Plaid – Scintilli

Posted in Chroniques on September 19th, 2011 by Dat'


Et si tu me revois après ma mort




Ok, je vais avoir du mal à parler de ce qui suit, désolé si l’intro vous semble complètement brouillonne. Pour balayer toute crainte d’une chronique objective, un fait : Plaid doit être mon groupe préféré. Mais paradoxalement, je n’ai PAS d’album de Plaid préféré. Pas de highlight réel dans leur disco, le groupe a toujours navigué pour moi dans des eaux étranges, celles des excellents albums peuplés de très bons morceaux, et d’autres dispensables, cela sur tous les disques. Pas d’album culte donc, pas de “Mezzanine” ou de “10.000 hz legend” chez Plaid, pas de Lp pouvant être plaqué partout comme référence absolue. Des morceaux qui m’arrachent encore et encore la colonne vertébrale, oui, il y en a des camions bennes. Disséminés tout le long de la carrière de Plaid, au grès de leurs sorties. Pourquoi mon groupe préféré alors, si je me trouve dans l’impossibilité de faire du prosélytisme en balançant des “putain mais écoute ce Lp en premier, tu vas voir ça va changer ta vie” (ce qui est en général plus convaincant que “ouai alors écoute le morceau 2 du premier disque, le 5eme du deuxième Lp, le 9eme du…” ) Je n’arrive pas à expliquer cela, et c’est surement le seul groupe, surtout en electronica, que j’aborde sous cette optique, alors qu’il m’est tellement facile de dégager les meilleurs Lp de leurs potes de label… Phénomène intéressant, et paradoxe que je tente d’expliquer en m’emmêlant complètement les pinceaux, c’est que si j’avais à lister mes 10 albums de musique préférés, que j’aime le plus, il n’y en aurait AUCUN de Plaid. Mais pour la question “quel est ton groupe préféré / le plus écouté” je répondrai surement Plaid sans hésitation.

Préféré donc, parce que sur la presque douzaine d’années que j’écoute le groupe, je n’ai jamais été lassé de leur musique. Plaid, je siffle ça sous la douche. J’écoutais ça en allant au collège, au lycée, puis à la fac, puis à l’anpe, puis au boulot. En vacances, la nuit, dans mon lit, sur la terrasse, dans l’avion, dans les trains, en déclarant ma flamme, en coupant les ponts, en soirées bourré, seul dépressif, dans la bagnole avec des potes, en bossant, en ne bossant pas, en tentant de faire des mémoires, en pleurant, en riant, en regardant la tv sur mute, en bouffant, en broyant du noir, en courant vers le soleil. Bref, comme chacun a le groupe “de sa vie”, le mien doit être Plaid, et si mon disque préféré n’est pas de Plaid (mais de qui au juste ?), la musique de ces anglais s’est littéralement emparé de mes synapses, et j’ai énormément de souvenirs en relation avec leurs Lp.


Alors oui, donc ce Scintilli, on l’a attendu à mort. 8 ans. Certes, entre temps, des sorties qui ont pu faire patienter tranquillou, entre un Greedy baby en demi-teinte, une BO d’Amer Béton / Tekkonkinkreet absolument sublime et une autre pour Heaven’s Door sympa mais pas franchement marquante. Forcément, cette attente, elle a exacerbé, graduellement, l’envie d’écouter un disque de Plaid, qui se devait, après tout ce temps, être parfait.









Bon pareil, la suite risque d’être encore un peu brouillonne. Une chronique du nouveau Plaid, j’en ai rêvé depuis que j’ai ouvert ces pages. En 6 ans, je n’ai jamais fait d’article sur les anglais, justement pour que le nouveau disque soit le premier article traitant du groupe. Scintilli commence d’une façon assez étrange, avec Missing, jolie intro cristalline, à base guitare acoustique d’harpe, de voix féminines. C’est drôlement mignon, ça évolue plutôt pas mal, et même si quelque chose me gène dans ce morceau, sans pouvoir réellement savoir quoi (peut être quand le chant change, par ex sur le passage 1min30/38 ). Bref, ça cajole, il y a des clochettes et c’est méchamment émo, comme tout bon Plaid qui se respecte. Et voilà que débarque Eye Robot, track grondante qui ne va nul part pendant 3min, comme si le duo était allé faire une putain de pause pipi en laissant une boucle tourner. Ce n’est pas mauvais, on ne voit juste pas du tout l’utilité de l’escapade, éternelle intro.

On fait un peu la gueule, et c’est là que Thank apparaît, et nous colle un sourire immense. Ce morceau est absolument mortel, pile dans ce que font les anglais habituellement. Plus cinématographique peut être, complètement déstructuré en étant toujours aussi immédiat. L’espèce de synthé-voix qui démarre à la 0min28 me dresse les cheveux sur la tête. Et vlan, voilà que le rythme démarre, la mélodie est dingue, clochettes de partout, cela fuse dans tous les coins, ça tabasse dur et c’est beau à en crever. Pur morceau. Plaid is back. Mais la mandale suprême intervient juste après, avec Unbank, meilleur morceau de Scintilli avec /suspense/. Ce Unbank, c’est la grosse folie. Des les 30 premières secondes, tu sens que cela va être absolument mortel. Mais alors vraiment. La mélodie est IMPARABLE. Tube de stade. Et en plus, ça pullule de détails. Le beat est techno, tape dur. Le morceau part déjà bien haut dans le ciel, les petits oiseaux, ça. Tu le chantes sous la douche, ça aussi. Tu veux l’entendre dans un club. Coup de grâce : la mélopée qui déboule à 2min30. C’est les bras en l’air, les stroboscopes, les ruptures, la bière qui coule, les cœurs brisés et les hurlements de joie. C’est peut être le premier gros tube de Plaid, c’est un exercice que j’adorerai entendre plus souvent de la part du groupe.

ET… et… et… c’est là que les choses se gâtent. Car si Scintilli a des titres qui ont clairement du calibre, et certains petits bijoux, le disque comporte aussi son lot de tracks moyennes. Le premier des maux du Cd, c’est de filer des fresques qui se terminent un peu n’importe comment. Qui ne semblent pas foncièrement avoir de conclusion, qui ne se déplient et n’évoluent pas assez. L’idée est là, mais ne semble pas foncièrement aboutir sur quelque chose de renversant. Tender Hooks, c’est joli, échos, mélodie aquatique, rythme sec. Mais rien de spécial. Craft Nine, même combat, berceuse ambiant qui ne soutient aucunement la comparaison avec 35 Summers, beatless là aussi, mais beaucoup plus riche, belle et réussie.

Founded ressort les sonorités asiatiques mais est à mille lieux de la force émotionnelle d’un B Born Droid. African Woods, typiquement le morceau qui va énerver la majorité des oreilles, se la joue Myopia voir Porn Coconut Co, mais là aussi, sans aucune comparaison avec la superbe incartade sortie il y 10 ans. (Même si la fin du morceau est plutôt plaisante). En plus de sonner particulièrement hors sujet. Talk To Us enfin, plus engageante que les précités, Idm énervée qui n’imprime pas vraiment de direction là aussi, sonnant presque comme une outtake de Quaristice.





Je suis méchant, je tape un peu dans tous les sens, mais des bons morceaux, il y en a évidemment d’autres. Somnl, monstrueux, avec une bassline de fou furieux, des voix qui hululent sur tous les plans, une richesse et un travail du son qui fout le vertige. Sorte de fresque dubstep-cristalline, le morceau bute sérieusement MAIS se termine d’une façon tellement brutale que l’on se demanderait pas là aussi si les mecs ont eu un problème durant l’enregistrement. Comme pas mal de tracks dans Scintilli, ce Somnl aurait pu (du ?) continuer pendant au moins 2 minutes, afin d’aller jusqu’au bout du truc, et nous emporter avec.

Upgrade est presque aussi menaçante, ça sent le Plaid de Double Figure, les sources sonores fondent sur les tympans par milliers, pure Idm dans la plus belle de ses formes. Sous l’aspect presque indus du morceau, la mélodie tente de survivre, n’arrête pas de monter, de prendre de l’importance, tu n’es même pas à la moitié du morceau que c’est déjà épique comme la mort. Le break des trois quarts n’arrange pas les choses, pour finir sur une dernière minute assez incroyable. C’est clairement ce Plaid là que j’aurai adoré entendre tout le long du disque.

Et voilà qu’arrive At Last. Qui ne pouvait pas mieux porter son nom. Oui, At Last, en dernier, ENFIN un morceau qui sonne nouveau, qui copie/colle pas une recette déjà utilisée par le groupe dans ses précédents LP. At Last, c’est un pas en avant, un aperçu du futur, tout en gardant une identité ultra-plaid. C’est un morceau qui ne finit pas de progresser, de se déployer, d’ouvrir grand ses ailes. Piano doucereux, nappes presque trance, voix angéliques, Orbital sous morphine. Quand les claviers commencent à claquer dur, c’est à filer la chair de poule, il y a tellement de choses à entendre, à décortiquer, à écouter dans tous les sens.

Edition japonaise, donc bonus track pour les nippons. Et là, j’ai envie d’écrire un mot que je n’utilise jamais, mais qui convient parfaitement à la situation : lol. Outside Orange, bonus track, (je radote), est absolument mortelle. Elle se classe dans les meilleurs titres de Scintilli, de loin. Et là, je me pose une question : Pourquoi foutre ce morceau génial dans l’édition japonais, que personne, à part les japs et les expats, ne pourra entendre ? Pourquoi recaler ce morceau en bonus, et laisser des trucs pas top du tout comme Craft Nine ou Eye Robot dans l’édition originale ? Incompréhensible. (Je suis bien gentil de me poser cette question me direz-vous, puisque je devrais m’en battre les couilles, j’ai la bonne version). Bref, cet Outside Orange, ça commence par une harpe et des sonorités cristallines, façon Amer Beton, et tu as cette mélodie folle pleine de bleeps, synthé drogué qui déboule, claudiquant, avant de se faire sécher par une drum’n bass dingue. C’est superbe, épique, joyeux et parfaitement taillé. Le morceau n’est pas sans rappeler Malawi Gold, (certaines sonorités identiques, on pourrait croire à une version alternative) mais en mieux, car plus épique, et foutrement sublimé par ce synthé malade. Cela renvoie aux vieux exercices de Plaid, quand le groupe ne se prenait pas la tête, et balançait une mélodie à chialer sur un rythme tout simple, à la Double Figure. Tout ce que j’aime chez ce groupe. Voilà, c’est un peu Double figure Lp vs Tekkonkinkreet Lp ce titre. Top.






Ce nouveau Plaid n’est pas à la hauteur de mes espérances, clairement. Ici, la qualité oscille trop entre l’inoffensif, l’inutile et le génial, ce qui avait déjà été le cas avant. Mais pour une fois les morceaux sont trop courts, beaucoup ne se terminent pas. Et plus qu’une histoire de durée, c’est le fait que certaines idées semblent triturées un peu vainement, pour n’aboutir sur rien de tangible. Pas de progression affolante, moins d’émotion, fins abruptes. Syndrome Quaristice. On a parfois l’impression d’entendre du Plaid un peu fatigué, en bout de course. Toujours de haute tenue, mais manquant de souffle.

Je parle des défauts du disque, parce que j’en attendais monts et merveilles, depuis des années. A la Portishead. Mais ce Scintilli a des qualités. Je suis déjà persuadé que c’est l’un des disques que je vais le plus écouter sur cette fin d’année. Parce que comme ses prédécesseurs, je ne peux pas m’empêcher de lancer un morceau du disque à la volée, pour voyager un peu, rire puis chialer un coup. Plaid balance toujours un condensé d’émotions sur 3 minutes. Et quand le groupe met la gomme, c’est assez incroyable. La sainte trinité de Scintilli, aka Unbank / Upgrade / At Last, plus le bonus Outside Orange, et quelques autres challengers (Thank, Somnl, 35summers… ). Je sais que ce sont des morceaux que j’écouterai encore dans 10 ans, à coté d’autres perles du groupe qui tourneront alors depuis 20 années. Pas qu’ils soient révolutionnaires, incroyables ou novateurs. Loin de là. Mais Plaid sait encore parfaitement se placer sur cet équilibre si dur à tenir, entre divagations electronica et mélodies limpides. Plaid ne veillit pas, comme les anciens Plaid n’ont pas veilli non plus. Certains morceaux d’un Not For Threes auraient pu sortir il y a 15 ans comme dans 5 ans. Et c’est la même chose pour Scintilli, qui ne sonne ni neuf, ni vieux. Intemporel oui, comme toutes les livraisons de Plaid. Impossible à situer dans le temps. Les fresques de Plaid, on a juste besoin de les écouter, dans le désordre, en fonction de sa journée, de ses joies et problèmes. Ces morceaux, ils en font encore sur Scintilli, même si la moitié des cartouches se transforment en balles perdues.

Mais avoir une nouvelle bonne poignée de morceaux à rajouter à l’œuvre de Plaid, quelques tracks de plus que l’on est sur de réécouter machinalement pendant des années, la nuit, perdu dans ses pensées… c’est déjà drolement cool.















14 Morceaux – Warp / Beat Records

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The Field – Looping State Of Mind

Posted in Chroniques on September 12th, 2011 by Dat'


Et de la répétition de certains mots



Malgré ces volutes doucereuses et ses horizons bien loin d’être agressifs, The Field reste pourtant un des musiciens les plus difficiles à écouter pour pas mal de gens, à cause de la surdose de boucles, de samples et saccades tournant ad-vitam eternam, donnant l’impression annihiler le temps et d’écraser les synapses. Dans l’art de rendre fou avec 3 secondes de musique, il y a la Juke (Come on, come on, come on, come on, come on, come on, baby I luv, come on, come on, come on, come on, baby I luv, I luv, I luv, baby I luv…) et The Field. Trop de drogues, crise de panique ouatée ou video de rave youtube regardée avec une connexion 56ko, le premier album du Suédois avait pourtant une aura assez dingue, dose musicale hypnotique similaire à un lavage de cerveau couplé à une balade dans les nuages. (Une overdose médicamenteuse quoi). Difficile d’encaisser tout le disque, mais certains morceaux étaient de vrais diamants, pour former un des Lp qui avait le plus tourné dans mon discman en 2007. Je crois même avoir commencé un article sur le disque à l’époque, mais je ne savais pas par quel bout le prendre : projet avorté. Son successeur ne m’avait par contre pas franchement emballé, passé la superbe reprise de Everybody’s gonna learn sometimes. Pourquoi ? Difficile à dire. Moins touché par le contenu peut-être. Trop succinct niveau tracklist aussi, et ne pas accrocher sur 2 morceaux éliminait d’emblé 30% du disque. Restait une approche de la techno assez fascinante et un coté épique encore plus poussé.

3ème livraison donc, et si le bonhomme semble toujours avoir le pouce bloqué sur la fonction loop, il semble ouvrir un peu plus la recette, et semble d’embler viser les grands espaces.








Et si The Field n’a pas délaissé son amour des boucles, ces dernières semblent moins appuyées, plus doucereuses. This Is Power, on le sait dès la première seconde, ça va être mortel. Parce que le Suédois fait des morceaux de 10 minutes avec 3 secondes de musique, mais il choisi les bonnes. La boucle est mortelle, un peu trance, un peu club, un peu shoegaze, un peu épique. Batterie au semblant techno qui se fait vite plus complexe. Et surtout cette ligne de basse dingo, qui déboule très rapidement dans le morceau, pour le laisser se dérouler sur de longues minutes. Sans changement brutal, avant que le tout glisse sur une partie plus glauque et menaçante, puis que la partie principale revienne à la charge histoire de caresser gentiment la colonne vertébrale.

Et si je parle de Shoegaze, ce n’est pas pour rien. Car notre Suédois s’accoquine de plus en plus avec cet electro-rock-brumeux sur ce nouvel album. Et sur It’s Up There, c’est un peu l’orgasme auditif. Avec cette grosse boucle de gratte qui s’envole, ces chœurs-synthétiques-claviers ( ?) hachés, ce côté Techno qui flingue les hanches. Le truc gagne en puissance, greffe les éléments un par un, lego musical, basse qui déboule, ça devient beau comme tout, avec tous ces lignes planantes à l’horizon, et ce beat putain, qui te donne envie de claquer des doigts en fumant une clope sur une terrasse au 20ème étage d’un immeuble qui surplombe la ville même si tu ne fumes pas et que tu habites au rez-de-chaussée. Ce morceau est magnifique, ça n’en finit pas de monter, c’est super planant mais ça pue le béton et les rues crades dans le même mouvement. Voyager dans un club, se taper un trip sous les néons. C’est la chute sur le matelas après 1 nuit sans pioncer, ce moment avant impact, où te sens voler, béat. Ca pourrait durer des heures, c’est absolument mortel, ça faisait un bail que je n’avais pas entendu un titre aussi planant et bien tenu. Et surprise, le dernier quart du morceau va filer vers une nu-disco terrible, dont on pouvait en entendre les prémices dans la première partie. On oublie le mur de guitare en mouvement perpétuel, place au rythme claudiquant et imparable pour les deux dernières minutes. Du grand art.




Toujours Techno-Shoegaze avec Burned Out, tout aussi brumeux, moins évidente que la piste précédente, mais revêtant un manteau encore plus duveteux. Guitare loopée, quinze couches de synthés différentes, voix fantomatique qui lâche quelques exclamations, petits larsens incontrôlés, et gratte électrique qui va balancer un riff à chialer. Tous les morceaux du dernier The Horrors passés les uns sur les autres après avoir avalé une boite de Donormyl. Le morceau titre, Looping State Of Mind, fera aussi le taff à base d’electro éclopée sur plus de dix minutes, avec des montées à t’arracher l’aorte. Epique mais drogué, tout en circonvolutions mais apaisé. On ne sent presque plus les boucles, ça se déroule et coule dans tes esgourdes avec grâce et prestance. Pour un exercice à la The Field des Lp précédents, Arpeggiated Love en contentera plus d’un, avec des saccades et loops plus appuyées. C’est toujours aussi hypnotique, les petites voix qui ne susurrent qu’une demi-seconde sont tire larmes, la mélodie cristalline et les synthés façon Blade Runner te cassent le moral. Le tout sur presque 11 minutes, avec une fin dingue. Largement le temps de te voir mourir. Et d’apprécier le voyage.

