Goth Trad – New Epoch


Tokyo Babylon



Comme le disait si bien Grems dans son album Air Max, j’aime les gothiques, les bas resilles, pièces de latex, tatouages et talons hauts. Ca me fascine. Goth-Trad, comme son nom ne l’indique pas, est un Japonais qui n’est pas gothique. Mais il aime le noir, le sombre, la melasse sonore. Les teintes indus et les nappes vrombissantes qui te titillent les intestins aussi. Si Goth-Trad est avant tout l’homme derrière les machines du duo Japonais Rebel Familia, éminente formation Indus-Dub-Electro-Jungle-Hiphop (tout un programme) ayant balancé trois albums de folie, dont un “Solidarity” que je considère comme l’un des disques les plus importants de l’underground japonais (disque de dub-indus avec en featuring une tripoté de producteurs et MC japonais, de Tha Blue Herb en passant par Shing02 ou Dj Baku)

Bref, si Goth-Trad secoue son monde avec son groupe, il n’en avait pas moins marqué les esgourdes averties avec 3 albums, et surtout sa premiere plaque sortie il y a 9ans, « I ». Il y avait donc de quoi attendre ce New Epoch la bave aux lèvres.








Packaging cartonné qui n’a rien de spécial, si ce n’est un artwork classe (mais moins que son premier Lp tout de même), New Epoch impressionne néanmoins par la durée de ses titres. C’est bien simple, la quasi-totalité des morceaux durent au moins 5 ou 6 minutes, on laisse le temps aux taons qui piquent tant que la tente n’est pas levée. Détente sur Man In a Maze, commençant parfaitement l’album. Violons ombrageux, cordes cristallines, atmosphère cinématographique qui se laisse envahir, après de délicieuses minutes, par un drone noise vicieux. 3 minutes, le rythme déboule et tabasse dur, claques martiales, qui part en techno-dub orchestrale du plus bel effet. Cette ouverture est mortelle, et augure d’un grand disque. Qui sera sombre. Très sombre. Goth-Trad aime les machines qui grincent, le dub visqueux, l’electro noisy. Long tunnel IDM expérimental sur Departure, façon Raster-Noton qui fumerait un spliff, on dit oui. Noyade huileuse et étouffante sur Cosmos, on valide aussi. Tirade quasi-ambiant façon je-flotte-dans-l’espace après avoir absorbé du Rohypnol, c’est sur Strangers. L’abstract complètement pété de Seekeer finira de tordre les oreilles les plus revêches.

Mais le disque sait aussi avoir ses moments de lumière, comme sur Walking Together, étirée tirade héritée d’une musique tribale, pour une mélodie presque guillerette, et une bassline de folie. On va danser tranquillement autour du feu, avant qu’une rythmique de folie et des circonvolutions vrombissantes attaquent les neurones. Le morceau va petit à petit laisser perler le soleil, devenir plus léger, superbe. L’un des highlights du disque reste sans conteste Babylon Fall featuring l’increvable Max Romeo (mais si, vous savez, celui qui a fait ça). Morceau déjà sorti sur le dernier Rebel Familia (le groupe de Goth Trad donc) et remixé ici en mode autiste. Reste ici la seule vraie piste “Dub”, avec rythme et vocal Reggae, superbement démontée par une bassline du tonnerre. Tu penses au Jarring Effects du début des 2000, tu penses à tous les disques electro-dub que tu as adoré pendant des années, avant de les oublier peu à peu. Sérieux, ce morceau m’a presque foutu les larmes aux yeux tant il frise la perfection dans le mix Dub et electro que j’aimais tant, à me balancer trois cent mille souvenir dans la gueule.


