RAoul Sinier – Tremens Industry

Posted in Chroniques on November 10th, 2009 by Dat'


I Told You I Was Freaky






Mine de rien, cela fait presque bizarre de n’avoir rien eu de la part de Raoul Sinier depuis 18 mois, alors que le bonhomme nous avait abreuvé de sorties entre 2007 et 2008, entre deux vrais albums (dont l’essentiel Wxfdswxc2, on en le répètera jamais assez), un faux (Huge Samourai Radish, gros Maxi de 12 titres), et trois Ep sur autant de labels différents. Mais Brain Kitchen, son disque le plus radical et violent, semblait marquer un point de non-retour dans la musique de Ra. Tout balancer, tordre et faire hurler ses machines jusqu’à la limite du tolérable. Difficile de continuer dans cette lignée, de continuer de mutiler ses boites à rythme après un truc pareil. Cette longue (tout est relatif) pause semblerait presque être plus une période de vacance exigée par un matos qui a trop souffert, pour des synthés ayant besoin d’un congé, que pour le musicien lui même. Les monstres, corps sans tête, limaces, Whalemen et autres robots se sont peut être rebellés, ont fait la grève avec des petits panneaux, ou plaquant carrément un flingue sur la tempe de Ra pour exiger fissa un voyage sous les tropiques, sous peine de faire la gueule dans les futures vidéos du bonhomme.
Alors en 2009, Ra n’aura comme acteurs dispo qu’un cochon mutant bien fatigué pour la vidéo Transfixed Night, titre inédit parut dans la compile Let’s Kiss And Make Up ( Depth Affect ou Mochipet y sont aussi), première tentative de Raoul Sinier dans le domaine de la pop, et accouchant d’un missile grinçant et déviant.

Et justement, à l’orée de ce Tremens Industry, il semblerait que Ra veuille nous dire que tous ces petits habitant difformes qui squattent de coutume son appart ne seraient que les strictes émanations d’un esprit torturé et halluciné.
















Sur la majorité des sorties Raoul Sinier, le sempiternel paragraphe sur le packaging prend souvent toute son importance. Gros digipack avec un Cd et un dvd, artwork traumatisant que n’aurait pas renié Venetian Snares avec une image complètement déviante indescriptible, et (attention) les lyrics des morceaux chantés (Oui, on y reviendra). Coté Dvd, qui est rempli à rabord, on retrouvera trois vidéos inédites, (Dont le morceau titre et son escalope de dinde facétieuse), des tonnes de bonus, ( des Speed Painting, ou le manuel pour construire sa propre guitare électrique de sauvage), un court métrage, un petit clin d’oeil bien cool dans les crédits, et surtout, une bien bonne idée pour tous ceux qui ont galéré pour mettre la main sur les anciens albums de Raoul Sinier :
Surement conscient que la fermeture de Sublight n’a pas du facilité les choses, et que l’encodage Youtube n’est pas toujours top, le Dvd de Tremens Industry renferme carrément tous les anciens clips de Wxfdswxc2, Brain Kitchen et consort dans le dvd. On retrouve donc la bave aux lèvres certains clips ayant pas mal tournés sur No Life Tv ou Canal +, comme le monument Wonderful Bastards, le très beau Breeders Club et sa smoke girl, les flippant Skinfest et 256, ou les plus récents Listen Close Rehersal et Transfixed Night. (Et bien heureusement, Baby Trash)




Tout le monde le dit, et cela saute de toute façon aux oreilles : ce nouveau disque de Raoul Sinier est beaucoup plus calme que le précédant. Il faut dire qu’il était difficile de pousser le bouchon encore plus loin, ou de retenter le même exercice sans risquer de tomber dans la bouillie sonore. Beaucoup moins éclatés, plus étirés, les morceaux laissent bien plus de place aux mélodies, et vrillent moins dans une explosion hysterico-rampante. Pourtant, il est difficile de soutenir que ce Tremens Industry est plus accessible que ses précédant. Car ce disque est malade, il est rongé, il pue la camisole chimique. Les petits monstres qui sautillent de partout, les limaces blagueuses et les Whalemen blagueurs, c’est fini. Ici, on parle d’un cerveau semblant rongé par la parano, les hallucinations, la solitude, grosse descente. Les morceaux naviguent souvent entre mélopées candides et teintes bancales, crades, toujours aussi parasités par la saleté.

Rien que l’ouverture du disque nous fait piger le concept. Overthoughts, c’est pendant 5 minutes une petite litanie presque niaise jouée par un synthé cadaverique, qui se déroule, prend de l’importance, pour déboucher sur des violons. Fanfare rigolote qui se transforme en foire dépressive à mesure que des bruits simili-cris se font entendre. Au final, il ne reste plus que les violons, qui tournent à n’en plus finir, finissant de nous mettre mal à l’aise. Bizarre. Je vous vois venir, oui, on est pas non plus dépaysé, il suffit de se pencher sur Alternative Rush, avec ses grosses perçus caractéristiques, Drum toute cassée, ces claviers lugubres qui tonnent, qui étouffent. Et vlan, sur le dernier tiers, on nous colle un gros tourbillon de synthés histoire de faire degager le tout.

L’album, bien que plus posé, contient toujours quelques pétages de plombs absolus, comme l’inénarrable Map Of A Tactival Nonsense, l’un des meilleurs morceaux de l’album, où l’on entend enfin les machines grogner, se tordre, hurler, se débattre sous les assauts d’un grand malade. Petit à petit, le tout, en son tiers, s’autodétruit, s’écrase, s’annihile, c’est le chaos superbe. On pense que la chanson rend déjà les armes, mais ça va partir dans une espèce de tunnel techno imparable, avec musique épique et rythme pachydermique. Genre les quelques survivants de l’attentat placé en première partie se mettent à courir pour une dernière bataille. La grosse folie.









Mais voilà, rien à faire, le disque est malade. Il est cancéreux, il transpire la crise de nerf, l’araignée dans le plafond. Pas qu’une d’araignée hein, une vraie colonie. Des bouffeuses de cadavres, qui s’infitrent dans tous tes orifices pour te lacérer de l’interieur. On ecoute, on s’en rend pas compte, on est content, alors que les morceaux nous rongent petit à petit. A dire vrai, dans un genre bien différent, ce Tremens Industry me fait penser au Duntisbourne Abbots Soulmate Devastation Technique de µ-ziq (En plus respirable quand même, difficile de faire aussi déviant que ce dernier de toute façon). Comme lui, l’album semble tranquille, posé, parfois presque candide. Mais à chaque fois, quelque chose déconne, quelque chose nous prasite, nous fait flipper. Les morceaux semblent aliénés, altérés, sourire de fin de vie. Et comme le µ-ziq, au premier abord, certaines vignettes passent dans nos oreilles sans se révéler. Le genre d’album qui se fait éliminer directement par les oreilles distraites. Parce que certains morceaux se trimballent la clope au bec, sans but assimilable, sans direction profondément assignée. On ne nous prend plus par la main en nous disant “bon ok, les mecs, sur ce morceau, ça va peter” “hey là, c’est un truc beau juste pour toi”
Des trucs comme Elle a raison c’est se croire pénard devant la télé avec une bière à la main au départ du morceau, pour se rendre compte petit à petit qu’en fait, tu grattes les murs de ta cellule capitonnée avec tes moignons. Il faut diagnostiquer, piger le problème, identifier la maladie. Ou Tremens Industry, et son rythme Hiphop en roue libre, son synthé grave qui chantonne des graves comme s’il sifflotait en allant acheter du pain. On l’écoute, mais il s’en fout, il se balade, il ne nous prend pas en compte. On le laisserait bien tomber, mais rien à faire, une petite mélodie analordienne, toute fragile, toute belle, s’infiltre dans notre cortex. On pourrait ne pas la remarquer, mais dès que nos tympans s’y accroche, elle devient indispensable, colonne vertébrale gangrenée du morceau.

Overthoughts Reprise aussi, qui relance le titre d’introduction (et qui le sublime), cette montée malade, pour la transformer en cavalcade affolante, avec un beat de tueur, des synthés lunaires, des violons encore plus appuyés, et un espèce d’orgue surgissant d’une église infestée de zombies. Ca fait friser la colonne vertébrale parceque c’est vraiment beau, mais ça te file presque le mal de mer dans le même mouvement. Bande son épique d’un déséquilibré, Braveheart sur un lit d’hôpital.
En plus ouvert et moins éreintant, This Little Mouse accueille de nouveau les violons, qui pleurent au milieu de bugs informatiques, avant qu’un beat pachydermique supplante le tout. Ca continue de vriller dans le fond, les composants électroniques font la foire, les cordes se perdent même si la mélodie est plus lumineuse, rayon de soleil après fin de conflit. Mais comme d’hab, ça va s’étrangler, le rythme s’efface, et le tout crève sur un lit de violons dépressifs et une boucle de synthé hypnotique.








A dire vrai, là où l’album s’envole carrément, là où il expose au mieux cette gangrène mentale, cette espèce de schizophrénie, c’est sur les “chansons”. Oui, Raoul Sinier a fait des chansons pour ce nouvel album, des trucs pop complètement déviant, où il se met même à chanter. Si il y a bien des titres pour exprimer cette dualité rampante parasitant tout l’album, c’est bien ceux là. Et l’on pourrait flipper du résultât (Raoul Sinier, veut faire de la pop, en plus il chante, oh mon dieu) si le monsieur ne nous avait pas rassuré avec son morceau/vidéo Transfixed Night cette été, premier rejeton dans le genre.

Surtout que le meilleur morceau du disque, la tuerie, c’est justement un morceau pop. Enfin, une pop en décomposition, noyée sous les rats et les sentinelles à mille pattes.
The Hole, commence par une superbe mélodie éthérée, (assez similaire à certains exercice de Moderat d’ailleurs, genre “3 minutes Of” ou “Les Grandes Marches”, histoire de replacer) un lit d’échos, avec guitares lancinantes, superpositions de sonorités cristallines. Et Raoul Sinier, qui nous conte une histoire, de nouveau, d’un homme malade. D’un mec qui se défigure, qui se creuse un trou au milieu de la tête. “Sunday morning, I had the urge to put a hole in place of my face / That’s not sad, there is nothing to worry about / Surprisingly i can see / I can store Small things in the Hole” Et vlan reveil rythmique, chair de poule, ça explose de partout, mélodie superbe, clochettes célestes, ça file directement au dessus des nuages. Ca reste tout cassé, le morceau se brise, éclate, puis revient à ses premiers amours après une dernière attaque, en repassant sur cette plage céleste pleine d’échos. A partir de 2min30 ça redevient calme et superbe, tu ne sait plus ou t’es, on vient de te casser la gueule. Pour l’anecdote, le bonhomme de l’histoire semble finalement avoir pris ses calmants, et s’emmerde avec son trou au milieu du visage, alors il le referme. Pas trop grave nous dit Raoul Sinier, malgré des coutures et agrafes un peu dégueulasses, le résultât n’est pas trop gênant.

Sinon, il y a Boxes, le summum de la gangrène rongeant Tremens Industry, qui démarre sur un Hiphop pépère et une mélodie claudicquante. La voix, hésitante, est encore plus désenchantée. Un mec perdu, dépassé par son corps, qui demande de l’aide pour ne pas devenir fou. Grosse explosion, ça va hurler dans le fond, le gars vient peut être de s’ouvrir le ventre, on ne sait pas trop, et le morceau devient dingue, déluge de rythmiques qui nous tombe sur la thrombine, avant une conclusion qui semble te tendre la main une dernière fois avant de tomber dans un gouffre. Sérieux, la mélodie est viciée. Le chant est malade, les rythmiques sont détraquées. L’atmosphère du tout est froide comme la mort. Un morceau lépreux, encore vivant mais recroquevillé dans son coin, à lever les yeux vers le ciel pour demander un peu d?aide.
Et comme s’il fallait nous convaincre, le morceau débouche directement sur Confusion Room, dernière protestation du futur cadavre, dernier sursaut de raison d’un cerveau embrumé par la folie et les cachetons. On frôle les 200bpm, choeurs/plaintes bizarres jetées sur ce maelstrom hardcore industriel, claviers qui s’emportent, t’as l’impression que l’on veut t’arracher le visage. Et quand la track se pose peu à peu, que le tabassage se calme, c’est pour laisser graduellement crever les synthés.

Boxes / Confusion RoomC’est un peu le turning point du disque : après l’écoute de ce morceau, on revient sur le départ de la galette, on la réécoute, et l’on se dit que finalement, le tout n’était pas si guilleret, pas si naïf, que tout semble tendre à cet espèce de pétage de plomb paranoïaque. C’est surement ces deux morceaux qui offrent une nouvelle relecture du disque, moins détachée, presque flippante. On a alors l’impression que chaque morceau est une peinture d’un problème mental, d’un nervous breakdown, d’une hallucination. De toute façon, tout semble tendre vers ceci, du nom des titres aux images de la pochette, en passant évidemment par le clip de Tremens Industry.
Au final, seul Sand Skull n’accroche pas trop, et l’on regrette que l’énorme Hiphop complètement défoncé et fracturé de List Of Things soit parasité par un texte pas foncièrement indispensable, car mettant trop en retrait les anfractuosité d’un morceau qui semble être fou en arriere plan.

Le dernier titre, Hard Summer filera une nouvelle claque. On prend peur au départ, en entendant ce rythme ultra saturé, ce gros mur shoegaze cradingue, similaire à une chute d’immeuble dans la tronche. (pas si éloigné de la conclusion de Wxfdswxc2 d’ailleurs, mais en beaucoup plus dense) Mais au milieu du marasme, il y a encore des petites clochettes, toutes belles, toutes fragiles, qui se débattent, qui chialent une parfaite mélodie. Peut être le morceau le plus violent du disque, et en même temps le plus beau, le plus aérien, sorte de recueillement complètement ravagé et mélancolique.









C’est le disque le plus posé de Raoul Sinier, oui, mais c’est pas le plus simple d’accès. C’est toujours une histoire de machines qui se font crucifier, de musiques qui se déchirent, de rythmes ravagés. Certes. Mais c’est aussi, et surtout un disque malade, imprimant constamment une dualité étrange, malsaine.
Car de la Pop bizarre de The Hole, jusqu’à l’attentat de Map of a Tactical Nonsense, en passant par les litanies bizarres des deux Overthoughts, la faucheuse nauséeuse de Boxes, l’électronique de Tremens Industry, ou This Little Mouse, tout semble tendre à cette espèce d’aliénation mentale. Dans l’imagerie aussi, entre Ra qui traine un bout de barbaque dans la rue, s’inventant un ami imaginaire pour tromper la solitude, ou assailli par ses multiples personnalités dans le court métrage la peau du soldat. Seul le clip d’Alternative Rush tranche avec le tout, offrant un rigolo dessin animé pour enfant, amitié entre un robot et un rat (à la tronche impayable) en quête de fromage.

Bref, ce n’est plus une histoire de monstres marrants qui nous est conté ici, mais bien celle d’un mec qui perd la boule. Et pour cela, Raoul Sinier utilise toujours aussi bien ses machines, qui risquent vraiment de lui claquer entre les mains après un tel traitement : Rythmiques de folie, claviers toujours copyrightés RA, avec une ouverture de sa musique vraiment appréciable, portant le tout vers d’autres rivages. On pourrait limite prendre les trois derniers albums comme une trilogie à la suite logique, parfaitement menée, de l’electro imparable de Wxfdswxc2 au chaos radical de Brain Kitchen, pour finir sur la dépression camée de Tremens Industry.


Encore un énorme album, qui te donne juste envie de braquer une pharmacie après écoute. Plonger dans une musique électronique remplie de problèmes mentaux, moignons, schizophrènes et cellules capitonnées ne se fait évidemment jamais sans risque.













Raoul Sinier – The Hole (Teaser)












Raoul Sinier – Tremens Industry












Raoul Sinier – Album Teaser 1












13 Titres – Ad Noiseam
Dat’










Themselves – CrownsDown

Posted in Chroniques on October 28th, 2009 by Dat'


Talking bad about people make your heart dries up






Table rase. Retour aux sources. Envie de. Dose One et Jel ont enfin pris les devants en déterrant leur premier projet, que nous pensions enterré depuis leur superbe The No Music en 2002. Oublié par ses créateurs, sous la multiplication des projets de l’insatiable Dose, et un groupe Subtle qui semblait désormais être le principal bastion des deux loustics. Regretté par ses auditeurs, en entendant un Dose One partir de plus en plus vers le chant et la pop, reléguant son rap épileptique à quelques rare couplets. (Voir la disparition totale du flow hiphop, comme sur le dernier Subtle, qui était mi-figue mi-raisin justement à cause de ça, après des sorties quasi parfaites)
Et voilà que revient en début d’année le projet Themselves, près à foutre des coups de pieds au cul au label Anticon, en promettant de revenir à un electro-hiphop crade et déstructuré.
Mieux, avant l’album attendu comme le Messie, le groupe balance une énorme mixtape gratuite sur le net, The (Free) Houdini Mixtape, sauvage, crissant de tous les cotés, marche-pied pour CrownsDown. Comme le dit Dose One dans une excellente interview (où il tente de battre le record de Fuck balançés en entretien), c’est en animant depuis deux ans une classe de freestyle que l’envie de bouffer le micro est revenue au galop.
Themselves revient, et mes souvenirs d’une musique completement barge et fracassée avec. Mélancolie d’un groupe qui m’a toujours fasciné, dans sa façon de construire ses morceaux comme dans la folie évidente des textes déclamées, ou la beauté de certaines mélodies (Ne pas pouvoir oublier “Good People Check” ?)

Dose One, lui, est très occupé, et outre sa série animée débile NOTgarfield, a promis très récemment qu’en plus de ce CrownsDown, devrait arriver l’année prochaine un nouveau 13&God ( ! ), un disque en duo avec Fog pour Unearthing, le nouveau bouquin d’Alan Moore ( !! ) et la sortie du Cd des Nevermen, groupe composé de Tunde “Tv On the Radio” Adebimpe, Dose One, et Mike Patton ( !!!@#&!?%$!?!!£?! )














Crowns Down était annoncé comme beaucoup plus frontal que les sorties habituelles d’Anticon, un retour au Hiphop des débuts du groupe, (qui partaient de plus en plus dans une pop expérimentale), avec tous les codes que cela implique. Apres être resté pendant dix ans hors du rap game, à justement cultiver leur différence, à se complaire sur les chemins de traverse, les mecs semblent enfin prêts à en découdre, et défoncer les auto-proclamés, comme à l’orée du cinglant “It’s Them !” d’il y a 9 ans :
Titre annonçant leur volonté de faire le ménage, le duo en photo sur la cover (qui démonte), références directe à certains classiques (on trouve dans le booklet une pile de cd emplie de Public Enemy, Wu-Tang, EPMD – et une tape Anticon au milieu, faut pas deconner non plus – ), ou détournements de codes dans un livret contenant une photo pour illustrer chaque morceau, parfois évidentes (La belle photo de Jel derrière une grille, qui est en fait la façade retournée d’une Mpc, pour Skinning The Drum) ou complètement jetées. On s’étonnera devant (fait rare pour une sortie importante de Dose) l’absence des lyrics dans le livret. Et c’est quand même bien dommage, surtout au moment où le groupe retourne à des choses plus concretes. Ce nouveau Themselves restera donc à jamais réellement et entièrement décortiqué, vu que même un natif américain philosophe toxicomane ne comprendra pas ce que dit Dose sur la moitié de ses envolées.








“Guess who’s back ! Guess who’s back ! Motherfucker guess who’s back ! We’re back to burn”. L’album démarre sur les chapeaux de roues, avec un refrain qui claque, des violons menaçants, un beat de bucheron, et évidemment ces nappes crasseuses inhérentes au groupe, qui se tordent en explosant les balises du morceau. Dose One est enervé, rentre dans le lard, provoque, grince, se gausse et surprend toujours avec son débit de parole digne d’un trader sous cocaïne. Histoire de bien confirmer, il laisse les minauderies de coté, et lâche même son flow nasillard pour une voix rauque qui rappelle parfois Patton, justement… Back II Burn est peut être le morceau le plus évident, le plus conventionnel de Themselves depuis un bail.

Crowns Down, un album de Hiphop normal ? Oui, car dans certains titres, la structure est classique, avec un fil rouge, une seule ligne directrice. Il y a même parfois des refrains (Oh mon dieu !). Mais Non pas du tout en fait, car même quand le tout pourrait être conventionnel (enfin toute proportion gardée), il a toujours des tonnent de bugs qui parasitent les morceaux, des break sortis de nulle part, une Mpc complètement hystérique, des textures en multi couche impressionnantes, genre chanson enregistrée sur un 54 pistes :
Oversleeping en est le meilleur exemple. Pas d’exubérances, pas de chant, pas de passage electronica. Un flow en mitraillette, un rythme, une ligne de basse. Point barre. Enfin, pour le squelette du titre, car au final, le tout est noyé dans un nuage industriel, usine qui se met en branle après 10 ans d’inactivité. Les rouages grincent, les boulons sautent, les batteries explosent. Sur Gangster Of Disbelief, JEL et Dose rappent en voix quasi-gutturale avec un clavier presque 8 bits qui viendra secouer le tout, en plus des samples tout bizarres lâchés un peu partout, permettant de breaker au frein à main toutes les 30 secondes.

Bon sinon, j’aimerai bien copier coller les communiqués de presse et dire comme tout le monde que ce CrownsDown s’amuse à faire directement référence à des classiques du HH old-school. Mais c’est un domaine que je ne maitrise pas, donc je vais éviter de me cambrer sur des bêtises. Ce qui est par contre évident, c’est que le magistral The Mark, c’est le morceau “turntable” du disque. Avec le fou furieux D-styles aux manettes. Grosse ascension, le titre se fait rapidement déchirer par des scratchs acérés, genre jets de verre pilé dans tes yeux. Autre surprise, JEL lâche encore sa boite à rythme et se remet à rapper, en se tapant sur la moitié du morceau, et le fait toujours aussi proprement pour un mec habitué aux machines, en balançant son texte presque aussi rapidement que Dose. La fin du titre, c’est une orgie de vinyles triturés sur fond de synthés grinçants. La folie. Dommage que le petit interlude bizarre en toute fin ne soit pas plus développé, cela aurait pu faire un morceau vraiment bon.