Mais le Lp pourra aussi présenter une facette plus calme, où la rythmique et les textures mille-feuilles s’effacent presque totalement face à la mélodie. Then It’s White est sublime, belle à chialer, avec cette mélodie au piano qui répond à des voix tournant en boucle dans nos oreilles, lente dégringolade dans le vide entouré d’anges. Allez, il y a bien un beat feutré, qui donne la marche, mais ce n’est pas ça qui flingue, c’est l’arrivée des cordes synthétiques, c’est la mélodie de fond qui siffle timidement, c’est les voix qui se dédoublent, qui t’entraînent vers le fond. Un petit diamant. Sweet Slow Baby porte bien son nom, et l’on restera là aussi tapi dans la caverne de glace, bien qu’un peu plus secouée par un métronome roulant. Ca progresse moins que le reste de l’album, moins entraînant surtout mais c’est tous aussi planant et parfaitement mené.





The Field m’impressionne avec ce nouveau Lp, malgré une recette un peu éculée. Plus qu’impressionné, fasciné conviendra mieux. Car si ce Looping State Of Mind ne semble pas aussi marquant que son premier Lp, il se tient bien mieux dans sa globalité, et n’ayant pas de réel ratage dans le tracklisting. Il s’encaisse mieux aussi, car beaucoup plus riche et détaillé, effaçant complètement l’aspect répétitif que l’on pouvait reprocher au Suédois. L’affinité de l’auditeur envers certains titres et pas les autres sera vraiment subjective, et dépendra de chacun, que l’on accroche plus sur l’exercice mellow de Then It’s White, la techno imparable de This Is Power ou la rampe de lancement brumeuse It’s Up There qui t’envoie directement baiser dans les étoiles. C’est beau, bien construit, ça regorge de détails, peut être trop pour certains, vu que les titres sont de vraies cathédrales, couches sonores empilées jusqu’à overdose. The Field choppe une approche légèrement plus shoeagaze aussi, et ce n’est pas pour me déplaire. C’est parfait la nuit planté devant son ordi, c’est le disque des marches nocturnes, des soupirs post-coïtaux, des divagations sous somnifères, des retours par le dernier métro et surtout des paysages qui défilent, le nez collé contre la vitre d’un train de campagne. Bonheur.






The Field – It’s Up There





7 Titres – Kompakt

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Raoul Sinier – Guilty Cloaks

Posted in Chroniques on September 2nd, 2011 by Dat'


Between the Assassinations / Ambition as a Hellridah




Je voulais éviter de faire un laïus sur l’hyperactivité de Raoul Sinier en introduction, mais j’y suis un peu obligé, vu que le bonhomme nous a encore abreuvé de sorties depuis 1 ans. Après son excellent Tremens Industry, disque imprimant une ouverture sur le chant déjà amorcé avec l’imparable Transfixed Night, le Parisien s’est remis aux Ep, en en balançant un excellent Strange Teeth / Cymbal Rush porté bien haut par ses deux titres chantés, et un Melting Man escarpé

Dans ces pages, on avait laissé le musicien sur une interview en début d’année, où il faisait part de son envie d’incorporer un peu plus de chant dans sa musique, et d’avoir un album fort sur ce principe, déjà bien expérimenté avec les multiples Ep. Sa précédente livraison étant un vrai bloc bien instable et désaxé, on pouvait légitimement se demander si le fait d’ouvrir un peu sa recette n’allait pas transformer les internements de force en simples visites pépères. Que nenni, mordez les sangles, éventrez les matelas et grattez les murs jusqu’à ce que les ongles sautent : on est bien coincé dans la cellule de Ra pour un bon bout de temps.









Guilty Cloaks est plus resserré que ses grands frères en termes de morceaux, mais pas niveau durée. Pas plus mal. Pas de dvd non plus, beau digipack cartonné pour seul compagnon de route. Ouverture, c’est candide, Raoul Sinier prend de nouveau le parti d’entamer son album avec des synthés qui s’enroulent et partent vers les nuages. Tu as quinze couches de claviers qui s’emmêlent, mais ici, point de truc flippouillant à la Tremens Industry, on nage à coté d’un µ-ziq désabusé, assis sur le bord de la rivière à faire des ricochets en fumant sa clope. Je me comprends. Le calme donc. Puis l’anarchie. She Is A lord déboule, et fracasse tout sur son passage. Rythme dérouillé, démonté, cyborgs noisy qui se transpercent le corps en hurlant, maelstrom déstructuré, baleines de chrome, tu viens de te faire encuber. Pour le premier “vrai” morceau du Lp, on se dit que le Raoul Sinier a pété un boulon. Que l’on ne va pas tenir 5 minutes à cette vitesse, on tâtonne pour chercher le frein à main. Pile à ce moment là, ça braque, ça crisse, tout se stoppe brutalement, et vlan, rythme bucheron dans la tronche. Le Parisien vocalise, hulule sur l’instrue. Le bonheur. Tu tapes du pied, tu bouges la nuque, tu sens la missive imparable, même si tu ne sais plus trop ou tu es. Et voilà que le refrain t’écrase la tête contre ton bureau, clavier imprimé sur la gueule.

Ce refrain, c’est comme si les adeptes d’une secte, drogués et encagoulés dans de grands habits noirs, te couraient après en psalmodiant des invocations violentes. Toi, tu détales comme un dingue dans ce long couloir noir, une torche à la main, et tu te chies dessus. C’est mortel, c’est un tube dingue, une tuerie. Raoul Sinier nous avait déjà fait le coup du morceau chanté bien branlé, nécrose pop-rock cramée que tu pouvais (enfin) singer dans ta douche les jours de pluie. Transfixed Night, c’était un peu ça. Strange Teeth and Black Nails aussi. Mais ce n’était pas aussi équilibré, aussi maitrisé. Je dis équilibré, car il faut passer ce morceau dans un public éclectique et sentir le monde s’embraser. Il faut voir le fan de new-wave balader ses mains façon air-synthés. Le fan d’electro bouger la tête comme un robot. Le fan de métal lever le point pendant le refrain, car ça lui rappelle plein de disques de hard qu’il adore (il est un peu bourré aussi). Le émo qui kiff le truc, au dessus de sa bière qu’il ne boit pas parce qu’il triste. Le blogueur dans le coin qui aime bien tout ce qui est nouveau, et qui cherche (en vain) sur Shazam. She’s a lord, ça plait autant aux amateurs d’electro que de pop que de Metal. C’est peut être le premier “tube” de Raoul Sinier, le truc qui pourrait l’envoyer sur MTV pour aller chercher un award avec un teeshirt chat (keyboard). Sur Guilty Cloaks, il n’y aura pas deux She is a Lord. Parce que le morceau est hors compétition. Mis il y a encore des tripotées de tirades musicales bien mortelles.

Sur ce Guilty Cloaks, il chante un peu partout le Ra. Over The Table, c’est une intro avec des synthés qui copulent, une rythmique bien sèche qui châtie la nuque, et une voix plaintive qui se mêle au tout à merveille. Hey, pas sur qu’elle s’y mêle tant que ça, la voix, justement. La ville secouée, le chaos est en bas. Raoul sinier posé sur la colline, il contemple le maelstrom, les rues, le sang. Il constate. Il chante au loin, il survole le bordel et la voix drape gravement le tout. Et c’est bourré de détails : tu entends les simili-violons qui donnent envie de chialer ? Je ne sais pas si c’est des cordes synthétiques, si c’est juste les claviers qui donnent cette impression, comme si le morceau prenait de l’importance d’une façon millimétrée, mini-couche sonore, cette petite goutte  en plus qui prend les trippes.





Too Late, c’est cristallin, là aussi candide, sur l’intro, ça pourrait être du Depth Affect qui s’étouffe dans son vomi, mais un rythme balaise va vite balayer le tout. C’est plus léger, moins grave, plus aérien, toujours aussi earworm. C’est plus candide oui, mais sacrément déviant. Comme si le morceau pouvait basculer d’un moment à un autre, et faire entrer saturations et déchirements. Il ne le fera pas, ce qui est encore plus dérangeant. Sinon le final où les « Im happy its too late… » se perdent dans cette montée de cordes synthétiques et de claviers épiques est à crever.

Il y a aussi Summer Days, autre grosse réussite du Lp, qui charcute un vieux sample enjoué, pour le filer sur un amas en fusion, entre fracas métalliques et chant plus assuré. Le rythme est lourd, pachydermique, on ne sait pas si l’on doit lever les bras au ciel en riant ou juste sauver sa peau. Crise d’asthme, bande fm, fin du monde et colliers de fleurs. Summer days mais pas club-med, les synthés fragiles et malades n’empêcheront pas notre cerveau de chanter le morceau toute la journée. Ne pas oublier le final Walk, qui bastonne sa maman avec un métronome fou, pour conclure l’album d’une façon ultra épique.

Je suis en train de faire une chronique en séparant les morceaux chantés des sans-vocaux, parce que je suis un gros fainéant, et que c’est plus simple, et que cela m’évite de faire façon tracklist dans l’ordre. Mais le bonhomme me nique le bon déroulement de ce texte en jouant la dualité et file avec le massif Winter Days (qui apparaît avant Summer Days), une fresque électronique avec des sonorités chères au musicien. C’est des mélodies claudicantes, des rythmes posés qui partent sans prévenir en couille, qui vrillent, crissent et s’enlisent. Marcher sur un champ, sous une pluie de bombes. Ca explose dans tous les coins, mais on ne sait jamais où, et surtout, si cela va vraiment nous tomber sur la gueule. Le sol se démonte, s’ouvre, s’avale, les ruptures noisy s’intensifient, le morceau devient dingue, et après 6 minutes de course folle, émeutes et molotovs, Ra se met à chanter dans le chaos le plus total. Simulateur sismique.

En parlant de tremblements, Flat Street balance un instrumental de haute volée, tranchant un peu avec la recette Ra. Il l’avait fait avec Hard Summer sur le Lp précédant, mais point de shoegaze beau à chialer cette fois, on tape dans le rock-fusion-math-punk-electro-truc-machin, et ce rythme qui roule, claque et fulmine entre deux coups de guitares, taquets saturées qui rampent en prenant de plus en plus d’importance, en tailladant avec violence. Le morceau devient imparable dans son dernier tiers, sauvagerie contenue et communicative, une direction que devrait défricher Ra, tant elle semble lui seoir à merveille.





Raoul Sinier, vient là de sortir son meilleur album depuis Wxfdswxc2. Le plus complet, le mieux construit, celui qui se tient le mieux de bout en bout. Certes, dans ce LP, il n’y a plus de titre fou à la Stone Pills ou Wonderful Bastard. Il y a moins de grand baroufs noisy façon arrachage de bras à la tenaille. Mais le disque se tient là, debout sur ses pattes, inamovibles, imposant, bouffant l’espace et écrasant la vue, tour panoptique géante. Et il y a surtout un tube, improbable, imparable, un petit chef d’œuvre de saleté avec She is a Lord, transportant Raoul Sinier dans une autre galaxie, elle aussi bien prometteuse. L’apport du chant dans les compositions de Sinier est indiscutable. Pour la phrase “à la” communiqué de presse, le Parisien balance une grosse taloche en nous filant un Guilty Cloaks qui oscille entre un Thom Yorke ayant trop bouffé de Dogmatil et une âme perdue qui chanterait des ritournelles dans une ville détruite, karaoké post-apocalyptique. Du tout bon.














Un peu plus dans ces pages :


Raoul Sinier – INTERVIEW 2011

Raoul Sinier – Tremens Industry

Raoul Sinier – Brain Kitchen

Raoul Sinier – Wxfdswxc2




10 Titres – Ad Noiseam

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Emptyset – Demiurge

Posted in Chroniques on August 19th, 2011 by Dat'


The party & the after party



Pas dormi la nuit dernière. Pas fermé l’œil. Pas même une seconde. Du moins, il me semble. Je me suis trainé toute la journée, au bord de l’évanouissement. Et voilà que de nouveau, rebelote le lendemain, une heure du matin environ, instant fatidique, on se prépare cette fois à aller se coucher, et à dormir. Besoin vital. On tente l’expérience mentalement, on la joue dans notre tête en amont du coucher. Comme un avant-match. On se persuade qu’il faut dormir. C’est obligé. Pour le boulot, pour la santé, pour ne pas lutter toute une journée de plus avec ses cervicales. On s’injecte un donormyl par la glotte. 5 doses de Rivotril. Sans trop comprendre pourquoi ces dernières n’ont pas marché la veille. Parce que l’on est convaincu que malgré tous les somnifères du monde,  si la tête ne veut pas s’abandonner, que si l’on ne veut pas dormir, on ne dormira point. L’âme divaguera sans sommeil, éblouie, tandis que le corps, lui, se nécrosera pour la nuit.








Je dois dormir. Je dois dormir, je dois dormir. Pour le boulot, pour demain, parce ce qu’une nouvelle journée explosé, ce n’est juste pas possible. Alors somnifères. Il faut chaud. J’ai chaud. Je dois boire. Si je ne bois pas, je ne vais pas pouvoir dormir. Il faut que je pisse. J’ai bu, je dois pisser. Si je ne vais pas pisser, je ne vais pas dormir. Et je bois à nouveau. Des petites lapées. En tournant la tête vers la gauche. Bourré de tocs, l’avant sommeil. Ca ne va pas. Mais je vais dormir, c’est obligé, il le faut. Pour le boulot demain. Le boulot. Le boulot. Eteindre les lumières. J’ai les oreilles qui sonnent encore du trop plein de musique écouté il y a encore quelques minutes. Où peut être qu’elles sonnent depuis des lustres. Elles ne me gênent pas. Ca va. Pour le moment. J’allume à nouveau les lumières, il faut vérifier le réveil, s’il est bien programmé. A la bonne heure. Si je ne vérifie pas, je ne vais pas dormir. Je dois vérifier, 3 fois de suite. Evidemment, c’était bien programmé. Je dois boire. Je bois. La lumière. Ok, mon corps tangue, les somnifères commencent à attaquer, c’est parfait. Je ferme les yeux. Departure vers le sommeil. Pas de problème. Pas de problème ? Ca ne vient pas. Pourquoi ? Il faut que je dorme, je dois dormir, c’est obligé, pour le boulot, il le faut. Ca ne vient pas. Depuis quand ? 10 minutes ? 20 minutes ? Je commence à entendre des grésillements. Des coups sourds. Les voisins surement. Rien d’autre. C’est hypnotique certes. Un peu chiant. Quand j’ai sommeil, que je veux dormir, que je dois dormir, mais que cela ne marche pas, L’air conditionné souffle. Ses phases de calme, puis de bruit désagréable, qui alternent toutes les dix minutes environ. Je dois profiter des moments calmes pour dormir. L’air cond gronde. Le bruit grossit. Il m’enveloppe. Il hurle. J’ouvre les yeux, il ne redevient qu’un petit sifflement timide. Je referme. Je dois dormir. Il m’obsède. Il vrombit ce putain d’air conditionné. Il fait chaud, si je l’eteind, je ne dors pas. Mais allumé, il m’empêche aussi de pioncer. Et les coups sourds du voisin qui saoulent.




En fonction de mon état, l’acouphène prend aussi de l’importance. Là j’ai un peu la nausée. Manque de sommeil. Alors il crache, il me susurre, me gratte le tympan. Et mon cœur qui se met à battre, qui tabasse, irrégulier. Si je n’étais pas au bord de la crise de nerf, ça me ferait presque marrer, de me faire mon petit concert d’Autechre autiste, représentation en solo dans petit cercueil, grand lit. En pleine nuit, comme un con. Je me tourne, change de position, d’épaule. J’ai du m’assoupir. Une heure ? 10 minutes ? Même pas. Ca se calme. De ma structure ouatée, domptée aux psychotropes, seul l’acouphène demeure. Grincement. Pas grave, j’ai l’habitude. Pourquoi je ne dors toujours pas ? Dors putain, dors ! Je fais quoi ? Je prends un nouveau somnifère ? Je tente ? Mais je vais être cramé demain. Si je n’en prends pas, je ne dors pas, si j’en prends un de plus et que je ne dors toujours pas, c’est le cataclysme. Mon cœur, il s’emballe à nouveau. Les sons se remettent à m’étouffer, à élargir la pièce, à me ratatiner. Marionnette dans une vague de grincements, océan de grognements. Le reste de ma petite sphere rassurante éclate. Je ne vais pas dormir, c’est sur, j’étouffe, je flippe. Je dois allumer la lumière. Je vais pisser, ça va passer. Je pisse. La bouteille d’eau. Je dois boire. Si je ne bois pas, je ne vais pas dormir. Est-ce que j’ai vérifié le réveil avant de me coucher ? Je ne suis pas sur, il faut vérifier. Si je ne vérifie pas, je ne vais pas pouvoir dormir. Je vérifie, il était programmé. A la bonne heure, comme toujours, comme toutes les nuits, comme à chaque putain de fois que je vérifie. J’en étais convaincu. Pas une seule fois le réveil ne fut mal reglé. Pas une seule fois. Mais il fallait que je vérifie. Si je ne vérifie pas, je ne dors pas. Il faut que je dorme. Il doit me rester 4 heures avant de me lever. 4 heures, c’est suffisant. 4 heures… Ça devrait aller. Mais je dois dormir vite, maintenant. Il reste déjà moins de 4 heures. Allez, au pire, 3 heures de sommeil, je sauve les meubles. J’ai presque une heure pour m’endormir, ça me laisse le temps de me relaxer. Tranquille. On va se calmer. Je regarde ma bouteille de Rivotril. Et si j’en prenais juste une goutte ? Une seule, juste une pour m’assurer de dormir, ou deux gouttes. Allez, deux. Non c’est trop tard, il aurait fallu faire ça il y a une heure. Sinon je vais pioncer debout demain. Je vais être explosé. Il faut 6 heures pour que l’organisme “lave” un somnifère. Pourquoi n’y ais-je pas pensé il y a une demi-heure ? Sale connard.




On va trotter mentalement à la periphery de mes souvenirs du jour. Compter les moutons c’est pour les cons. Moi je joue de l’ambiant dans ma tête. Pour me calmer. Pour divaguer. An Ending, ascent, j’aime bien me chanter ça, juste dans ma tête, sans fin, en boucle, jusqu’à ce que je décroche. Et si j’étais malade ? Je suis malade c’est sur. Je vais me taper une appendicite un truc dans le genre. J’ai mal au ventre, là, depuis dix minutes. Pile au coté droit, comme par hasard. D’ailleurs je me sens mal depuis hier. J’en étais sur, c’est ça je suis malade. Cela ne doit pas être grave. Ce n’est pas grave. Et si c’était grave ? Putain, je suis seul, je suis malade, c’est certain. Je suis seul, sur mon pied, ça me fait peur, je me sens mal. J’ouvre les yeux, je ne vois que du noir. Point barre. Et moi qui suis malade. J’en suis sur. C’est grave, si j’ai l’appendicite, ou un AVC, un putain d’AVC. J’ai mal à la tête en plus, évidemment, j’ai mal à la tête. L’acouphène, les vertiges… une tumeur ? J’en suis persuadé, je suis malade, je vais crever. Si je n’arrive pas à dormir, c’est que je suis malade. Je vais mourir. J’ai peur de mourir. Non, je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur d’être seul au moment de mourir. Je vais appeler quelqu’un. Il faut que j’appelle quelqu’un. J’ai envie de vomir. Le réveil, je vais vérifier le réveil, pour être sur d’être debout à l’heure. Demain, à la première heure, je vais chez le médecin. Le Médecin. Pas besoin, ça devrait aller en fait. C’est du flan, je m’emballe, je panique. Je suis trop fatigué, je n’arrive plus à bouger mon corps. J’ai le cerveau qui marche à fond les ballons, tout seul dans le vide, pelote de vif emprisonnée dans un corps inerte. Un corps qui veut dormir, qui dors déjà. Seul le cerveau se rebelle. J’ai Machine Gun de Portishead dans la tête. Qui ne veut pas partir.

