Broken Kite Footage
Melodium, qui a sorti une bonne dizaine d’album, reste bien présent dans mon cœur avec son “La tête qui flotte”, petit chef d’œuvre qui pointe surement dans mes disques preferés malgrés les années. A le caller à chaque fois dans les discussions traitant des excellents disques français pas connus (à coté des Depth Affect, Avia ou Abstrackt Keal Agram, dans des genres bien differents), à le faire écouter à des proches dès que l’occasion se presente. J’en avais d’ailleurs casé un bout dans la mixtape France vs Japon, car je ne pouvais pas faire une compil’ sur des morceaux de l’hexagone sans placer un Melodium. La Tete Qui Flotte, plus que autres disques de Laurent Girard, arrivait à synthétiser un mélange parfait entre une electronica mélancolique et ritournelles pop lumineuses. Seul disque du Nantais à tenir cet équilibre certes, mais pas le seul disque digne d’intérêt, Melodium balançant chaque année un Lp tirant la couverture vers differentes directions, qu’elles soient très electronica ou au contraire tournées vers un folk plus posé.
La force du bonhomme, c’est de faire de grandes comptines avec des bouts de ficelles. Son nouveau LP, The Island, imprime encore plus cette recette épurée, pour un disque quasi-dénué de charges electroniques, en apparence.
Pour comprendre comment marche The Island, il suffit d’écouter les deux premiers morceaux. Lacrymae commence en mode émo-cristallin, avec une petite mélodie à la harpe, qui va se déplier, pour accueillir différents instruments timides, et imprimer une progression de folie. En évoquant la musique de Mélodium, on parle souvent de souvenirs d’enfance, de mélancolie, de vieilles photos trainant dans les tiroirs de notre table de nuit. C’est tout à fait ça. Ici, on marche sur une plage, à la poursuite de son enfance, d’une petite copine. Le crissement final simulerait presque les pas dans le sable un peu humide. Bref, tous ces clichés à la con que l’on nous ressort constamment, mais que l’on ne peut oublier. C’est tout simple, tout bête, tout malingre et rachitique comme musique. Ca ne tient qu’à un fil, et pourtant ça marche parfaitement. C’est beau. C’est putain de beau.
Pas de chant ? Non. The Island va alterner morceaux instrumentaux et chansons featuring notre émo-nantais préféré. Sur The Dark Home, on tombe en terrain plus connu, du Melodium comme l’on en croise sur une dizaine de Lp. Une guitare avec des accords rachitiques, une voix posée et grave, presque hypnotique. Petite folk-song sans prétention ? Oui, jusqu’à ce qu’un hululement chelou casse le coté “cabane dans les bois” du tout. Rythme électronica claudiquant, cordes larmoyantes, petit piano candide. Bonheur.
Pour schématiser, l’album se départage donc entre pistes instrumentales et morceaux chantés. La cassure est nette, pas comme sur un La Tête Qui Flotte. Mais les deux exercices valent le coup d’oreille. Car même sans sa voix, Melodium pond des petites merveilles, comme le très progressif Supervacuum, construit comme une longue montée électronique (mais acoustique, je me comprends), avec une harpe qui va se laisser bouffer par des instruments à vent Midi, et autres synthés hypnotiques. In Deserto, encore plus tire-larmes, laisse une mélodie au piano se délier, c’est à chialer même si c’est encore une fois tout simple, et que cela ne tient à rien. On à l’impression d’entendre un gamin qui a ramené ses petits pianos et ses bichtouilles à percussion pour faire un morceau dans sa cuisine. Pourtant, ça te fait l’effet d’une balle dans le crane tellement c’est beau. Plus le morceau progresse, plus on a l’impression d’entendre un Yann Tiersen vs Beirut, avec les lignes de piano qui copulent entre les cuivres. Peut-être le morceau le plus réussi du disque. Normalement, quand un morceau est beau, j’utilise le champ lexical du “arrache de cœur, fusil à pompe dans les intestins et malaxage de colonne vertébrale sale batard” dans mes chroniques, mais là, on est clairement plus dans “papillon dans le ventre et larmichette au coin de l’œil” tant le tout est fragile, léger, sur le fil. Ca ne te file pas une grosse mandale, mais ça vient te bercer avant de pioncer, te caresser doucement la joue, et toi, tu as juste le palpitant qui se serre comme lors de ta première lettre de rupture.
Balanci fera encore plus cousu de fil blanc, avec ces petites notes qui se posent sur le morceau avec la bouche en cœur, pour une fin presque épique. (épique façon “tu sors de ta couette toute chaude pour aller chopper une bouteille d’eau en pleine nuit”, mais épique quand même). Gaima sort les cordes et les glitchs electro discrets pour une sombre petite fresque.
Du coté chant, il y a le premier single The Feeble Light, super tristoune, mais putain de belle. Pas grand chose, à part une gratte avare, une voix sombre et des simili-cordes. C’est lugubre, linéaire, désertique. Mais ça prend aux trippes. Salement. The Outside part dans quelque chose plus rythmé, presque hiphop dans le rythme. C’est délabré là aussi, il n’y a rien à part de rythme qui drague ta nuque, la guitare famélique et le petit piano orphelin. La voix est presque inaudible, à peine murmurée. C’est pourtant imparable. La grande classe. Bon, The Pseudo Friends fait un peu Radiohead sans le sou au premier abord, mais quand le morceau part dans ses refrains cristallins-electro-cosmiques, à base de synthés et d’échos psychédéliques, tu t’envoles avec tes tympans, trop de drogues. A dire vrai, seul The Little Robot se foire un peu, et se pose comme le petit raté du disque. La musique est belle, mais la voix se pose bizarrement, trop hésitante, presque fausse, cassant la jolie litanie. Dommage. Mais pas grave, car le disque se termine sur le long (6min30) Sine Ictu, piste instrumentale en deux parties. L’une très sombre, à base de cordes menaçantes et drones âpre, avant de basculer sur une conclusion électro plus candide, mélancolique en diable, longue chute ouatée et hypnotique.
Si The Island n’est pas la livraison la plus impressionante/poignante du bonhomme, elle continue de tracer le chemin au combien plaisant qu’arpente le Nantais. Semblant vraiment fait avec trois bouts de ficelles, pas exempts de bugs et surprises que l’on croirait presque improvisées, The Island arrive quand même à te prendre la gorge au détour de titres humbles et presque rudimentaires, comme l’ouverture Lacrymae, In Deserto ou la plupart des morceaux chantés durant le disque. Mais en imprimant une progression electronique à des pistes folk, Melodium sort de cette musique feu de bois pour flirter avec les nuages. Et prouve qu’une belle chanson, qu’elle soit jouée avec un orchestre à 50.000 dollars ou avec trois babioles dans sa chambre, reste une belle chanson.
On attend avec impatience une prochaine livraison un peu plus fracturée, mais pour le moment, il est parfait d’habiller nos nuits avec ce fragile The Island. Pour courir mentalement derrière son cerf-volant, la main droite accrochée à un cornet de glace, et l’autre bien callée dans la pogne de son père.
Melodium – The Feeble Light
Ps : Et foncez écouter son album La Tête Qui Flotte !
11 titres – Audio Dregs
Dat’
This entry was posted on Wednesday, March 28th, 2012 at 11:22 pm and is filed under Chroniques. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.
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