Et c’est là que le disque prend un tournant presque inattendu vu le coté très bourrins et frontaux des 4 premiers morceaux. CrownsDown va filer vers une bizarrerie des structures, en proposant des morceaux à tiroirs plus expérimentaux, bourrés de détours et de surprises, tout en gardant le coté coup-de-poing-dans-ta-gueule-du-départ. On pourrait rapprocher certains passages avec le premier (et presque parfait) disque A New White de Subtle. Du Hiphop certes, mais sur des litanies parfois à crever, des changement d’ambiances et des incartades un peu plus pop et mélodiques.

C’est sur le très beau Daxstrong que la mutation s’opère, et c’était, vu le thème du morceau, quasiment obligatoire. Dax, c’était le troisième cerveau de Themselves, l’homme de l’ombre. C’est toujours l’une des têtes de Subtle, de 13+God et un mec qui est présent sur la moitié des sorties estampillées Anticon depuis 2002 et malheureusement paralysé depuis un accident de bagnole durant la tournée de Subtle il y a 4 ans.
C’est le morceau hommage, beaucoup plus calme, avec un Dose One grave sur la première partie du morceau, hiphop sombre sur une mélodie passée à l’envers, harmonica, et rythme en retrait, pour un texte qui se terminera par un définitif bleep émanant d’une machine de cardio. Alors le morceau prends son envol, invite les potes de Subtle et 13&God (dont Markus Acher, de The Notwist) pour un final en choeurs, pop aérienne hésitante qui répète sans cesse une phrase qui hante : “There is no replacing whats stolen / you show how little so much stealing can do / So we do, while you’re strong / in your honor we are”

Dax, on le retrouvera sur You Ain’t It, chantant le refrain en mode Autotune, pour un morceau complètement barré, partant dans tous les sens. Dose One est complètement fou furieux, avec un flow qui change de vitesse et de tonalités toutes les 15 secondes, évitant les assauts en arrière plans. Le deuxième couplet est ahurissant, occasionnant des dommages irréversible pour tout cerveau tentant de suivre le débit. Les oreilles reçoivent un mot que Dose est déjà 3 phrases plus loin. On repart sur un gimmick débile, puis un rythme qui se nécrose dans tous les sens, litanie du refrain pour finir sur des samples écharpés en diagonale par des beats cradingues.
Roman Is As Roman Does titillera encore plus la corde pop-rock en lâchant un refrain guilleret chanté avec voix nasillarde de coutume, avec des couplets offrant encore un ping pong vocal. Gold Teeth Will Roll à l’opposé, va plus se la jouer plus frontal, même si l’instrue se cabre encore de partout, avec un Dose plus agressif. Skinning The Drum, c’est l’ôde à la MPC, au rythme qui claque, à la structure qui caresse la nuque. Ecouter ce morceau, c’est voir JEL défoncer sa boite à rythme comme un dingue (il faut voir ça en live ou sur youtube) sur un lit de simili-harmonica et claviers planants, avant un vrai attentat rythmique. On passe en revu les effets et toute la banque de son de la machine, ça explose de partout, la structure est incroyable et impossible à saisir sur une seule écoute. La folie.








Ok. Mais quel est le morceau qui tue, la bombe de CrownsDown, Le truc qui te prend la gueule, les trippes, et l’âme dans le même mouvement ? Le beau morceau, l’alien qui tabasse, mais qui file aussi la frousse, qui caline la colonne vertébrale ? Le morceau que l’on va se repasser cent fois sans se lasser, à l’instar de “Joyful Toy of a 1001 Faces” sur Them, l’immense “Good People Check” sur The No Music et “Rapping For Money” sur Free Houdini, histoire de prendre une chanson par album ? Et bien c’est DeadCatClearII

Grand. Vraiment. Pas à la première écoute. Je n’ai pas du piger. Encore des souvenirs de Subtle dans le crane. Un exercice “à la”. Bien cool, pas marquant. Grosse erreur. Ce morceau putain. Intro belle, rythme qui crache, grogne. Un Dose One qui cabotine. On sent le truc grandir, arriver, te prendre la gorge. Le flow se hache, s’emballe, s’envole sur des nappes cradingues successives. Mini couplet, la fusée est parée au décollage, mais on te fait encore patienter le temps de quelques phrases avant de déboucher sur un refrain céleste, entre nappes cradingues, effets de voix, et échos de partout. Un chorus que l’on est obligé de chanter dans sa bagnole, sous sa douche, dans le métro, avec un sourire niais et con nous zébrant le visage. Et l’on va se prendre cet échange entre couplets décharnés et refrains célestes, avec un passage d’enragé sur la 4 éme minute et l’épopée finale qui arrache le coeur.
L’instrue plus aérée nous permet de piger à peu près de ce qu’articule Dose One (Oui oui c’est possible, même si vous m’accorderez un mini droit à l’erreur, je n’avais plus assez de Lsd coupé au Red-bull pour suivre le texte dans son ensemble) Et c’est important, car le texte porte aussi ce titre, au moins autant que la magnifique instrue. C’est donc l’histoire de souvenirs qui se télescopent. De polaroids bizarres émaillant l’enfance de Dose. “You never pet tarantula big black back, buy a knife collection / never took your father’s belt across your face” Avec en fil rouge, en lien continu, cette fascination de la mort, pas nouvelle chez Dose One. Mort, il semble, d’un grand père intervenant plusieurs fois. Ou d’un chat qui pourrit au soleil, et élucubrations sur la décomposition des corps, en rentrant bien dans les détails, genre “Eye holes, claw and cracking flesh / And it was beautiful before it made you cryin’ hard hard hard / … / They say the first year of decompositon is the most noticeable” et autres métaphores que ne renierait pas Aphex Twin pour illustrer ses lives en arrière plan. Le tout des mystérieux et épiques “its become DeadCatClear !” chantés sur les refrains. Bon ok, après ce petit paragraphe, ça fait déviant, mais vraiment, ce morceau est magnifique.










J’ai eu un peu de mal avec cet album, au départ, sur les premières écoutes. Bouh bouh bouh, ils sont où mes refrains chantés, mes violons violés par un flow sous hélium, mes envolées mélodiques imparables (Who is the pop masta’ ? assénait Dose sur Yell & Ice). J’avais juste oublié que Themselves, c’est tout d’abord, crade, sombre et dégueulasse. C’est une Mpc qui tressaute, des synthés qui meurent, un débit de parole qui étourdit. Ca pue le sang, la carne, la schizophrénie, le caniveau. L’album est super dense, pas de pause, tu te prends tout dans la gueule sans pouvoir respirer. Seul reproche que je pourrai lâcher d’ailleurs. L’album est ultra dense, et ne bénéficie pas d’une pause, d’un morceau plus posé, comme “Grass Skirt & Fruit Hat” ou “You Devil You” auparavant.

Et c’est justement en le réécoutant, en le décortiquant, en domptant ses constructions folles et épileptiques que l’album s’installe, s’accroche, écrase tout le reste, plus de concurrent, c’est fini, on ne joue plus. Il fascine, parasite. Il est court, mais on n’en veut pas plus (à part un morceau plus aérien, qui aurait permis au tout de souffler un peu, pourquoi pas…). Trop de détails à capter, trop de secrets à percevoir, trop d’excavations à décrypter. On prend sa baffe et on s’y arrête, on pensait l’album plus direct. Puis au fil des écoutes on s’aperçoit que chaque instrumentation est une jungle, un monstre de complexité. Une préciosité salace, rongée par la charogne. Alors, à toute nouvelle écoute sa découverte. Le beat qui vole, le synthé qui se braque, la phrase de Dose qui s’éprend enfin d’une signification.
Le fait que la galette vrille en son milieu, après un départ ultra frontal et agressif, pour partir sur des terres plus bizarres et étranges rajoute au charme, à la cohérence du tout. A l’impossibilité du duo de rester sur place, dans une boite. C’est l’envie de tout casser, de rouler partout, de démolir les murs, les limites, les styles. Heureusement d’ailleurs qu’il y a cette cassure, car l’on pourrait douter de tenir tout un disque avec une cadence pareille aux 4 premiers titres.


En passant la galette la première fois, je faisais la moue, j’attendais bien plus de CrownsDown. Maintenant, apres avoir fait tourné le disque plus que de raison, je me dis que je n’en attendais pas autant, que les mecs m’ont servi une double ration sans me demander mon avis. Et l’on ne peut se défaire d’un immense sourire en plantant notre cuillère dans cette grosse grasse gamelle qui déborde, qui promet d’énormes moments, alors qu’on la regardait avec circonspection au départ.
Que dans 5 ans, je serais peut être encore là, à gratter le nouveau plat estampillé Themselves, histoire de chopper le moindre petit bout de bouffe qui m’avait jusqu’à lors échappé. CrownsDown, prendre sa baffe, bonheur.









Mp3 :


Themselves – Daxstrong (clic droit / enregistrer sous)










10 Titres – Anticon
Dat’













Fuck Buttons – Tarot Sport

Posted in Chroniques on October 22nd, 2009 by Dat'


I’m really happy for you Noise Music, and imma let you finish, but Fuck Buttons had release one of the best cd of All Time !







Fuck Buttons a drôlement divisé l’année dernière. En balançant un disque rempli de saturations et de hurlements s’acoquinant avec mélodies célestes et synthés planants, le duo de bristol a marqué les esprits, arrachant des coeurs ou inspirant directement le rejet.
Street Horrrsing étant pour beaucoup un des albums de 2008, propulsant le groupe à la tête d’un mouvement toujours aussi indéfinissable, entre indie décapitée et electro droguée, la sortie de ce Tarot Sport ne pouvait être que méchamment attendue. Et poser quelques questions : Comment aller plus loin que le fracas du premier disque, sans passer de la violence contenue à l’inécoutable ? Ou au contraire, le groupe, soudainement “populaire”, n’allait pas devoir adoucir drôlement sa recette pour continuer tranquille son bonhomme de chemin ? Avec le pape Andrew Weatherall produisant le nouveau disque, l’alien incontrôlé Fuck Buttons n’allait pas se transformer en simple machine à tubes ? Vais-je trouver une autre question pour remplir cette introduction? Mais surtout, allons nous prendre autant prendre notre pied avec Tarot Sport qu’avec leur galette précédente ?

Ce qui est sur, c’est que les mecs ne s’embêtent toujours pas niveau packaging. On ne sait toujours pas ce qui est à l’endroit et à l’envers et des formes polygonées envahissent un simple boitier cartonné pourvu du strict nécessaire niveau informations, en plus d’une mystérieuse photo du duo.
















“Epique”. Le seul mot qui est venu en tête en écoutant le premier extrait du nouvel album. La version faisait 3 minutes, on savait qu’elle en ferait 10 sur l’album. Et cette version longue de Surf Solar tient toutes ses promesses. Le terme “Club” aussi. Car l’ouverture de ce nouveau Fuck Buttons est club. Attention, pas le dancefloor étheré et enfumé dont je parlais dans l’article de Port-Royal. Non. Le nerveux, l’hystérique, le forcené. Vêtements qui se déchirent, bières qui volent, plaies ouvertes. Transe, drogues, coma.

Petite mélodie bizarre qui court, s’enroule, hypnotise… Le boum boum Techno, pachydermique, déboule chapeauté par un sample bien acéré genre voix cuttées, entre chant tribal et gimmick dance. On sent que cela va monter. Saturation, vague, tsunami sonore. Fuck Buttons balance son mur, ses guitares, ses larsens, sa marque de fabrique. Ca tabasse, mon dieu ça tabasse. La mélodie est religieuse, mais crachée par des démons. Alors ouai, c’est Club, c’est fait pour danser, pour se perdre, pour ricocher sur les murs la gueule en sang. Mais au fur et a mesure que le morceau prend de l’importance, avec une ascension toujours parfaitement menée, on devient fou, on devient mort. A 6 minutes, quand les turbines sont lâchées, quand le paroxysme est atteint, c’est juste un putain d’immeuble qui te tombe sur la gueule. Et pourtant, le pied rythmique ne faiblit pas, la litanie imparable non plus. On continue de remuer la tête en levant les bras alors que tout le monde s’ouvre le ventre. C’est apocalyptique, absolument énorme. Sublime aussi. Tiens, sur la pochette, il y a une citation d’un magasine qui dit “Jaw dropping” à propos de l’album. Pas sur de trouver meilleure description. Batte de baseball dans la mâchoire, fracassage de colonne, emballé c’est pesé, un des titres de l’année.

Tarot Sport, plus facile à écouter que son prédécesseur ? Sans aucun doute. Mais le groupe nous rappelle dès le deuxième titre qu’il ont un passé de sauvage. Mais ils ont la bonne idée de réduire ces excavations noise sur de petites durées. Histoire de bousculer sans fatiguer. Rough Steez, c’est une histoire d’usine, de machines cassées, qui crissent, qui jurent. La première partie est presque Drone, avec ces saturations qui crèvent, rampent, implosent. Des éclairs aigus qui giclent aléatoirement sur le morceau. Secouons tout ça, balançons un rythme beatbox qui file la bougeotte. Alors petit à petit, cette musique de chaine de montage se transforme en petite bombe salasse et évidente, à la mélodie crasseuse rappelant bizarrement les premiers Chemical Brothers.










Et à l’aurée de The Lisbon Maru, on se demandera pas si les Fuck Buttons ne sont pas des branleurs : Ils reprennent la même teinte de synthé, et presque la même mélodie que Sweet Love for… du premier disque. Peut être. Mais c’est aussi grâce à ce titre que le comprend la nouvelle direction imprimée dans ce Tarot Sport : Ce n’est pas un disque de Noise mélodique comme le premier. C’est n’est pas un disque d’electro club cramée comme le laisse entendre le premier titre. Non. C’est un disque de Shoegaze électronique.

Un disque qui envoit dans le ciel, qui va prendre son temps, moins dans l’agression, plus dans l’ascension. Qui va balancer ses murs de synthés, ses simulateurs de guitares electros sur des rythmes tribaux, pour nous envoyer au dessus des nuages. La pochette nous avait pourtant prévenu. Alors ouai, The Lisbon Maru c’est un mille feuilles de sonorités, qui se construit petit à petit dans nos oreilles. Parade claudicante enroulée dans des couches de claviers rugueuses. Longue fresque extatique, posée, rêveuse. Qui va directement foncer vers les cieux quand une mélodie lumineuse, dantesque, va s’extirper des enfers pour nous paralyser sur place. C’est sale, c’est granuleux comme jamais, mais c’est super beau. On n’est pas dans le shoegaze façon je-te-fais-bouffer-les-nuages-un-par-un-au-ralenti, mais bien dans celui qui sent le souffre, la mort, la destruction. Le shoegaze post’apo peut être.
La rythmique de soldat revient au premier plan, la surabondance de claviers s’éloigne, retour des teintes ambiant, échos, on vient à peine de poser son cul que l’on sent que ça va repartir, grand huit entre les comètes, c’est Olympians qui a déjà commencé depuis quelques temps, et qui complète parfaitement le titre précédant. Qui pourrait en être la continuité logique, le jumeau angélique. Car là aussi, ça monte dans une fusée, et cela nous envoie bruler sur le soleil. Peut être moins secouée aussi, la majeure partie du morceau nous permettra de laisser tomber corps et âmes sur une mélodie cristalline, évidente, genre clochettes sorties de nul-part au milieu des rugissements. Les deux morceaux, bout à bout, forment 20 minutes non stop d’une cavalcade vers l’infini.

Alors le groupe va nous refoutre la tête dans les égouts avec Phantom Limb, vignette saccadée et répétitive (mais pas désagréable, car assez courte, et à la conclusion plus ouverte), passage à niveau d’un Space Mountain, au nom bien explicite. Pareil, mélodie très belle, montée de folie, sonorités sublimes, ailes qui poussent dans le dos, je vole et je perds la tête, gnagnagna c’est trop beau, fou, à crever [insérer tout pleins de synonymes]. Parfait morceau de Shoegaze 2.0










Mais c’est justement ici que le seul problème du disque nous parasite le cerveau. Un truc, un oubli, un changement de style radical dans la musique de Fuck Buttons qui m’a fait chier, presque attristé. Je m’en doutais presque, vu que le groupe devait à tout pris adoucir sa recette pour la nouvelle livraison, mais je ne voulais pas le croire :
Il n’y a plus un seul hurlement dans Tarot Sport. Rien que dalle, même pas une petite crise nerf vocale, même pas un micro défonçé. Zero, t’en voulais? t’es baisé. Certes, ces beuglements, ces vociférations étaient un peu trop systématiques dans le premier opus. Mais c’était aussi ce qui faisait le charme de certaines conclusions. L’explosion finale, ultime, le pêtage de plomb, les limites d’une electro normale qui s’évaporaient à coup de pelle en pleine face, en empruntant certains codes du Punk Hardcore.
Alors sur ce Tarot Sport on attend. Que tout explose, que les mecs hurlent, qu’ils finissent le travail au lance flammes. Mais cela ne vient pas… Ok, je me plains, alors que je n’ai remarqué cela qu’après la quasi-entière écoute du nouvel album. Surtout que certains morceaux n’en ont clairement pas besoin. Mais je ne sais pas, il y a quelque chose qui manque. Sur Surf Solar par exemple. Le groupe fait, la bave aux lèvres, progressivement sauter tous les crans de sécurité. TOUS. Sauf un, l’ultime, le dernier, celui qui ferait basculer le titre dans la folie. Les limites, une à une, s’annihilent. Alors on attend les hurlements, on attend la folie pure, on attend l’espèce de jouissance sonore finale, celle qui vient à point, qui vous renverse, qui vous démonte le cortex, qui vous laisse pour mort sur le parquet de votre salon.
L’hystérie incroyable d’un morceau comme Bright Tomorrow, on ne la retrouvera jamais sur Tarot Sport, et c’est un peu dommage. Il y a comme un petit vide, un manque à combler, un je ne sais quoi qui gratte au fin fond de notre tympans. Le plus drôle c’est que je suis sur que le fait que le groupe ait abandonné les braillements de forcenés en soulagera plus d’un. Et sur la majorité de l’album, ces gueulantes, on n’en a pas besoin, ils feraient tache, bousilleraient le coté céleste des morceaux. Mais je ne sais pas, sur Surf Solar ou Space Moutain, je les attends, les yeux mouillés. En écoutant ces deux titres, j’espère à chaque fois, me demandant si le disque ne va pas débloquer un truc bonus, une piste secrète qui va lâcher les chiens, laisser cracher la haine. Alors je les fais dans ma tête, ces hurlements. Et ça me semble parfaitement placé, integré. Tiens, voilà, à terme, je vais peut être brancher un micro, et crier dedans, ça fera mon petit remix perso.


Je pleure sur ce petit changement de direction, alors que pointe en dernière position sur l’album un titre absolument incroyable, sublime, parfait en lui même. Qui n’a justement pas besoin de ces fameux hurlements, qui fait sauter la structure de base parfois trop récurrente du groupe. Histoire de ne pas tourner au tour du pot, Flight Of The Feathered Serpent est pour moi la meilleure compo de Fuck Buttons, et surement l’un des meilleurs trucs qui est passé dans mes oreilles depuis des lustres. Si pour le reste de l’album, je pouvais rester concret, tenter la description, là ce n’est plus possible. La mélodie est parfaite, me file la frousse, me donne envie de chialer. Le rythme est un roulement tribal massif, jouissif, incroyable. Break, les tambours tonnent seuls, de toute leur force, tribus déchainées sous l’emprise de psychotropes. Et hop on repart pour sur la mélodie du début. Morceau en deux temps, longue pause rythmique au milieu.
Voilà c’est tout.
Sincèrement, je n’ai pas entendu un délire tribal-electro-shoegaze aussi beau, aussi parfait dans sa progression, aussi jouissif depuis les délires des Boredoms. Et pour que je compare un morceau, voir que je dise que ce Flight Of The Feathered Serpent fait jeu égal avec pas mal de trucs qu’ont pu faire les Boredoms, c’est que vraiment, ce morceau me renverse. J’aimerai bien en dire plus, faire une grosse tartine pleine de superlatifs comme de coutume, mais là je n’y arrive pas vraiment, je ne trouve pas les bons termes.
A chaque fois que je lance le titre, que les simili-saturations aigues débarquent, ça me fout la chair de poule. A chaque fois que la mélodie revient après le tunnel claustro-tribal, c’est un torrent de souvenirs, d’images, de polaroids qui submergent ma pauvre cervelle. Donc on va en rester là, et dire que ce morceau est gigantesque, qu’il écrase tout.











Fuck Buttons, avec ce Tarot Sport, ouvre sa recette. Ne fatigue plus, ou presque. Beaucoup de ceux qui ont été circonspect à l’écoute du premier disque apprécieront ce nouvel essai. Moins violent, plus aérien, moins noise, plus shoegaze, moins indie, plus tribal, moins crade, plus electro. Le duo rentre dans le rang, mais le fait avec un brio incontestable. Attention, conclusion bien subjective, mais sincèrement, je ne pensais pas me prendre un tel album en pleine face. J’en attendais beaucoup, mais les Anglais en ont fait encore plus. Curieux de voir quelle directions ces derniers allaient arpenter. Ravi de cet album emplie d’envolées et de mandales.


Et toujours personnellement, je n’arrête pas de pester, de maugréer sur la disparition des hurlements, sur ce dernier cran de sécurité d’avant hystérie qui ne saute plus, qui reste en place. Mais quand j’entends des trucs absolus, sublimes, comme Surf Solar, Lisbon Maru/Olympians, Space Mountain ou évidemment l’immense Flight Of The Leathered Serpent, et bien comme Fuck Buttons, je ferme ma gueule. Et surtout, comme le prévient gentiment le petit sticker sur la pochette, je regarde ma mâchoire tomber.













Fuck Buttons – Surf Solar (Short Version)













7 Titres – ATP Recordings
Dat’













Port Royal – Dying In Time

Posted in Chroniques on October 15th, 2009 by Dat'


As soon as the door closed, Chet, the huge shaved vampire cat, was upon him…






J’ai déjà pas mal parlé dans ces introductions de voyages en train avec les paysages qui défilent, le casque vissé sur les oreilles. Ou de se caller au fond d’un wagon du dernier métro. Voir de marcher en pleine nuit dans ville crade et déshumanisée, les yeux embués par la fatigue, néons hystériques formant un patchwork lumineux de d’une mégalopole à fantasme. La bière prise en regardant depuis son balcon cette demoiselle bétonnée se mouvoir et hérisser ses buildings, c’est aussi ressorti plusieurs fois. Solitude, paysages, musique, brochette au combien plaisante. Mais en regardant la (superbe) pochette du nouveau Port-Royal, j’ai surtout pensé à ces descentes de ski hors saison, le casque audio vissé sur les oreilles, à dévaler les pentes inconsciemment en se laissant porter par… Oui euh donc Port-Royal est un groupe Italien qui avait sorti un très bel album en 2007, Afraid To Dance, et qui revient en cette excellente fin d’année 09 avec un Dying In Time qui risque de parasiter plus d’un neurone.