BamBamTadadadadaBamBamPRAPRAPRAPRAPRAPRA. Penser à autre chose. Mon oreille, elle siffle. Il fait déjà jour. Faible lumière qui perle entre les rideaux. Ca me rassure. Ca se calme. Je vais dormir. Au pire je dors 1 ou 2 heures c’est déjà ça. Je bosserai comme je peux, ça ira. 1 ou 2 heures, et je peux tenir la journée. On verra. Je suis pété, je ne sais plus trop ou j’en suis. J’ai envie de pisser. Je dois pisser ou je ne vais pas dormir. Hey, au pire, je me lève, je  me plante devant l’ordi pour passer le temps, écrire un truc. Mais je n’ai pas la force. Le corps ne veut pas bouger. Bout de bidoche de merde. J’ai soif, mais cela attendra,  tout à l’heure, au matin. Je regarde mon poster d’Enter The Void, toutes ces couleurs, qui me fascinent. Le kyabakura, le mauve, les tentacules jaunes qui brilleraient presque à l’aube. L’acouphène est lancinant, il grogne, mais d’une façon presque rassurante. Je vais dormir. Je dois dormir. Il faut que je dorme. Un peu. Juste une heure, je vous en supplie, une heure, je veux dormir, juste une heure. Une heure, juste une, une heure. Il fait déjà jour. Une heure, juste une. Il m’en reste deux. La petite mort, ce n’est pas de baiser, c’est de ne pas pouvoir dormir. Il faut que je dorme. Pourquoi je ne dors pas. Je suis obligé de dormir. Dors, dors, dors putain il faut dormir, je dois dormir, je dois me gratter, j’ai soif, je dois dormir. J’ai envie de pisser, je fais quoi ? Et le réveil, je devrais vérifier, pour être sur. Il faut que je dorme. Dors. Dompte le sifflement, dompte les vibrations. Le rythme cardiaque ne se fait plus entendre. Juste le vrombissement dans l’oreille, l’insecte, le parasite. Je dois dormir, pour bosser demain, je dois dormir, c’est une obligation. Dors. Il faut dormir, je vais dormir, voilà, mon corps tangue, je suis en train de partir, je vais dormir ahahah je vais dormir, je le sens, je dérive, je dérive, j’ouvre les yeux, je les referme, je ne dérive plus. J’ai loupé le coche putain. Pourquoi ais-je ouvert les yeux? Pourquoi. Bordel, dérive !  Tangue ! Se décrocher. Il faut dormir, il faut dormir, il faut dormir, il faut dormir, il faut dormir, dors, il faut dormir, il faut dormir, dors, dors, il faut dormir. Silence. Je suis en train de dormir. Ou je me suis collé une balle dans la tempe. Je ne sais pas. Je ne sais plus.






Emptyset – Sphere





Emptyset – Altogether Lost feat Cornelius Harris






Emptyset – Demiurge

11 Titres – Subtext

Dat’

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Seekae – +Dome

Posted in Chroniques on July 19th, 2011 by Dat'


J’ai toujours rêvé d’être un…



Je vais reprendre une intro écrite il y a peu, car je ne peux qu’introduire le disque de Seekae de la sorte. Mount Kimbie nous a balancé une moitié d’album et font les fainéants avec un ep grenier. Jamie Xx nous a balancé un Lp de remix d’une demi-heure. Zomby vient de sortir un (plutot bon) album d’interludes. James Blake fait de la (bonne) electro-pop. Darkstar fait de la (moins bonne) electro-pop. Woon fait de la (cool) electro-pop-soul. SBTRKT sort un (bon) court album electro-pop. Jacques Greene, Deadboy, Burial restent coincés sur les Ep. FaltyDL aurait pu sortir un vrai truc solide, il se foire. Name dropping ? Oui, mais on va bloquer sur Mount Kimbie. Mount Kimbie. Mount Kimbie. Mount Kimbie. Le Lp Crooks & Lovers, mal fini, incomplet, court, rachitique en enlevant les morceaux superflus, provoquait pourtant une fascination presque aveugle chez l’auditeur, grâce à une poignée de morceaux parfaits. Ce qui devait être un album défectueux et inachevé se révélait finalement être un petit diamant. Mal taillé le diamant. Mais drôlement beau quand même. Alors on écoute seulement 5 ou 6 morceaux, mais on les écoutes dur. A les siffler dans la douche, à claquer des doigts dans le taxi, à chanter ça mollement après trois bières, à beatboxer Before I Move Off en bavant partout tout en faisant de la cuisine (sisi). Et puis de Mount Kimbie, il y a aussi les précédents Ep. Avec Maybes qui explose la centaine d’écoutes sur Itunes. Tu cherches Maybes dans les Karaoké, il n’y a pas, t’es dégouté, tu fais une drôle de tête, tu te rabats sur du Chris Isaak. Blue Hotel, on a lonely highwaaaaaay.


Je ne sais pas si en Australie, Mount Kimbie est connu. Si le disque a traversé la planète. Si les Australien écoutent Before I move Off en faisant du surf sur des vagues bleues tout en claquant des doigts (le pied ultime vous admettrez). Si vous êtes en vacances en Australie, n’hésitez pas à me le faire savoir. Les mecs de Seekae, ils viennent donc du pays des Kangourous. Et dans leur garage, en buvant des bières et en triturant leurs guitares, ils ont du écouter du Mount Kimbie à n’en plus finir. Eux aussi, ils doivent siffloter Crooks & Lovers en allant faire leur courses. Mais bien plus encore :

Bienvenu dans le premier Lp nu-uk-garage complet, long, carré, varié, et parfaitement exécuté.








Packaging classe et sans fioriture, et annonçant 3 japanese bonus tracks, le disque débute sur Go. Guitare électrique seule dans les échos, c’est cradingue, c’est noise. Tu te demandes si tu n’es pas sur le nouveau disque de Envy. La mélodie de la gratte, mi-blues mi-émo, chiale sa mère, trop seule, à se débattre dans la saleté. C’est beau, c’est fragile, ça prend de l’importance, tu as déjà la colonne vertébrale en petits morceaux, tu sens que le truc va exploser avec ces saturations qui se profilent. Et vlan, silence. Puis la vague revient. Tressaute. Disparait à nouveau. Meilleur intro de 2011. “Hey, c’est du post-rock cradingue, ce n’est pas du uk-garage !”. Ouai. Et sur 3 (Three), morceau suivant, l’intro est aussi rock-ish. Guitare qui lâche ses notes en mode mélancolie. Rythme sourd qui tonne au loin. Rien d’autre. Ah, si, un synthé planant qui boulote graduellement le tout. Tout s’arrête sauf le clavier, et des claquements de doigts qui déboulent. C’est top. Tu marches dans la rue, lunettes de soleil, tu te sens pimp. Et là, PUTAIN DE PUTAIN, un rythme 2step, mâtiné d’une mélodie folle déboule et te tabasse. C’est énorme. La mélodie grossit, devient dingue, c’est jouissif comme la mort, frein à main, juste la litanie guillerette qui survit. Déjà, tu te dis que le morceau était réussi. La guitare repart, tes cheveux se dressent, et le rythme 2step revient accompagné d’un chœur fantomatique pour 30 dernières secondes qui m’ont laissé sur le carreau à la première écoute. J’ai cru que j’allais hurler à ce moment là. Et le plus drôle, c’est que tout le disque est aussi bien, T-O-U-T le disque.

Je parlais de Mount Kimbie. Il suffit d’aller sur Blood Bank pour se convaincre de l’influence certaine qu’ont eu les anglais sur Seekae. Et ces zozos leurs rendent bien. Blood Bank, c’est beats coolos, voix puputes qui expirent, et teintes ambiant-dubstep chères aux Crooks & Lovers. On est obligé de hocher de la tête, de frapper dans ses mains. Et ce n’est pas le break lunaire avec montée de synthés Warpiens à t’arracher le cœur qui va me contredire. Tu imagines faire l’amour au milieu des néons, c’est malin. Le néant ? Non, mais on a néanmoins Reset Head qui se la joue Fields / Maybes avec cette lente montée technoïde, club sous psychotrope, basses en slowmo. Des voix pitchées se font entendre, étouffées par la chape de plomb, handclap, ça va parfaitement. Le sous-sol cradingue se transforme presque en terrasse ensoleillée. Réveillé, le titre bascule en sa moitié, brutal changement pourtant si logique, avec gratte électrique qui se joue du soleil couchant, cactus, paille dans la bouche et uk garage dans les nuages cotonneux. Plus loin Two se la taillera tout aussi Kimbie, avec un 2step tellement cool que tu as envie de passer sur TF1 pour dire que ton secret, c’est d’écouter Seekaé.





Bon ok, tu veux une autre claque, mais quelque chose de moins référencé, une grosse baffe administrée avec passion, ration electronico-épique entre deux morceaux 2step irrésistibles. Il y a Mingus. Ca débute dans une église. Reverbs sur voix d’anges, rythme sourd qui approche des tympans en tonnant, ça prend la gorge, intro de plus de deux minutes. Le morceau se déplie, tu penses que cela va encore être une balade dans les cieux, ce rêve bleu, tu y crois c’est merveilleux. Ca monte tellement que cela en devient intenable, saturation, vlan, tunnel noir et sombre. Ca se traine par terre, c’est les caniveaux, l’impasse, le creux de bras sans veine praticable. Et tout explose, synthé dingue, mélodie à s’en éclater le palpitant, c’est épique et dérangeant avec ces voix spectrales, pieds massifs, on te plaque à terre.

Tu as le chelou Gnor aussi, qui démarre en mode tribalo-rigolo, sorte de Plaid bricolé en mode artisanal. Le titre laisse une basse rock et une vraie batterie pénétrer le tout, cela ne dépareillerait presque pas sur le dernier Battles. C’est déstructuré, enjoué, facile d’accès. Milieu de morceau, ça saccade, ça bug, ça se cabre. Mélodie belle et candide, rythme ciselé qui arrive sans crier gare, lame en acier qui découpe le tout. Les jouets s’emballent, la batterie s’arrache, on part dos de cheval sauver le monde, l’épée en bois vers le soleil, près à sauter sur les colosses de papiers. La charge est brève, épique, c’est gagné.

Il y a le gros (toutes proportions gardées) bourrin et jouissif Yodal, sorte de pendant vénère vénérant Blind Night Errand, sortant les lignes de basses énooooormes qui feront vibrer les vitres de ta bagnole quand tu rouleras au ralenti dans le centre-ville pour effrayer badauds et volatiles. Cela fait du bien au milieu des fresques plus ralenties du Lp, car parfaitement placé. Les dernières 30 secondes sont tellement épiques qu’elles rendraient un R-Kelly jaloux.

Il y a des moments plus calmes sur ce disque. Tout en retenue, les interludes font retomber la pression avec succès, entre les violons tire-larmes de Underling, et le solo de gratte apaisant (à l’envers) de Rock’s Performance, assez classe. +Dome fera office de 2step presque popisant, ultra émo avec son chant mélancolique passé à la moulinette effets, mélodie à chialer tellement qu’elle est belle et cristalline, et guitare étirée qui a le blues. Un petit bijou. You’ll mettra carrément la gratte acoustique au premier plan. Mais ici, point de remplissage, car la mélopée accompagnée d’un chant fragile se fera graduellement bouffer par un synthé électronique à te raidir la nuque.

C’est fini ? Non, car il y a trois bonus tracks pour le Japon ! Alors certes, il y le sempiternel morceau qui ne sert à rien (Salad. Il faudra m’expliquer pourquoi 50% des bonus tracks electro pour le Japon se limitent à des grincements). Mais il y a aussi Altise Lament, 2step bien cool, avançant à pas feutrés, avec réminiscences Jazzy bien classes, qui se feront bousiller par un simili-xylophone cristallin et une grosse saturation. Joli boulot. Mais le top est matérialisé par Face Facts, à se demander pourquoi ce morceau n’est qu’un titre bonus. Techno mortelle, bolide lancée dans un tunnel bardé de néons multicolores, le morceau se déroule en bon autiste, tapant avec des beats sourds et neurasthéniques. C’est la cave, le dancefloor pour camé et les escaliers en bétons. Et dans ce tunnel étouffant, des voix puputes se font entendre, au loin, fatiguées, suppliantes. C’est à devenir dingue tellement c’est beau, le titre s’est transformé en Uk Garage incroyable, superbe, parfait. Ce moment ne dure même pas une minute, mais c’est à en chialer tellement c’est bien amené.






Ce +Dome est mortel. Je ne m’y attendais pas, acheté mollement, presque au hasard. Clairement, sur une demi-douzaine de morceaux, c’est du Mount Kimbie enhanced, les australiens ont méchamment écouté le groupe. Mais hey, pour faire un bon disque du genre, il vaut mieux avoir trop arpenté les deux anglais que Rebecca Black. C’est du Uk Garage, du beau, magnifique, avec des morceaux qui évoluent tout le temps, avec une petite teinte d’electro Warpienne ou de Rock-émo gratouillé avec la larme à l’œil. Ca débouche sur des titres magnifiques, pleins de rythmes fous et mélodies mélancoliques, avec bleeps facétieux et litanies parfaites (Go, 3, Blood Bank, Mingus, Face Facts, Reset Head, Yodal… il y en a trop. Tous en fait… pas un seul raté sur ce disque !)

Certes c’est ultra référencé. Clairement influencé. Seekae n’invente pas grand-chose, mais bon en même temps, ils font peut être ce genre de musique depuis 10 ans, je me plante complètement, aucune idée. Mais bordel de merde, avec +Dome, on a ENFIN un album de Uk-garage-2step-electro-émo complet ! Beau comme la mort, avec des titres qui t’arrachent la gueule avec leurs mélodies et leurs rythmes ! Ce petit frisson que j’ai eu à la première écoute de Maybes, ce sourire que l’on ne peut contenir, je l’ai eu plusieurs fois en écoutant ce Lp des australiens. A vouloir sauter sur ma chaise, remuer du cul dans la rue, claquer des doigts dans le métro. Ce sentiment, génial, qui te rappelle à chaque fois pourquoi tu aimes la musique.

Un album discret, mais superbement exécuté, beau à en crever. Fan service total. Pour les friands du genre, pour les frustrés des groupes cités en intro, ce +Dome de Seekae pourra se placer dans les albums de l’année, sans forcer.

Indispensable, énorme coup de cœur.






Seekae – 3

Ce morceau putain ! Ce morceau !





15 Titres – Rice Is Nice Records

Dat’

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Klub Sandwich – Les Valcheuzes (Grems & Disiz & Simbad & Son of Kick)

Posted in Chroniques on July 14th, 2011 by Dat'


Salade Tomates Oignons



On avait quitté Grems sur un énorme Broka Billy, disque fou qui cassaient toutes les limites, pour se poser seul dans son coin, là ou personne n’avait encore foulé terre. Chemins tortueux, escapades cramées, on sentait que le Mc s’était totalement lâché, à balancer simplement ce qu’il aimait faire, quitte à partir sérieusement en couille, et à ne plus ressembler à personne. Armé de producteurs fous, balançant diamants sur diamants, le disque avait fait son petit effet dans mes tympans. Grems ne s’était pas reposé sur ces lauriers depuis 1an, et nous avait gratifié d’un bon nombre d’apparitions, de feat et de vidéos, plus un Lp baston sous le nom “Pour ma paire de Jordan” avec Entek et MiM, qui a du secouer plus d’un basement Londonien.

Comme Grems me l’avait confié lors de l’interview faite il y a un an (lien auto-promo très discret), un disque avec Disiz La peste était en préparation. Disiz, je ne vais pas vous faire l’affront de le présenter. Mais il s’acoquinait déjà du verbe de Grems depuis longtemps (le projo Rouge à Lèvres, et quelques autres apparitions casse-mâchoires depuis une poignée d’années)

Et Klub Sandwich, en plus des deux Mc, c’est deux producteurs. Son Of Kick, découvert grâce à Broka Billy pour ma part, et qui a depuis explosé avec Playing The Villain et son clip de folie, ou l’excellent Guacha avec Grems & Disiz justement (Et un superbe clip Sm, Revolution B ). Sinon Son Of Kick est Mc à ses heures perdues sous le pseudo Micro Coz, que l’on aimerait entendre plus souvent. (Un petit Lp avec Grems un de ces jours ?)

Pour compléter l’équipe, Simbad, lui aussi découvert par votre serviteur grace à Broka Billy (décidemment) et qui a lui aussi été sur toutes les bouches cette année avec ce disque Worldwide Family avec Lefto, présent dans toutes les bonnes crémeries, et même en tête de gondole dans les disquaires au Japon.








Valcheux. On se demandait bien ce qui se cachait devant ce terme. Et après Guacha, les bonhommes semblent bien aimer le Far-west. Valcheux, c’est une grosse valoche ciblant une moche passant dans le studio lors de l’enregistrement. Et elle s’en prend plein la gueule, la demoiselle. Mais l’humour et le flegme des vannes désamorcent le coté gratuit de la mandale verbale. Alors Disiz balance ses phrases en mode supersonique pleines d’allitérations, tout en donnant l’impression d’être au bord de la piscine avec lunette de soleil et verre de Martini. “Elle a pas des chicots non elle a des quenottes / Elle a pas des doigts mais des quenelles / Chui sur que si elle se fait ken pour elle c’est Noël / Si tu lui dis t’es bonnes pour elle c’est un poème” Grems crache toujours des phases d’extraterrestre, avec phrases concassées, changement de rythmes brutaux et rimes en diagonales. “T’es ma crevette / Imagine comme c’est dur en levrette / Où va ma queue ? je veux pas savoir…” Son of Kick se paie même sa petite rime. La prod, c’est une ligne bien crade et broyée, parfaite pour le débit des Mc. Tu te marres à chaque tirade, mais petit soulagement pour la conscience, la fille est anglaise.