Mais il faut mettre en lumière les deux morceaux les plus réussis de la galette, les deux mandales absolues, qui sortent en plus en fin d’album. Anti Grid tout d’abord, techno sombre façon Wipeout avec une lente rythmique indus. C’est noir comme la mort, claustro comme jamais, c’est vraiment bon. Des sons dans tous les coins, des grincements, des bassline aquatiques, une mélodie épileptique. Et tout à coup, un synthé qui sort de nul part, des profondeurs, du néant, qui perce tout doucement cette carcasse chaotique et nécrosée. Un synthé dingue, fragile en diable, complètement rachitique, qui n’intervient qu’à partir de la moitié du morceau. Break, la grosse folie, le truc te tord la colonne vertébrale, les androïdes se lèvent pour faire la guerre, et tirent sur tout ce qui bouge. On dirait le LCC d’Autechre (même structure) qui sodomiserait un rasta avec l’aide de Rjd2 pour la partie de bondage en préambule. Ce morceau de pure folie.

L’autre tête d’affiche, c’est le morceau de fin, et éponyme, New Epoch. Alors là, les synthés de folies, à chialer sa mère tellement ils sont beaux, ben c’est cool, on les entend dès la première seconde. Tu rajoutes une mélodie dub méchamment electro, des violons, une teinte presque jungle, des rythmiques pachydermiques, et déjà tu planes hardcore. Je n’avais pas entendu un morceau electro-dub-expé aussi réussi depuis belle lurette. A chaque fois que les synthés progressent, se mettent à tout envahir, tu fermes ta gueule, et tu te retrouves les bras ballant à prendre ton orgasme auditif. Et quand la petite mélodie enjouée déboule, sautillant sur les claviers en décomposition, tu crèves la gueule ouverte, overdose de bonheur. Ce morceau ! Ce putain de morceau !






Goth-Trad nous sort là un disque excellent, vraiment reussi, permettant de renouer avec certains de mes premiers amours de l’electro-dub, tout en plongeant le tout dans un bain chaud plus actuel, remplis de canard en plastiques indus et autres mousse experimentale vrombissante. Que ce soit sur des teintes abstraites (Man in the Maze) ou carrement dub (Babylon Fall feat Max Romeo), l’album tient debout, et évite les redondances presque à tout les coups Mais c’est surtout quand le Japonais balance les synthés, et part sur des terres plus mélodiques et electronica qu’il nous fait chavirer, à l’instar de Anti Grid et New Epoch, deux morceaux absolument mortels, et grandioses, progressions fragiles puant la mort, alliant beauté pure et âpres fracas du plus bel effet

Du grand Goth-Trad, pour un très bon disque, qui pourrait survivre à une année qui s’annonce pourtant drolement riche en sorties.






Goth-Trad – New Epoch






11 Titres – P Vine Records / Deep Medi Musik

Dat’

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  1. Dodochampion. Says:

    Je reconnais que la première écoute d’il y a quelques semaines est loin d’avoir tapé dans l’indifférence la plus totale, et la chronique est sensiblement en accord avec mes impressions préliminaires. Allons chercher le sommeil avec du rêve dans les esgourdes tiens…

  2. staphi Says:

    Aaaah goth trad !

    c’est le meilleur concert de dubstep que j’ai vu.
    les morceaux Anti Grid et New Epoch sont effectivement des tueries, et personnellement j’aime beaucoup aussi Airbreaker.

    Je connais pas son 1e album I, il va falloir que je le chope maintenant que j’ai lu ta chronique.
    Ses ep et singles sont biens aussi.

  3. staphi Says:

    d’ailleurs le concert où je l’ai vu, on peut voir quelques petits extraits sur youtube :

    http://www.youtube.com/watch?v=m9lUhLqFFb4

    les extraits sont courts mais ça permet de se faire une petite idée de ce que ça donne Goth Trad en live.

  4. Magi Says:

    Excellent album, superbe découverte, merci encore une fois Chroniques Auto’. 🙂

  5. Dat' Says:

    D’ailleurs sur son disque, à part Airbreaker, c’est vraiment Dubstep. Ca revient vraiment à un Dub Electro comme on en ecoutait tant au début des années 2000.

    Sinon je l’ai vu plusieurs fois en live le bonhomme, il démonte. Et voir Rebel Familia aussi !

    Dat’

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