Derriere ce bel artwork, monstre de fumée avalant les blancheurs immaculées d’une montagne trop pure pour être honnête (Cela ne veut rien dire), le disque pose problème. C’est un bloc, un ensemble, un géant, une spirale absorbant notion du temps et d’espace. Musique monolithique et faussement linéaire, vous étouffant graduellement, sans que vous ne vous en rendiez compte, alors que les titres défilent. Le tracklisting fait peur, avec ses noms bizarres et ses durées de morceaux souvent gargantuesques (La moitié des pistes font au moins 7/8 minutes…)

Pourtant impossible de ne pas se prendre au jeu à l’orée de ce Dying in Time. Car le premier morceau, embarque directement et pose la fresque : Hva (Failed Revolutions) commence avec un son qui ne partira plus de nos oreilles, un fil rouge courant sur les 80 minutes du disque : Ces nappes aériennes, granulées, shoegaze, gazeuses, qui bouffent l’espace, pervertissent le temps et son écoulement. Qui figent l’instant, éloignent murs et trottoirs, pour nous laisser divaguer seuls, à danser mentalement sur ce signal sonore. Les voix féminines, éparses, apparaissent brièvement, flashes angéliques, sirènes camées tentant de surnager au milieu de cet océan électronique. M83 dépressif, Ulrich Schnauss en roue libre, ce premier titre nous prend la main et nous envoie haut, très haut, sur des petites planètes toutes pourries ou seules lumières aveuglantes et apesanteur font loi.
Et paf, voilà que Port Royal veut nous violer le coeur : on ne sait plus on l’on est, on est prêt à se lover indéfiniment dans ce cotonneux cocon qu’un rythme déstructuré débarque, flirtant avec la Drill, craquant de partout, sautant sur des clochettes cristallinnes et du bruit blanc, sublimant cette longue traversée du désert enneigé qui précédait. Le morceau se cabre, vibre, disjoncte, se rebelle, comme si le démon décidait de faire une dernière attaque avant de sombrer à jamais. Car même pas deux minutes plus tard, le calme revient, nous ré enveloppe, nous susurre des mots doux dans les tympans. Discret synthé qui s’enroule au loin, voix devenant de plus en plus diffuses, ça fait 9 minutes que l’on est plus sur terre, et que l’on a décidé de ne pas chercher à comprendre. D’une beauté incroyable, on aurait bien envie de courir nu pour fêter ça, mais on se retient in extremis, car dans le pays de Port-royal, il a l’air de faire tout de même sacrement froid.

Nights In Kiev, s’il se déroule dans une parfaite continuité avec son pote cumulonimbus du dessus, va upgrader l’ambiance grâce à un pied techno bien appuyé, et des voix masculines tentant de chanter un refrain imparable, sur des synthés qui s’enroulent de partout. On lèverait bien les bras, mais le brouillard ambiant nique les perceptions, tout est enfumé, bouffé par les échos, les nappes en mode immeuble de 10 étages, les choeurs éthérés. Alors on ne comprend pas bien, on danse mentalement en étant avachit sur le canapé, la bave coulant d’une bouche presque inconsciente. Réminiscences d’une soirée trop mouvementée, surement. 3 nuits blanches, beaucoup de cachets, des bribes d’images nous reviennent, mais le tout est noyé dans le maelstrom d’une mémoire déconnectée. Chanson techno-pop tombée dans une piscine géante de slime, le tout passé en slow motion ? Pour sur.









Presque tout l’album va passer sur le même registre… Les morceaux sont à tiroir, laissant perler entre deux manteaux de synthés ambiant-shoegaze des chants pop, des passages plus électroniques et secoués, des mélodies presque tubesques. Qui vont et viennent, flux et reflues dans cet océan nébuleux. Les morceaux s’enchainent, s’imbriquent parfaitement, démolissant le tracklisting imposé par notre système d’écoute. Impossible de savoir si c’est l’on en est à la 3ème ou la 6ème piste, on ne suit plus, et de toute façon, on s’en fout.

Le meilleur exemple pour illustrer ce propos intervient avec le sublime Exhausted Muse/Europe, sublime excavation de 9 minutes, laissant planer guitares pleines de réverbérations, violons perdus, voix sacrées et synthés aériens. Ca s’étire, se déroule, cajole, emporte, fait rêver. On lâche les rênes, on se laisse aller, jusqu’à ce qu’une grosse ligne bien sombre déboule, jette le morceau dans un nouveau soulèvement electronica-drill explosée, avec choeurs magnifiques et effets à tire-larigot qui t’hypnotisent les oreilles, t’arrachent la colonne, te brise la nuque. Mais ce fracas s’éteint petit à petit, repart d’oû il est venu, et refait place à la sérénité du début, ode à la solitude régénératrice. Celle qui te pousse à te balader sur les plages balayées par le vent en plein hiver, Celle qui te donne envie de te laisser tomber au milieu d’une route de campagne pour regarder le ciel et ses lambins de nuages.

Un beat techno (I used to be sad), des voix d’anges fracassées par un dérouillage rythmique presque industriel (Anna Ustinova), electro pop céleste (The Photoshopped Prince) ou teintes presque post rock dans une trilogie ambiant ( Hermitage 1 & 2 & 3, enchainées et formant un vrai grand morceau final), tout est toujours intégré dans un long processus de mise en orbite, de longues plages survolant les steppes glacées, dans ce même moule enfumé. Attention, ne me fait pas dire ce que je n’ai point avancé : Port-Royal place toujours ses soulèvements avec perfection, ces derniers se présentant parfois comme l’évidence même, la mutation évidente d’un morceau.










Mais dans ce monolithe homogène et gazeux, se détachent (en plus du premier morceau) deux bijoux absolus :
Susy (Blue East Fading), c’est comme d’hab l’histoires de choeurs séraphiques, de nappes shogeaze qui progressent lentement, étouffent petit à petit, Your hands around my throat en mode BOC (ask me to let go ! ). Cela fait bien trois minutes que l’on glisse sur les nuages qu’un beat sourd se fait entendre, au loin. La chorale se renforce, les voix masculines se détachent, une mélodie fait surface. Et ça pilonne toujours à l’horizon. Alors les synthés se déplient, occupent l’espace, hypnotisent, tu sens arriver la claque, elle approche, elle te nargue, puis t’en balance une grosse dans la gueule. Mélodie candide, anges qui susurrent, rythme qui fait de la place, ça tue, c’est vraiment beau, M83 est mort ce soir. Et quand seules les cordes vocales subsistent, c’est pour mieux faire réapparaitre le pied techno, et un clavier qui défonce, pour une fin de morceau écrasée, bourrée de psychotropes, mais imparable…

Pour Balding Generation (Losing hair as we lose hope) c’est encore moins descriptible. L’intro du morceau, sublime, se déroule sur plus de 3 minutes, tout en paraboles, en claviers qui pleurent, en nappes qui volent. La mélodie tue, on se croirait dans un morceau dance passé en slow motion. Seule la litanie imparable se déroule. Trois minutes. Et l’on se prend une envolée de folie dans la tronche. La fresque mélancolique shoegaze se transforme en tube dancefloor, un rythme binaire arrive et transporte le tout, les voix tournent, le tout te crucifie l’âme. Tu as envie de danser mais t’es crevé, alors tu bouges comme un zombie sans duracell, drogué, au bout du rouleau, qui secoue son corps avec quelques petites saccades bien senties quand le rythme se fait plus fracturé, implose sur lui même, bug, se cabre, chiale tous ses putains de souvenirs. Non mais sérieusement c’est quoi ce morceau de rêve ? Cette simulation de prise de drogue en plein milieu d’un Night club bondé ?
En ses deux tiers, le morceau s’éteint, on croit que c’est la fin, ça fait un peu chier mais c’était déjà superbe. Partez pas les ptits loups, un synthé Trance bien pute arrive progressivement, c’est absolument sublime au casque. Le rythmez revient, mais il est tout lent, tout décalé, on ne peut plus danser, on se sent mal, on se sent seul. Cette solitude dont on parlait tout à l’heure revient au galop. Mais c’est une solitude de club. Celle, inexplicable, que l’on ressent parfois au milieu d’une centaine de gens sautillant sur un même rythme. Tout le monde se marre, se remue, s’enlace, se perd. Et toi tu es au milieu, tu ne bouges plus, tu es perdu, tu as envies de chialer parce que la musique est belle, tu as envie de partir en courant tout en embrassant le monde, tu as envie de rire comme un damné. Ce titre est absolument énorme. C’est la solitude, c’est la fête, c’est des dancefloors passées en slowmotion teintes sépias, c’est les mini jupes roses qui virevoltent au ralenti sur de l’eurodance qui meurt, c’est le souvenir d’un pote qui s’est flingué l’année dernière, c’est l’avant overdose, l’après jouissance. C’est la longue descente anémiante au milieu d’un club, l’équilibre qui se perd, la chute qui dure des jours, l’hédonisme déchu. C’est danser avec 300 personnes sous la pluie. Shoegaze lunaire et synthés putassiers, l’équation parfaite. Qui tranche pas mal avec le reste de l’album de Port Royal dans sa direction, mais pas dans son idée générale : Celle de plonger l’isolement dans l’opium, l’allégresse dans la suspension










Alors à l’instar d’un Burial, (dans un genre évidemment complètement diffèrent… ), on se retrouve devant un disque ultra homogène, presque trop. On se raccroche aux détails, aux teintes qui nous emballent, aux voix qui surnagent. Un disque qui pousse aux balades nocturnes, qui stimule les plaisirs de la chair, qui colmate les trous d’un moral à la dérive. Un disque qui s’écoute aussi bien au coin du feu lové contre une peau douce qu’en cherchant son chemin dans les rues dégueulasses d’une ville éteinte.


C’est l’histoire d’un disque shoegaze-ambiant-electronica-pop-techno-drill qui envoute, embrasse, parasite, hypnotise. Un gros album bien consistant, rempli à rabord, qui en ennuyer certains, mais qui en ravira pas mal d’autres. Il faut juste choisir son moment. Prévoir une heure devant soi. (en faisant du ski par exemple) Puis lancer le tout, et quitter la terre.










Mp3 :


Port Royal – Hva (Failed Revolutions) (Clic droit / enregistrer sous)








Video :



Port-Royal – Balding Generation














11 Titres – N5MD Records
Dat













Phantogram – Eyelid Movies

Posted in Chroniques on October 7th, 2009 by Dat'


Yo yo wassup mate give da money ?cause the sun is so beautiful and love seems like life in a fog







Toujours content quand un groupe français, des les premières écoutes, se démarque de pas mal de productions, dans la profondeur du son comme dans ce que la musique dégage. Pour Phantogram, ce fut un reflexe inconscient. Les pochettes du groupe, la musique, tout fait très Gooom Records. Ce mélange instable de plusieurs genres pour accoucher d’une musique superbe, à vous retourner le coeur, tout en martyrisant la nuque. En plus, cela n’est pas le premier groupe hexagonal à chanter parfaitement en Anglais. Surtout que le tout, à l’écoute du premier Ep, faisait drôlement penser à certaines entités comme Magnolia, les grands Cyann & Ben, voir Depth Affect qui aurait recruté une chanteuse. Même en lisant l’article dans les pages de mon ô combien recommandable confrère d’Adikt, passant l’info qu’un album près à sortir, j’avais dans ma tête un “from Angers” ou “made in Lyon”. J’ai méchamment attendu l’album, en me disant que bordel, voilà des français venus de nul part, près à foutre un coup de talon à pas mal de groupes actuels, un bonheur, je vais pouvoir leur envoyer des mails, on va devenir copains, puis on gagnera plein d’argent et tout et tout.

Seul problème, je me suis rendu compte juste avant la sortie du disque que le duo Phantogram est en fait américain, de New York précisément.
















Mais alors, pourquoi Phantogram est spécial, me demandez vous : Parce que c’est vraiment beau. Parce que les rythmes sont là, ils tuent, ils draguent directement votre cortex. Parce que la synthèse étrange réalisée par le groupe renvoi directement à de grandes références un peu perdues ( les vieux Portishead, le premier Archive) mais pousse le tout dans un écrin diablement actuel, plus ouvert.
Parce qu’il y a le titre When I’m Small : vinyle qui craque, beat hiphop étouffé, on pense entendre dans les secondes qui viennent un Mc débouler, un micro en or acheté au téléachat dans la main. Que neni, le rythme se soulève, devient énorme, abstract imparable, et une voix d’ange, lâchée sur ce matraquage, qui feule, susurre, chante avec un teint cristallin. Tu penses être déjà ferré, pris au piège du disque, amoureux de cette musique. Sauf qu’est encore mieux apres, car le refrain déboule avec sa gratte lunaire, ce beat affolant, ce synthé tout pourri et le tout qui s’envole vers des strates sublimes. Toi tu perds la tête, tu te souviens de tes disques d’il y a dix ans et tu te marres en te disant que ce séduisant morceau tuerait plus d’un médisant de la française presse, annonçant d’un sourire luisant la mort du Trip hop, le vrai, le grand, le grisant. (cette phrase est sponsorisée par la lecture à haute voix)
Le deuxième couplet déboule mais t’es déjà à terre, pas grave, à la fin, dans le calme, la demoiselle Sarah va lâcher un assassin “I’d rather die than to be with youuuuu” qui ouvre une montée finale affolante, à t’arracher le coeur, les intestins et tout les autres trucs dégueulasses que l’on peut trouver dans le bide, pour en faire des papillotes, jeter tout ça dans l’espace et surfer dessus.

Ouai bon d’accord, ce titre est énorme, mais le groupe va surement nous ennuyer avec des ritournelles un peu plates, et constructions anodines. Bah non : Premier titre, Mouthful Of Diamonds, entre son rythme électro déstructuré tout bizarre, ses refrains planant laissant la guitare envelopper la chanteuse, et cette mélodie pop impossible à oublier, ouvre parfaitement l’album, et prévient directement de la contenance hybride de ce dernier. Ais-je précisé que la voix de la chanteuse est diablement sexy, assurant des vocaux chauds mais toujours mélancoliques, retenus ?

Ok, je veux ben te croire, mais les minauderies, ça va cinq minutes, moi quand ya de la gratte, j’aime les hommes, les vrais. Pas de problème, t’en fait pas mon ptit loup, Joshua intervient aussi au micro, donnant un coté plus brut, plus rock au son Phantogram. Enfin, sur la voix hein, car avec Turn It Off, l’instrue frise avec le Hiphop défoncé épileptique, toujours ouvert aux zébrures noisy, sampling taillé à la serpe, mini-scratchs et boite à rythme qui tressaute. The roof is on fire, mais c’est Ian Atsbury qui nous demande de lever les mains en l’air. En plus, le morceau, dans sa moitié, va se faire plus lunaire, mélancolique, trainant, avec chorus mêlés et cordes rêveuse.

Ce qui est dommage avec ce genre de groupes, c’est qu’ils font de la belle musique, mais ils ne pondront jamais vraiment de tubes, de truc imparables qui te donneront envie de sauter contre les murs avec tes potes. Ah bah si si désolé mec, mais il suffit d’écouter Running With The Cops pour se convaincre du contraire. Rythme hiphop de folie, mélodie évidente, guitare qui tue, couplés tout bizarres et refrain â filer la frousse. Et surtout ces beats bordel, cette ligne de basse bien électro, ce truc qui démolit les nuques en moins de deux. Ca pourrait être un tube Hiphop. Bon là, c’est plus un tube Hipop.









Phantogram s’essaierait même au charcutage de sample à la Depth Affect ou Prefuze73 pour pondre un abstract bien bouncy, terrain parfait pour un Mc aventur… euh non, une chanteuse aventureuse sur As Far As I can See, à la pop Shoegaze avec All Dried Up ou au morceau rock avec des passages qui te donneront envie d’enfoncer les portes de tes voisins à coup de talons pour qu’ils écoutent ça plus fort, avec Bloody Palms.

Et merde c’est quoi ce rythme Hiphop qui démonte comme jamais sur Futuristic Casket ? Ce truc qui frappe directement dans la gueule, qui te retourne et te casse le crane avant que même que t’ais pu avoir envie de claquer dans tes mains ? Le chanteur gueule des mots dessus, c’est tout saturé, les suspensions hydrauliques (posées soigneusement par Xzibit) de ta grosse bagnole, prennent dur à chaque beat. Tout est entrain de bruler, mais Phantogram décide de partir dans un truc pop sublime, aérien comme la mort, avec des synthés cristallins à arracher la colonne. Ne me tapez pas, mais ça me fait penser aux plus réussis des morceaux de Moby, ce genre de conclusions naïves et mélancoliques qu’il pouvait nous sortir sans prévenir, qui t’écrasent le palpitant, t’envoient sur la lune. Le pire, c’est que le tout va se terminer sur une minute de clochettes toutes fragiles, toutes belles, qui te tirent les larmes et te câlinent alors que tu viens de te prendre un 38tonnes d’émotions dans le ventre.

Sinon, il y a Let Me Go, qui pourrait s’avérer casse gueule avec ses cuivres, mais qui se retrouve plastiqué par un refrain pop à crever, tout simple et pourtant si éclatant, limpide, indispensable. La litanie trop pure, trop candide pour être adorée officiellement, mais que tout le monde chantera dans sa douche, en pensant à ces premiers amours, à ses potes perdus de vue et à ses pains au chocolat regrettés, vu que ceux de maintenant ont un gout de chiotte. Bref, on se transforme en gamine, et on a aussi envie de susurrer ce “so let me go, let me gooooo wooohooouuuuhoooo” alors que la pluie tombe et que la ville est toute sombre en mode émo. Ou de le chanter dans un karaoké, avec ses potes bras dessus bras dessous, qui font les choeurs, et tout le monde qui se balance niaisement en rythme. Les coeurs sont mous, t’as envie de pleurer ? Moi aussi.

L’album finira sur un 10000 Claps, beaucoup plus posé, renouant avec les ambiances taciturnes, avec tourne-disque qui craque, piano proche de la dépression, coups sourds pour seul rythme, voix essoufflée, esseulée, qui abandonne presque. Le “refrain” est instrumental, entre scratchs nonchalants et bruits de fin d’averse. On est presque dans un processus de recueillement sur cette fin de disque, parfaite porte de sortie après des titres aux fondations plus appuyées.










En schématisant basiquement, on pourrait dire que Phantogram, c’est deux voix aux allures pop qui s’ébattent sur des rythmes Hiphop, avec une belle dose d’electro. Du Trip-hop quoi. Oui. Mais pas que. C’est plus que ça. Ou diffèrent. Quoique comparable. J’en sais rien en fait, on s’en fout un peu, ce Eyelid Movies est à tomber, la quasi-totalité des morceaux sont renversant : Les rythmes tabassent, les voix sont parfaitement placées, les mélodies filent la frousse. C’est jamais chiant, jamais recroquevillé sur soi-même, à tenter d’être trop sérieux ou trop mélancolique. C’est beau, ça tue, c’est imparable. C’est parfaitement équilibré, ça virevolte entre les nuages même si ça pue le bitume à plein nez.



Ce disque, c’est le mélange parfait entre “Madd Skillz / Chief Rocka / Sleep For Dinners” des Lords Of The Underground et “Since i Left You” de The Avalanches.
Oui, ça existe, c’est Eyelid Movies de Phantogram, c’est superbe, et ça devrait facilement se frayer un chemin dans mes disques de l’année.














Phantogram – When I’m Small













Phantogram – Running From The Cops












11 Titres – BBE Records
Dat’











Warp Records – Warp20 (Recreated)

Posted in Chroniques on September 26th, 2009 by Dat'


L’heure de la re-création






Je n’aime pas les anniversaires. Les guirlandes moches, les cadeaux pourris, les sourires jaunes et les bougies qui se rallument alors que tu viens de cracher tes trippes pour en faire vaciller leur flamme. Ceci étant surement inhérent à mon problème de mémoire concernant les dates. Les chiffres volent, me narguent, mais ne se fixent jamais. Ce qui reste gravé dans le marbre, ce sont reproches et remontrances du père, d’une demoiselle ou d’un collègue de travail que l’on a laissé sur le parvis de son cortex, alors que lui/elle, avait fait l’effort de vous offrir un chat en peluche merdique pour votre fête. Mais en fait, c’est surtout grâce à l’alarme Facebook/blackberry qu’ils s’en souviennent.


Je suis médisant, il y a bien une fête qui m’avait clairement marqué il y a un bon bout de temps : Le Warp10+3. Il faut dire que le label avait mis les petits plats dans les grands, non pas en sortant une compile best-of à l’utilité discutable, mais en conviant artistes de Warp et potes de toujours à remixer des grands titre du catalogue. Ou l’on croisait Four Tet remixer Aphex Twin, Bogdan Raczynski dérouiller Autechre, planer sur Surgeon transformant LFO ou écouter la superbe refonte de Wilmot des Sabres Of Paradise par Red Snapper. Du tout bon, on s’était bien marré.

2009, Warp records s’est repris dix piges dans les dents. Auréolé d’une image plus ouverte et de ventes non négligeable (le dernier Grizzly Bear dans le Top 10 Billboard, le Jamie Lidell écouté en boucle à la radio, Maximo Park en référence, Hudson Mowhawk bien parti pour les têtes de gondoles et Clark qui démonte tout le reste), le label veut faire les choses bien : Concerts évènements aux 5 coins (littéralement) de la planète, et un superbe coffret, avec artbook, compiles, mixes, et surtout une dizaine d’inédits, que out le monde veut écouter, mais que peu de gens auront, vu que ces petits trésors ne sont pas vendus indépendamment de l’élégant coffret. Cette gaterie d’anniversaire étant un peu chere, et uniquement disponible à la pré-commande, je me suis rabattu sur l’allechant cd Warp20 (recreated), poussant le concept du Warp10+3 encore plus loin : fini les remix, passons carrément aux covers.
Ca ouvre déjà plus la participation aux groupes un peu étrangers aux machines, et cela permet surtout de changer parfois radicalement la donne d’un morceau. Tracklisting affriolant, mariages improbables, on ne pouvait que succombé à l’invitation.















Difficile de prendre Warp à défaut sur le design de ses disques. Livret de grande classe avec photos bizarres et nouveau logo du label un peu partout. On aurait aimé un peu plus de détail sur les morceaux présentés dans cette double-compile, mais c’est vraiment histoire de pinailler.