La première moitié du disque, c’est une brochette de bangers. Instrues bien electro, boites à rythmes qui claquent, Son Of Kick et Simbad s’en donnent à cœur joie. Casse Ta Bouche porte bien son nom et vise dents. Mords le trottoir, qu’on puisse pousser ta tête avec prestance. Violence, refrain scandé, c’est jour de paie, tu veux taper ton mur ? bien. Flow Au dessus d’un niz de coucou, c’est plus enjoué, rythme binaire, conclusion épileptique. Tu claques des doigts ? bien.

Mais sur cette première moitié c’est Parigi qui va remporter la mise. Parce que l’instrue est putain de belle. Encore une fois, c’est métallique, rythme cadencé façon lapin Duracell qui te tape la motte, ritournelle vrillée, crise d’épilepsie. C’est «Chui tellement français que je vais taper un do mac / je connais tout sur tout je suis incollable / Français si tu réussis, jdis que t’es un connard ». Et vlan, le refrain se retrouve hachuré d’une mélodie cristalline façon rave passé au prisme rivotril à 5h du mat’. Si c’est pour faire des titres aussi mortels, va falloir habiter plus longtemps sur Paris.

Dubstep. C’était le mot qui courait (presque) tout le long de Pour ma paire de Jordan. Sur Klub Sandwich, on en a, un peu. Il faut dire que Son Of Kick est de la partie, et que le bougre sait jouer au dur. Du dubstep donc, pas forcément la Wobble bass, mais les percussions, l’âpreté, l’usine. Difficile de dire qui est derrière chaque prod’, si Simbad et Son Of Kick se sont partagés le boulot, où s’ils ont taffé sur tous les morceaux à deux. Lp dématérialisé, pas de livret = ignorance des détails, sanction immédiate. Grosse baffe néanmoins pour Foutre de ma gueule donc, tube vicié, entre rythmes dubstep slowmotion, ligne mélodique pleine de swag, et handclap mécanique jouissif. Ce genre d’écrin c’est du pain bénît pour Disiz & Grems, qui te bouffent le micro, coup de coude dans les enceintes à chaque fin de phase. Je veux passer ce morceau à fond dans ma caisse. Je n’ai pas de caisse. Punition. Et, ô bonheur, on laisse les instrues courir. Elles grandissent, se développent, te tabassent. On part dans une montée qui va saccager plus d’un autoradio, entre bleeps anxiogènes et rugissements cyber-punk. La grande classe Nestor.





Et c’est la que le disque, dans sa moitié, bascule. Bascule ? Explose. S’illumine. C’était électro-rude, âpre, ça se trainait en gémissant sur le béton. Ca va devenir house, techno, dansant, trop beau pour nos petits cœurs. Ca va sembler con, mais les morceaux 6,7, 8, 9, c’est pile ce que je voulais entendre de Grems depuis un bail. Ce que l’on avait déjà distingué sur une poignée de titres piochés dans Broka Billy (La barbe, miki…), Air Max (tu parles pour tchi), Rouges à Lèvres. Mec, ça y est, Grems (et Disiz évidemment) pose sur de la House, de la Dance pute, du Uk Garage, du 2step, ce que tu veux. Et en plus, c’est taillé façon diamant par Son Of Kick et Simbad. Des enfoirés pour le coup, ils te balancent des instrues incroyables. Des beats House, des nappes de folie, des voix pitchées. Ca arrache, ça te lève les bras, ça te tue les hanches, tu flanches à chaque attaque, cravache dans la gueule.

Deeper. Cette intro. Burial, FaltyDL, James Blake tout ce que tu veux. Ca n’arrête pas de monter, voix pupute, dance machine, synthé saccadé, beat house ultra-appuyé. Grems est en roue libre, on ne suit plus, il balance ses phases, il faudra écouter 10 fois pour tout piger, pas de problème. Disiz n’est pas en reste, tourne en boucle hystero, et quand le morceau commence vraiment, (2min) tu t’es déjà fait avaler par les stroboscopes, étouffé par la fumée de clopes imprégnant le club.  “Tu rêves d’aurores boréales” ben oui évidemment, avec un morceau pareil, tu croyais quoi ? Fin de couplet de Disiz, clavier super deep qui déboule, handclap de folie, aaarg c’est quoi ça, et Grems qui en remet une couche, qui vient t’assassiner sur place, avec la nana qui te lâche des “People ! All night ! Love !” Baby forever tout ça. Morceau fini ? Non, on part dans un délire Chicago House. Ca prêche dans la paroisse, ça prie dans le club, c’est Marshall Jefferson qui vient faire son discours, c’est Mr Fingers qui vient te donner l’amour directement dans tes tympans. Disiz et Grems sur de la Chicago ? Il suffisait d’attendre Klub Sandwich.

Autre ear-gasm avec Klub Sandwich, qui refait venir les voix Uk Garage sur une intro bien puissante, beat de fou pour club drogué. 1min08, tout s’arrête, voix puputes pitchées qui te balancent des “I Need You” jouissifs, UK UK UK et mélodie façon Crystal Waters, c’est absolument mortel. Les Mc sont affolants, une vraie boucherie, difficile d’en dire plus. Le meilleur titre du Lp de loin. Grande folie. Et pour ne pas oublier que dans Klub Sandwich il y a deux producteurs bucheurs mais pas bucherons, Joli Village va laisser place à ces derniers, avec une instrue dingue, super deep, belle comme la mort, habillée de quelques élucubrations de Grems et Disiz célébrant le nonsense. Crise de schizophrénie, trop de drogue, joli visage, Descartes avait tort ? Vu les lyrics, c’est une évidence.

Et pour conclure un album qui s’éclaire de titres en titres, Le soleil se leve en Californie se la jouerait presque Chillwave (on est hype dans ces pages), porsche roulant au ralenti sur fond d’océan azur. Notes de synthés diffuses, bleeps qui s’enroulent au ralenti, et Disiz & Grems qui détachent leurs phrases pour poser sur les nuages. Voix suave pour les refrains, petite mélodie chétive qui s’envole, morceau qui frôle les 6 minutes. Cheveux au vent, doigts de pieds en éventail, cocktail sous la tente, il faut profiter du temps qu’il fait tant que ta montre le permet.





On va la faire simple, le disque est mortel. Court, mais balaise. Je me suis extasié devant la deuxième moitié du LP évidemment, en disant que c’est pile ce que je voulais entendre de Grems depuis un bail, que Son Of Kick et Simbad ont fait un taff incroyable sur ces instrues, qui marcheraient déjà parfaitement elles-mêmes, mais qui sont sublimées, arrachées, dérouillées par les Mc.  Et ça, ce n’est déjà pas banal. Filer Grems & Disiz de la Chicago House, du Uk Garage, de la Dance pupute, de la techno racée et taillée à la serpe, c’est encore plus beau. On dépasse les limites de mecs qui ont déjà dépassés les limites (je me comprends). On est dans la Zone du Dehors. Et ce n’est pas un simple exercice de style, pour rouler des mécaniques, juste pour dire “hey les mecs, on pose sur de la house !”. Non, parce que là, c’est incroyablement bien maitrisé de bout en bout. Les mecs ont des putains couilles, mais on ne les voit même pas. Ce n’est jamais forcé, jamais borderline, c’est maitrisé à mort notamment sur Deeper et Klub Sandwich. On dirait qu’ils font ça depuis 10ans. Et c’est pourtant casse gueule sur le papier. Les lecteurs de longues date de ces pages pourront persifler “oui mais avec toi Dat’, il suffit d’une voix pitchée et de synthés pupute-deep pour que tu sois content, c’est relou”. Ce à quoi je m’insurge et répond avec violence “Oui, tout à fait”

Rassurez vous la première moitié du disque n’est pas en reste, et si l’on excepte le second morceau, juste sympa, le reste est tout aussi affolant, avec des petits diamants comme Parigi ou Foutre de ma gueule. Alors je parle des productions, dingues, mais les Mc croquent dur, et c’est avec grand plaisir que l’on retrouve un Disiz sur des instrues cabossées, et un Grems qui fascine toujours autant avec son flow psychopathe ultra technique. J’aimerai bien faire des jeux de mots sur les sandwichs et les chevaux, façon communiqué de presse. Je n’y arrive pas, alors je vais me limiter à : Ce Klub Sandwich LP est une bombe.






Klub Sandwich – Joli Village





Klub Sandwich – Klub Sandwich





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– Grems / Broka Billy : Chronique

– Grems INTERVIEW French





9 Titres – Grems Industry

Dat’

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Blanck Mass – Blanck Mass

Posted in Chroniques on July 4th, 2011 by Dat'


John Fucks Power Buttons



Du duo Fuck Buttons découle deux entités bien distinctes formant la musique, le “son fuck buttons”. Car si le groupe fascine, c’est par sa propension à télescoper saturations démentes et nappes mélodico-émo. De savoir qui de Power ou Hung balance ses synthés venus d’ailleurs, difficile à dire. (Même si, en live, Hung semble plutôt s’acoquiner de ses bontempis) mais cet album solo devrait offrir quelques pistes.

En attendant un troisième album qui permettra de confirmer si le groupe from Bristol peut définitivement marquer l’histoire de la Noise-shoegaze en la rendant pop et fragile, John Power (grrr) s’échappe de Fuck Buttons pour balancer un Blanck Mass annoncé depuis des mois. Sur ce projet, pas de cathédrale entrant en fusion avec le soleil, ni d’apocalypse tribalo-cristalline, Power aka Blanck Mass veut se recentrer sur les mélodies, comme dans une démarche de décortiquer ce qui fait Fuck Buttons, continuant à pousser ce qui émane du groupe vers quelque chose de plus calme.







Et, et et… j’ai perdu la suite de l’article. Ca doit bien arriver une fois par an non ? J’ai passé la semaine précédente à me demander si je devais le réécrire. Mais hey, n’y a t’il pas rien de plus chiant que de refaire un article déjà écrit ? (Quoique, reprendre des photos perdues, c’est pire). Le plus drôle, c’est que j’ai fais une save de sécurité dans ma clef usb, comme d’hab, et que c’est cette dernière qui a disparu. Sinon mon ordi tombe en ruine, il est temps de racheter un petit frère.

Le disque ? oui, alors, donc… vu que je ne vais pas me retaper une description qui avait été faite avec amour, comme les tartes tatins de moman accompagnée d’une boule vanille, on va décrire le Lp vite fait : Des nappes, des nappes, et encore des nappes. Forcément, c’est du simili-ambiant. Mais de l’ambiant foisonnant, mille feuille, pas le hululement de dauphin sous reverb pendant 6 minutes. On sent que le mec vient de Fuck Buttons, car il ne rigole pas, et l’on retrouve quelques lignes bien noisy-cradingues qui ont fait le succès du duo de Bristol.

Sundower, c’est angélisme, petite clochette, mélodie cristalline, et gros barouf assourdissant par dessus. Ca prend tellement d’ampleur que tu commences à aimer la vie, à te dire que c’est beau, musique pour mariage post-apo, les invités tous cachés derrière leurs masques à gaz. Land Disasters porte bien son nom. Clairement une track qui aurait pu figurer sur les Lp de F*** Buttons, avec ce grésillement de fin du monde, les synthés émo, et rien d’autre. Mais c’est drôlement beau. J’avais écris 10 lignes sur le morceau pour dire pourquoi c’était beau. Mais bon. Le mot suffira. 10 lignes aussi sur le fou What You Know, 14 minutes compléments dingues, qui commencent en mode angélique caverne de glace, pour évoluer dans tous les sens. C’est ultra épique, fragilité vs violence sourde, des bleeps mortels, des mélodies qui surviennent pour te lécher la nuqe et te faire vibrer. Ca fait drôlement penser au disque “Does It Look Like I’m Here” des Emeralds, qui avait démonté tous les tops 2010 (sauf le mien, j’étais en retard)

Je disais que  Blanck Mass, c’était de l’ambiant urbain, malgré le parti pris de faire un disque proche de la nature (oui vraiment). Genre, je marche dans la ville et je me sens bien sous les immeubles, cette tristesse collective encensée à la télé par des sociologues enfumés sur les plateaux, à marivauder comme des salops sur le corps sans vie de notre humus sociétal. Il est vrai, certes, qu’une vie se consume moins vite qu’une cigarette, mais les deux ont au final le même arrière gout de goudron, cette façon de partir en fumée sans que dieu n’agisse, cendrier offrant hospice et escapades vers un avenir radieux. C’est les néons, c’est l’alcool, c’est la musique forte, entrée colmatée par le stupre et l’interdit, seul oasis de paix bruyante, sphère coupant des radiances ramonées et usantes du monde professionnel. Au moins, voir même plus. Qu’est ce que l’on peut écrire comme conneries en 30 secondes, mode automatique, en laissant courir ses doigts sur le clavier d’une façon presque inconsciente ! En fait, c’était surtout pour gagner des lignes, faire genre l’article est long, même si j’écris sur du vide depuis tout à l’heure.

Alors sinon, on avait quoi ? Ah oui, j’avais fais un truc super, dualité entre les morceaux très calme et les agités décris au dessus. Et si certaines tirades ambiant sont ronflantes (on pourra se passer de Sub Serious ou Weaking Flier, énième track ambiant avec des synthés et des oiseaux qui font piou-piou. D’ailleurs, une vraie discrimination dans l’ambiant, il faut dénoncer ! pourquoi toujours des oiseaux ? et pas chats ? des chats, ça pourrait être mortel sur des synthés. Un ronronnement, ce n’est pas le truc le plus cool à écouter ?), d’autres sont drôlement belles. Fuckers, c’est mon morceau favori du disque. Il ne se passe pas grand chose, mais c’est 20 couches de synthés qui s’entortillent les uns sur les autres. Avec des voix et autres hululements fantomatiques. On croirait écouter 10 morceaux de Panda Bear mis les uns sur les autres, et passés en slow-motion. Chernobyl (il n’est pas à la page le mec) est assez bien foutu aussi, très émo, un peu Moby (les bons morceaux lunaires de ce dernier). Ou Raw Deals, mélange entre Animal Collective et Prodigy (si si, ça me fait penser à Skylined), mais après avoir pris une tablette entière de Sulpiride.






Disque d’ambiant, oui. Peu ou pas de rythme, synthés nonchalants, grésillements en tout genre, morceaux souvent bien longs, qu’on ne s’y trompe pas. Mais Blanck Mass modèle son ambiant comme Fuck Buttons crachait sa Noise : En le chargeant à grand renfort de mélodies, de montées épiques, et d’un pendant presque pop. Les puristes crieront de nouveau au scandale, mais pour ceux qui aiment que ces genres s’ouvrent un minimum, ce Blanck Mass, c’est de l’or en bar. Plus proche d’un Emeralds que d’un Tim Hecker, John Power se la joue peinture de fresques épico-émo, pas si éloignées de ce que pouvait faire le duo. Tu prends un morceau du groupe, tu le décortiques comme une crevette en enlevant toute jouissive esbroufe et surplus, et cela te donne du Blanck Mass. C’est moins rigolo, moins fou, moins bourrin, mais c’est pas trop mal non plus lors d’une nuit sans sommeil.

Bref, on n’est pas près de réentendre des hurlements dans une production Fuck Buttons (ma grande tristesse) mais niveau mélodies electronica qui cassent l’échine, avec ce Blanck Mass, on est servi.






Blanck Mass – Land Disasters by In House Press





10 Titres – Rock Action

Dat’





Deadboy – Here EP / Braille – The Year 3000

Posted in Chroniques on June 16th, 2011 by Dat'


The law of the conservation of energy




En grand fan de Uk garage-2step-NuAbstract (j’ai oublié une mention ?) j’attendais le deuxième disque de FaltyDL avec une impatience non feinte. Son superbe Love is a Liability, qui mélangeait avec amour Uk Garage, sonorités 8bits et electronica Plaid-ienne m’avait volé le cœur il y a deux ans. Mais sur le nouvel Lp, petite déception, rien de renversant, le son est touffu, bien branlé, extrêmement maitrisé… mais aucun morceau n’a la grâce, la beauté et la fragilité des compositions du premier essai. En sachant que FaltyDL était le mec sur lequel j’avais misé tous mes deniers, cela avait fait un petit choc, à me retrouver orphelin de Uk Garage sur un solide Lp. (Un vrai virus, qui rend impossible la confirmation des talents Garage sur un disque entier, depuis Untrue peut être… Mount Kimbie nous sort une moitié d’album, James Blake et Darkstar qui virent à 180°, Falty se foire, Jamie XX qui n’a toujours rien sorti tout seul, et les autres qui restent cantonnés aux Ep ad-vitam eternam… Il n’y a bien que Phaeleh qui s’est bien débrouillé, tout en restant trop gentil pour avoir le label “culte”)


Justement les Ep. C’est là où le genre bouillonne, à coup de 100 sorties à la semaine. Des ‘rookies’ qui fascinent, et dont on attend (un jour peut être) leur Lp la bave aux levres. Jacques Greene, clairement, qui m’a renversé avec son The Look (pourquoi en ais-je jamais parlé ?), meilleure sortie du genre depuis des lustres. Pangaea aussi, avec son You&I/Router et Pangaea Ep, parfaits. Et Deadboy. Ralala, Deadboy. Ce mec, je suis tombé dessus par hasard, lors d’une upload sur Youtube de son remix du Fireworks de Drake, j’en étais resté complètement bouche bée devant mon ordi. Ce morceau, sublime, concentraient tout ce que je peux aimer dans le genre (avec Good Morning de Greene), entre mélodie à chialer, voix pitchées et beats Uk hypnotiques. A l’époque, le bonhomme n’a quasiment rien sorti d’officiel, alors on grappillait les morceaux sur youtube et hypem. Et Deadboy en a sous le pied, vrai talent du 2step, qui ne se contente pas d’aligner les sons pour rendre hommage à Artful Dodger Et voila que le bonhomme balance un nouvel Ep, tout frais et inédit, qui risque de faire date. Et puis tant qu’à faire, je glisse aussi dans cet article l’Ep de Braille (moitié de l’excellent groupe Sepalcure) qui va lui aussi faire parler, dans une veine plus House, franchement réussi.









