on prend sa respiration, on ferme les yeux et on plonge dans un univers métallique oû le peu de chair se fera défoncer sans état d’âme…
“LCC” premier long titre de l’album, va balancer pendant 3 premières minutes une rythmique martiale, âpre… Une marche militaire pour robots en quête de vie humaine, sur un champ de bataille dévasté…
Pour laisser apparaître une mélodie, fragile, fluette, qui se faufile entre ses sons tentant de la martyriser… on essai de s’y accrocher, mais c’est dur, elle file trop vite, elle est trop malmenée… Mais elle semble trouver son salut en prenant la main d’un synthé digne de la bande son de Blade Runner… Les robots se font plus discret, se cherchent, la vie prend le dessus sur cette rythmique aride… Apres s’être fait annihilé, on plane, c’est beau… Le titre à écouter en premier si l’on veut pénétrer dans l’univers d’Autechre…Sublime, dérangeant, incroyable emplit d’une dualité ou d’une schizophrénie presque évidente…
Pour peu de temps…
Le deuxième titre assène une rythmique encore plus métallique, saccadée, presque en mutation. “Ipacial Section” s’habille des les premières secondes de bleeps rapides, basses sourdes et grésillements en tout genre… on est martelé, ballotté, torturé par une machine. 2 minutes, elle assène son coup de grasse avec un son presque industriel, donnant une ambiance de Chaos. Et ce n’est pas l’anémique ligne mélodique, complètement noyée dans le marasme sonore, qui va nous rassurer…
Mais au bout de 3 minutes 30, comme pour nous sauver de l’étranglement électrique, un break et un synthé desservant une sorte d’incantation mélodique, s’immisce dans la danse… Cette fois ci, les forces sont égales, les machines répliquent en assenant des basses encore plus lourdes, mais le semblant d’humanité tient bon, donnant à cette piste l’impression d’écouter une véritable guerre technologique…
Tout se calme, seul un son métallique reste en place avec une mélodie rachitique et répétitive… un peu comme si deux survivants balançaient leur dernières forces dans la bataille… 10 minutes de conflit…

Les deux d’Autechre noyés dans leurs machines
“Pro Radii” démarre bizarrement… La domination des machines étaient elle trop importante? Le morceau, sur une rythmique escarpée, distille comme un son de “foule” criant victoire… Ce sample va courir pendant un bon tiers de la chanson… ni agréable ni désagréable… juste intriguant… auraient t’il gagnés une bataille?
Le sentiment d’allégresse n’est pas présent pour bien longtemps, un magma de cliquetis débarquent et une nappe, superbe, fantomatique, désincarnée, enveloppe le tout… c’est beau… métallique mais calme, âpre mais pas violent… comme si une marée d’androïdes arrivaient au loin… on ne les distinguent pas bien, mais on sent leur présence… le sample de “foule” se transforme en une sorte de “plainte”.
Un morceau presque irritant au premier abord qui devient l’une des pièces maîtresses de l’album…
Et l’on arrive à “Augmatic disport” mon titre favoris avec “LCC”… Une rythme inimaginable, qui se tortille, s’enroule et se déroule… les sons sont en train de se mouvoir dans vos oreilles, ils se développent, ils semblent vivants… On a clairement l’impression d’entendre un organisme grandir, bouger, parasiter un espace mis en place par les deux gars d’Autechre… ils balisent l’endroit où le son va muter de lui même… cela fait presque peur…
On est en plein dedans… le début de l’album illustrait le rapport de force entre l’homme et la machine, mais on assiste ici à une fusion entre ces deux entités… Impossible à décrire… un clavier s’invite à la danse, le son mute toujours, comme si il se jetait contre les murs, se roulait par terre, se nécrosait et explosait en même temps, sans cadence imposée, ni rythmique pré-établie… il bouge et évolue comme il le veut, comme il le peut…
Ce ne sont plus des sons musicaux, mais un “truc” vivant, rampant, déambulant dans vos oreilles… La fin est plus cadrée, comme si la chanson avait atteint sa forme adulte… 9 minutes 30 de mutation…
Les deux musiciens d’Autechre? On les a oublié… deux humains ne peuvent faire une musique pareille… c’est leurs boites à rythmes qui prennent le pas sur leur idées… les ordinateurs n’en font qu’a leur tête… Mais d’une façon tellement sensée et réfléchie… L’intelligence n’est plus artificielle…
“Untitled” se poursuit sur deux titres beaucoup plus court, (moins de 5/6 minutes) et quelque peu différents…
“Iera” fera presque office de marche funèbre pour enterrement d’androïdes, des bleeps rapides essayant de grignoter un orgue noir et glaçant… Presque vivante elle aussi, cette chanson est intrigante mais exceptionnelle, sans structure, les bleeps métalliques apparaissants comme bon leur semble pour accompagner cette lourde atmosphère…
“Fermium” fait presque figure d’Ovni, comme si Autechre, voulait nous rappelé ce qu’était les ordinateurs il y a bien longtemps, avant qu’ils nous dominent… La rythmique est simple, répétitive, donnant l’impression d’écouter une drum and bass décharnée… les sons sont basés sur le bruit d’une ligne 56ko tentant de se connecter… comme une séquence nostalgie, ou les humains se permettaient de pester et d’insulter leur ordinateur personnel qui avançaient comme des limaces… s’ils avaient su ce que toutes les machines préparaient, ils n’auraient pas adoptés un comportement aussi hautains et provocateur vis-à-vis des PC…
The trees … seul titre concret de l’album, débouchant pourtant sur la piste la plus difficile d’accès… Les sons sont abrasifs au possible, on peut toujours courir pour trouver une mélodie salutaire. Comme si Autechre avaient voulu nous donner le faux espoir d’enfin trouver une oasis de verdure dans ce futur ordurier et désenchanté, pour mieux nous asséner que non, il n’y a point d’eden ici bas… clairement industriel, aucun semblant d’espoir ne transparaît de ce “the trees”… seul des parasites pourraient faire penser à du vent courant entre le matraquage.
Dernier titre, “Sublimit” va mourir sur plus d’un quart d’heure… Il démarre avec une rythmique rapide, sèche, un peu comme “LCC”, avec des “bips bips” bien caractéristiques… 3min30, break, on croirait plonger dans un morceau de funk complètement détruit… comme un vieux vynil funky défoncé par le nouvel ordre établit… les sons se voient parasités par des rythmiques électroniques qui s’entrechoquent d’elles même… Puis le morceau va lentement se calmer, entamer une longue descente à partir de 7 minutes… tout deviens de moins en moins complexe, des voix (?) fantomatiques succèdent à certains sons, mais la base martiale métallique reste, résiste… les plaintes se font de plus en plus présentes…
C’est superbe, on a l’impression de tomber dans un tunnel sans fin, avec pour seule compagnie machines et âmes tournant autour de notre tête…
Certains privilégient une grosse montée en puissance à la fin de leurs albums… Autechre va opter pour une descente, un effondrement de plus de 15 minutes…
Il ne reste plus rien…
Incontournable…