Cet anniversaire se déroule en deux section, bien distinctes. Par le style de musique proposé comme par les deux galettes. On est confiant, on plonge dans le premier Cd, des cadeaux pleins les bras, près à en découdre avec les bières, les serrages de mains et les invités bourrés. Justement, l’alcool a du en ravager plus d’un, et les Born Ruffians semble avoir tisé dur dans la voiture, avant de venir : Ce sont les premiers à nous offrir leur cover, en s’attaquant carrément à Aphex Twin (qui a préféré décliné l’invitation et rester en Cornouailles). Ben c’est ignoble.
A dire vrai, heureusement que l’appartement est grand et cool, car cette première partie du Recreated n’est pas affolante. C’est le bordel, les invités, trop content de se revoir, sautent dans tous les coins, cassent le mobilier, parlent très fort et semblent ne pas vraiment se soucier de la musique qui passe en fond sonore. Comme d’hab, l’anniversaire se passe mal, et même si tout le monde semble se bidonner, on se fait chier. Alors on se calle dans un coin de sofa, une bière à la main, et on regarde le tout défiler d’un oeil torve. Rustie et Jimi Tenor tour à tour utilisent les mystérieux Elecktroids comme base, mais on s’emmerde quand même un peu. Heureusement, les Boards Of Canada, posés à coté de moi, me disent que plus tard, il devrait il avoir quelque chose de bien les concernant.

Un tour dans la cuisine, alors qu’une nana s’escrime à peindre les murs de l’entrée de la baraque avec du Nutella, où le terroriste Russell Haswell nous offre une refonte d’un groupe que je ne connaissais pas, Wild Planet. Complètement cramé, l’anglais tape sur des casseroles un rythme house bien cool, avant de tenter de nous violer les oreilles avec un final noise-minimal étrange, en faisant crisser les râpes à fromage sur le carrelage. Dans le jardin, Maximo Park reprend Vincent Gallo en mode new-wave fantôme sans passionner grand monde. Un bonhomme est courbé sur la glacière, le nez en sang, car venant de trébucher sur un robinet.

Tout vrombit, déferlante de basses, rythmes drum & bass, dubstep déchiré, c’est Chris Clark qui balance sa cover bourrine de Milanese, avant de se barrer. Il a d’autres engagements, on ne le reverra plus de la soirée, et c’est bien dommage. Warp Record ne sait plus où donner de la tête, la réception part en couille, au milieu, seul les parrains Autechre livrent un superbe morceau, reprenant le “What Is House” de LFO. Claviers lunaires, rythme qui part en vrille, on avant pas entendu les deux scientifiques aussi joyeux et énervés depuis un bail, on prend son pied sur un vrai petit tube réactualisé, les anglais transcendant le matériel original.
Luke Vibert, visiblement arrosé à la vodka, semble ne pas avoir pigé les règles de la soirée, et nous refile qu’un (bon) remix de LFO par… LFO.

Toujours pas une seule fille de croisée pour le moment, une musique trop forte et parfois presque de mauvais gout, je commence sérieusement à revoir mes préjugés sur les anniversaires refaire surface. Voyant ma mine déconfite, le trublion Jamie Lidell, que je cherchais désespérément (on est toujours sur de se fendre la gueule avec ce mec) depuis les prémices de ce bordel, me tape sur l’épaule, et me confie avec grand sourire qu’il a confié son excellent “Little Bit More” au barré Tim Exile. En grand fan, la confiance aveugle, j’accepte sa bière et tend l’oreille. La claque. Rythme énorme, rampant, bien crade et fracturé. Superbes nappes, voix parfaitement placée, petits effets de partout. Le refrain s’envole dans un paradis où nuages copulent avec les robots. J’ai gardé ça pour moi, et ça m’a fait mal de l’admettre, mais Tim Exile a carrément sublimé l’original. Il a réussi à s’affranchir du coté minimaliste sexy de l’instrue de base pour la porter dans un écrin electronica sublime, tout en construisant une vraie progression. Meilleur moment de cette première moitié du Recreated, et de loin.










La bonne nouvelle, c’est qu’une fête d’anniversaire qui démarre d’une façon chaotique et incohérente ne le reste pas indéfiniment. Les futs se vident, les estomacs aussi. Les âmes rongées se dirigent peu à peu vers la pelouse maculée de déjections, ou se replient vers les chambres à coucher. Les toilettes restent fermées pendant des heures, certaines têtes disparaissent, d’autres tentent d’escroquer la descente en avalant des downers. Alors on navigue dans l’appartement, épaisse fumée de clope pour seule balise, trébuchant sur une paire de jambes, les cernes se creusant au grès des tours de cadrans.
L’ambiance se pose, les gens ne crient plus, chuchotent, s’enlacent, se perdent. Les caboches à crack se fondent dans le jardin. Alors la musique se fait plus douce. Deuxième partie, on ramasse les instruments jonchant la place, on se met à tripoter guitares et piano du salon, pour un boeuf improvisé. Au milieu de tout ça, le grand Mark Pritchard nous offre une relecture quasi-acoustique d’un des premiers titres de Plaid, sous le sceau Black Dog Production : “¾ Heart”. Instruments a vent qui caressent, piano qui chiale la mélodie, semblant d’accordéon dépressif, anges qui chantent et petites clochettes pour un résultât superbe, très Ez3kiel le tout sur plus de 7 minutes. Et quand les nappes électro débarquent avant que le piano, seul, s’occupe de la conclusion, c’est pour mieux nous arracher le coeur.

Premiere demoiselle croisée, Mira Calix veut nous arracher la colonne vertébrale en nous offrant une relecture complètement résignée, spectrale, hyptnotique de In a Beautiful Place Out in the Country de Boards Of Canada. Exit les synthés gazeux et les rythmes hiphop. Ici, des violons, que des violons. Des cordent qui pleurent, qui rampent, qui soupirent, expirent, abandonnent. Une voix désincarnée égrène quelques mots, des enfants aux teintes sépias sourient. Mira Calix l’a compris, les BOC, c’est souvent une mélodie divine. Alors on prend cette dernière, on la pose, et on l’étire à jamais. Quelques bugs informatiques pour seules aspérités, on se laisse bouffer par cette complainte de fin de vie, et l’on se perd, enfoncé dans un canapé qui semble voyager aux grés des pensées.
Bibio au même groupe en tentant le pari de reprendre un interlude (et dieu sait si ce genre de vignettes parsèment les albums de BOC) en mettant lui aussi en exergue la litanie, déroulant cette dernière à l’aide d’une guitare acoustique cristalline. On pense un peu à Daywan Cowboy, mais on lâche le fil quand les couches se font plus persistantes, quand le piano chevauche le tout. La mélodie est évidente, angélique, indiscutable. Moment de légèreté. On lui pardonnera le final un peu hors sujet, pas vraiment indispensable, brisant un fondu pour une fois bien senti.

Les rois Plaid s’amusent avec tout plein d’objets trouvés ici et là pour nous faire du Plone en mode Tekkonkinkreet, la belle ligne mélodique étant perdu dans un bric à brac étonnant et hypnotique, et Seefeel va joliment transformer Maximo Park en électro noyée dans les parasites. John Callaghan, lui, va carrément changer Autechre en groupe pop avec une très belle et dérangée reprise de “Phylactery” (que je ne connaissais pas du tout), avec refrains et choeurs à la fin.
En bonus, on a même le droit à une surprise, en faisant copuler deux des toutes premières sorties historiques du label, avec un Nightmares On Wax qui remixe joyeusement le “Hey ! Hey ! Can U relate ?” de Dj Mink. Les plus vieux, au fond de la salle, versent une larme pleine de houblon en tapant des mains.




Mais des relents de drogues se font sentir, et quelques allumés ne sont pas encore raide morts. Un peu de psychédélisme ne fait de mal à personne, et Pivot vont s’occuper de faire remonter la sauce avec une reprise hallucinée de “Colorado” des Grizzly Bear, entre fausse grandiloquence et vraie perte de neurone, ascension assez belle finissant sur un délire électro tarré.
Jamie Lidell va lui aussi s’attaquer aux Grizzly, dans un registre plus posé, intimiste mais tout aussi noyé dans les psychotropes : Field-recordings de partout, couches sonores en tartines, échos et bleeps pour un résultât se rapprochant presque d’un Animal Collective apres une nuit blanche. C’est le bordel, mais un bordel calme, controlé, serein. Ca part dans tout les sens tout en restant confiné dans une bulle opaque. Ca te fait visiter l’Amérique, l’inde, l’asie, tu nages au milieu des océans avec les sirènes, Jamie Lidell te tenant la main pendant que tu voles à travers les nuages, en frôlant les clochers, en léchant les étoiles. Sans déconner, ce morceau, c’est une visite à Disney Land, mais complètement camé, rongé par la dope. Oh le beau bateau, oh le joli volcan, un canard me parle, Daisy semble plutôt bien roulée, je tombe.

Trop de Pluto et Mickey devant mes yeux, putain quelqu’un vient de foutre du Lsd dans mon verre, c’est pas possible, se faire vomir avant de perdre connaissance. Les murs veulent nous écraser, on trébuche, on gerbe, on se débarbouille, et l’on tombe sur l’Iraniene Leila, qui doit faire une cover du mirifique, culte, que dis-je, intouchable Vordhosbn d’Aphex Twin, mais elle me confie avoir oublié toutes ses machines en partant de chez elle. Pas de bol que je lui dis, j’aurai bien aimé entendre ça. Pas de problème me repond elle, “il me suffit d’un piano, je vais essayer de sauver la baraque”. Je me fous de sa gueule, me disant que l’on va encore nous massacrer un titre d’Aphex Twin ce soir et que c’est vraiment pas ma veine, non mais sans blague. Sauf que Leila, comme Mira Calix, a tout compris : Sous le déluge de rythmes, de fractures, de break, se trouve une mélodie. Parfaite, divine, à pleurer. Ouai, j’aurai bien envie de vous parler du morceau Vordhosbn dans un article, mais il ferait 20 pages. Car ce morceau, c’est pour moi la perfection de la musique électronique. La violence, la beauté, le chaos, la naïveté. La mélodie qui se fait littéralement lacérer par les rythmes. En faire une relecture electro n’aurait pas été possible. Et c’est justement ça que la demoiselle à du comprendre. Elle prend la reine litanie, joue tout ça au piano, dans un espace rongé par les échos lugubres, par le néant. Il n’y a rien d’autre dans tes oreilles : Un piano, un espace. Un espace qui change la donne, qui change les notes, qui s’imprime dans chaque mouvement. Un piano qui vibre, qui vit. On perçoit les craquements, les frottements d’un bois trop vieux. A la fin, on l’entend se fermer avec un claquement dur, définitif, impassible. Car il n’y a plus rien à entendre, plus rien à dire.
Le soleil s’est levé et tout le monde se casse, à moitié déchiré, en oubliant même le pourquoi de ce squat.










Et si l’on peut faire la gueule sur la première partie de ce Recreated, bourrine et bordelique, qui frôle l’occasion manquée vu les artistes conviés, on ne peut que se réjouir de la deuxième galette, superbe, beaucoup plus belle et posée, fortement conseillée pour les fans du label Warp. Les covers enlacent et ne lâchent plus. Elles extraient bien souvent, et intelligemment, l’essence même des compos, foutent les mélodies au premiers plans (on se surprend à chanter du Aphex Twin ou du Boards Of Canada dans sa douche ! )


Profitons du cadeau, et surtout de ce deuxieme disque. Dans 10 ans, les anniversaires se fêteront avec des compiles mp3.












Tracklisting :

Warp20 (Recreated)

Disc 1

01 – Born Ruffians – Milkman/To Cure A Weakling Child (Originals by Aphex Twin)
02 – Jimi Tenor – Japanese Electronics (Original by Elecktroids)
03 – Maximo Park – When (Original by Vincent Gallo)
04 – Tim Exile – A Little Bit More (Original by Jamie Lidell)
05 – Rustie – Midnight Drive (Original by Elecktroids)
06 – Luke Vibert – LFO (Original by LFO)
07 – Autechre – What Is House? (LFO Remix) (Original by LFO)
08 – Russell Haswell – Cabasa Cabasa (Original by Wild Planet)
09 – Clark – So Malleable (Original by Milanese)
10 – Diamond Watch Wrists – Fool In Rain (Original by Pivot)
11 – Hudson Mohawke ft. Wednesday Nite – Paint The Stars (Original by Jimi Tenor)

Disc 2

01 – Mark Pritchard – 3/4 Heart (Original by Balil – Black Dog Productions)
02 – Mira Calix with Oliver Coates – In A Beautiful Place Out In The Country (Original by Boards Of Canada)
03 – Pivot – Colorado (Original by Grizzly Bear)
04 – Bibio – Kaini Industries (Original by Boards of Canada)
05 – Jamie Lidell – Little Brother (Original by Grizzly Bear)
06 – Leila – Vordhosbn (Original by Aphex Twin)
07 – John Callaghan – Phylactery (Based on Tilapia by Autechre)
08 – Gravenhurst – I Found The F (Original by Broadcast)
09 – Plaid – On My Bus (Original by Plone)
10 – Seefeel – Acrobat (Original by Maximo Park)
11 – Nightmares On Wax – Hey ! Hey !Can U relate ? (Original by Dj Mink – Bonus Track)

























11 Titres + 11 Titres – Warp Records
Dat’














Antipop Consortium – Fluorescent Black

Posted in Chroniques on September 15th, 2009 by Dat'


Stay humble, still number one







A l’instar du dernier Chris Clark, je me baladais dans les rayons de disques, en me demandant bien quelle galette pourrait me servir d’accompagnatrice pour la semaine à venir. Et hop, belle surprise, le nouveau Antipop Consortium trône déjà dans les magasins jap, bien avant sa sortie officielle dans le reste du monde. Merci Beat records. Et l’on peut dire sans rougir que l’on attendait ce Antipop. Depuis 2002, et cette triste séparation après un affolant Arrythmia sorti sur Warp, petit chef d’oeuvre d’electro-hiphop complètement fracturé mais gardant toujours une facette accessible et jouissive (le groupe passait même sur MTV à l’époque, même si tard le soir) : bourré de prises de risques, de rythmes incroyables, de séquences hallucinées et idées peut être trop raides. Le groupe n’aura acquis son aura culte que bien après la sortie du disque.

Apres embrouillent et split, les membres s’éparpillent, Beans enchaîne les solos sympas (et accouche de quelques tubes, comme Papercut ou Mutescreamer), High Priest et Sayyid forment Airborn Audio pour de bonnes galettes… Mais rien de renversant. Il manque toujours un je-ne-sais-quoi. Le parfait équilibre atteint avec le groupe, entre bombinettes et expérimentations, n’est plus si évident, on tend toujours vers l’une ou l’autre facette sans trop y croire. Puis d’autres groupes prennent le wagons en marche, et balancent de vrais scuds, poussant l’exercice estampillé APC beaucoup plus loin, avec toujours autant de saveurs, reléguant le trio New Yorkais au rang de patron, de référence. Le groupe vers qui l’on se tourne avec nostalgie, en se disant que bordel, le son sonne toujours actuel, tout en étant figé sur 2002 à cause de la séparation du groupe.

Alors quand, l’année dernière, APC repart en tournée avec des morceaux inédits, et lâche en interviews des infos sur un nouvel album, signe sur Big Dada, le web s’enflamme, les espoirs nécrosés renaissent de leurs flammes, le messie est là pour filer un coup de balais sur nos humeurs ô combien nostalgiques, c’est la folie totale à en chier des cotillons.
















La première chose qui frappe en ayant le disque dans les mains, c’est bien l’allure folle de la cover. L’artwork est beau, pas d’autre mot. Mark Evans, que je ne connaissais pas (mais qui a l’air d’être un gros nom dans l’illustration SF) opère une refonte particulièrement réussie de l’habituel logo du groupe, petit bonhomme à la tête enflammée. Bref, le cd crache la classe et fait fondre tous autres osant trôner autour de lui dans les magasins. Bon point, les gens s’arrêteront devant. Autre bonne nouvelle, l’édition japonaise contient deux titres bonus, comme bien souvent ici. Sauf que là c’est du sérieux. Les mecs ne se sont pas contenté de trouver un fond de tiroir, ou un vieux remix tout pourri (Quoique je n’aurait pas craché sur celui de Four Tet qui vient d’émerger, plutôt réussi).
Non, APC calle deux titres, pas en fin de tracklisting, mais bien intégrés à l’album, semblant parfaitement en phase avec les titres voisins, histoire de ne pas briser la cohérence du tout. L’énorme (on y reviendra) conclusion restant conclusion, et les inédits se plaçant donc respectivement à la 8eme et 13eme place. Bref, une “enhanced / collector version” faite avec intelligence, c’est plutôt bien vu. On savait qu’Antipop Consortium aimait le marché japonais (ils ont sorti un album entier inédit là bas il y a presque 10 ans, Shopping Cart Crashing, quasiment introuvable désormais) et le pays le lui rend bien.









Les gars d’Antipop Consortium avaient promis un disque “What The Fuck ?” (sic) pour ce Fluorescent Black. Et c’est effectivement une phrase que la majorité des gens vont lâcher des les premières secondes de la galette : Gros mur de guitares hardcore, larsens incontrôlés et relents punk, on se demande directement si l’on ne vient pas de se tromper en insérant le disque dans le lecteur. Puis le gros typhon noisy se calme, et vlan tu te prends la claque du mois dans la gueule. Les saturations perdurent, mais un beat vient violer le tout. Pas un rythme, LE rythme. Celui craché par une MPC que le groupe sait manier comme personne. Un truc qui tue, d’une prestance dingue, qui se faufile et s’infiltre dans ta nuque pour la faire bouger illico. Les trois Mc déboulent, lâchent leurs flows avec hargne, et l’on commence à serrer son petit doudou avec les yeux qui brillent, en se disant que ça y est, Antipop est de retour et ça va tuer toute ma famille, c’est trop jouissif, même plus envie d’écouter la suite c’est bon on est convaincu. Lay Me Down qu’il s’appelle, le titre. Il porte parfaitement son nom.

Ce genre de rupture de structures, de rythmes et surtout d’ambiances, on va en retrouver pas mal au long de ce Fluorescent Black. A dire vrai, c’est carrement les trois premiers titres se plaisent à surprendre en partant soudainement dans la direction opposée. Et apres le Punk-noisy du premier titre qui mute en tuerie hiphop, on débarque en terres plus électroniques avec New Jack Exterminator : métronome complètement barré qui part dans tous les sens, boite à rythmes en pleine crise d’épilepsie, beats secs comme la mort, refrain mitraillé par les scratchs. Et tout à coup, trou noir, on se retrouve dans un trip analordien de l’espace, avec des claviers cristallins qui chialent leurs vagues à l’âme, pour une dernière minute presque hors propos mais vraiment belle.

Et voilà que se pointe Reflections, avec une boucle absolument énorme taillé par Priest. Le genre de beat simple mais parfait. Qui claque dur, jouissif comme la mort, imparable. Donc on en prend pour son grade, on tape comme un con sur ses genoux en rythme, alors que tout le monde nous matte dans le métro. Encore une fois sans prévenir, le morceau va vriller dans un Rockabilly hystero histoire de conclure dans la direction opposée.
“What the fuck vs Tympans = 3 – 0”.
Un peu plus loin, Timpani va nous trimballer dans des percussions tribales bizarres, avec cris possédés et bugs non identifiés. Concert de hiphop au milieu de la jungle, avec une tribu qui te colle aux fesses avec ribambelles de flambeaux. Et il se passe quoi cette fois ? La jungle mute en rave party, et l’on part dans une techno sombre et écrasée, le concert s’est transformé en chasse à l’homme, avec un robot qui veut nous égorger avec sa scie circulaire.








Heureusement, Antipop Consortium ne se base pas systématiquement sur ces ruptures soudaines, et déroule souvent une recette reconnaissable entre mille pour les amateurs du groupe : Des morceaux simples, basés sur une boucle de folie, point barre. Un faux minimalisme balayé par la construction même du titre. Si la boucle répétée et rarement progressive, elle n’en sera pas moins souvent complexe, hypnotique, ultra-electronique et comme d’hab imparable. Bref, une bonne ribambelle de morceaux compacts typiquement marqué du sceau APC se pressent tout au long de ce Fluorescent Black, entre Mpc qui crache ses tripes et refrains lymphatiques qui s’impriment direct dans le cortex. Les Mc lâchent leurs couplets puis se barrent, laissant parfois à peine le temps au chorus de s’exprimer. En parlant de ça, Sayyid est absolument impérial, et cela sur tout l’album. Les autres ne sont pas en reste, mais le bonhomme précité semble avoir bouffé du lion avant d’avoir enregistré ses interventions.

De l’énorme Shine, se terminant sur une partie chanté magistrale, au frénétique et saturé Get Lite, en passant par le passage à tabac Volcano, le bouncy et bien cool NY to Tokyo (feat Roots Manuva, assez discret pour le coup) ou le déstructuré et saccadé Apparently, on a pas fini de sauter dans tous les sens en prenant son pied, la nuque pliant sous les assauts rythmiques.
Dans cet exercice, la palme reviendra à Superunfrontable, grand, avec son instrue tout simplement cosmique, avec cette saturation grave hypnotique et parabolique chutant constamment vers les graves, avant de repartir à chaque soubresauts. On se paye un refrain qui te transperce la gueule tellement il assure, et les trois Mc nous offrent une vraie leçon au micro, avec un Priest qui passe à la vitesse supérieure. On se paiera même une fausse fin avec clavier cristallin et notre copine ligne-de-basse-cradingue qui semble s’écrouler pour de bon vers le néant, avant de se faire rattraper par le collet pour un dernier couplet.

Impossible de passer sous silence le tubesque Capricorn One, qui ne paie pas de mine au départ avec son synthé trançouille répété ad-nauseam, sa corne de brume électro pourrie que l’on croyait disparue du paysage musical il y a dix ans et ses percus un peu cheap, mais qui fini au bout de quelques écoutes à nous rendre aussi déchiré que son refrain. Tu as envie de gueuler “capricorn-capricorn-capri-capri-ca-ca-capricorn ONE !” en te disloquant le corps ? C’est normal. Sinon Sayyid fait encore le ménage dans nos oreilles en riant.