DeadBoy, débute son Ep avec un long titre de presque 9 minutes, assez surprenant Wish U Were Here, qui déboule avec un métronome bien techno, et des synthés qui se déplient à n’en plus finir. On es loin des exercices 2step-uk d’il y a quelques mois. Voix en reverb, handclaps putassiers, tu sens bien le truc monter, tes hanches qui frétillent. Petites notes de clavier facétieuses, ça lorgne vers une space-disco à la Lindstrom, mais qui aurait quitté les nuages d’Europe du nord pour les stroboscopes salaces de London. 3min40, c’est dance, c’est les fringues fluos, c’est Ace Of Base qui décide d’enregistrer un morceau au fond d’une piscine. Cela n’en fini plus de monter, les mains ne sont même plus en l’air car tu as des crampes, et ce n’est que la moitié du morceau. Break épique, et l’on reprend tranquillement jusqu’à satiété. Morceau parfaitement calibré, superbement exécuté.

Mais Deadboy n’a pas oublié le 2step, et nous le rappelle avec les deux autres tracks de l’Ep, Here 4 You et Ain’t Gonna Lie. Ce dernier se la jouera uk-mélancolique et laidback, pas si loin de certaines compositions de FaltyDL justement. Mais c’est clairement Here 4 You qui remporte la palme, en sortant gloss, mini-jupes et rythmes claudiquant. Voix r’n’b passées à la moulinette, synthé chiptune, beat appuyé, un petit uk garage parfait. Cela ne révolutionne rien, mais roulé comme jamais.


Pour Braille, on part directement sur Chicago. Et là, c’est du très grand. The Year 3000 commence avec des exclamations typiques House gay, et tu te prends le rythme bien dans la tronche. La mélodie. Ce clavier putain, bien granuleux, qui n’en finit pas de te caresser les tympans. Morceau dance passé en slow motion, et ces voix qui chialent, qui se perdent dans les échos, triturées, saccadées, balancées de tous les cotés par les beats. C’est presque religieux ce truc. Comme si Joe Smooth se retrouvait dans une rave de Bretagne bourrée d’ecstasys. Sublime morceau. A se demander ce que fout le mec avec dans Sepalcure avec Machinedrum. Si on savait que Braille pouvait balancer des diamants pareils, on lui aurait foutu deux torgnoles pour qu’il nous sorte ça manu-militari.

Le deuxième morceau, Leaving Without You, n’est pas en reste, toujours aussi Chicago House meet Uk Garage. Dès les premières secondes tu sais que tu vas adorer, tu es déjà pres à tomber amoureux, à faire des déclaratiosn enflammées, à bouger comme un con devant ton ordi. Teengirl Fantasy nous avait fait le coup, mais là c’est encore plus maitrisé, encore plus lumineux, encore plus dansant. C’est juste beau putain, une vraie réussite. Si le mec ne prépare pas rapidement un Lp dans le style, je m’éventre sur la place du village en direct sur W9.






Ep superbes donc, grande réussite dans les deux cas, et si le talent des bonhommes reste à confirmer sur de plus longs formats (surtout pour Braille, dont on a encore peu entendu, là ou Deadboy a déjà fait son trou avec ses superbes remixes et tracks pas piquées des hannetons), ils nous épatent déjà drôlement sur Ep.

Deadboy clairement, oscille dans une veine très Uk Garage, loin des saillis plus expérimentales abstract de ses congénères, en respectant la sainte trinité beat 2step, / voix puputes pitchées / synthés mélodiques. Un peu moins mélancolique que ces premiers morceaux, il étonne néanmoins avec Wish U Were Here, longue plage  Uk-electronica-disco, exercice que l’on n’a pas vraiment l’habitude d’entendre dans ce milieu.

Pour Braille, et à l’instar de Jacques Greene, son Uk garage lorgne un peu vers la House Chicago, pour filer deux pépites épiques qui pourraient bien se faufiler dans le top Ep de l’année. The Year 3000 est un morceau carrement affolant.

Dans les deux cas, c’est indispensable pour els oreilles un tant soit peu sensible à ce genre d’exercice, et scander More More More si affinités.






Braille – The Year 3000





Deadboy – Here 4 You






3 Titres – Numbers Record

2 Titres – Rush Hour

Dat’





Andy Stott – Passed Me By

Posted in Chroniques on June 13th, 2011 by Dat'


Graves



Marcher dans la rue, nuit noire, trottoirs multicolores, grillés par les néons. Marcher sans casque pour se donner un peu d’air, pour réapprendre à dompter une audition à 360°, pas simplement dictée par des soubresauts fixés en droite/gauche. Butiner les conversations des passants, chopper quelques mots à la volée. Répertorier les slogans des magasins, passer en revue les jingles des pas de portes, les promos gueulées au porte-voix. Ecouter des chaussures à talons claquer sur le pavé. Un téléphone qui sonne. Une bière qui ouvre l’ivresse. De la viande qui tressaute sur une plaque chauffante, devanture de restaurant. Le tintement d’un porte-clés qui oscille à chaque mouvement de hanches. Le fracas d’un métro qui passe au loin. Des klaxons fatigués. Un vélo qui grince. Le ronronnement des bus. Des rires. Surtout des rires.

Puis se diriger vers le quartier rouge, vers les rues clubs, là où le bitume est maussade,  mélancolique, écrasé par la solitude, mais où les sous-sols tressautent, vrombissent, hurlent. Passer dans ces rues, décalqué par la fatigue, et raser les murs pour percevoir les “boum boum boum” perlant du béton, qui me fascinent, mêlés au brouhaha de la ville. Voir une porte s’ouvrir, donner sur un long escalier rouge, entendre une techno étouffée, qui semble tabasser dans les tréfonds, pour disparaître quelques secondes après, lorsque le videur a fini son aléatoire sélection. Marcher sur un trottoir et sentir la folle activité sous-jacente. Tous ces beats sourds semblent émaner du même réseau, comme si cet amas de clubs n’était qu’un vaste et unique complexe de débauche souterraine.

Ce genre de sentiment, il avait été parfaitement matérialisé sur disque avec le sublime Incense & Black Light de Rod Modell. Puis sur Liumin d’Echospace, parfaitement ancré dans les néons et le bétons Tokyoïte. Justement, sur le même label que les précités, voici Passed Me By. D’Andy Stott, je ne connaissais que sa réputation et quelques morceaux grappillés ici et là, (tu n’as pas de platine, tu peux toujours courir pour t’enfiler sa disco), parfaites missives techno-melancolico-reverbées. La pochette de ce nouveau mini-album m’a clairement fait passer le pas.








Mini, l’album, car à l’instar d’un Hopkins & Creosote, le disque comporte 7 morceaux pour moins de 35 minutes. Radin ? Un peu. Mais pas avare niveau couches sonores, un vrai mille-feuilles, electro duveteuse, toujours (ou presque) enfermée dans ce cocon de fumée, ces parasites bizarres qui donne au morceau un écrin sourd et étouffé, parfaitement symbolise par New Ground, house ralentie, track putassiere en slow-motion matinée de rivotril, avec voix soul qui tente de s’extirper d’une mélasse brune et poisseuse. Tu danses ou tu passes en mode coma-debout, les deux conviennent.

C’est de la house certes, mais calée sur les pulsation d’un palpitant, sur le frémissement d’une artère. North To South, c’est une techno plaqué sous trois kilos de ciment. Et des voix, des zébrures noisy donnant un coté presque émo au traumatisme. Cordes cristallines qui caressent la bête, et l’on part sur une deuxième moitié de morceau lumineuse, dub-techno pas loin d’un Modell. Ce morceau est comme une fin de vinyle craquant ad-nauseam, jouant avec les échos, et qui te chiale sa petite complainte enfantine.

Intermittent, balancera le disque sur quelque chose de moins hermétique, entre synthés saccadés, sample disco nécrosé et voix puputes, pitchées à la perfection. La track est complètement écrasée, et semble pourtant être bourrée de relief, ça oscille de partout, fascinant. Les basses grondent comme la mort, il faut écouter ça avec la molette à fond. Nu-uk-garage de toute beauté. Et au moment où les voix survivent enfin, le morceau meurt sans prévenir… Après avoir passé du Disco-uk à la moulinette, c’est un manteau Hiphop Gangsta que va revêtir Dark Details, super swag mais carrément plus opaque et menaçant qu’une missive pimp, entre voix rugueuse et beat dub des cavernes, qui ferait passer Boxcutter pour un membre des B52’s. Surement la piste la plus difficile du disque, clairement linéaire, qui n’accueillera pas une pointe de lumière sur plus de 6 minutes.

On ne sort pas du gouffre avec Execution, tout aussi dépressif, mais relevée par quelques échos de voix lugubres, et une zébrure féminine superbe. Les rares synthés, presque Trance, se retrouvent bouffés par les parasites. Ce n’est plus écouter la Techno du voisin l’oreille collée sur son mur, c’est carrément regarder un vinyle tourner avec un flingue te baisant la tempe et des démons qui te soufflent sur la nuque d’une voix rauque. Passed Me By concluera le disque avec une techno plus ouatée, très Deepchord dans l’âme (nouvel LP à la fin du mois justement), avec une mélodie mélancolique, drôlement belle, pour un morceau tout en progression. Après les deux salves terrifiantes du dessous, on aurait presque la gorge serrée de retrouver autant de pureté pour presque 7minutes à planer au dessus d’une mégalopole multicolore, en pleine nuit, avec de la pluie s’il vous plait.





Court disque donc, mais suffisamment étouffant pour ne pas glisser sur nos oreilles sans laisser d’empreinte. Evidemment, c’est austère, sombre, âpre, pas fais pour faire peter cotillons et trompettes. Ca ne plaira surement pas aux réfractaires d’exercice Techno-house-dub, mais si le coté salace mâtiné de voix pitchées pourra convaincre les amateurs de musique bitume. Ce disque c’est comme attendre enchainé dans une cave en attendant de se faire human-centipeder, avec ton voisin de cellule qui écoute de la techno en poussant d’étranges râles de plaisir, sachant sa dernière heure perler, le tout étouffé à cause de l’épaisseur du béton. Mélange mélancolico-dansant sourd et grondant, House de gouttière avec les gencives en sang, apathique dancefloor de fin de nuit, où alcool et psychotropes ont transformé la plèbe en zombies

Mais sous cette noirceur quasi-imperméable se cache des compositions drolement belles, parfaitement taillées, fascinantes dans leur propension à se déplier, hypnotisant avec ces effets de couches sonores grillées, façon Technasia sous une averse. Comme si Andy Stott te faisait écouter sa musique en te plaquant un coussin sur la gueule pour que tu suffoques, les enceintes bien callées sous le matelat. Parfait pour les nuits noires, à vouloir bouffer les nuages, à genoux dans le caniveau. And graves.






Andy Stott – Intermittent





7 Titres – Modern Love

Dat’






Tyler The Creator – Goblin

Posted in Chroniques on June 4th, 2011 by Dat'


Whats the big fucking deal ? I’m the big fucking deal.




Plus vraiment besoin de décrire l’aura émanant de Tyler, The Creator et ses potes. Des tonnes d’albums (excellents ou anodins) balancés gratos, des concerts à hauts risques pour les arcades sourcilières, des clips de folie ayant pour seul but de s’imprimer à vie sur ta rétine… il y a de quoi faire depuis quelques temps avec ces malades. Odd Future, il faudrait quinze pages pour traiter du sujet. Mais le phénomène semble universel. Personnellement rentré en contact avec le crade son du crew lors la sortie du clip de Earl Sweatshirt, envoyé par un pote n’écoutant jamais de hiphop, mais me filant un lien en me hurlant (par mail) “putain t’as vu ce truc ? C’est dingue putain, c’est incroyable graaaaaah”. Et c’est effectivement avec cette vidéo ultra violente et malsaine que le buzz avait commencé à faire son trou. Le clip vole de facebooks en facebooks, de blogs en blogs, tout le monde se demande bien qui peuvent être ces tarés maso-drogués, en piochant au hasard des albums sur leur tumblr, débordant de morceaux gratos.

Alors on tombe sur Bastard, premier album de Tyler, The Creator, une claque énorme l’année dernière, avec des morceaux incroyables, mais qui comportait pourtant tous les défauts inhérents au disque de hiphop filé gratos : Un morceau sur deux pas génial, un essoufflement au fil du disque et surtout, une différence de volume/qualité d’enregistrement entre chaque morceau (ce que je hais). Malgré ces défauts plombant, ce Lp était (et reste) un Lp d’enfoiré, entre punchlines/lyrics cultes superbement écrites (malgré des sujets peu fédérateurs) et instrues qui démontaient drôlement. (Balancer « French » en soirée, c’est succès assuré). Bref, un Lp qui méritait amplement tout le foin fait autour (que l’on adhère ou pas), le tout subjugué par le charisme évident du type, entre branleur j’men-foutiste du fond de classe et fumeur de crack assassin à ses heures perdues.


Signer chez XL (pas le pire des gros labels, loin de là), cela fait grincer pas mal de dents. Mais l’américain avait finalement explosé le web grâce à Yonkers, lui aussi parfaitement maitrisé, augurant d’un Goblin plus ouvert, mais tout aussi bien torché que Bastard. Tyler The Creator devait vendre son cul en signant dans une maison de disque. A l’écoute de Goblin, on pourrait croire que cette signature a plutôt poussée le bonhomme à s’étouffer avec des antidépresseurs, seul dans sa cave, sans bouffe ni lumière, entouré de ses bouts de bidoches favoris.








Passer de mp3 gratos sur tumblr à un vrai lp sorti sur Xl, c’est se permettre de se déchirer sur le packaging. De ce coté là, pas de soucis, pour la version deluxe, on se tape un très beau digipack cartonné, avec un cd bonus 3 titres (Burger étant le morceau qui sort du lot), toutes les paroles dans le livret et un poster bien glauque.

Alors évidemment, dans ce disque, il y a Yonkers, tube incroyable, déflagration dérouillant autant le hiphop indé que le mainstream Mtv à sa sortie. Et elle mérite tous les honneurs, cette missive cradingue, avec son instrue folle, grinçante, sèche comme la mort. Et surtout la recette de Tyler, sublimée ici, avec sa voix gutturale, ses punchlines imparables ( “I’m a fucking walking paradox / No i’m not / Threesome with a fucking tryceratops” ) et son dialogue avec son psy/conscience. On sentait Tyler capable de tout casser. Mais des morceaux comme Yonkers, il n’y en aura pas d’autre dans le disque. Pas de hit évident, pas de banger, pas d’hymne de stade. Ce qui ne brise en rien la qualité du disque.

Car Goblin démarre parfaitement, et se déroule sans accroc pendant une bonne partie du Lp. L’ouverture Goblin pose parfaitement l’ambiance, bien qu’en le faisant d’une façon moins mémorable que l’intro de Bastard (impossible à enterrer, on se demande presque pourquoi Tyler voulait commencer de nouveau son disque avec un morceau de ce type, vu que cela ne pourrait pas soutenir la comparaison avec le premier essai). Radicals déboule brulot punk noisy, qui s’invite chez toi pour fracasser ta tv, chier sur tes murs et bruler ta baraque. She, le meilleur morceau du Lp avec Yonkers et Transyl, calme l’ambiance avec un refrain déclamé par l’excellent Frank Ocean. On va entendre les protestations, descendant Tyler The Creator sur le fait qu’il commence à vendre ses fesses, à faire du r’n’b pour minettes, morceau plutôt mielleux qui va bénéficier, c’est certain, d’une rotation active sur les chaines musicales. Ouai. Hey, les paroles ? Certes, ça va tourner à la radio. Mais ça parle d’un stalker qui se masturbe en matant une demoiselle avant de violer son cadavre dans la foret. Mignon, le paradoxe est parfaitement orchestré, on a hâte de voir ça à la tv.

Je parlais de Transylvania plus haut. Ce morceau, c’est le seul, avec Yonkers (décidemment) à avoir la rage de Bastard. Le seul morceau à te donner envie de hurler les paroles en écoutant le tout. Donner des coups de poings dans le vent, à réciter les punchlines en yaourt. Parce que le refrain est dantesque, hardcore à l’extreme, digne d’un French. Ou sa conclusion méchamment cathartique “Bite her in the fucking neck / Bite her in the fucking neck / Bottom of the fucking lake / Bottom of the fucking lake !” que tu as envie de baver en filant des coups de pompes à toutes tes peluches tendrement installées sur ton lit. Ce morceau EST violence. Dangereux.





Tron Cat, plongée minimaliste dans un hiphop dark et franchement expérimental, te balance 6 minutes de punchlines folles sur une électronique dégueulasse et arythmique. Ce morceau, c’est aller faire un examen cardiaque, et se retrouver sur le siège avec le praticien te hurlant des insultes pour te faire sauter le palpitant. “I’m awesome, and I fuck dolphins”. Je veux bien le croire. Le mec te parle de meurtres en mode ultra-graphique, il vaut mieux éviter d’écouter ça le matin. Son psy en est tout retourné à la fin du morceau. Dans cette brochette de bombinettes indiscutables, tu as aussi l’excellent Her, au texte étonnant pour un morceau de Tyler, qui pourrait passer pour une traduction anglaise d’un morceau de Fuzati sur Vive La Vie. Et la charge débilo-bontempi Sandwitches, morceau bien cool, mais un peu caduc et inoffensif à partir du moment ou l’on a écouté la perf en live chez Jimmy Fallon.

Et voilà, que le disque, comme Bastard, s’écroule sur son sprint final. Un quasi sans faute qui loupe la marche dans son dernier tiers. Fish est long, bordelique, pas dingue. Analog et Bitch Suck Dick sont dégueux, Window complément assommante (malgré un twist final plutôt marrant) et Au79 inutile (surtout à coté des exercices de Jet Age Of Tomorrow… disque qui contient le meilleur morceau all-time avec Tyler dessus). Heureusement que le génial Golden viendra conclure le disque avec un morceau apocalyptique, épique, entre chœurs religieux, beat nécrosé, paroles ultra violentes sur les deux dernières années de l’intéressé. Tyler se remet à pêter les plombs comme un dératé, et cela sonne de nouveau juste et naturel, à la Yonkers (encore). Le dernier couplet est dingue, un des meilleurs passages du Lp.






Tyler avait prévenu que ceux qui avaient aimé le premier disque allaient honnir ce nouveau Lp. On pensait tous que le mec allait faire un truc moins glauque, moins violent, plus grand public que Bastard. Et bien à mon grand étonnement, c’est le contraire. Là où Bastard débordait de morceaux qui déboitent, de bombes en puissances, de hits vicieux et viciés, on ne trouve dans Goblin que Yonkers et.. euh… Transylvania, pour démonter les soundsystems de club. Goblin est noir, dur, difficile d’accès, une vraie plongée dans un esprit malade, tout en étant peut être moins pertinent, plus calculé, plus factice que Bastard.