Parlons d’ailleurs des deux pistes bonus de l’édition japonaise, qui s’inscrivent dans ce modèle de morceaux dépouillés et imparables : Si Polar Bear Digital étonnera avec sa boucle tarrée, lo-fi et déstructurée, qui ferait fuir plus d’un Mc normalement constitué (Mais pas les mecs d’APC, qui semblent dompter le monstre sans problème aucun), c’est surtout New Frontier qui restera dans les mémoires. Parce que là, attention, c’est pas du bonus de kermesse que nous refile les New Yorkais :
Un synthé de fin du monde, ultra gras et crade, ondule, tourne sur lui même et se fait littéralement ramasser par un beat ultra sourd, genre gros coup de butoir à faire sauter les fenêtres de sa piaule. Sayyid et Beans se font encore plus vindicatifs qu’à l’habitude, crachant presque leurs lyrics, et modulent leurs flow d’une façon assez inhabituelle. Le morceau est un espèce de trip synthétique en slow-motion, complètement barré et psychotique. Bonne claque.









Antipop Consortium nous réserve aussi quelques aliens (en plus des morceaux doubles facettes cités plus haut) plutôt bien placés dans l’album, pour servir de bonnes coupures entre deux mandales :
The Solution, complètement perché, nous servira une instrue électro pop bien spatiale et planante, en mode mille feuille de synthés sci-fi, voix robotiques et claviers space-opera. Les voix se feront plus flegmatiques, presque je-m’en-foutiste, histoire de bien nous laisser dériver entre les comètes.
Born Electric poussera le vice encore plus loin avec une intro qui en fera marrer plus d’un, en mode piano tout niais et chant, tout essoufflé et plutôt faux. Garanti sans “Autotune”. Puis le morceau s’envole, part dans une instrue assez énorme, blindée de détails, avec les Mc qui cabotinent à mort. On regrettera la fin un peu vaseuse, avec le solo de guitare complètement cramé et les choeurs à la ramasse, même si cela participe au côté presque parodique du morceau. Le groupe serait totalement parti dans cette direction que l’on aurait fait la gueule, mais là, glissé au milieu de presque vingt morceaux, ça reste plutôt marrant.

Allez, j’aurais presque envie de le dire, pour moi le morceau End Game est peut être le meilleur morceau du disque, tout du moins dans le trio tête. l’intitulé l’annonce presque : C’est la fin du jeu, avec ce titre, APC fait trop mal, il faut faire ses valises. Pourtant, dans End Game, il y a rien ou presque. En simplifiant la description, les Mc se retrouvent presque accapella, l’instrue se limitant à quelques effets et beats jetés ici et là pour appuyer certaines syllabes des monologues. Tout se joue sur le silence, sur les intonations, sur les sonorités de l’anglais lui même. C’est complètement déstructuré et évident dans le même mouvement. Tout semble évoluer dans un même mouvement, les flows et l’instrue étant indissociables, copulant à chaque instant. E.Blaize, quatrième tête du groupe cachée derrière les machines, a taillé un vrai diamant. J’avais pas été autant impressionné par un morceau de ce genre, mutant, fracassé et modelable à l’infini depuis le “J’ai pas sommeil” de TTC. Et niveau minimalisme hypnotique, depuis le morceau absolument monstrueux “Z St.” de… ah, ben Antipop Consortium justement…

Le disque se terminera sur une autre hallucination, Fluorescent Black. On en pouvait pas rêver d’une meilleure conclusion pour le disque, avec surement l’instrue la plus aliénée de ce dernier (et accessoirement la plus longue) : Pas de rythme, ou presque. Juste un lit, un océan, un gouffre de parasites et saturations qui s’entremêlent à l’infini, un truc presque indescriptible, complètement abstrait. Et pourtant les mecs arrivent à y greffer un refrain presque hymne de stade, et des couplets d’enfoirés. Ça grésille et vole de partout dans les oreilles, avec pour seul repaire des synthés graves qui tentent de surnager au milieu du tout. Ok les mecs, pas de problème, médaille d’or.










Le retour des New Yorkais est sans conteste une vraie réussite. Toujours capable de se taper des grands écarts de folie entre expérimentations alambiquées et petites claques imparables, Antipop Consortium n’a pas perdu son aptitude première, celle de tailler des boucles jouissives, aux rythmes qui claquent et aux mélodies qui hypnotisent. Constamment sur le fil, flirtant avec des exercices vraiment flingué (les ruptures inattendues de certains morceaux, les instrues complètement dingues d’autres) et le hiphop que tu passes dans ta bagnole avec tes potes, Fluorescent Black aligne sur 19 titres de vraies tueries que l’on se repassera cent fois sans (ré)fléchir (Lay Me Down, End Game, New Jack Extermnator, Shine, Superunfrontable, Timpani, Fluorescent Black et New Frontier) et de petites bombes incontestables, moins expansives, mais aux beats parfaits ( Reflections, Ny to Tokyo, Polar Bear Digital, Capricorn One, The Solution, Volcano, Get Lite… ). Priest, qui a produit la moitié des tracks de l’album, s’est littéralement déchiré.

Antipop Consortium, dans la partie de bille qu’est le Hiphop, c’était le gros calot en plomb, celui que l’on gardait jalousement dans la poche de peur de se le faire piquer. De toute façon, on ne pouvait pas l’utiliser, vu qu’il pouvait rouler sur tout le monde et écraser toutes les billes, la triche. Manque de pot, ce petit con de Clotaire vous l’avait piqué en 2002 sans que vous puissiez réagir, trop chétifs pour vous défendre. 2009, on a grandit, on est passé par la salle de muscu histoire de pouvoir casser la gueule de l’autre connard, et reprendre enfin le boulet APC.

De nos jours, plus personne ne semble jouer aux billes, on en baffoue les règles pour faire de la merde, alors plus besoin de garder le calot dans sa poche, il est temps pour les New Yorkais d’être enfin jeté dans l’arène et de faire de la place en giclant tout le monde du terrain. D’une simple pichenette. Pour être moins évasif :


Fluorescent Black démonte.











Mp3 :


Antipop consortium – Fluorescent Black Album Teaser (clic droit / enregistrer sous)


Antipop Consortium – Volcano (Four Tet Remix)





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Interview Chro Auto Antipop Consortium Nuit Sonores 2008











19 Titres – Big Dada / Beat Records
Dat’












Health – Get Color

Posted in Chroniques on September 9th, 2009 by Dat'


Market Yourself For Blood






Health font parti des ovnis non indentifiables parcourant la scène américaine, sans émaner (pour une fois) de New York. La musique est diablement perchée, et les mecs aussi. Avec un premier album un peu bruyant, aux reflets Boredoms et teintes Black Dice. Qui aura trouvé, a posteriori, un peu d’attention grâce au remix de Crystal Castles. Fonçant dans cette brèche, la formation ressort carrément son premier album entièrement remixé, par des bonhommes comme Nosaj Thing ou Curses ! (et pleins d’autres inconnus au bataillon). Ils tournent à mort en live, aiment casser leurs synthés et sauter dans les airs. Cool. Le tout pour acquérir une petite renommée, ce qui reste étonnant vu le contenu ultra-abrupt-abscon du premier album. (On va dire qu’elle se limitera à 95% au split fait avec Crystal Castles, ce qui est déjà pas si mal)


Mais le truc le plus de drôle à l’orée de la sortie du deuxieme album Get Color, c’est cet espèce de concours complètement cramé, à l’arome presque Charlie et sa chocolaterie : Des tickets seraient disséminées dans une cinquantaine de disque, donnant a des cadeaux plus tarés les uns que les autres : Du voyage à Los Angeles pour visiter un zoo avec le groupe, des poils du chat d’un des membres, des teeshirts, des autographes signés avec leur propre sang, une gélule de Tamiflu (non je deconne), des bouquins qu’ils aiment, un coup de téléphone privée, et tout plein d’autres choses excitantes. Vous avez toujours rêvé de gagner un dessin fait par la mère du membre d’un groupe prenant trop de drogues ? Vous pouvez tenter votre chance.















Autant le dire tout de suite, je n’ai pas eu de ticket gagnant dans mon exemplaire, je suis drôlement déçu. Le reste du packaging oscille entre le désormais habituel artwork organique, rouge vif à l’interieur (ça fait son petit effet en ouvrant le tout) et des remerciements en mode tartine.

Cela semblait presque obligatoire après avoir accédé à une audience plus importante et ouverte : Health devait adoucir un minimum sa recette. Ce n’est pourtant pas ce qui ressort de l’hystérique premier titre, In Heat, déluge de ruptures en tout genre, murs de larsens affolants, rythme épileptique, et toujours cette voix fantomatique, trainante, hululant au travers du chaos. Le morceau, très court, se cabre toutes les 10 secondes, et se termine sur une cavalcade de fou furieux.

Mais l’on pense, avec Die Slow, que l’on pige où le groupe a voulu aller. Health arrive à créer une bombinette, un quasi-tube pop? impossible à prévoir. Surtout en gardant ce coté électro-noise ultra massif, ces pétages de plombs et zébrures bruitistes et jouissives qui soulèveraient une foule. Un espèce de brouillard fou pour prise d’ecstazy, un slow lascif pour boum orgiaque au milieu des bonbons Haribo. Classe de neige dans la coke, surfe le nez dans la poudreuse. Tout est énorme dans ce morceau. Mais l’on retiendra surtout ce synthé qui se crispe, qui hurle, qui tressaute sur ce lit de guitares à réveiller les morts. Et cette voix plaintive, prière fragile au milieu de l’apocalypse, qui habite, cajole, et transporte jusqu’au refrain lumineux, mur du son qui s’envole. Et quand le chanteur se tait, notre saturation de l’année 2009 déboule de nouveau, et nous écrase la tête contre le bitume avec un rire sardonique. Morceau de disco enregistré dans une usine devenue folle, Electro-shoegaze plongé dans la fonte, My Bloody Valentine qui se prend 10 avions dans la gueule. Imparable.

On est tous heureux de voir une Nice Girls débarquer chez soi, mais celle-ci opte pour un apparat guerrier, proche de l’explosion. Ca gronde, tremble, vomit. Le manteau sonore fait flipper, les rythmes sont tribaux, les guitares sont multipliées par mille. La voix est noyée dans sa nacelle noise, proche, très proche de la rupture. Encore une fois, le tout est hypnotique, jamais violent, toujours renversant. Le grand écart est encore de mise, bien que le morceau soit moins évident que son prédécesseur. Shoegaze de fin du monde. Pas vraiment de progression, ni de construction, un simple flux et reflux primitif, grésillant, spectrale et habité.
Même histoire de va-et-vient avec Before Tigers, coupant ses phases ambiant lunaires avec de gros roulis crasseux et violents, façon gratte Metal passée dans une concasseuse, toujours sur des perçus tribales bien appuyées (et qui vireront limite psychotique vers la fin)









Bref, c’est massif, assourdissant mais jamais agressif. A l’instar de l’exceptionnel (je m’en remettrai jamais de ce disque) premier album de Pyramids, Health semble toujours à l’aise dans cette dualité violence sourde / pop planante. En même temps, le groupe sait aussi traumatiser les peuples, et nous sert des compositions parfois bien électro, come le monstrueux Death+, saturation hypnotique qui progresse pour muter en vrai mur du son, là où le chanteur garde ses gémissements sur une même ligne. Le final, transe délirante, entre tribu inca plongée dans les psychotropes et messe de minuit avec sacrifice, en claquera plus d’un.

Health n’hésitera pas non plus à balancer de la vraie Noise, un barouf de tout les diables sur Eat Flesh, noise industrielle que ne reniera presque pas un Masonna voulant faire une track techno-tribal-pop, ou Severin, et son intro complètement excessive, abusée, presque absurde. Ouai, sauf que ce titre va partir dans une course de folie, superbe, très Boredoms dans l’âme, avec ce tapis de rythmes tribaux jouissifs, ces bugs et zébrures cradingues coupant le morceau sans crier gare, et cette ligne de guitare imparable. On ne comprend rien à ce que raconte le chanteur, complètement rongé par le building musical qui nous tombe sur la gueule, mais on s’en fout, ça participe au coté défoncé du tout, genre Sigur Ros dans ta tondeuse à gazon. Les trente dernières secondes sont, encore une fois, à tomber, avec ce roulement qui devient aberrant, cette mélodie qui perce le cortex et la voix qui semble mourir. On peut encore émettre des doutes sur la capacité du groupe à construire des vrais morceaux (quoique, Die Slow vient de nous prouver le contraire) mais il est clair que les gars de Los Angeles savent méchamment les terminer. Clairement le meilleur morceau du disque avec le tube précité.

We Are Water osera carrément le pied Techno, sur fond de destruction angélique, entre teintes cristallines et cataclysmes industriels. Aux deux tiers, on croit que le morceau s’éteint, mais il se couche juste quelques secondes, pour nous livrer en fait le plus gros soulèvement du disque, superbe hurlement shoegaze noise, genre supernova qui te fonce en pleine tronche, et qui détruit tout. Typhon enregistré au micro dont le volume est augmenté par cinq. Le parallèle avec les compos de Pyramids en sera lors presque naturel, même si le son de Health reste bien plus accessible. Le moment qui t’arrache les cheveux, te cloue la colonne vertébrale, et te laisse pour mort. Le plus gros soulevement sonore du disque.

Get Color aura la bonne idée de se terminer sur un morceau beaucoup plus posé, In Violet électro progressive flottant au grès des échos, laissant la voix, pour la première fois, se démener au premier plan. Les saturations seront toujours de la partie, mais ne surgiront qu’en solitaire, donnant un coté assez mélancolique et beaucoup plus diffus au tout.










Malgré le déluge, et les sursauts incessants du disque, on pourrait presque rester sur notre faim. Car le tout est assez court, pointant sur 9 titres (mas plus long que leur premier opus, pas difficile en même temps). Sans pour autant remettre en cause que le groupe a eu les couilles de garder un son abrupt et déraillé alors qu’il était attendu au tournant, on aurait aimé entendre un peu plus d’exercices imparables à la Die Slow ou Severin. C’est un peu bête, le groupe nous montre qui est capable de construire de vraies tueries tout en restant irrationnel, et se dérobe pour nous redonner un gouffre explosé et fulminant, un peu plus shoegaze, et (presque) toujours aussi expérimental, fracturé et hardcore que leurs premiers essais.


Mais j’avais besoin de saturations dantesques. D’électronique qui hurle, implose, crisse mais ne blesse jamais. De murs de guitares semblant pouvoir imiter la tempête. Et pour le coup, ce Get Color de Health remplit parfaitement son office, réussissant à construire un joli pont entre musique noise complètement fracturé et une pop électronique planante.

Cela nettoierait presque le cerveau.












Health – Die Slow










9 Titres – Lovepump United
Dat’













Mount Kimbie – Maybes / Sketch On Glasses

Posted in Chroniques on August 24th, 2009 by Dat'


Dressed In Polyester






Difficile de gérer le flot d’Ep déboulant tous les mois en musique électronique. Des tonnes de vinyles sans infos, des cd avec trois titres qui coutent aussi cher qu’un album, des jolies pochettes que l’on accrocherait sur un mur mais que l’on n’écoutera qu’une fois (voir jamais), des fichiers mp3 qui tournent gratuitement, d’autres qui se perdent dans Itunes. De toute façon, même quand on a une platine, des EP, on en n’achète pas des masses, parce que ça coute trop cher, ça ne s’écoute pas dans le métro, et c’est pas pratique de changer de face toutes les deux chansons alors que l’on est en train de saisir un steak dans sa cuisine.

Le pire, c’est quand un Ep s’avère d’une qualité extrême, vous emporte, vous envoie au ciel, promet un incroyable album, mais reste sans suite. Et devient un vinyle parmi tant d’autres, deux-trois morceaux écrasés sous le poids des ans. ( The MFA, j’attends toujours) Zero que dalle, t’as aimé, tu as pris ton pied comme rarement, mais désolé mon pote, en fait on a arrête la musique et on te laisse en plan, toi et tes cons de tympans, tu peux toujours espérer, comme la fois où tu attendais Marise devant le lycée avec deux glaces au chocolats parce qu’il faisait chaud et que tu voulais être gentil. Les glaces ont fondu, elle n’est jamais venue.


Les bonhommes Mount Kimbie sont sympa, et semblent aimer le chocolat. Car ils balancent deux Ep en l’espace de quelques mois. Ca permet déjà de ne pas les oublier de sitôt, même si on savait que cela ne serait pas le cas, vu comment la musique de ces mecs est belle. Ca permet en plus de mettre les deux Ep à la suite, façon mini-album, et de les écouter en allant au taff, coincé entre deux culs dans un wagon. Ca laisse surtout espérer que les mecs ont bien envie de balancer dur dans les mois à venir, ouvrant la porte à des releases pas trop espacées, voir à un album si le patron du label est gentil, ce serait bien, s’il vous plait messieurs de chez Hotflush.



















Bon, les pochettes ne sont pas affolantes, les Ep ne feront pas parti de ceux qui seront accrochés aux murs. Deux Ep en quelque mois, une même ligne directrice, des chemins arpentés différents. Maybes, qui ouvre l’ep du même nom, nous perd directement dans une brume ambiant, éthérée, exclusivement construite, pendant plus d’une minute trente, sur quelques notes crasseuses. Qui se répètent à l’infini. Guitare vaguement saturée ou synthé crachant la poussière, difficile à dire. Ce qui est sur, c’est que l’on plane, que l’on se laisse envelopper par ces teintes minimalistes. Le tout monte, se perd dans les échos, mais reste sur cette même boucle, hypnotique, sédatif sonore. Et vlan, sans crier gare, un rythme claudiquant, superbement placé, sorte de 2step déviant et dépressif tressautant sur la mélodie du départ, qui, au lieu de s’enliser, part directement vers les cieux. Sans compter que des bouts de voix se retrouvent hachés dans le tout, donnant un aspect encore plus céleste et abscons au tout. Rien de plus : Une mélodie toute simple, un rythme éclopé, un sample vocal un peu pute passé à la moulinette. Et pourtant, ça marche parfaitement. Ca va directement dans la colonne vertébrale, et ça ne vous lâche plus. Le dernier tiers est superbe dans cet espèce d’electro désertico-mélancolique.

Et Mount Kimbie semblent apprécier cette structure du “on-plante-une-moitié-de-morceau-tres-calme-pour-lui-greffer-un-rythme-implosé-sur-la-suite”. La mélodie aérienne et vaporeuse du premier tiers de William ramènera directement à certains élucubrations de Boards Of Canada, sans hésiter. Volutes timides, grésillantes et fragiles, coeur mou noyé dans le brouillard. Un pied techno, sourd mais très éloigné, va alors se faire entendre, partant des catacombes, pour accompagner un chant folky-soul bizarre, perdu dans les reverbs, semblant débarqué un peu de nul part, comparable à l’exercice d’ Abstrackt Keal Agram sur Bad Thriller. Bruits de skateboards, bugs noisy, le mec semble chanter à la lueur d’une bougie, les yeux creusés par d’énormes cernes. Il se tait, il ne reste plus qu’une minute, on sent que le tout va s’éteindre gentiment, dans la grâce et la pudeur, mais un sublime rythme drogué va débouler sur le tout, rayonnant d’une classe évidente, marchant sur le morceau en claquant des doigts, les chaines en or sur le torse mais des chagrins plein la tête. A écouter en pleine nuit, le vertige d’un sommeil manquant étreignant la caboche. Enorme.

Même son de cloche pour Vertical, qui utilisera justement ces dernières pour danser sur les cadavres de synthés ultra crades, se trimballant d’une oreille à l’autre avec une fausse nonchalance. Ces cloches marquent un métronome cristallin qui intervient plus tôt que prévu dans le morceau (au regard de ses petits copains), mais c’est un piège, car le tout va rebreaker au milieu, pour filer vers un vrai petit bijou, entre mélodie à chialer, structure plus abstract 2step, et voix gospel-soul charcutées, surpitchées, renversées. Vraiment joli, rien à dire, la progression est naturelle, taillée à la serpe, presque parfaite. D’une élégance et d’une préciosité rare, qui côtoie le coté salopé d’une électronica énigmatique. Tu planes dans les nuages, tout en regardant les rues crades de Londres, où une file semble pleurer toutes les larmes de son corps, écrasée par la solitude.
Taps, plus opaque, n’en sera (presque) pas moins réussie, avec son atmosphère plus sombre, seul titre de l’Ep au déroulement rectiligne, malgré un break épileptique faisant partir le rythme dans une cavalcade expérimentale. Electronica caverneuse jouant avec les échos et les sonorités bouffées par les effets. Les synthés se chargeront de nous faire vibrer l’échine.










Et si l’Ep Maybes est largement tourné vers une electronica vaporeuse, caressée par des rythmes Uk garage, le deuxieme, Sketch On Glasses, se permet d’accelerer sensiblement les Bpm, pour une galette largement noyée dans le bain du Nu-abstract, dignement représenté par Nosaj Thing ou Flying Lotus. Tout en gardant cette importance mélodique à fleur de peau, se focalisant autant sur les mélopées que sur des beats imparables. Et cela fait ici la différence.
Enfin je dis ça, mais le titre éponyme, Sketch On Glasses, lorgne sur une facette plus Dancefloor, avec des bleeps vrillants de partout, des synthés moins évasifs, et plus enjoués et ondoyants. Des voix pitchées donnerait un coté presque Dance au tout, étonnant quand on s’est enfilé les sérieuses petites perles décrites ci dessus. T’as envie de remuer ton popotin au bord de la piscine un verre de cocktail à la main ? C’est possible.

Apéritif. Car dès Serged, les ambiances narcotiques reviennent : Synthé bien grave, petit bruit blanc qui voyage dans les tympans, pointes 8bits qui perlent sur ces vagues sombres, on s’asphyxie avec le sourire dans ce marécage électro, qui va se faire secouer par une basse sourde, et des voix cutées au max. Syllabes inintelligibles, jetées en pâture sur ce lit hiphop chiptune, ça avance tranquille, se dodelinant sans fléchir, épousant les mouvement de nos nuques, obligatoirement entrainées par ce battement de coeur technoïde. Dernier quart de morceau, seules les basses sourdes et des halètements susurrées persistent, ça pue le sexe et la dépression, la grande classe Nestor.