Goblin n’a plus la fougue de son grand frère. D’un point de vu lyrics tout d’abord. Les punchlines sont toujours là, franchement graves, hallucinantes de maitrise. Les thèmes sont toujours aussi hardcore. Certes, dans les grandes lignes, les lyrics de Goblin sont bien mieux travaillés, plus riches. Mais quand on veut vraiment regarder les dans les détails, il y a quelques écueils : Le disque regorge d’explications, d’excuses, de positionnements, là ou Tyler nous crachait simplement sa haine auparavant. On ne sait pas comment prendre l’intro de Radicals, la conclusion de Sandwitches… On croirait parfois entendre une déclinaison banale du Marshall Mathers Lp.

Parce que justement, Eminem le faisait sur son disque, et cela marchait parfaitement. C’était même plus que dérangeant, entre humour noir, vraies pulsions meurtrières et positionnement marketing. Les justifications de Tyler, elles sont un peu maladroites, mal amenées, là où Eminem frôlait le génie sur Kill You, ses Skit ou l’intro de Criminal, phénoménale et culte, que Tyler semble essayer de décliner pâlement. Il faut dire qu’Odd Future se retrouve dans une situation avec le public qui n’avait justement pas resurgie depuis… Marshall Mathers. Le mec se débrouillait mieux avec un simple « I didnt mean to offend anyone… alright, I’m lying » à la fin de “Seven”, sur son premier disque, qui semblait résumer parfaitement l’approche de Tyler sur sa musique.

Et si Tyler est toujours aussi balaise pour t’expliquer comment il va violer ta grand-mère et son iench à l’aide d’un coton tige, d’un ciseau, d’un briquet et d’un micro-onde, le discours sur la religion et l’école semble cette fois plus empâté, moins frappant, moins jusqu’au-boutiste. On préférait les blasphèmes ultra-violents de Bastard, les lignes impossibles à assumer, qui avaient quand même plus de gueule.



Musicalement aussi, le bonhomme a foutrement évolué, car si il n’y a plus ce problème de “50% de mon album sont des prods enregistrées dans ma cuisine avec le bouton de volume j’aime le changer à chaque track”. Mais le tout a quand même clairement moins de punch, et manque de “Seven, French, VCR, Slow It Down…”, voir même de morceaux mélodiques à la “Bastard” ou “Pigs Fly”, qui étaient franchement… beaux. Hey, je suis en train de me plaindre du fait que l’album est trop experimental ? Non, juste qu’il manque d’un ou deux coups dans le bide en plus. Et dieu sait que Odd Future sait en donner, des coups dans le bide. Avec les intestins qui roulent sur le bitume et tout le toutim. Goblin ne te donne pas envie de gueuler. Car Bastard, c’était ça, l’envie de gueuler, de scander les lyrics. De hurler biiiitch et swaaag dans ta piaule à chaque insultes des zozos d’Odd Future.

Bon attention, l’album reste mortel hein, si on retire cette dernière partie de disque qui se foire mollement (et longuement). J’ai toujours autant de plaisir à entendre la voix folle de Tyler débiter ses horreurs écrites à l’or fin, certaines tracks sont absolument mortelles (Transylvania donc, brulot gothico-mysogine fou, l’énorme She, Her, Radicals, Tron Cat… sans oublier, évidemment, le tube incontestable Yonkers). Les synthés crevés sont toujours aussi pertinents et bien placés. Bref, du bon boulot. Si objectivement, Goblin est bien mieux taillé que le premier lp, Bastard (malgré tous ses défauts) reste pour moi indépassable, dans une autre galaxie face aux autres sorties Odd Future. Difficile d’expliquer pourquoi, mais mon cœur reste attaché à ce rejeton dégueu et gueulard, plutôt qu’à cette nouvelle livraison dépressive, étouffante, d’excellente qualité, mais au final plus convenue. Le Lp reste étonnamment à l’opposé de ce que l’on pouvait attendre de Tyler, avec sa nouvelle aura grand public. Mieux branlé, massif, écrasant, mais avec pourtant moins d’impact.

Reste qu’avec ce très bon Goblin, le mec aime prendre des risques, et c’est plus que salutaire en ce moment.






Tyler, The Creator – Yonkers






Tyler, The Creator – She (feat Frank Ocean)





15 titres + 3 titres / XL recordings

Dat’





Rone – So So So

Posted in Chroniques on May 22nd, 2011 by Dat'


Fly Fly Fly Night Night Night



Alors là, c’est une vraie bonne nouvelle. Je regarde d’habitude d’un œil torve les envois de mailing-list reçus en masses sur les sorties de disques, et voila que déboule dans ma boite une missive d’Infiné intitulé ‘Nouvel Ep de Rone, So So So’. Après m’être déboité l’épaule en tombant de ma chaise sous l’effet de la surprise, je reprends les esprits et achète directement le tout sur Bleep.

Rone, (à ne pas confondre avec Lone, souvent dans ces pages) est l’un des mecs me fascinant le plus dans l’electro française à coté de Nil Hartman, Mondkopf ou Das Glow. Rone, c’est de l’electro-techno-(insérer mention souhaitée) taillée à l’or fin, la belle, la mélodique, la mélancolique, matraquée par les rythmes et les envolées de claviers. Il avait sorti, en 2009, ce qui était (et ce qui reste) pour moi l’un des tous meilleurs albums de cette année là. Il était trop court, il était un peu incomplet, pas révolutionnaire pour un sou. Et pourtant parfait dans ses litanies, son impact, sa beauté bucolico-neurasthénico-urbaine. (ça donne tout de suite très envie), ce Lp discret était le disque que j’avais le plus écouté en 2009, et peut être encore en 2010. A le connaitre par cœur, à pouvoir te chanter (mal) la galette de bout en bout sous la douche, à faire chier tous tes potes en leur lâchant pour la centième fois “mais si mais si, écoute là, maintenant, comme c’est beau” “ouai euh ok mec, et sinon les bières, c’est où ?”. Ah sinon, ais-je déjà dis que son morceau Flesh était miraculeux, condensant tout ce que je préfère dans une piste electro ?


Alors forcément, on en attend plus. Sortir un excellent album, c’est surtout provoquer l’impatience, s’obliger à devoir en faire encore plus, creuser les chemins arpentés sur le premier essai. Exacerber ce coté electro mélodique en mode “complètement perdu à 4am dans un club / chez toi, sur ton balcon, à divaguer mentalement en regardant la ville mourir”






L’Ep commence par le morceau titre, So So So, absolument épique, long de 7 minutes, étirant les paysages de Spanish Breakfast sur quelque chose d’encore plus dingue et homérique. Synthés spatiaux, superbes, beats techno pépères, et l’on se dandine en fin de nuit sur sa bouteille à moitié vide, à se balancer de droite à gauche comme un zombie, en prenant bien soin de fermer les yeux à chaque zébrures de stroboscopes, le cerveau ravagé par les odeur de clopes. 2min30, des petits voix samplées, que l’on croirait directement sorties du Surf Solar de Fuck Buttons (il n’y a que moi qui pense ça ?) déboulent, et font échouer le titre sur un break ambiant au piano. C’est beau, tu as lâché ta bière pour ouvrir les bras et sourire comme un con au milieu de la pièce, les gens dansent, se draguent, se jaugent, se touchent, mais toi tu t’en fou, tu continues de basculer, de savourer ce putain de voile noir qui te descend sur la tronche. Et au moment, tu frôles l’anévrisme, où la perte d’équilibre t’étouffe, le morceau part sur son dernier tiers dans une direction lumineuse, plus optimiste. Sur la mélodie implacable du départ se greffe une litanie plus guillerette, tout en retenue, détails et petites incursions, le tout taillé avec les trippes. C’est deep, dansant, neurasthénique, épique, cristallin. C’est dépressif et euphorique dans le même mouvement, c’est pleurer comme un connard assis sur le trottoir, alors que tout le monde fête le départ définitif de ton meilleur pote dans le bar d’à coté. Ce pote qui vient s’asseoir à coté de toi pour trinquer une dernière fois, chialer un peu puis éclater de rire. C’est sourire en repenser à tes histoires gâchées, laissez moi crever. La folie ce morceau.



Tu es déjà lessivé. Mais il y a Nakt qui se profile, et te file une mandale similaire, à te découper le cœur en huit, à te filer des papillons dans le ventre pour l’année. Mélodie cristalline, petites clochettes electronica, beat feutré. 10 secondes, tu es déjà convaincu d’aimer ce morceau. Trente secondes, la track commence réellement, tu tombes sans fin dans un gouffre aux parois pleines de couleurs. 1 minute, tu n’as même plus envie d’attendre l’album de Plaid ad vitam aeternam. Parce que cela ne pourra surement pas être aussi bien que ça. C’est tout simple (mélodie cristalline / beat) et pourtant le morceau semble en 3d, se déplie sans cesse, et fini par se nécroser dans une reverb anxiogène. C’est fini ? nan, deuxième phase, cette fois c’est Enter The Void version émo. Tu as les mêmes couleurs folles, les mêmes néons qui grésillent, la même envie de voler. Pas au dessus des nuages, ça c’est chiant, mais bien de planer au dessus de rues crades et multicolores, au beau milieu de la nuit, détaché de toute autre sensation. Flotter, bouffer la ville par le haut, sauter de toits en toits, chevaucher des impasses grillées par des lumières roses et bleues, se faire aveugler par des lampadaires arc-en-ciel. Se balader dans le Kabuki-cho après une nuit blanche, démonté par des somnifères. Tu as l’impression de flotter, de perdre pied ? C’est normal.

C’est déjà la fin, avec Planet Zoo, qui continue d’étirer le trip en gommant un peu plus le coté dancefloor du tout, pour partir sur des terres complètement oniriques. Là aussi, une mélodie pure comme la mort, electronica dans caverne de glace. Là aussi, le morceau te flingue des le départ. La rythmique n’est plus réellement techno, le beat est syncopé, asymétrique, fou, superbement calé sur la litanie limpide, et sur les plaintes discrètes du synthé en fond sonore. Là aussi, le traitement est dingue, c’est en mode cathédrale, la montée de claviers dans le cœur du titre est incroyable, ça te prend la gueule, et la conclusion céleste, à la “28-jours-plus-tard-on-sort-de-Londres-en-bagnole” est parfaite. Rone t’arrache enfin les ailes, te fais bouffer le goudron, pour te laisser caner comme une merde, un grand sourire béat imprimé sur la tronche.





Sérieusement, cet Ep est mortel. Dingue. Tellement beau, sans jamais se délester de ce petit coté club, de cette facette techno si maitrisée. Sur cette nouvelle livraison, Rone, en donnant encore plus d’importance aux mélodies, balance sa musique sur des terres que je n’espérais même pas arpenter, tant le mec semble avoir confirmé sa musique, sa technique, sa façon de créer. Même plus besoin du verbiage de Damasio pour te crever le palpitant. Le seul problème, c’est que de filer un Ep aussi abouti donne tout de suite envie d’avoir un vrai deuxième Lp sous la dent. Alors je conjure le label Infiné de s’inviter chez Rone, de lui coller un flingue sur la tempe, et de lui demander gentiment un deuxième album. Ou de lui envoyer un mail sympa quoi, un truc dans le genre. (Bon le deuxième album est déjà prévu en fait) Pour se la jouer communiquer de presse, j’ai fais écouter l’Ep à un pote anglophone. Sur le deuxième morceau, après une écoute concentré, il m’a dit “whao, this so (so so) fucking beautiful” un peu candide. Et je pense sincèrement qu’il n’y a pas grand chose à rajouter à cette déclaration. C’est d’ailleurs le truc le plus beau qui m’a été donné d’entendre cette année, avec le Lp de Creosote et Hopkins.

En grand insomniaque, je rêve souvent, en dormant, de ne justement pas pouvoir dormir (ironique punition de l’inconscient englué par les somnifères). Avec ce So So So de Rone, je peux enfin rêver de voler au dessus des villes, kaléidoscopes de néons, quartiers crades, collines vertes et soleil écrasant. Même quand je ne pionce pas. C’est magique.





Rone “So So So EP – 3 Tracks Teaser” iF2034 by InFiné Music





3 Titres – Infiné

Dat’





13 & God – Own Your Ghost

Posted in Chroniques on May 18th, 2011 by Dat'


Ghost. Assassinating Other Ghosts



On l’a attendu tellement longtemps que l’on ne finissait par plus y croire.  13 & God, rappelons le, est la réunion du groupe The Notwist, et du trio d’anticon Dose One, Jel et Dax Pierson (Themselves et Subtle, entre autre…) Le premier album m’avait marqué au fer rouge, avec ce coté indé electro vs Hiphop crade extrêmement marqué, et pas si commun à l’époque. Un deuxième Lp, ils nous le promettaient il y a maintenant quelques années, mais on avait pris l’habitude de ne plus le voir arriver, à cause de la multiplication des projets pour DoseOne et Jel (la monstrueuse renaissance de Themselves, l’avalanche de Subtle, le truc avec Alan Moore, le projet toujours en suspend avec Mike Patton et Tunde Adebimpe), les nouveaux Lp de The Notwist, et surtout l’accident de Dax Pierson…

Own Your Ghost était annoncé donc, mais je n’avais pas de date précise en tête. Juste l’idée diffuse qu’il allait bien débarquer un jour ou l’autre. Et voilà qu’à ma grande surprise, en allant chercher le nouveau Gang Gang Dance, je tombe sur lui en magasin la semaine dernière. Cela fait tout bizarre, comme croiser un vieux pote que l’on n’a pas vu depuis des lustres, au détour d’une rue.







Les mecs se sont déchirés pour le packaging. Superbe présentation cartonnée, avec les lyrics (bon courage) imprimés sur poster. L’intérieur de la pochette fait un peu penser au Talkin’ Honky Blues de Buck65, bref, du beau boulot.

Notwist et Themselves donc. Sur le premier, les univers étaient au final assez séparés. Pas assez en osmose. Un mélange pas aussi poussé que l’on pouvait l’espérer. L’ouverture de Own Your Ghost, elle, est stricto pop. Belle comme le jour, simple ritournelle electro-folk comme le groupe Allemand sait bien les faire, Its Own Sun porte bien son nom. Mais des Death Major, c’est le Hiphop anticon qui claque, avec un Doseone qui a gardé ce flow plus rocailleux de Crownsdown. Mais le morceau part vite sur un refrain très beau, en apesanteur, on a déjà le mélange que l’on espérait, le tout gagne en intensité à chaque phrase, travail de folie sur cette ascension retenue. N’essayons pas de comprendre ce que veut DoseOne, il repart dans ses poèmes abstraits, mais bordel que c’est beau quand le tout se mêle aux hululements de Markus Archer.

Et le disque révèle sa facette très émo dès Armored Carves, débutant encore sur une gratte acoustique, pour rapidement te voler le cœur. Très Notwist dans l’âme, le morceau n’en fini pas de monter, d’une fragilité désarmante, et alors que l’on pensait un écouter un nouveau morceau 100% pop-electro, les exclamations de DoseOne se font petit à petit entendre, le bonhomme se lance dans un hiphop mélancolique, voix aigue, parfaitement en phase avec une instrue qui gagne en force grâce ce rythme martial déboulant de nul part, ça commence à te prendre à la gorge, des chœurs qui copulent avec un Mc en mode mitraillette, ça vrille dans tous les sens au sein de tes oreilles, un vrai bijou.

Le disque n’est d’ailleurs avare en escapades tire larmes. Un peu plus loin, Death Minor, avec ses cuivres et ses violons va te foutre à terre et te piétiner comme une merde. Les cordes qui s’envolent sur le dernier tiers sont affolantes. Archer en mode dépressif monocorde et DoseOne reclus dans un coin, bouffé par les parasites. On pourrait penser à un Massive Attack vicié si 3D s’était incrusté dans le studio.




Sure As Dept est une beauté folle, symétrie glaciale avec les exercices de Hood en plus Hiphop. DoseOne est fou, il bouffe le micro, avec la même rage que dans Back II Burn. Sauf que pour soutenir son flow d’enfoiré, c’est montées de guitares, piano lugubre et chorus du même DoseOne en pleine crise d’épilepsie, balançant des onomatopées, hystériques sur une mélodie qui me casse la colonne vertébrale à chaque putain d’écoute. Un superbe morceau, peut être le meilleur de la galette avec… Beat On Us, qui arrive juste après, tout aussi violent pour le cœur, mais qui arpente le coté pop de 13 & God. Comme une chanson de The Notwist qui aurait ce petit plus épique manquant des dernières livraisons du groupe allemand. C’est un morceau electro-pop parfait, qui part dans des contrées renversantes dès que le rythme se fait soutenu, et le chant d’Archer accompagné par tous ses potes. Dès la deuxième minute, on bascule, le boulot sur la production est merveilleux, la seule petite incursion de DoseOne sur la longue conclusion est parfaitement placée. Courir nu dans l’herbe, regarder le paysage par la fenêtre du train, tout ça. C’est beau, et en plus, c’est triste. Carton plein.

Mais que les gros durs se rassurent, il n’y a pas que des morceaux permettant de se moucher le cerveau sur Own Your Ghost. Certaines tracks sont plus énergiques, facettes plus secouées que l’on n’attendait pas forcément de la part du groupe. Toutes placées au milieu du disque, elles offrent de gentils coups de butoirs avant les incartades émo finales. Janus Are, sa gratte cradingue, son refrain badin et ses passages hip-pop donnent un peu de peps à la galette, pour nous surprendre sur une conclusion presque noisy. Oldage tapera plus dans la dreamy-pop, assez joyeuse, presque niaise (pas un mal) avec un tempo enlevé et un Mc shooté à l’hélium. La deuxième partie du morceau se fera saloper par un métronome bien énervé, avant de repartir planer dans le ciel bleu. Retour dans la crasse avec Et Tu, assez proche de certaines ambiances du premier Lp, pour partir là aussi dans un rock soutenu, bousillé par les parasites et les glitchs. Apres s’être roulé dans le caniveau, le morceau va s’illuminer et flotter dans une jolie montée cristalline où les samples de voix passés au mixeur n’auraient pas fait tache dans le King Of Limbs. Le disque se terminera sur un Unyoung beaucoup plus sombre, pas moins attirant que ces confrères, Hiphop vs harmonica funèbre, gratte-ciel de synthés et nappes ambiant, pour une dernière minute cathartique.




Une fusion hiphop anticon et pop-electro plus maitrisée, et plus assumée. Tellement, que le disque sort du simple carcan “versus” pour accoucher d’une mixture claudicante et singulière. Contrairement au premier album, ce deuxième disque n’a pas  de highlight évident, à l’instar de Men Of Station et surtout Superman On Ice, morceau qui m’avait arraché la colonne vertébrale au moins cent fois. Au final, pas mal de missives peuplant ce Own Your Ghost sont à rapprocher des quelques morceaux de Hood, ceux où DoseOne et Why ? s’étaient incrustés sur Cold House. Ce nouveau LP partage aussi cette même mélancolie, cette même sensation d’abandon.

Les premières écoutes de ce Own Your Ghost, de bonne humeur, m’avaient laissé circonspect. Et dès que l’on rend son cœur disponible, on se prend le disque en pleine gueule. Own Your Ghost n’est pas un disque triste, ni larmoyant. Il représente simplement la tristesse du changement, cet instant précis où l’on se rend compte soudainement que l’on n’aime plus vraiment la personne qui se tient en face de vous. Le moment, la seconde où l’on se rend compte que son odeur, sa main, le bruissement de sa peau ne provoque plus rien, si ce n’est une vague indifférence mêlée de mélancolie. La seconde où l’on se convainc que l’histoire vient de se finir, qu’elle est vouée à l’échec, sans trop savoir pourquoi, tout en sachant pertinemment que cette dernière va encore courir sur quelques mois, pour éviter les fracas, laisser le tout mourir, finir sur quelque chose d’inoffensif, par lassitude, habitude, peur du vide et du changement.






13 & God – Sure as dept





13 & God – Armored Scarves





10 Titres – Anticon

Dat’




Nisennenmondai – Nisennenmondai live

Posted in Chroniques on May 14th, 2011 by Dat'



Dance / Floor



A chaque fois que je vais à un concert, j’ai en tête, depuis très longtemps maintenant, une déclaration de Stupeflip, disant que cela ne servait pas à grand-chose de voir ses groupes “favoris” en live, car on est forcément déçu par rapport aux disques. Et c’est vrai à 99% (surtout depuis que mes oreilles sont flinguées). De toute façon, rares sont les groupes arrivant à sublimer le matériel de base posé sur disque (Ez3kiel peut être, Boredoms aussi). Une bonne façon de contourner le problème ? Aller voir des groupes que l’on ne connait pas. Découvrir sur scène, sans référence, sans attente, sans préjugé. Souvent, on se prend de belles petites claques, et l’on se tourne le lendemain vers les disques avec une excitation assez enivrante. Des musiciens découverts sur scène qui m’ont littéralement flingués, il y en a eu peu, mais ils ont toujours fait leur petit effet.

Nissennenmondai, c’est un peu la même. Tombé dessus un peu par hasard, après des mois de prosélytisme d’une connaissance. En plus dans le but d’aller voir un autre groupe programmé sur la même soirée (qui a fini par vomir sur le public, je ne me lasse pas de cette anecdote) Je me glisse donc dans la salle peu motivé, en pensant tomber devant le sempiternel groupe de Math Rock un peu lourd, partant dans des constructions échevelées à coup de guitares et batterie, qui saoulent au bout de 10 minutes. Ce fut tout le contraire. Car si le groupe japonais (et féminin) se la joue trio guitare / basse / batterie (avec un synthé bienvenu qui remplace la guitare sur quelques morceaux), ce n’est pas du math-post-rock que nous servent ces demoiselles. Mais de la Techno.








Alors certains vont trouver étonnante la phrase du dessus. Mais comme je disais lors de l’article sur mon premier live vu de Nisennenmondai (il y a environ un an), le groupe m’avait balancé le meilleur concert de Techno depuis des lustres. Je disais d’ailleurs que sur disque, la recette marchait moins bien, car manquant de fric dans la production, pas assez balaise. Alors quand le groupe balance un LP de captations lives, dans un beau digipack de deux disques (pour 8 morceaux, c’est étranges, mais vu que les tracks oscillent entre 8 et 15 minutes, il fallait bien deux galettes) plus un dvd gratos filé lors des concerts, on est intéressé. Et évidemment c’est dans ce disque live que l’on retrouve la mixture parfaite, oscillant entre post-rock et métronome lapidaire


Pourquoi Techno? parceque le groupe, malgré ses racines rock, construit sa musique en mode légo, d’une façon extrêmement progressive, avec un kick régulier pour métronome : La batteuse sonne comme un sampler. Vraiment. C’est hypnotique, à se demander comment cette dernière tiens la cadence en concert ; pendant 15 minutes sans dérailler une seconde, en répétant l’un seul motif minimaliste ad nauseam. Il faut fixer la batterie pendant tout le concert pour y croire. Même ta MPC ne peut pas faire mieux. On ne voit pas souvent de batteurs de cette trempe. Sur ce matraquage de fûts assez incroyable, la bassiste peut s’arracher d’un motif de trois notes, et la guitariste/synth se fend de quelques boucles mélodiques. Attention quand je parle de Techno faite par un groupe de rock, je parle de la vraie, de la belle, massive, mélodique et cristalline. Celles de Carl Craig ou de Technasia. Pas les trucs de gros bourrins façon Rafale and co.




On peut parler parfois de “morceau presque Detroit balancé par un trio rock”. Ou d’une electro fortement inspirée par Lcd Soundsystem, possédant le même groove, le même agencement progressif, ne trouvant son climax qu’après une bonne dizaine de minute d’ascension sonore

Ce parallèle avec James Murphy, il ne sort pas de nul part. Nisennenmondai avait justement partagé l’affiche avec la formation New-yorkaise il y a quelques mois à Tokyo. Mais surtout, le parallèle est naturel sur Appointment où le synthé accompagne basse/batterie.  On n’attend plus qu’une chose : que James Murphy vienne se trémousser en chantant des histoires de fêtards alcoolisées à 4h’ du mat.

Puis, comme pour les concerts, le groupe abandonne le synthé, et repasse sur une classique formation guitare/basse/batterie, sans pour laisser de coté leurs ambitions Techno de coté. Au contraire, avec Mirror Ball, c’est un marathon lapidaire qui commence, avec une simple litanie de gratte mise en boucle, quelques soutiens en bassline, pour une bonne demi douzaine de minute, avant de faire pleuvoir une guitare plus cristalline pour la véritable envolée du morceau. Mirror Ball ? ouai il porte bien son nom ce ptit loup. Tu as aussi Fan, banger fou, de 35 minutes sur disques, ici résumée en 14 minutes pas moins intenses.

Suivant encore la logique de leurs performances, Nisennenmondai va repartir vers ses premiers amours dans ce LP live, en partant vers des territoires plus abstraits, moins techno, clairement math-post-rock, avec une batterie qui sort de sa cadence hypnotique pour balancer quelques rythmes hystériques, rafales soutenue par l’opération de déconstruction opérée par la guitare. On frole le rock noisy avec Ikkyokume, tempête hallucinante, où le groupe qui balançait de la techno hypnotique se transforme en jumeau de Boredoms remixé par une usine. Affolant.

Sur les morceaux Math-rock moins déchainés, Nisennenmondai se la joue savant, mais moins jouissif, Mr groove-fou est oublié. On peut penser à ou Battles sur 44 ou Destination Tokyo. C’est dans cet exercice, maintenant minoritaire, que le trio japonais, sans bousiller sa qualité, perd clairement en originalité et en impact.




Alors certes, je parle d’un LP live, mais je prends comme référence les performances scéniques du groupe Car ce Lp reste une captation de concert, et si elle rend parfaitement compte de la qualité de ces derniers, le tout manque là aussi d’un peu de flouze pour ravir nos tympans jusqu’ à satiété. L’enregistrement manque légèrement de punch, mais ne dessert pas les longues compositions du groupe. Pour prendre un référent moins abstrait, certains morceaux de Nisennenmondai peut ressembler à la reprise de Carl Craig par Lcd Soundsystem, sur This Is Happening. (Throw) où Murphy et ses potes tentaient la retranscription exacte d’une fresque electro grâce à leurs gimmicks new-yorkais.

Les disques de ces Japonaises sont difficiles à trouver, mais ce n’est pas très grave. D’une part, les cd officiels qui étaient sorti jusqu’à lors ne reflétaient pas vraiment cette facette plus “techno” du groupe (Même si quelques missives de Destination Tokyo Lp valent franchement le coup d’oreille). D’autre part, parce que Nisennenmondai est bien plus plaisant en live qu’en disque (pour le moment). Et cela tombe bien, vu que les Japonaises (outre un live à Paris et Tours début juin) sont dans le Line up des Nuits Sonores 2011. Si vous habitez donc à Lyon, ou que vous trainez dans le coin du beaujolais, n’hésitez pas à jeter un œil à leur concert. Et peut être alors que l’envie d’écouter leur live sur disque déboulera sans crier gare de part-dieu.







Nisennenmondai – Mirror Ball






8 Tracks – Bijin Record

Dat’




Clams Casino – Instrumental Mixtape

Posted in Chroniques on April 26th, 2011 by Dat'


Money & Cars & Clothes & Hoes & Electronica



Tout peut partir d’un simple email, bouteille à la mer 2.0. Car des mecs comme Clams Casino, qui font de la MAO dans leur chambre histoire de combler l’ennui des années d’université, coincé entre deux soirées étudiantes et un partiel sur le droit social, il y en a des tonnes. Mais le bonhomme a choisi de miser sur le bon cheval. Un cheval éclopé, drogué, qui semblait perdu d’avance, que personne n‘attendait au top de youtube et dans toutes les conversations : Lil B.

Clams Casino, qui semble avoir le don de cisailler de petites merveilles electronica-abstract, a envoyé quelques instrues au Based God en 2008 par email, juste pour voir. Lil B, au départ personne ne connait vraiment, à part les amateurs de Vans (les pompes). Mais le Mc qui “look like Jesus”, en deux ans, balance plus de 700 morceaux sur le net, et une centaine de clips ( ?!!), rien que ça. La première fois, au détour d’un lien, il m’avait bien fait marrer avec son Like a Martian, aka le morceau tentant de briser le record de “bitch” et “suck my dick” dans un texte de 3 minutes. Sauf que dans ce clip, le Lil B avait l’air tellement allumé, tellement psychopathe, tellement branlos, avec des rimes ubuesques, des bruitages flippants et un texte aussi naze, qu’il en deviennait presque hallucinant. Il fallait vérifier, aller plus voir, voir qui était ce grand taré semblant rapper en mode “écriture automatique sous dope”. Et au milieu de tous les morceaux franchement douteux que le mec crache, quelques tracks aux instrues superbes surnagent.

Apres avoir arpenté youtube, le mec s’est mis à me parasiter méchamment, à cause d’un seul morceau, I’ m God, et son instrue géniale (le titre ayant été l’un des plus écouté dans mon compteur itunes, c’est dit, j’assume). Vu qu’il est impossible de voir clair dans la galaxie de Lil B, qui semble tout faire lui-même (ses clips soit disant réalisés par lui-même… come-on mec, il y a bien quelqu’un pour tenir la camera non ?), il n’y avait aucune info sur le producteur. Et au milieu de 600 immondices ultra mal produits (la qualité sonore est dégueulasse, sans déconner, le mixage de la voix file la gerbe), quelques morceaux de l’américain ont malgré tout provoqué une fascination totale sur moi, à m’obliger à aller sur youtube régulièrement, ou a télécharger la 35eme tape du bonhomme juste pour trouver un morceau, et jeter les autres dans la corbeille. A dire vrai, on en vient presque à se demander si Lil B se rend compte qu’il rappe sur des petits diamants, vu la qualité douteuse de ses “vrais” albums et certains choix difficilement compréhensibles. (il te balance un texte sur du Plaid ou des tracks comme B.O.R ou Realist Alive, puis va chier des horreurs comme “Im justin bieber” ou “Hellen Degeneres”). Bref, à force de naviguer sur les videos de Lil B, on se gausse, puis on tombe sur une instrue folle, puis deux, puis trois, et l’on se prend au jeu de la “chasse au tresor de la bonne chanson dans un océan de swag hystérico lo-fi”


Alors donc, le Clams Casino, qui sample sans connaître les sources, au grès des moteurs de recherche peer to peer, il envoie des instrues un peu au hasard, il se retrouve sur le Web avec plusieurs millions d’écoutes cumulées. Puis c’est carrément la megastar Soulja Boy qui se met  à lui demander des instrues pour ses freestyles de soirées défonce,  (se permettant d’ailleurs de reprendre I’m God d’une façon immonde sur 2milli) et voila que l’étudiant se retrouve sur toutes les lèvres.

Pour les oreilles intolérantes aux flows nasillards, Clams Casino balance en debut de mois sur le web un album gratuit, fait d’instrues utilisées par ses correspondants blunt & swag. Les adorateurs d’Abstract lunaire sont aux anges.







Il faut savoir que le disque existe sans exister. Je veux dire, il semble bien que le truc ait été balancé qualité dosée sans frais par l’artiste lui-même, mais sans plateforme officielle, avec pleins de liens megaupload and co désormais caducs. La recherche de ce Lp n’est donc pas difficile, mais néanmoins brumeuse.

Et Clams Casino fait du pur abstract Hiphop. Attention, rien à voir avec la vague Nu-abstract qui a le vent en poupe ces temps ci (à raison). On parle du nébuleux, avec des beats lourds, ronds, chauds, étouffés dans les synthés, dans des mélodies raillées, dans la fumée d’un bar cradingue. Certains morceaux n’auraient pas dépareillés dans un Cluster Ville, emprunts de cette même noirceur, mélancolie et beauté sur une recette pourtant toute simple. La mixtape commence avec l’un des 3 meilleurs beats que Lil B a chevauché, Motivation, qui résume parfaitement le boulot de Clams Casino : Sample de voix fantomatique, mélodie mi-pimp mi-émo. Le rythme qui déboule après l’éthérée intro démonte tout, le truc est pachydermique, affolant les nuques, à te faire souffrir du Bell’s Palsy pour cause de headbanger trop nerveux. Le morceau s’octroie quelques pauses pour repartir à chaque fois de plus belle, avec des synthés épiques et brisures noisy. Du beau boulot, et pour le coup, c’est clairement l’instrue qui peut occuper le terrain sans Mc, pas besoin d’entendre de mec badiner dessus.

All I Need fini déjà de convaincre les derniers réticents, Clams Casino fait de l’excellent boulot. Soulja Boy trucide complètement l’instrue originale, on la retrouve ici sublime, entre rythme balaise et claps jouissifs, avec voix d’anges et coups de talons. Ultra laidback, psychotrope et pourtant trop pure, on est bien plus dans l’electronica mélancolique que dans le Hiphop mainstream. Le beat qui déboule à la 1min10 me rend fou, j’ai envie d’écouter ça dans une bagnole à toute vitesse, transpercer une ville la nuit avec jantes en or et larme à l’œil, lunettes de soleil, lettre de rupture, néons, et mini jupes, slow motion souuuuund.

Tu t’attends à user les suspensions hydrauliques de ton tacot sur Real Shit From a Real Nigga, mais tu tombes sur une electronica religieuse, secouée par un gros kick. Pas si loin des exercices blasphématoires de Salem, mais en mode soleil et course dans l’herbe verte au ralenti. Morceau qui supportait bien Lil B au départ, mais qui se démène parfaitement seul évidemment. Realist Alive continue les incantations émo avec encore une fois un sample parfaitement traité, rythme toujours aussi rond et appuyé, voix mélancolique presque Uk. Le morceau n’en fini pas de se cabrer, breaker puis repartir dans sa course lumineuse. Un petit bijou.




Numb, étrangement listé comme unreleased, car utilisé (version alternative) dans le dernier album de l’excellent groupe G-Side, pour l’un des meilleurs morceaux du collectif d’Huntsville. Numb se pose en abstract ultra mélancolique, avec mélodie à chialer, gros travail sur les textures. Rien de spécial encore une fois, mais tellement bien balancé et construit. Tu te dis que le mec DOIT te faire un Lp dans cette veine, vaguement psyché, un peu hiphop, mais surtout mélodique comme la mort. On continue le sans faute avec une petite vignette ambiant toute belle et sans métronome, The World Needs Change, ramonée en amont par Soulja Boy (si si), et un très bon abstract de fin de soirée avec I’m Official.

Puis l’album/compile/mixtape s’affaisse un peu. Les samples deviennent beaucoup plus évidents, voir carrément grillés, les tracks moins riches, moins fouillis et fouillées, le tout tombant parfois dans un espèce de trip mollement Juke/Jerk, loin d’être affolant, et surtout difficilement légitime en l’absence de Mc. Brainwash By London semble vide, bien moins incisive sans les Jealous Guys dessus. She’s Hot n’a que peu d’intérêt en l’état et 13 fait plus office de blague de cloture. Illest Alive, malgré l’utilisation de Bjork, n’est pas renversante non plus. Seule Cold War remporte les faveurs du jury. Le sublime morceau de Janelle Monae réduit à son strict minimum. Un sample, un beat bien lourd, point barre. Mais ça marche parfaitement, à foutre à fond dans son poste de bagnole en roulant au ralenti, caricature presque jouissive. Même si, contrairement à la majorité des autres morceaux de ce disque, Cold War marche mieux avec Lil B dessus, et ses « Watcha gonna do ? / Coz they comin’ for ya / Speak to me » impossible à séparer de l’instrue d’origine.





On peut déplorer l’absence d’Im God et B.O.R, excellentes instrues laissées de coté, ce qui est dommageable vu la présence de deux ou trois tracks pas très folichonnes, et un peu hors sujets vu les deux premiers tiers de l’album.  Evidemment, la qualité sonore du tout fera grincer des dents, on n’est pas en Flac, mais vu que c’est gratos, difficile d’appeler son avocat.

Le plus fascinant dans ce petit recueil d’instrues, c’est que Clams Casino taille des beats convenant autant aux amateurs d’electronica neurasthénique qu’aux laboureurs de swag. Les 7 premiers morceaux donneront à tout amateur d’abstract de se rouler dans les nuages en bougeant de la nuque. On pourra clairement arguer que même sur les meilleurs morceaux de la tape, rien est spécial, ni révolutionnaire, ni hallucinant, ni renversant. Mais en même temps, c’est le genre qui veut ça.  Et bordel, c’est tellement bien fait. Clams Casino devrait sortir un Ep en juin, libéré de tout Mc, et l’on va surveiller ça avec attention.

Un abstract-electronica excellemment bien troussé, qui insiste simplement sur les mélodies et la puissance des rythmes plus que sur l’exercice de style, c’est de plus en plus rare. Du Fan-service pour les amateurs du genre, parfait pour marcher la nuit en ville, entre deux grésillements de néons.