Et encore, dans le genre, le point culminant de l’Ep est sûrement représenté par 50 Mile View. Encore bien mystérieux sur son entame, le morceau va vite partir dans un joli trip électro, avec une mélodie à foutre le coeur en vrac, zebré de grosses paraboles synthétiques bizarres, Blade Runner étouffé par les échos. Milieu de morceau, le rythme se pose, se glace, et re-vrille dans un abstract Hiphop énorme, tellement cool et imparable que tu laisses ta tête partir en arrière en souriant, et en te disant que putain, ça y est, tu l’as ton instrue du moment. J’écoute les pontes de ce Nu-abstract ultra synthétique que sont Flying Lotus, Dorian Concept, Nosaj Thing, Lone et consort, et je me dis que certains pièces de Mount Kimbie, et ce morceau en particulier, sont au moins aussi bien foutues que les trucs sortis par les boss précités. Comme eux, le rythme claque, il tue, il génère une espèce de satisfaction bizarre et personnelle que seul ce genre de musique refile. Mais en plus c’est beau. Vraiment. Les mélodies sont belles. Pas d’autre mot. Ca ne révolutionne rien, ça rentre dans le rang, mais ça se démarque pourtant étonnamment du reste.

Le plus drôle, c’est que le groupe semble en être conscient, et balance avec At Least une première partie de morceau encore plongée dans la fumée, avec un rythme qui revient au 2step and co, sur une mélopée fragile et aérienne. Quelques bleeps cristallins se faufilent, émerveillent, titillent l’audition. Puis les crépitations Chiptunes reviennent, la Gameboy remet ses pompes et tourne sur elle-même en ouvrant les bras. La chanson s’arrête brutalement sur un “is there other any effects on ?”, et le tout repart sur un synthé super pimp et un beat bien posé, histoire de terminer avec noblesse.











Rien de spécial avec ces morceaux de Mount Kimbie. Pas d’esbroufe, pas d’effets tape-à-l’oeil, pas de construction escarpé. La musique du duo anglais est presque primaire, et se résume souvent à : Un beat, un synthé, des samples de voix. Mais ils compensent le tout en servant des morceaux à tiroir, reposant pour la majorité sur des breaks emmenant le tout dans une tout autre direction. Parfois soudains, toujours naturels, parfaitement intégrés. Des rythmes incroyables, imparables, jouissifs. Couplés à de célestes mélodies. Patience, attendre que la litanie se délie, se dévergonde, s’ouvre, accueille le parfait métronome. Les morceaux hantent, habitent, transportent.

Et l’on peut croire à la musique du groupe sur long format, vu que Mount Kimbie, sur ces deux Ep, offre deux facettes complémentaires et pourtant assez distinctes. L’une très “Boards Of Canada meets Uk Garage”, et une autre plus électro-abstract-hop. Les deux sont maitrisées avec brio, certains morceaux sont vraiment balaises, un album est demandé expressément en salle 3, on veut en entendre plus, balancez le bordel sur Lp. On se consolera en couplant les deux Ep, avant le grand banquet.


En attendant, Mount Kimbie semble bien avoir sorti avec Maybes et Sketch On Glasses se qui se fait de mieux dans le genre cette année, et risque de bousculer le top Ep de cette fin de décade. Petit groupe à grande musique. Le genre de coup de coeur que l’on a que trop peu souvent, et qui vous donne envie de suivre le groupe à la trace sur les années à venir.

Aucune révolution, juste le plaisir d’écouter de belles perles electronica aux rythmes superbement taillés.


Tout est simple, rien n’est anodin. Bonheur.













Mount Kimbie – Maybes














4 titres + 4 Titres – Hotflush Recordings
Dat













Tokyo Summer Sonic 09 : Aphex Twin, Mogwai, Girl Talk, Nine Inch Nails, Tricky…

Posted in Chroniques on August 14th, 2009 by Dat'



Girl Talk
Katy Perry
Phoenix
Nine Inch Nails
Mogwai

Aphex Twin
2 Many Dj’s
Tricky
Tha Blue Herb
Y.Sunahara







Contrairement aux deux années précédentes, pas de Nuits sonores cette année, pour cause d’habiter un peu trop loin. Ce qui est bien, c’est que Tokyo n’est pas avare en festivals de folie, et si j’ai du voir me passer sous le nez le Fuji Rock (Le tarif n’aidant pas), j’ai longtemps attendu le Summer Sonic pointer le bout de son nez. Pour son affiche évidemment, à foutre le vertige, et pour son lieu aussi, tout près du centre ville, limitant les couts/dérangements annexes. Pas besoin de camper dans une tente baignant dans la boue, de se cailler les roubignoles entre deux canettes de bière ou de se trimballer un sac plus gros qu’une valise de vacance.

Première et obligatoire constatation : l’organisation, absolument nickel. Pour un festival drainant un nombre considérable de personnes, sur une surface non moins impressionnante, on ne peut qu’être scié par l’harmonie, agencement, aménagement du tout. L’auto-gestion japonaise, le site parfait et la richesse des installations ont donné à cette journée musicale une fluidité exemplaire, sans accroc, même quand les éléments eux même se déchainent. (Voir plus bas). Le tout départagé sur 6 scènes principales, plus quelques coins musicaux bonus. Bref, le jour et la nuit avec la France, qui accuse pas mal de retard de ce coté là : le fossé est gigantesque.













La journée devait commencer avec une artiste de taille. Histoire de pousser mon travail d’investigation jusqu’à son paroxysme, je voulais aller voir Katy Perry ouvrant l’une des scènes à 14 heures. Ouai, Katy Perry, carrément. Pour le trip de voir une grosse star internationale minauder derrière son micro. Et parce qu’il n’y avait rien qui me faisait de l’oeil sur les autres scènes. Manque de pot, la demoiselle a du annuler la veille, sa voix étant fatiguée. Je suis très déçu, le coeur brisé de voir mon rêve s’envoler, et noie mon chagrin dans un Kebab.

Heureusement, un pote me signale que l’aliéné Girl Talk passe dans une salle à coté, ce que je n’avais pas vu car mon programme était en fait coupé en deux. On ne se fait pas prier, et l’on fonce voir ce terroriste du Bootleg, ce Mozart de la bande Fm, ce Pepsi max du charcutage de tubes mainstreams. Et bien si le bonhomme est un peu indigeste sur disque (ses albums sont sympa, mais bon, s’ingurgiter une trentaine de chansons différentes en deux minutes, ça couche vite), en concert, c’est absolument jouissif. Evidemment, le concept est le même, on empile une tonne de tubes mainstream du Hiphop à la pop, en passant par le Metal ou l’electro, pour nous faire un mix mash-up pas piqué des hannetons. Mais en live, Greg Gillis laisse la sauce prendre, et donne de l’air aux morceaux, qui s’ébattent parfois pendant 2 ou 3 minutes, évitant ainsi de provoquer une vague de crises d’épilepsie dans l’audience. Mais surtout, en plus de cette mixture affolante, la fête, même à 14 heures, était totale : Girl Talk est fou, survolté, frôle la démence. Il hurle, se désape, saute sur la table, dans le public, sur son mac. Quelques personnes du public sont invitées à danser sur la scène, des ballons géants sont lâchés sur le reste des gens (plusieurs milliers de personnes), plus la tonne de cotillons, des lanceurs de PQ automatiques et j’en passe. Bref, ça transpire la grosse fête débile à plein nez, et on prend son pied sans se poser de question. Seule incohérence, foutre le mec en début d’après midi et lui donner qu’une petite heure pour balancer le tout. On aurait bien vu le tout après minuit, histoire de faire flamber une foule qui n’en demandait pas moins.

Petite pause, histoire de visiter et profiter des installations (Stands de bouffe de partout, bars dans tous les sens, stands d’amusements plus ou moins cramés, on a même droit aux indéboulonnables pachinko, voir même magasins de godasses, de serviettes de bains et autres échoppes sponsorisées bourrées d’hôtesses prêtent à vous refiler clopes, bouteilles de whisky et autres boissons fluorescentes flippantes. Au passage j’ai oublié de voir 65DaysofStatic, ça m’a fait chier) et l’on glisse voir les français de Phoenix, qui semble bien populaires au pays du soleil levant, au vu de la foule impressionnante venue les acclamer. Le groupe, à l’aide d’un batteur survolté, déroule un live bien sympa, que j’imagine centré sur le nouvel album du groupe, vu que je ne reconnaissais pas mal de morceaux (et que je n’ai point écouté ce Wolfang Amadeus Phoenix). Le groupe balancera quelques classiques de rigueur, comme “If i ever Feel Better”, ou l’énorme “Run Run Run”, qui sera précédé d’un hurlement paralysant d’une fan semblant être en plein orgasme/en train de se faire égorger, à l’amorce de l’inénarrable accord de guitare. Meilleur moment du live, un long titre instrumental à dominance électronique, superbe, s’étendant sur plus de 10 minutes, avec une mini incursion vocale en conclusion. Si ce dernier est présent sur le dernier album, je ne vais pas me faire prier pour écouter le tout.







– L’un des chapitaux principaux, hub central avec sa tonne de stands, de bouffe, de bars…

– Girl Talk pete un plomb et nous emporte dans sa fete régressive

– Phoenix en live. Oui il y a plein de monde donc on ne voit rien
(Cliquez sur les images pour agrandir)







Et tout à coup, c’est la panique. Le bruit court que pour le concert de Nine Inch Nails, ça va être bondé, qu’il faut se diriger des maintenant vers la scène principale, excentrée, pour pouvoir assister au live de l’écorché Reznor. Vu que c’est la dernière tournée (en tout cas avant un bon moment) du groupe, on prend, après avoir choppé un Kebab, la navette pour le Stade (carrément) posté en bord de mer. Ce qui fait chier, c’est que le groupe Mogwai commencera son live à un quart d’heure de la fin de NIN, dans un autre endroit, et que je ne veux les louper sans aucun pretexte. Sinon, encore une fois, organisation incroyable, les gens se tassent, la foule bouillonne, la chaleur est écrasante. Les lumières éclatent, le show commence, putain, Nine Inch Nails en live ! Rien à dire sur la musique, qui cartonne, avec de vieux titres, comme l’épique “March Of Pigs”, l’imparable “Heresy” ou le pervers “Closer”, issu du mythique (j’insiste) album The Downward Spiral. Les pogos se déclenchent vite, et je peux vous dire qu’un pogo au japon c’est cool : On ne se fait pas mal. Pas de coup de coude dans les cotes, pas de talons dans la gueule, les gens “rebondissent” simplement, avec de larges sourires, en se marrant comme des fous, sans agressivité aucune.
Pourtant, une chose m’interpelle, dès le départ : Reznor est étrange, dans un sur-jeu total, presque parodique. Dès le premier morceau, il casse un synthé, deux micros et une guitare, en hurlant. Ok. Il dit que la guerre c’est pas bien, il lève les bras au ciel, et tout et tout. Bon, en même temps, on continue de sauter partout, c’est le gros bordel mais ça donne un coté très artificiel au live, très factice, vraiment bizarre. Et en plus, il se met à pleuvoir. Enfin non c’est pire que ça, le ciel japonais a décidé de nous envoyer une piscine sur la gueule. Une vraie tempête avec des gouttes plus grosses que des piles Duracell. Le frontman nous lâche un “If you leave now, you are a pussy !” alors que tout le monde se barre en courant pour ne pas mourir noyé. Drôle. Ouai, on est des durs, on reste un peu, mais on n’a plus envie. La musique continue, cartonne, détonne, mais vu qu’il y a une bâche sous nos pied pour pas niquer la pelouse du stade, ça transforme rapidement ce dernier en étang (On ne voit plus nos chaussures). Les gens tombent, c’est dégueulasse, les papiers/phone/appareils se disloquent dans nos poches, ça devient n’importe quoi. Désolé Mr Reznor, mais en fait on va voir Mogwai. Il paraît que j’ai loupé “Hurt”, mais ce n’est pas trop grave, ya trouzemilles videos sur youtube.







– Les alentours du Stade de Chiba. Toujours pleins de bars et de bouffe, juxtaposant la plage de la ville

– L’interieur du stade, foutrement grand. Qui se transformera en piscine uen demi-heure plus tard, les plongeoirs en moins.

– Nine Inch Nails en live, avec un Reznor tout faché pas content.
(Cliquez sur les images pour agrandir)







Apres être obligé d’acheter un teeshirt pour ne pas chopper la crève du siècle, on se dirige vers Mogwai, qui joue devant une salle impressionnante. Un groupe que j’ai arrêté d’écouter il y a longtemps (depuis Happy songs for happy people en fait), mais qui m’a toujours fasciné. 4 guitaristes qui balancent des murs des sons impressionnants, superbes, captivant une foule fascinée. Et un dernier morceau, très électronique, qui s’étire sur plus d’un quart d’heure, qui monte, qui monte jusqu’à soulever les coeurs. (et que je ne reconnais évidemment pas, il va falloir que je retourne la disco du groupe pour le trouver). Superbe live.

Puis c’est la ruée, tout le monde tente de s’approcher au max de la scène, histoire de chopper une bonne place pour Aphex Twin, l’une des principales têtes d’affiche de ce Summer Sonic. ( Et évidemment un live à ne pas louper pour tout fan d’électro, tant le mec est insaisissable et dur à voir en concert). Le demi-dieu arrive, entouré d’écrans géants, et commence son live. Je ne savais pas à quoi attendre, mais la première demi-heure m’a un peu décontenancé, pas des masses enthousiasmé. Sorte de Dj Set surfant sur une musique acid couplée à quelques classiques (Lords on the acid, Jackson 5) Aphex Twin cale un “Windowlicker” qui semble là juste parce qu’il doit être là, et quelques autres digressions électro sympathiques mais pas affolantes. Puis le live prend une autre tournure, part dans un délire tribal salvateur avant de passer sur quelques beaux morceaux d’Aphex. On se prend sa petite dose de drill’n bass cristalline parfaite dans la gueule, avant de finir sur une musique flirtant avec le Hardcore.
La vraie surprise, c’est le film qui passait derrière. Cantonné à de simples images bourrées d’effets visuels sur la majorité du live, le tout va vriller radicalement, en passant des gros plans d’autopsies, à base de cerveaux ouverts, de viscères répandues, de cadavres rigidifiés, de sang partout, d’yeux que l’on coud avec une aiguille. Pour finir sur une fille se masturbant avec sa propre chiasse, et autres plans fécaux façon colombins dans ta face. Aphex se barre direct, la fille présentant les lives ne sait pas quoi dire et bégaye dans son micro, et ça faisait de toute façon dix minutes que la salle entière ne bougeait plus (ou presque, histoire de), à moitié paralysée par les horreurs passées sur écrans géants. Le gamin perché sur les épaules de son père à du apprécier.







– Aphex Twin semble avoir un probleme avec son Pc, mais en fait cela fait parti du show, premiere vision d’un film apocalyptique.

– Surement la seule photo du fameux final gore d’Aphex Twin que je peux publier sans attirer les foudres de la censure gouvernementale.

– Rigolez pas, c’est sûrement le lieu le plus important, incontournable, que dis-je, vital, de ce
Summer Sonic.
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Bref, tout ceci nous rappelle qu’il est temps de manger, et après un kebab, on se dirige vers les 2 Many Dj’s, tout en se demandant qui a bien pu avoir l’idée de projeter le film Watchmen sur l’ecran de la salle principale : “Hey les mecs, on met quoi sur l’ecran géant mal éclairé de la salle principale à la sono pourri, là où tout le monde bouffe et ou ya plein de musique ?” “Bah je sais pas. On pourrait passer Watchmen, c’est un bon film, c’est assez court en plus” “Hey ouai pas con ça, et si on a le temps, on met un ptit Almodovar juste après”.
Sinon, le duo belge a assuré dur, en empilant des tonnes de tubes devant un public survolté, monté sur ressors, réceptif à chaque changement de piste. Ok, il n’y avait pas vraiment de surprise dans le set, un peu trop “carré” et réglementaire. (ce qui semble presque obligé, pour caller les images de derrière et la musique.) Au passage l’idée de mettre les pochettes de chaque morceau passé, le tout animé, c’est vraiment sympa. Mais malgré ce coté “on pousse des tubes sur-cramé et on a préparé ça bien à l’avance”, le tout était quand même vraiment drôle, sans prise de tête, jouissif, d’autant plus que le set contenait quelques moments épiques ( Mr Oizo, Vitalic, The Clash, Proxy…). On se lâche et on saute dans tous les coins, on connaît 100% de la playlist mais on ne peut s’empêcher de vérifier les noms derrière les Dj. Impossible de ne pas se laisser embarquer par l’enthousiasme du public japonais (une constante d’ailleurs, chapeau). Bref : Bonheur.

L’acrobate des platines Dj Kentaro succède aux belges, mais l’on préfère foncer voir la deuxième partie du live de Tricky, autre grand homme de mon enfance. La première chose qui saute à la gueule, c’est le charisme et la présence de l’ancien membre de Massive Attack : Le mec est littéralement possédé, complètement perché, comme habité par un démon, en constant combat avec lui même. Le live est très centré sur de vieux titres et Tricky est en roue libre complète, sautant d’un bout à l’autre de la scène, torse nue, maigre comme une crevette et pourtant presque effrayant, imprévisible, intenable. Les musiciens sont parfois obligés de faire tourner la machine, garder la boucle, étirer la mélodie en attendant que le chanteur se décide à lancer un autre couplet ou ramasse son micro. Ils jouent en fonction de ce que fait Tricky, de ses mouvements, de ses envies. En plein morceau (sa version de Karmacoma, “Overcome”), le mec se barre. On ne sait plus trop quoi faire, on commence à se poser des questions, jusqu’à ce qu’il réapparaisse au milieu du public, à taper la discute, (ou prendre des clopes, allez savoir) avant de remonter sur scène. La sécurité vient de perdre deux kilos. On notera aussi la version de 15 minutes de “Cristiansands”, à crever, avec un Tricky qui chante le métro collé entre les cotes. Live impressionnant, hypnotique.

Mais ce n’est pas tout, et à part Aphex Twin, la principale tête d’affiche de ce Sumer Sonic pour moi, c’était le groupe de Hiphop expérimental Tha Blue Herb . Meilleure formation japonaise actuelle, utilisant autant les volutes d’une electronica Warpienne que la hargne d’un Hiphop inde, Tha Blue Herb est de loin l’une des entités que je respecte le plus (en enfonçant le clou avec leur dernier album Life Story ). Et le Mc, Ill-bosstino, ne se fait pas prier, et se pose directement dans son rôle de prophète, oscillant entre flow posé et crises de nerfs contrôlées, avec un public semblant écouter ses paroles avec une attention peu commune. La première moitié du concert est très envolée, avec des morceaux imparables comme “Phase3”, “Mainline” ou un “Still in the Bog” partant en vrille. Mais Ill-bosstino semblait avoir beaucoup de choses à dire ce soir là, et ne se prive pas pour parler du hiphop actuel, des boulots merdiques et d’une vie routinière frappant la majorité des gens. Et la deuxième partie du concert va flirter avec l’expérimental, avec un Mc n’hesitant pas à lâcher de longs monologues entres les morceaux, s’adressant directement au public (mon japonais étant plus que perfectible, difficile de suivre) instaurant un presque dialogue. Les instrues s’épurent, et les morceaux sont inédits, a l’instar d’un sublime “Still Raging” (selon les dires de l’artiste) où violons et accordéons s’embrassent longuement (pitié sortez ça sur disque) et n’hésite pas à rapper sur Roads de Portishead. Le concert finira sur un morceau où seul un piano et le Mc auront champ libre. Au fur et à mesure que qu’ill-bosstino éclate, s’envole, Dj Yas fait monter le volume, pour aller jusqu’à la rupture du sound-system, nous arrachant le coeur dans un même mouvement.







– 2 Many Dj’s brulent la salle, avec Mr Oizo en featuring

– Tricky, possedé, essaie de faire rentrer le micro dans son torax

– Tha Blue Herb, imperial
(Cliquez sur les images pour agrandir / enlevez le “http” en double dans l’Url si probleme)







La fin de festival approche, et tout le monde semble passé maitre dans l’art de dormir où l’on peut, et pioncent à même le sol dans des proportions assez hallucinantes (une salle entière est occupée par des gens allongés), alors on s’assoit tranquillement, afin de profiter de l’electronica assez Kraftwerk de Y.Sunahara, très planante, parfaite à 3 heure du mat’, même si un peu répétitive au bout d’un moment. Tout s’éteint, un dernier concert résonne dans l’antre du festival. Sinon on a entendu Kids de MGMT environ 8 fois ce jours là, vu que c’est la chanson concluant irrémédiablement un live, à chaque coup. Et tout à coup, je vois des anglais de 18 ans à moitié à poils qui gueulent dans un micro, des mecs en robe, une fille qui ne sait pas où aller, des tentes rose fluo, des lions en peluches, des fraises géantes et des caleçons. J’ai eu peur pendant quelques secondes, quelqu’un a peut être glissé de la dope dans mon verre, mais non, point de Lsd, c’est juste The Terror Pigeon Dance Revolt qui fait son show, et je ne sais pas c’est quoi, et au départ, je ne veux pas savoir. Quelques centaines de courageux semble encore avoir assez de force pour se dandiner devant six mecs hurlant dans seulement deux micros (allez deviner ce qu’ils ont fait des autres). Mais la musique de fond, électro naïve assez belle, accroche mon oreille, malgré le fait qu’elle soit un peu trop couverte par les crises d’hystéries vocales du groupe. Mais le tout est tellement alien que l’on suit le live jusqu’au bout. On dirait une bande de pote bourrée jusqu’à l’os en train de chanter pour rire, en retournant la chambre où ils se pochtronnent.







– The Terror Pigeon Dance Revolt dansent devant tes yeux, alors tu regardes si il n’y a pas du Rohypnol dans ton verre

– Cette photo n’est pas tirée du film 28 jours plus tard (les initiés devineront à quelle scène je pense). Ca pionce dur, alors que les enceintes hurlent toujours

– Oui, Il est bien 4h30 du matin sur cette photo
(Cliquez sur les images pour agrandir / enlevez le “http” en double dans l’Url si probleme)







Les salles se vident, il est 4h30 mais il fait déjà jour, tout le monde se rue sur le premier métro donc on se dit que bon, on va attendre un peu pour éviter de mourir étouffer dans le réseau ferroviaire. Les oreilles sifflent. Alors on regarde le soleil se lever entre deux buildings de Tokyo, une bière à la main, et l’on se dit que bordel, ce Summer Sonic, on hésiterait presque à le conclure en allant courir nu sur la plage, juste a coté, histoire de faire danser nos ombres sur la rougeoyante aura d’un soleil brûlant la rétine des plages nippones tout en… enfin, j’avais surtout sommeil.








Dat’








Clubroot – Clubroot

Posted in Chroniques on August 4th, 2009 by Dat'


Blues in my Bottle







J’ai vraiment eu du mal à mettre la main sur ce disque, que j’attendais depuis longtemps (toutes proportions gardées), après avoir croisé un titre au hasard de pérégrinations sur le web. Le genre de petit coup de coeur embrassé au beau milieu de la nuit, qui vous parasite pendant des semaines, avant de pouvoir enfin en entendre plus en mettant la main sur la galette.
Manque de pot, ce Clubroot de Clubroot (cela ne s’invente pas) est la toute première sortie d’un anglais qui sort encore de nul part, dont on ne sait rien ou presque, et qui se paie le luxe de sortir son album sur une petite structure indépendante qui n’avait jusque alors sorti que des Ep vyniles. (si l’on excepte un excellent mix de Starkey, quelques semaines avant) Et contrairement à ce que laisse penser le nom du disque, ce n’est pas aux bases du Clubbing que le musicien va s’attaquer, mais bien à de superbes fresques en suspensions, royaume miroir éthéré parachuté sur des rythmes bien appuyés. Un Clubbing peuplé de fantômes et autres créatures vivant en Slow-motion.
















Derriere un livret un peu radin en belles photos (impossible de trouver la vraie cover sur le net d’ailleurs, la photo de l’arbre ayant des teintes bleues sur le disque), mais agrémenté de pas mal de remerciements mettant en exergue la difficulté pour un label de balancer sa première grosse sortie, se cache un début d’album un peu raté. Pas mauvais en soi, mais subissant le contre coup des deux tiers suivants, mirifiques. En gros, après deux salves promettant un joli départ, on patine dans une musique sombre, assez répétitive sur les deux morceaux suivants, laissant la part belle aux échos et wobble bass nécrosées. Hypnotique, plaisant, mais pas foncièrement important. A dire, vrai, il serait médisant de dire que le titre d’ouverture, Low Pressure Zonene mérite pas son coup d’oreille, tant le tout est maitrisé parfaitement, entre réverbération de caverne, gros beat qui semble directement sonner dans le crane, et choeurs d’église androide à filer la chair de poule à partir de la moitié du morceau. Les effets sont superbes, la profondeur de son impressionne, et semble nous dire, en gros et en rouge “A écouter avec un casque audio svp“. A l’aube de ce premier morceau, on pense immédiatement à Burial. Celui du premier album, sec et aride, pas les sonorités baise-moites du superbe Untrue.

Et au milieu de ce sympa premier titre, et des deux coups de freins intervenant juste après, se trouve Embryo, empereur désigné de ce Clubroot, par sa durée (7 min 30) et par sa beauté. Classe incroyable, évidente, incontestable. Des synthés cristallins, angéliques, célestes, ouvrent le titre et violent l’âme. Le pilonnage du rythme, lent, claudiquant, agit comme un coup de boutoir dans un estomac déjà empli de papillons. Une ligne de basse vrombit, le rythme s’accélère, semble vouloir s’élancer directement dans le vide, nous emportant dans sa chute, interminable, sublime, parfaite. Anges en pleine rave dans une caverne de glace, suçant des psychotropes pour figer le monde, fatigués d’observer les hommes se bouffer les uns les autres. Electro immaculée semblant s’ébattre dans les zéphyrs. Ces claviers bordels. On n’avait pas eu un son d’une telle pureté depuis un certain Scuba. Et encore, sur ce domaine précis, Clubroot semble le tuer sur place.

Apres ce tunnel de deux titres où la lumière ne perlera pas, là où seuls échos et métronome sec vous tiendront compagnie (Dulcet et High Strung), la béatitude va reprendre du galon avec Lucid Dream, laissant une belle mélodie, voix spectrales et rythme Uk Garage s’elever dans un lit gazeux emplissant la totalité de l’espace disponible dans le cerveau. Pas de réelle évolution, on plane juste, on se laisse dériver, sous un soleil d’hiver. Celui que l’on affronte en haut des pistes, celui qui se répercute en millier de prismes sur la neige. C’est aussi le moment où l’album s’envole complètement, direction sublime, sans ne jamais, ou presque, avoir envie de nous refoutre la tête dans un trou sombre et poisseux.

Birth Interlude, (qui n’a rien d’une entracte, du haut de ses 4 minutes), serait presque mon morceau préféré de la galette. Pourtant, rien ne se passe, ou presque. Lineaire, diffus, débarque et se dérobe sans prévenir, comme une caresse. Des synthés, beaux à crever. Du vent. Du gaz sonore. Une mélodie qui m’arrache la colonne vertébrale. Et surtout, cette profondeur de son absolument incroyable, qui file le vertige. Tu écoutes ça dans le métro, t’as l’impression d’être à bord d’un nuage, rongé par la drogue, à dériver de stations en stations, la tête coupée par une lame de sérénité. Je ne sais pas, c’est juste la pureté aveugle, celle que l’on ressent par tous les pores, tout en cultivant un grain sonore que l’on pourrait presque toucher, malaxer. On a l’impression que le tout nous enveloppe, nous soulève, nous cajole. Et quand, tout a coup, un rythme déboule, on se dit que le morceau va partir en couille, va exploser, se déchirer. Que dalle, il va s’éteindre discrètement, nous laissant dans un état de mi-frustration mi-quiétude absolue.










Il est alors temps d’elever le rythme, de repartir pour une cavalcade. De celles qui vous font ouvrir les bras en courant sur l’herbe verte, avec le vent fouettant le visage. Ouai, des mecs comme Burial nous balancent dans une mégalope crade et hypnotique, pleines de lumières et de camés. D’autres, comme Scuba, ou Pinch, nous plongent dans une caverne de glace. Certains s’essayent à la techno de cathédrale. Mais Clubroot préfère les champs enneigés à perte de vue, les falaises vertigineuses fouettées par le vent, l’immensité et la solitude steppes d’hiver. La grandeur absolue des paysages, où seuls quelques aliénés trouvent refuge pour faire la fête, danser jusqu’à perdre pied, puis mourir d’une overdose contrôlée. Talisman, qui se paie la meilleure intro du disque (voix superbes, handclap puis grondements formant un tout tellement classe que tu fais écouter ça à un entretien d’embauche, t’es pris direct comme Pdg), laisse échapper quelques réminiscences Trance, avec un rythme plus marqué, imparable, et un apparat un peu plus pute, avec ces zébrures de voix et de synthés à la mélodie parfaite. Mais attention, ici, les voix ne font pas “Ouh yeah” “baby shag me” “I need you” ou “set me freeeeee” façon Burial, Pangaea ou FaltyDL. Non, chez Clubroot, ça hulule, ça berce, ça souffle, ça emporte. Pas de mots, juste des notes, des lignes, des vocalises. Des chants perdus dans les brumes, des susurrements désespérées. Ca émane des nuages, des arbres, du vide. Ca tue, c’est vraiment beau, ça t’ouvre deux grosses plaies sanguinolentes dans le dos pour y planter des ailes de chérubins. Je tuerai pour entendre ça sur un soudsystem de folie, passé dans un stade ou un cinéma. Histoire de voir mille personnes s’envoler en même temps. Genre secte à la con qui veut tutoyer les cieux en se tenant la main. Ouai, Clubroot, musique pour flingués, et autres cercles de camées voulant couper leurs psychotropes avec une dose de défonce sonore.

Alors ok, on pourra s’emmerder un peu sur l’ultra aride (mais court) Nexus, mais il suffit de le prendre comme piste de lancement du sublime Sempiternal, et plus de problème. Parce que Sempiternal, c’est l’autre bombe du disque, un espèce de morceau Trance religieuse traversée par des choeurs à pétrifier sur place tellement c’est parfaitement placé. Le rythme y est vachement soutenu, presque Techno, tabasse au milieu de cet océan cosmos. Et quand un break calme le tout, laissant un pied ultra sourd filer des coups de latte, on retient sa respiration, on savoure, car l’ultime envolée est absolument mortelle, avec ce grondement de la mort, et ces deux minutes oscillants entre clarté absolue, violons synthétiques et hachures électro. Séraphins en mini-jupes, Gloss sur ton nuage, Stroboscope dans la toundra.
L’album s’éteindra sur un supère Dub en Crystal, Serendipity Dub, hypnotique, en suspension, labyrinthe de reflets limpides qui m’arrachent les tympans quand la mélodie, superbe, débarque un peu après 2 minutes. Cette litanie, lâchée au milieu du morceau, frôle l’idéal dans le genre Je-suis-perdu-dans-les-lymbes-de-mon-subconscient, et ne manquera pas de faire des noeuds à nos chères ossatures dorsales.











Rien à dire, Clubroot m’impressionne. Par la beauté et la perfection de ses fresques sonores. Par cette envie de transporter une électro-dubstep-uk garage dans des recoins peu arpentés auparavant, même si restant en terrains connus. Si la filiation avec des mecs comme Burial ou 2562 est évidente, l’anglais arrive à creuser son propre terreau en travaillant sur la solitude des grands espaces, délaissant, sur la moitié des titres de l’album, la saleté des mégalopoles. Et c’est justement quand Clubroot tente de ramener du béton et des lampadaires dans sa musique que l’album calle un peu, si l’on excepte le très bon premier titre. Alors oui, la galette se prend un gros coup de mou dans la gueule à cause du 3 et 4 morceau, (et du 8eme, heureusement bien entouré) mais les morceaux entourant ces excavations caverneuses sont parfois tellement mirifiques que l’on en oublie totalement les deux-trois écueils suscités.

Mais le bonhomme m’impressionne aussi dans cette manière de tailler les sons, dans cette profondeur, cette dimension, cette ampleur qui file à ses morceaux. Contrairement à la 3d balbutiante des cinoches qui vous font raquer 13 euros, Clubroot semble avoir trouvé, seul devant ses machines, la technique de l’espace et de l’étendue sonore intégrale, ne nécessitant que deux bonnes oreilles et un casque molletonné. Les nappes, les synthés sont affolantes, les rythmes se propagent telles des ondes sur un lac limpide, les réverbs profitent de la moindre excavation de votre tunnel auditif pour ricocher dur. Même un mec qui gerbe sur la musique de Clubroot utilisera sans honte le cd pour tester ses nouvelles enceintes.


Il y a enfin cette propension à façonner, à l’instar d’un Eno, un genre de claviers qui me fascinent : ces nappes, ces sons impossible à décrypter, à définir, semblant autant être des choeurs éthérés que des synthés sortis d’un logiciel. A la lisière de la chorale robotisé, ou des lignes techno-trance organiques. Voix passées à la moulinette plug-in, ou synthés touchés par la grâce, difficile de trancher.
Ce qui est facile par contre, c’est de conclure. Clubroot sert un superbe album pour les amateurs du genre, et certains morceaux font parti de ce que j’ai entendu de plus beau cette année. Simulateur de chute libre, Sky diving dans tes tympans, t’as pas l’air con à vouloir voler dans l’infini en écartant les bras et en bavant de béatitude, alors qu’il est 19 heures, et que tu reviens du boulot dans un métro qui pue la pisse.



Pour ceux qui ont toujours rêvé de se camer avec les anges, le cul posé sur un nuage. Ou d’écouter un beau disque, plus simplement.















Clubroot – Embryo














10 Titres – LoDubs
Dat’












Andy Kayes – Invisible

Posted in Chroniques on July 31st, 2009 by Dat'


Mes-âmes et mes-cieux







Chez Manimal, tout est une histoire de transformation. En faucon pour s’introduire dans une usine et dérober des documents secrets, ou en panthère pour filer des coups de tatanes aux dangereux gangsters ayant eu la mauvaise idée de souiller la permanente de miss Brooke Mc Kenzye. Le mec était chaud comme la braise, jamais avare de mutations express hors champ camera, et c’était le bon temps, celui des gouters en bouffant des croissants devant Téléchat et Club Sandwich, des courses de trottinettes et des bonbons drôlement cools (Ouai, ceux d’aujourd’hui sont à chier, faut pas chercher plus loin le pourquoi de la sur-consommation d’alcool chez les tout jeunes).
Mais Manimal c’est aussi un groupe de Métal français qui vaut le coup d’oreille, se transformant parfois en Psykup. Sinon, il y a pleins d’autres groupes se prénommant Manimal, Animal Instinct, Instinct Animal, Instinct Male Animal, Manie Mal Ton Instinct, Manimal Maximal Mal d’Intestin et j’en passe. Et ce qui est problematique, quand il y a pleins de Manimals qui mutent en félins rédempteurs ou qui font de la musique, c’est que l’on ne sait plus qui est qui, et c’est drôlement le bordel.


C’est sûrement pour cela que Manimal Instinct à décidé de prendre sa forme finale, et d’opter pour un nouveau pseudo. Andy Kayes, ex Manimal Instinct donc, est un rappeur lyonnais gravitant depuis quelques années dans la sphère des Gourmets, posant sur pas mal de morceaux de ses derniers (Dont le classique “Ton Hiphop une grande fête”, ou “L’animal t’observe” et son instrue hypnotisante) Mais ayant surtout un sorti un mini album bien sympa en 2006, Retours aux sources – Back To the Primitives, gratuit et toujours téléchargeable ici même, contenant son petit lot de jolies claques (“Time”, “Who’s This”, “Dreams”…). 2009, un nouvel Ep, Invisible donc, sur Gourmets Recordingz.

L’autre particularité de Mani…euh Andy Kayes, c’est qu’il cultive lui aussi l’art métamorphose : Il passe de l’anglais au français sans problème d’un morceau à l’autre, permettant de s’adapter à toute situation présentant un danger imminent : Pouvoir négocier avec un fan de Manchester défoncé à la biere venu foutre à sac la place Bellecour, prendre l’eurostar sans flipper de savoir comment acheter son billet retour, faire croire à un anglais ayant les froggies en horreur qu’il vient de Southampton, jongler avec le charme français / anglais pour entourlouper la belle d’un soir… Bref que des trucs super utiles, tout du moins bien plus que de se transformer en loup pourri dans une serie qui n’a pas eu assez de thune pour tourner plus de 8 épisodes.
















Le premier Ep du lyonnais avait son petit tube, Who’s This. Invisible, lui, a Along The Way, imparable morceau à l’instrue nickel (handclaps, samples tordus, ensemble immediat ) et au débit continu. Première remarque, Andy Kayes semble avoir bossé son flow, super soutenu sans jamais bouffer un mot, avec un anglais parfait (J’ai fais le test en soumettant le tout à un pote américain, il a jamais pu deviner comme le bonhomme venait de France, ce qui est assez rare pour être souligné). Deuxième chose, Bonetrip’s, beatmakeur attitré des Gourmets, semble bien en forme dans le traitement des samples comme dans sa manière de porter un chorus que l’on aurait presque envie de chanter dans la douche. Il s’occupe d’ailleurs de toutes les prods de l’Ep. Sinon, ouai on claque des doigts dans le métro, et on bouge une nuque qui ne demandait que ça pour évacuer le stress des étouffantes mégalopoles. Difficile d’en dire plus, ça passe super bien, et on mesure le gap passé entre les deux sorties de Mani-Kayes.

Toujours en anglais, d’une façon plus posée, le morceau titre Invisible se reposera sur des notes de guitares acoustiques passée à l’endroit, envers et diagonale, débouchant sur un refrain aux synthés aériens pour un texte assez désenchanté sur la solitude. Le ton général de l’Ep, niveau texte, est d’ailleurs beaucoup moins enjoué que le précédant, Andy Kayes laissant sa plume s’ébattre sur des terrains plus acerbes et désabusés, en n’hésitant pas à aborder renoncement et repli sur soi.
L’excellent Ma Fourmilière en français, en sera le parfait exemple, le rappeur débattant sur la morosité et les pièges d’une vie banale, relations biaisées, poussant à la claustration et à l’inévitable fléchissement moral. “La fiction ne répond plus comme ces soirs de crise où l’on s’adresse à dieu / à l’aube ne me parle pas, j’suis nerveux dans les transports / j’vise l’heure pendant que l’avenir ouvre le 20 minutes à la page des sports / Derrière nos formes, entends nos cris là où les fous sont rois / Pas de Roméo ici, les filles s’mefient si tu te montres trop courtois” “Moi mon adolescence, j’ai vécu ça comme une mauvaise grippe / Un mauvais film où les acteurs t’écrasent si tu ne sors pas tes griffes / J’connais mon script, le temps nous berce avant que les yeux se ferment / Ma mère aurait souhaité un fils médecin, elle n’a eu que les cernes” L’instrue est vraiment belle, bourrées de détails, entre beat bien sec, clochettes discrètes, choeurs étouffés et surtout des lignes de violons qui prennent de l’ampleur à mesure que les lyrics poisseux t’étouffent. Le break du milieu de morceau est parfaitement placé entre les deux salves de noirceur, pour un morceau qui se pose comme un parfait pendant de “L’intervalles de sécurité” des Gourmets.
De l’ardoise à l’ordinateur permettra d’aérer les esprits avec une prod plus légère, genre funk digital en slow-motion avec un rythme qui claque comme la mort, sur un texte en mode regard sur soi/autocritique excellemment bien foutu.

Bon tout ça, c’est bien, mais il y a un titre qui domine les (d)ébats, qui écrase l’Ep de toute sa prestance : One Life One Shell. Pas difficile, c’est en grande partie grâce à la production, en constante évolution, encore pleine de détails. Ne vous attendez pas à un rollercoaster expérimental, ça reste normal dans son ensemble, mais tout s’imbrique à la perfection. Mélodie au piano, limpide, cristalline, qui vient directement squatter le cerveau. Rythme cinglant, tranquille, impeccable métronome. Puis des choeurs candides viennent se greffer, le refrain débarquent et te paie une tournée de cordes tristes. On remballe pour un deuxième couplet, ça repart pour un tour, mais cette fois un petit violon se trimballe dans tes oreilles en sautillant gaiement, avant de se faire jarter par ses grands frères qui te chialent à la figure. Et ça se nécrose sur une gratte acoustique mélancolique évidente, et une dernière petite excavation princière. Bonetrips peut prendre des vacances, il s’est déchiré. Manimal pose en anglais, avec un flow un peu diffèrent et plus appuyé, presque Uk Garage dans sa façon de déclamer certains mots. “My world spin like a cylinder”. Ouai ben nos tympans aussi.
Et pourtant, je suis tout colère. Car ce One Life One Shell existait dans une autre version trainant depuis un bail sur son myspace, avec une sublime instrue électronica, bourrée de nappes planantes et de synthés en 3d d’une profondeur assez énorme. Un vrai ravissement, une petite tuerie qui tourne sur mon player depuis un bail et parasite sans pitié mon top last-fm, mais qui a du être abandonnée pour l’Ep car blindée de samples non clearés. Tant pis, on s’en remttra, mais c’est vraiment dommage. Cela aurait été cool de la foutre en ghost track. La bonne nouvelle, c’est que les deux versions du morceau sont énormes, impossible à départager, l’une officiant dans une progression acoustique de haute volée, l’autre dans un écrin Hiphop électro comme on en entend pas si frequemment. Et dieu sait si j’ai flippé en entendant les premières notes d’un piano qui n’avait, au départ, rien à foutre là. Mais non rien à dire, la nouvelle version est au moins aussi belle que l’ancienne.
Alors au pire, allez voir Andy Kayes en concert après avoir préalablement passé un coup de téléphone à M6 en leur promettant quelque chose d’énorme histoire qu’ils ramènent leurs cameras, demandez à l’artiste de passer cette version électro du morceau, elle aurait tellement de succès que les Tv vont halluciner puis le passer en boucle au 20 heures, le label gagnera alors plein de fric, pourra clearer le morceau, vendre des disques dans le monde entier, puis on pourra dire que l’idée vient des Chro Automatiques, je deviendrai riche aussi et je pourrai racheter Pitchfork.com et promis vous pouvez poser des congés car on fera tous la grosse fête pendant un an non stop, un beau projet. (Vous pouvez d’ores et déjà vous inscrire dans les commentaires)









Au final, Andy Kayes nous sort un nouvel Ep plutôt bien foutu, en prenant la voie vraiment bien venue de l’introspection, avec des textes taillés à la serpe et des instrues qui valent souvent le coup d’oreille, mitonnées avec préciosité. Au final, seul l’un peu morne Seul les cafards survivront fait la gueule, pas à cause des lyrics, toujours aussi bien sentis, ni de la participation de Liqid, toujours aussi incisif, mais justement à cause d’une instrue beaucoup plus linéaire et décharnée. Qui colle certes au thème, mais tranche avec l’évidence et la richesse de ses camarades. (en première ligne les Ma fourmilière et One Life One Shell, évidemment) A l’écoute de L’ep, les désireux d’un hiphop sobre et bien foutu seront aux anges, les autres partiront en courant. L’avancé/fossé entre les deux sorties du bonhomme est clairement palpable, ce qui n’augure que du bon pour la suite.

Ah oui bon par contre c’est con, mais l’Ep n’est dispo qu’en digital, même pas de 12″, ça fait un peu chier. M’enfin ce n’est pas grave, faut s’y habituer, le prix est bas en plus, et je suis désabusé depuis que je sais que le rayon disque de la Fnac va bientôt disparaître, genre dans 2 ans max, il n’y a que CD1D et Norman Records qui ont tout compris et qui deviendront les nouvelles têtes pensantes de la vente musicale gravée sur galette, pendant qu’Itunes tuera tout le monde, et se retrouvera greffé sur la peau des plus récalcitrants pour les transformer en robots, les humains se terrant dans les souterrains d’un désert ravagé en attendant le sauveur comme dans un film raté. Et puis c’est pas grave, on a déjà plein de Cd et on peut se faire un tapis avec, et se rouler hystériquement dessus en rêvant de feu Virgin-manhattan, ce qui est plutôt cool.


En attendant l’apocalypse, Invisible est une excellente nouvelle balise dans la voie alternative que se trace Andy Kayes au sein du Hiphop français, entre introspections mélancoliques et descriptions lucides, le tout sur des instrues d’un Bonetrip’s en grande forme. It worth a click, comme dirait l’autre. Un excellent Ep sans prétention et discret, mais suffisamment bien troussé pour ravir les amateurs du genre, en espérant enfin avoir rapidement l’occasion d’entendre Andy “Manimal” Kayes sur long format, sa plume et sa capacité de switcher de l’anglais au français ne pouvant être que des avantages pour pondre un album que l’on attendait déjà de pied ferme à l’aube de son Back To the Primitives.