Clams Casino – Motivation





Clams Casino – All I Need





Lil B – I’m God (prod Clams Casino)





13 Titres – Self Released

Dat’






Ghostpoet – Peanut Butter Blues & Melancholy Jam

Posted in Chroniques on April 21st, 2011 by Dat'


Wash The Day Away…



J’ai un amour assez inconsidéré pour les lyrics dans le Hiphop, même si je n’en parle pas des masses. Loin de participer à cette dichotomie inévitable du genre, à obligatoirement séparer ceux qui parlent de coïts en limousine de ceux traitant des problèmes existentiels de page blanche, c’est clairement la façon dont est agencée une phrase, ses mots, ses sonorités, qui me fascine, quel qu’en soit le sujet. (En attendant le morceau qui parlera de sodomie sur fond de Nietzsche). D’un Lil’ Wayne crachant des punchlines hysterico-incohérentes à un Sole débitant des textes encore plus touffus qu’une loi Hadopi, d’un Booba façon punchline-coup-de-butoir-je-m’en-bas-les-couilles à un Arm ultra abstrait et réfléchi, pas de soucis, dans tous les cas, si c’est maitrisé (comme pour les exemples du dessus), ça m’hypnotise.

Mais il y a pourtant une approche qui a toujours gagné mon petit cœur, qui est surtout ressortie dans mes écoutes de disque HipHop uk : la description clinique d’une situation, d’un quotidien, d’un acte souvent anodin. En cela, plus jeune, des mecs comme Skinner m’avaient révolutionné la gueule. Je voulais récemment crier tout mon amour pour ce style d’écriture lors de la sortie du dernier The Streets, mais j’ai avorté la chronique à la moitié, comme bien souvent quand je ne trouve pas le bon moment pour écrire un truc (Le dernier Ep de Burial aussi par exemple, moitié de texte qui va surement pourrir dans un coin de mon ordi… l’ep est superbe d’ailleurs, Stolen Dog me flingue)


Bref, ce The Streets, qui avait justement lâché un peu le trip des lyrics parlant de clopes, de soirées à regarder le plafond, de glande sur canapé et de drague à la sauvette, a toujours été pour moi le fer de lance de ce genre de morceaux, vite accompagné de mecs comme les Mitchell Brothers ou Jamie T (bizarrement, les british semblent naturellement bien lotis pour accoucher de lyrics de la sorte.)

Un univers ni pimp ni revendicatif, mais un simple constat, enfilade de mots sublimant une situation banale. La célébration du ventre mou. J’aime quand ça parle de rien, quand on prend 3 minutes pour donner de l’importance à un événement qui semble banal, quand on parle d’attente, de glande, de perte de clef, de télévision. A dire vrai, j’aime ces textes, car ils me font penser à des photos. Ecouter ces mecs déblatérer sur le fait d’arriver en retard à un rdv, de boire trop de brandy ou d’aller louer un dvd, c’est comme regarder un court métrage, un book d’instantanés, une autre manière de figer une réalité, une situation, sans l’aide d’une camera mais tout aussi riche en images et détails.


Je ne sais pas pourquoi je pars là-dessus en intro (comme pour 95% de ces dernières), mais cela me permet d’embrayer sur GhostPoet et son Peanut Butter Blues & Melancholy Jam, disque sorti en Février, acheté “à la pochette”, un peu au hasard, en déambulant dans les rayons, avec chronique commencée puis jetée, puis oubliée (faut dire qu’avec ce qui nous est tombé sur la gueule, on est tout de suite moins fasciné par la description d’un mégot flottant sur une Guinness). Sinon, un gros rhume + acouphènes, c’est un cauchemar, donnez moi un couteau que je puisse enlever mes tympans comme de vieilles huitres. GhostPoet avait, parait-il, sorti en Ep l’année dernière, mais j’étais complètement passé à coté.







Le packaging ne trompe pas, l’artwork très James Blake (d’autant plus que les deux sont placés cote à cote dans les rayons bizarrement) représente parfaitement ce que l’on va trouver dans le disque. Une musique ouatée, ultra enfumée, mais pas trop dub à la King Midas Sound, ni trop frontale à la Manuva. Les instrues sont posées, presque linéaires. L’élément le plus caractéristique de ce disque, c’est clairement le flow de GhostPoet, ultra nonchalant, le mec semblant presque s’être enfilé 1 litre de vodka avant d’enregistrer. Suffit de lancer Run Run Run pour comprendre le délire. Electronica fragile, Mc semlant complètement à l’ouest, et un pur refrain résumant le disque « Run away / Be a real man and fight another day / I heard that in a tv program / So it must be right… right ? right… ». Parfaitement compréhensible, mais avec une manière d’articuler vraiment spéciale, on accroche ou l’on déteste. Perso, l’accent ultra prononcé du bonhomme ne me fait pas hésiter une seconde, je chavire direct.

La majorité des morceaux sont dans ce trip trainant, limite je-m’en-foutiste : Us Against Whatever Ever semble sorti d’un Kode9 & Spaceape en slow motion (c’est dire), le génial Longing For The Night, puant l’ennui et la vie qui défile sans avoir envie de bouger le petit doigt, Survive It, plus cristallin dans ses sonorités pourrait se la jouer Dry Your Eyes avec mode chialeuse en mode off. Ou Garden Path, et son intro tellement claquée que l’on a l’impression que GhostPo va nous gerber dans les oreilles. (impossible de ne pas penser à Jamie T là aussi) C’est répétitif, boucles minimalistes point barre, beaucoup partiront en courant.

On a droit à deux ou trois trucs un peu plus psychédéliques, avec un Gaaasp, matraqué par un rythme pachydermique et des synthés bontempi qui n’arrêtent plus de s’envoler, le tout pour des lyrics très The Streets ou un I Just Don’t Know un plus violent et secoué (pas le plus réussi des morceaux d’ailleurs)




Mais le point d’orgue, le petit diamant du disque, c’est Cash and carry me home, génial morceau narrant avec perfection le hangover, le verre de trop, excuse alcoolisé cachant le gros malaise, la vie qui fait du surplace. Le verbe est génial, l’instrue, toujours aussi rachitique, est surement la plus réussie du disque, et le flow colle parfaitement à l’histoire. Je parlais de photos, et ce morceau, c’est exactement ça. Chaque phrase, c’est un instantané, une volée d’image que l’on a tous eu devant les yeux. C’est clinique, mais décrit avec émotion, avec renoncement, avec un recul presque trop pertinent. « My hand grip whiskey like a newborn child
/ Last night I must admit it got quite wild /… / But I wonder what shenanigans brought me here / While I’m cryin’ out loud and I’m feeling quite sorry for myself / I need to check my health / Cause I ain’t mashing no one but myself » Le mec est perdu, un peu pessimiste, mais pas dépressif. Cynique peut être, pragmatique surement.

Et si le disque avait déjà arpenté le rock avec l’excellent Finished I Aint, c’est la conclusion Liiines qui va illuminer le disque, le porter sur une note plus positive, du moins musicalement parlant. Avec un espèce de post-rock mélancolique et un flow un peu plus alerte (le mec au micro, pour la première fois, ne semble pas sortir du pieu apres une nuit de 3 heures), pour un refrain tout en explosion et en ascension.





Parce que GhostPoet aligne le meilleur titre sur l’alcool et le manque d’envie (sur Cash and Carry me Home) depuis Blinded By The Lights et Too Much Brandy de The Streets, et surtout parce que le mec aligne ses phrases avec un flow mi-bourré mi-insomniaque, ce disque ne pouvait que se loger dans mes oreilles. Mais l’anglais se paie en plus le luxe de poser sur des prods souvent réussies, parfaitement en phases avec ses exclamations nonchalantes, que les instrues soient à forte teneur electronica ou rock-indé chelou.

Le mec semble simplement nous compter ses journées avec les bras ballants, affalé devant la tv, à chercher un but en tétant une énième binouze. Nous dire que la vie, c’est de rester sur son canapé en se disant qu’aujourd’hui, c’est sur, on va enfin se bouger le cul. Pour finalement tendre le bras, attraper une autre bière, et remettre tous ces projets au lendemain. Regarder sa vie passer, d’un œil torve, en être conscient, avec la flemme pour carburant.









12 Titres – Brownswood Recording

Dat’





Radiohead – The King Of Limbs

Posted in Chroniques on April 14th, 2011 by Dat'


I’m optimistic, on overload !



Whoa, l’autre hey, il écrit un article sur le nouveau  Radiohead un mois après sa sortie, trop la loose, en plus il est tout pourri ce disque, il fait 35 minutes, ça faisait un bail que les mecs étaient en trip autiste, mais au moins, avant ils te donnaient au moins l’occasion de bien te faire chier sur une heure, alors qu’avec ce nouvel album, même pas le temps d’aller chercher du pain que le disque est fini. Comment t’es trop à la ramasse en fait, déjà qu’il y a un article toutes les deux semaines sur ton site, si en plus tu perds ton temps à écrire sur des arnaques pareilles, c’est pas demain la veille que tu tafferas chez Pitchfork fils de pute. Non mais attends il y a des trucs bien sur cette galett… ta gueule je l’ai écouté vite fais, c’est une arnaque, une grosse bouse, c’est la miss universe de l’ennui, heureusement qu’ils filent un journal gratos pour se torcher le cul, ça nous éviter d’attenter un procès pour inutilité. Sinon Radiohead a changé ma vie, ce nouveau disque est un diamant, c’est un chef d’œuvre, c’est le rayon de soleil traversant les nuages grisâtre de mon âme, ils viennent à nouveau de révolutionner la planète avec The King Of Limbs, je suis sur que si tout le monde se laissait pénétrer par Thom Yorke, il n’y aurait que paix. Ce disque me fait penser à du bris voluptueux sur du pain chaud.


Tout le monde a un petit cousin detestable. Le mec qui avait les faveurs de la belle mère, de la famille, des potes, qui avait 10 francs pour s’acheter des bonbons alors que toi tu devais découper les croquettes du chien de l’autre conne pour nourrir ton propre chat. Un chat qui mange des trucs pour clébard, ou de la salade que tu avais sauvé en fin de diner, ce n’est normal. Ce petit cousin, il se tient devant toi, les doigts touchant nonchalamment les gonds de cette dernière. Parfaitement placés, ces moignons. L’envie de fermer la porte, pour broyer une phalange, ça nous démange. Parce que l’on est convaincu qu’on va détester ce mec, qu’il faut le punir d’être là. Ongle retourné, sang qui perle, c’est moche. Etouffé dans sa morve, à gueuler comme un goret, on observe le type. Finalement, ce petit cousin n’a pas l’air si méchant, il est même plutôt cool. On se marrait bien, à jouer sur les bornes Windjammers ou Dragons Lair, en claquant le reste de sa monnaie allouée aux sucreries pour des parties en multi-joueurs.


Radiohead est un groupe composé de Phil Selway, les Greenwood, Yorke et bien d’autres. Rendus célèbres par Creep, Ils ont sorti tout pleins d’autres disques, comme Ok Computer, Kid A, Hail Thieft Auto ou Mononucleosis, tous vraiment bien. Thom Yorke est très impliqué dans les débats écologiques, car la terre c’est beau, et d’ailleurs j’aimerai bien qu’il écrive une chanson pleine d’émotion sur Fukushima. Après être tombé sur un Minitel, Greenwood et Yorke, subjugués par tant de beauté, ont commencé à triturer des calculatrices pour faire de la musique électronique, accouchant d’un genre qui révolutionna la musique à tout jamais.

Choisissons notre intro. Seule question devant être posée sur l’entame d’un texte de Radiohead : un chat qui mange de la salade, est-ce légitime ?







Attention, exclusivité mondiale chroniques automatiques : attendre la sortie physique de King Of Limbs pour en parler, c’est pouvoir faire quelques lignes sur le packaging. Mais j’ai acheté la version basique, donc rien de spécial en fait. Personnellement, je trouve l’artwork mortel, vraiment. Ne me demandez pas pourquoi, mais j’adore la bouille de ces ectoplasmes. A l’intérieur, des dessins d’arbres en noir et blanc, seulement. Précision importante, la version Japonaise est en 5.1 Blu-ray-je-ne-sais-quoi. Mais vu que je n’ai pas le matos pour tester tout ça, cela ne sert pas à grand chose.



On ne va pas la faire à l’envers, ni parler pendant 15 ans du choix de vente choisi par Radiohead, surprenant son monde encore une fois (Ces annonces une semaine avant les sorties, comme Burial récemment, j’aime beaucoup cela dit) : Le disque est beau. C’est un disque à détails. Qui fourmille, étincelle avec ses 50 couches sonores. Un disque avec des morceaux qui commencent souvent d’une façon anodine, pour basculer, et arracher la gueule. La science de la rupture. Celle qui change tout.


Bloom, c’est surtout une mélodie cristalline qui hypnotise. On peut parler de tout, des claviers limpides, des percussions nécrosées du titre, des cuivres mortuaires. Mais non, ce morceau, c’est la voix de Yorke qui se mêle au bleeps bizarres sur tout le morceau. Cette voix plaintive (ce n’est pas un reproche) qui s’envole à n’en plus finir. Its what keeps me alive qu’il dit. En parlant de détails, c’est les échos des trente dernières secondes, couplé à ce rythme qui change soudainement, pulsation presque Uk, qui émiette les dernières réticences. Ou les parasites radio intervenant ici et là, pour salir le tout.

Morning Mr Magpie, c’est clairement du Radiohead dans la norme. Pas foncièrement échevelé d’ailleurs. Juste riche à en crever. Je parlais de rupture, c’est important, car le titre, sous ce mille-feuille électronique, n’est pas forcément dingue. Il est cool. A la 2eme minute, tout s’effondre, pour un break lunaire, entre hululements et claviers fantomatiques, à te friser la gueule. Puis le morceau reprend sa marche badine, avec un rythme un peu plus chaotique. Pas de changement majeur, mais le break du milieu explose le morceau. Même constat pour Little by Little, encore plus Radioesque. La chanson est cool, pas de soucis. 2min20, encore une fois, le tout s’affaisse, Yorke balance un “Obligations / Complications” de folie, le morceau crève avant de repartir dans sa litanie faite de guitares mode reverse et claquements bizarres.

Feral, excellent titre, et pourtant gros gâchis. Gros gâchis parce que le morceau est parfaitement mené, perché et expérimental. Il grésille de partout, ants war dans les rythmes, et encore une fois, rupture, 1min30, dix secondes de rythme Uk, et une bassline absolument monstrueuse qui va débouler, et ramoner le morceau de part en part. Ca devient génial, jouissif, le break revient, on attend l’explosion et… que dalle, c’est fini. Fallait l’étirer sur 3 ou 4 minutes de plus les mecs.




Lotus Flower, tout le monde connait, le clip ayant été encore plus détourné qu’une vidéo de Kesha (la version meurtre de Bieber a provoqué une crise d’hystérie devant mon pc) Parlons donc de détails : Tout le morceau est superbe, beau à en crever, parfaitement mené. Mais c’est dans ses chutes brutales, et pourtant discrètes, que le tout nous flingue. Le passage à partir de la deuxième minute, entre synthé dépressif et chant parfaitement balancé est dingue, colonne broyée facile. Le tout dure à peine plus de 40 secondes. Deuxième salve, encore plus triste, placée sur 3min30, en plus enrichie d’une mélodie cristalline. Affolant.

Et là, le disque bascule sur quelque chose de plus dénué, plus fragile, plus acoustique aussi. Codex, c’est beau, c’est lit de piano, cordes des abimes et travail de folie sur les textures. Give Up The Ghost, c’est le morceau qui fera fuir les détracteurs de Radiohead, Yorke se lamentant sur sa Loop Station en parlant de câlins, alors que des petits oiseaux se font entendre de temps à autre. Yorke, il n’arrête pas de pleurer. Yorke, il aime faire le petit chat au micro, il miaule, il minaude, il caresse sa guitare comme un gros matou fainéant taquine sa pelote de laine. C’est chiant. Ouai, mais comme souvent, c’est beau. C’est drôlement beau même.

Mais c’est clairement Separator qui remporte haut la main le titre du “morceau beau dans l’album beau”. Pourtant il commence mal, le bougre. C’est rêche, minimaliste, un peu crade, façon démo dans ta cuisine. Ce n’est pas très excitant, on s’emmerderait presque, pendant (quand même) deux bonnes minutes. Et vlan, baffe du disque, cette guitare, sublime, fragile, qui déboule exactement à 2min32. Cette brindille qui chiale sa mélodie, alors que le beat ressemble à des samples d’usine de fruity loops. Et voilà que le titre bascule, le disque aussi. Il y a des chœurs angéliques, une mélodie qui vole le cœur, des voix qui se dédoublent, une guitare qui s’engouffre dans les échos. Incroyable ce morceau, évidemment le meilleur de ce The King Of Limbs. En plus Yorke il dit “Wake me up / Wake me uuuuuup” à la fin du disque, comme si en fait cet album c’était un rêve, une chimère, une métaphore completem… non je déconne. Deuxième moitié de morceau qui vaut tous les autres. Et dieu sait que les 7 autres sont foutrement bien branlés.





Caractéristique étonnante de cet album, et choix qui a valu peut être, inconsciemment, pas mal de mauvaises critiques à The King Of Limbs, taxé de linéaire, fade, ankylosé : l’absence TOTALE de rythmes lourds, de beats sourds. Tous les rythmes sont secs, très écrasés, ramassés les uns aux autres. Il n’y a que Lotus Flower, pour balancer un métronome plus appuyé, restant loin d’une compil’ Thunderdome. Ce choix de production est étrange, et renforce clairement le coté trop uniforme de l’ensemble. Que deviendrait Morning Mr Magpie avec un gros beat sourd et puissant sur le break de la 2minute ? un truc absolument dingue. Yorke semble avoir été bien traumatisé par son passage chez Flying Lotus. Avec cette absence de rythmes sourds et digitaux, ce King Of Limbs s’écartent franchement du solo de Yorke, pourtant constamment pris en référence.

Sinon, le déferlement de haine entre les adorateurs de ce nouveau disque, et ceux qui conchient Radiohead m’étonnera toujours. L’affrontement semble fédérateur. J’écoute ce King Of Limbs, en long, en large et en travers, et impossible de comprendre pourquoi les avis ne se situent que dans la sacralisation ou l’acharnement total. Le tout sublimé par les pratiques de ventes et revirements de Radiohead, qui semblent occuper toutes les discussions. Alors que la finalité, dans tout les cas, est la même : Avoir un disque dans les oreilles, peu importe le moyen. Ce que tout groupe fait depuis la nuit des temps.


Ce King Of Limbs, je le trouve un peu incomplet, mais drôlement beau. Parce qu’il fourmille de détails, parce que la majorité des morceaux basculent parfaitement, parce qu’il offre une mixture assez fascinante, quand on accepte de s’y perdre. Du bon boulot, mine de rien.










8 Titres – XL / Hostess

Dat’