Andy Kayes (Manimal) – Time
Extrait de son premier Ep “Back To the primitives”, toujours dispo gratuitement sur son site…












6 Titres – Gourmets Recordingz
Dat’













Abstrackt Keal Agram – Bad Thriller

Posted in Chroniques on July 22nd, 2009 by Dat'


High Fidelity







Il y a des jours où l’on n’a pas envie de se tourner vers une nouveauté. Les bacs des disquaires ne nous inspirent pas. La chance ne nous permet pas de tomber sur une perle rare et méconnue. Les finances se révèlent être sur la corde raide. Alors on se tourne vers ses vieux disques. Pas ceux du haut de la pile, achetés il y a quelques mois, et usés après une centaine d’écoutes intensives. On les ressortira un peu plus tard, laissons les s’enfoncer un peu dans les lymbes de notre discographie. Non, je parle plutôt de ceux qui sont classés comme incontournables dans nos têtes, comme cultes. Que l’on ressort à chaque discussion, que l’on relance assez souvent, au détour d’un mp3, d’une envie de musique, d’ambiance. Mais que l’on écoute évidemment moins qu’avant, l’impression de connaître le disque de bout en bout refrénant parfois l’envie de s’y replonger.

Ce disque d’Abstrackt Keal Agram, j’ai toujours voulu en parler, depuis l’ouverture de ces pages, sans en trouver le courage. Certains l’ont surement deviné, à force de vous bassiner à coup de Tepr, de “mais ou est donc l’abstract français ?” and co… J’ai toujours eu envie de mettre l’artwork, de faire un super article super objectif afin d’etre super convaincant. Pourtant, il est quasiment impossible de s’attaquer à un disque que l’on estime, pire, que l’on vénère, quand on sait pertinemment que tout ceci émane de quelque chose d’hautement subjectif, foncièrement sentimental.
Surtout quand L’album en lui même, est ultra casse gueule : pochette moche (et qui peut même induire en erreur sur le contenu réel du disque), tracklisting batard et éclaté, musique partant dans tous les sens, galette courte avec une bonne odeur de boulot non fini. (surtout quand on attendait à l’époque, ce Bad Thriller comme le messie…)

Abstrackt Keal Agram (AKA), c’est d’abord et avant tout un duo breton, qui ont ravi avec des albums d’electronica / abstract Hiphop, pièces maitresses dans un paysage français qui avait bien besoin d’une pointe dans le genre, à l’orée des années 2000. Un premier album fait avec trois bouts de ficelles sur un mini label, Monopsome, puis une bombe, Cluster Ville, sur Gooom records.

Car AKA, c’est aussi l’histoire de Gooom records, petit label indépendant français tristement disparu depuis une poignée d’année. Label ayant déterré/découvert, en plus d’AKA, la pointure M83, Montag, Mils, Villeneuve et le duo Cyan & Benn (dont j’avais fais une chronique il y a un bail, et je le regretterai presque, tant ce superbe disque mériterait une belle nouvelle et longue chro réactualisée), tout en nous abreuvant de deux compiles excellentes, conviant les bonhommes du label à se la jouer remix consanguins, tout en appelant Prefuze73, Tacteel (qui remix d’ailleurs Aka), Alias, Sole, Mùm, O.lamm and co pour compléter le line-up.
Bref, tout ça, c’est bien, et à chaque fois que j’écoute Bad Thriller, ces précisions me trottent dans la tête. J’en ai deja parlé pas mal de fois, mais ça ferait quand même une bonne intro.
















Pourtant, si je devais faire un article sur ce Bad Thriller, je commencerai évidemment par dire que la pochette n’est pas fofolle, et de surcroit avare en précisions, même si l’écusson intérieur a la classe, et ne ferait pas tache sur un polo pas piqué des hannetons. Je dirais aussi que j’attendais le disque comme un dingue à l’époque, étant fan absolu de l’entité bretonne, et qu’en faisant claquer la galette dans mon discman, j’avais tiré une gueule d’enterrement vu que le tout fait à peine moins de 40 minutes.






Ce qui est compliqué avec ce disque, c’est qu’il brasse méchamment les genres, tout en gardant par miracle cette ligne directrice poisseuse et électronique. Suffit de prendre le premier titre, qui m’avait complètement désorienté à la découverte. On s’attend, quand on connaît le groupe, à une bonne ligne de rythmes cinglants et de synthés électro, et l’on se tape une espèce de montée shoegaze noisy pétrifiante, genre cliffangher d’un film noir avec tout le monde qui crève dedans, la carotide tranchée, la langue pendant dans une mare de sang et autres yeux révulsés. Bad Thriller, ouai putain, il l’a pas volé son nom. Si l’on excepte le tintement funèbre en métronome, il n’y a aucun repaire, juste une masse, granuleuse, sombre comme la mort, qui prend de l’ampleur, s’intensifie, nous étouffe presque. Qui s’infiltre dans nos tympans avec douceur, pour les compresser, les déborder, les écraser de toute sa puissance une minute après. Mais au point culminant, lorsque la rupture se fait sentir, tout ricoche, et une guitare acoustique, doucereuse, accompagnée d’un chant pop, déboule marasme. Un folk qui vient de sortir de la bouche même de l’enfer, et qui va, après deux-trois petits couplets candides, se faire avaler, annihiler par la même force sépulcrale. Premier titre, on est déjà séché sur place, à se demander ce que l’on vient de se prendre en pleine gueule. Le concept, écrit comme ça, semble ubuesque (la vignette folk coincée dans un typhon sonore), mais se tient parfaitement, et constituerait presque une des amorces de disque que je préfère. Mais bon, ça je vais éviter de le dire si j’écris dessus, ça fait ringard, un peu fan sans discernement et peu crédible.

Heureusement, Street Lamp Confession est peut être le seul morceau facilement identifiable : C’est du Hiphop. La culte Atom Family revient pour poser sur un morceau ultra sombre, claudiquant, genre Gameboy détraquée qui surfe sur des handclaps découpés à la serpe, sur fond de sirènes et de synthés cradingues. Flow des américains nickels, beat qui tue, et dernier tiers qui frise le tube avec sa phrase lâchée ad nauseam. Sauf que justement, cette fin se décanille, se ralentie, décède tranquillement dans nos oreille, comme un coeur qui en aurait marre de pomper, et qui aurait décider de piquer un éternel roupillon, aka le morceau qui trépasse.

Bon, on a tenté le shoegaze noise et le Hiphop, il faut bien se tourner vers l’electro. Et c’est avec Riviere que le groupe réalise un des plus gros morceaux de leur courte carrière. Je ne pense pas que je vais un jour arriver à décrire ce titre d’une façon posée ce petit diamant, donc c’est plutôt cool d’avoir encore avorté l’article de ce Bad Thriller, pour parler d’une énième sortie Planet-Mu. Mais à chaque fois que j’écoute ce morceau, dans le métro, dans la rue, chez moi, la nuit, le jour et entre les deux je pense toujours à la même chose : Beat absolument énorme, qui tressaute en boitant comme un camé. Mille-feuilles de synthés bontempi cradingues qui chialent une mélodie parfaite. Un grain de son bien degueux, façon je laisse ma guitare branchée avec l’ampli à fond. Ca tabasse, c’est vraiment beau, ça te jette des étoiles dans les yeux pour les souiller juste après en crachant de la saleté dessus. Scratch, break, on passe à un abstrackt électro en mode rouleau compresseur, damned le toit est en feux, on a envie de se déboiter la nuque pour suivre le rythme. Ca prend encore une ampleur ollé, par accoup, avec une ligne de basse d’un coté, un clavier granuleux de l’autre. C’est jouissif à en crever, t’es pris dans un putain de décollage que tu sais déjà épique. Encore un break, silence, explosion, les synthés hurlent, une ligne shoegaze perçante renverse tout, la mélodie se la joue mur du son, c’est à crever, ça t’arrache la colonne vertébrale, le coeur, les jambes, tout, la montée ultime. Quand tout s’arrête, on entend encore, pendant trente secondes, le grondement des machines, qui viennent d’en chier un maximum, qui n’en peuvent plus, qui capitulent.
Sinon ouai donc, je suis dans le métro, je pense ça. Mot pour mot. A chaque fois. Pire, je pense irrémédiablement, à chaque écoute, que “merde, il faudrait que j’écrive un truc sur ce disque quand même…” Limite j’aimerai bien avancer dans ses pages que c’est un de mes morceaux electro que je préfère. Même pas électro en fait, à l’époque, cela devait être l’un des meilleurs morceaux de musique qui avait pu échouer dans mes oreilles décalquées.
Mais ça fait con, les gens qui liront ça vont se marrer, puis écouteront le tout avec la vidéo youtube que je mettrai en fin de page et trouveront peut être ça “cool“. Ou “pas mal“. Donc cela ne sert a rien de s’enflammer et de partir en vrille. Ouai, si un jours j’écris un paragraphe sur ce morceau, je dirai qu’il est pas mal. Yep, c’est plutôt bien ça, pas mal.










Apres une telle bourrasque, les Bretons ont la bonne idée de nous glisser Delta Force, avec Poor Boy en feat (qui vient de sortir un excellent nouvel album d’ailleurs, Dreamer Are you Sad?). La guitare acoustique fait son retour, fragile, étincelante, épaulée par un accordéon dépressif. Et une voix, cette voix, lancinante, trainante, presque résignée. C’est un folk post-conflict, un tableau désincarné qui s’enrichit d’un rythme rond, en roue libre, semblant obéir à aucune regle ni structure. Ce Folktronica se retrouve petit à petit découpé en rondelle, la gratte va et vient, on croirait à la création droguée d’un spectacle, dont on verrait les fils, les erreurs, les idées abandonnées. Des scratchs discrets fusent, les textes se bouffent, la batterie capitule. Tout se mélange, monte, bug, se renverse, se nécrose, et s’élève vers les nuages dans le même mouvement, grâce à ces notes paraboliques. Superbe petit moment, de solitude poissarde, de recueillement, de choeurs chétifs et malades répondant à un texte “When you wake up, you feel so tired/ Destroyed by the rules of time / Drive a car to the office / Listenin’ to the news from the voice / We only care about Wall-Street fall” aussi fragile et fataliste que son écrin sonore.

Et c’est dans cette pratique, nouvelle, du grand écart, qu’ AKA nous prend de nouveau à contre pied avec Yo, Rap !, petite pépite aux fondations abstract-electro, mais à la tête encore plongée dans les bras de morphée. Ca joue avec les clochettes Plaid-ienne, et une mélodie toute belle tentant d’échapper aux crades textures qui ne rêvent que de la saloper. Deuxième tiers, la litanie se proclame reine, et sort une guitare shoegaze pour nous hérisser les cheveux, et balancer un passage chair de poule. Tout se tait, il ne reste plus que ces clochettes larmoyantes sur une saturation, c’est super beau, tout candide et naïf. Encore une fois surement rien de spécial, je ne sais pas, ce n’est point important.

Ce qui est important par contre, c’est de poser une oreille sur La Nuit s’éternise avec le rappeur Arm en feat, tête pensante de l’ô combien incontournable entité Psykick Lyrikah. Là encore, je me retrouverai surement dans une impasse à tenter de parler de ce morceau héroïque, Hiphop français qui flinguerait l’échine des moins réceptifs au genre. Ce morceau, c’est un flow, impeccable, reconnaissable entre mille, du rennais Arm. C’est aussi un texte parfait, dissertant sur la page blanche, sur ce moment qui file entre le stylo peinant à cracher des phrases et un bout de papier n’attendant que ça. Sur la solitude aussi. Et sur cette ville surtout, humaine, riche, hideuse, noire, personnage à part entière, idée indéfectible chez Psykick Lyrikah. “Et l’heure tourne, mais sans dormir / Par peur d’avoir peur, parce que sans mentir / La fumée calme, les nerfs se calent sur l’arme du verbe et sa plume barricade / Dehors la pluie s’éternise, dehors les rêves se figent et s’écroulent ivre-morts / dehors la ville gronde et grave le sol de ses griffes d’ombre elle brave le seuil dont ils flippent tous / les bronches pleines, le souffle vide à picoler tant de haine / Piliers de comptoirs défiant les demis, enchainant les blondes en ruinant leurs vies / Dehors la ville terrorise, jm’en branle, ma clope altère mon air et ses théories…”
Mais c’est aussi une compo de folie de la part d’AKA, instrue chape de plomb ultra sombre, avec des synthés renversants, écharpant les états d’âmes du vocaliste. Le temps, autre thème central du morceau, on l’a avec ce bruit d’horloge incessant, battement vital et angoissant, mais aussi à travers ces synthés etirés, crasseux, au bord de la crise de nerf, maquillant une progression de plus en plus étouffante, de plus en plus asphyxiante. Pour, encore une fois, une vraie montée, une ascension vers le divin, avec un final absolument renversant, Shoegaze synthétique à pétrifier sur place, saisissant un flow qui devient fou, implacable comme la mort, nous giflant à chaque phrase crachée sur ce lit électro qui me tue à chaque fois. J’ai toujours pas compris comment les trois loustics avaient pu créer un tel morceau. D’ailleurs, la bonne nouvelle dans le fait de ne jamais écrire sur ce disque dans les Chro Auto, c’est que je n’ai pas à me prendre la tête et choisir entre cette track et “Le Dernier Chapitre“, autre morceau ahurissant réunissant AKA et Arm, tendant lui aussi vers la perfection (et présent sur le premier album du Psykick Lyrikah). Impossible de trancher.









Nato semble puiser dans le coté expérimental du groupe, subtilement exposé sur deux morceaux de leur précédant album. Une composition découpée, ensemble de voix inintelligibles, de bruits bizarres, de brisure, de notes éparses. On croirait à du Prefuze lâché dans une machine à laver. Mais ce vitrail sonore va prendre forme autour d’un superbe violon sorti de nul part, grave, superbe, qui va transporter le tout sur un Abstract hiphop cristallin, à tomber, parfaitement placé. Un beat jouissif, qui claque, une mélodie aérienne, une guitare en pleine crise d’asthme. Les anges copulent avec le bitume.

Bizarrement, alors que la fin du disque se profile, le tracklisting décroche. Part lui aussi en vrille. Au lieu de nous filer deux titres de conclusion que l’on espéraient cultes, Bad Thriller se barre. Casse son statut d’album. Moore Choice, avec de nouveau Poor Boy, est une mini vignette d’une minute trente. Pas finie. Mais encore, malgré tout, en progression, avec cette guitare rapidement accompagnée de claviers lunaires, et d’une voix complètement hachée.

Et comme dernier titre, un remix de M83 du titre Jason Lytle d’Aka, présent sur le précédant album (et directe référence au groupe Grandaddy). Pourquoi faire les choses à l’envers, foutre un remix de M83 (grands copains des bretons), alors que, tant qu’à en mettre absolument un, on pouvait inclure la sublime refonte du “Run into the Flowers” de M83 par AKA ? Bon la bonne nouvelle, c’est que ce Jason Lytle (M83 version) est excellent, avec ces guitares et synthés qui partent, comme d’hab avec ce mec, directement dans l’espace. La fin est grandiloquente, absolue, fascinante. Ce titre, c’est une rampe de lancement vers le paradis.











Alors depuis 5 ans, je réfléchis. On fait tous ça avec nos albums de chevet, surtout quand on sait qu’il n’y aura pas de suite. On creuse dans le rien, on construit des théories stériles, on se créé des suites. Je me demande bien si cet album ne serait pas une fausse compilation, histoire d’imprimer une dernière fois les travaux d’Aka sur une galette avant la séparation. Merde, on a que 7 titres, on va caller en plus une chute de studio, et le remix d’un pote. Ouaip. Ca, plus l’étrange diversité affolante, les directions et genres brassés tout au long du disque, entre Electro, Folk, Hiphop, Shoegaze, Abstract… Enfin, ça c’est la vision que j’ai maintenant, car à l’époque, avant d’apprendre la triste fin d’Abstrackt Keal Agram, je pensais, (à foutre ma main au feu), que ce Bad Thriller était un pont bizarre, une porte branquignole et éclatée, hors d’oeuvre parfait d’un nouvel album qui ne viendra finalement jamais.
Et petit à petit, je me suis convaincu que ce troisième album était au final la fermeture de boutique parfaite, laissant déjà perler les amours de Tepr pour les envolées épiques et les morceaux à tiroirs, et ceux de My Dog is Gay pour les guitares et l’utilisation de la voix. LEs morceaux trahissent les racines Rock des deux bonhommes, confirme leur amour du hiphop et de l’electro, et assument le coté mélodique presque pop. Bad Thriller, n’étant pas dans la continuité, mais bien une synthèse parfaite de ce que le duo a fait précédemment, et de ce qu’ils auront fait dans le futur, après cet album (qui écrase les deux précédents). Boule de cristal sonore, sorte de Sampler avant l’heure de ce qu’allait nous servir les deux bonhommes en solo. Abstrackt Keal Agram fera alors la bande son de films porno (si si), quelques titres ambiant, puis plus rien. Depuis, Tepr a sorti un deuxième album culte, produit Yelle, et fait le tour du monde. Son compère a formé Fortune et retourne le web avec son énorme tube Bully (qui était, à la base, un titre composé sous la bannière Aka. Le dernier surement).


Je ne peux pas m’empêcher de me dire que l’album est inachevé, mal torché, court, bancal. Pourtant, chaque morceau, un par un, défoncent, et ramassent la majorité des prods de l’époque dans le même genre. Tant dans leur construction, presque toujours basée sur la prise d’ampleur, sur une progression filant le tournis, que dans leur propension à se renouveler, étonner et accrocher après chaque écoute, même des années âpres : Riviere calme violemment tout amateur d’electronica affolante, La Nuit s’éternise happe les amateurs d’Hiphop français indé, Bad Thriller fascine les amateurs de digressions Noise-shoegaze, Delta Force ravit les coeurs épris d’une Folk des villes…




Evidemment, j’ai pas mal pensé à l’idée d’écrire une bouillasse pleine de compliments enflammés, forcement mal écrite car passionnée, trop subjective et imprécise. J’avais même pensé à caller ça lors d’une éventuelle (non prévue) fermeture de blog, histoire de finir sur un truc qui vient directement des trippes. Ou d’en parler lors d’un éventuel Top 10, trop fatiguant et trop compliqué à mettre en oeuvre, ce dernier changeant tout le temps. (Mais oui, ce Bad Thriller est clairement à positionner dans mon nébuleux et protéiforme Top 10 musical)
Mais rien n’y fait, à chaque fois, une sortie intéressante se pointe, reléguant ce AKA à un “ouai fait chier, on verra ça plus tard“. Et puis c’est un peu foireux de d’énoncer sur un paragraphe que cet album, on l’a écouté jusqu’à en voir les rayures apparaître, que les morceaux ont accompagné certains moments de notre vie, et restent définitivement accrochés à ces derniers. Quand je mets cette phrase sur un Chris Clark, un Mr Bungle ou un Autechre, je ne sais pas pourquoi, mais ça passe, ça me semble cohérent… Alors que sur ce Bad Thriller, ça sonne con, absurde, tant ce dernier est ratatiné. Brillant, sublime mais incomplet, et sans réelle dimension, autre que sentimentale et personnelle.




De toute façon, comment écrire un article sur une galette que l’on aime par dessus tout, sans savoir pourquoi, sans pouvoir en fournir l’explication? Comment faire un article sur le disque d’un groupe mort, sorti sur un label mort, qui de toute façon sonnera anodin pour la majorité des gens ?


C’est simple, on ne le fait pas.















Abstrackt Keal Agram – Rivière















9 Titres – Gooom Records
Dat’












FaltyDL – Love Is a Liability

Posted in Chroniques on July 14th, 2009 by Dat'


L’hôtel particulier






FaltyDL est une nouvelle fois un producteur dont on ne sait rien, ou presque, venu de New York et dégoté par un Paradinas décidément peu avare en nouvelles signatures. Un Ep sur Planet-Mu, quelques Mp3 disséminés avant sur le net, rien de plus.

La pochette, elle, étonnera et contrastera avec les habituels artwork du label anglais, et pourtant réalisé par le même collectif AS1. Apres les vaches écartelées ou les cochons en rut pour Venetian Snares et les cadavres au crane défoncés pour µ-ziq, les designers se penchent sur une ode aux demoiselles des before 70’s.
Ils semblent d’ailleurs particulièrement apprécier Jane Birkin, qui apparaît plusieurs fois dans la pochette, et les plus attentifs y croiseront même B.Bardot. Bref, toujours pas d’indication précise sur le contenu d’un Love is a liability bien mystérieux, mais qui, après avoir glané un premier morceau sur le net exposant un curieux mélange, allait se révéler obligatoire à écouter, histoire de voir si le tout se tenait de la sorte sur long format.















Une fois n’est pas coutume, écrémons, et allons (presque) à l’essentiel. L’album, dans ses grandes lignes, se présente comme un curieux mélange de dub éthéré avec vocals pitchées à la Untrue de Burial, de Garage-2step étrangement mélancolique, et de mélodies 8bits naïves. Le tout dans un écrin électronica ciselé avec préciosité. Love is a liability est très homogène, et déroule une recette bien tenue sur les 13 morceaux. Aucun faux pas, aucun morceau faisant poindre l’ennui (Dans le genre, c’est assez rare pour être signalé) mais quelques morceaux qui ne soulèveront ni coeurs ni foule, concédant simplement à provoquer le plaisir simple et salvateur d’un va-et-vient de nos tête, en rêvant. Certains morceaux passent, enivrent, réjouissent sans vraiment marquer.

De The Shape To Come, bizarre litanie electronica, à Encompass , morceau très Dub électro qui n’aurai pas fait tache sur un album d’ High Tone, en passant par Truth, excellente petite digression grime-chiptune, ou Eniua et son Idm sombre et déstructurée, voir Dyonisos, excellente petite bombinette gameboy dancefloor imparable… on navigue dans le très sympathique, si l’on accroche au style extrêmement marqué façon garage slow-motion hanté par des voix r’n’b dance bouffées par les changements de pitch. Certains morceaux aux teintes méchamment 2step / Garage auraient pu figurer dans les compiles Grime 1 & 2 du label Rephlex, de part leurs coté dubstep électro aride. (Vous êtes perdu dans l’étiquetage des genres ? moi aussi.)










Human Meadow, premier stage du disque, et ayant eu le privilège de se faire remixer par des pontes de Mu sur l’Ep le mettant à l’honneur, ouvre les hostilités de la plus belle des façon. Un coté un peu dance pute noyé dans un écrin mélancolique (les voix, à base de “ouh yeaaah”, “wooohuuhoo” et “forever forever baby” dépressifs s’acoquinant aux reverbs) le tout supplanté par une bassline dubstep qui décrasse. C’est joli, hypnotique, et fait fourmiller le bassin. On pas loin de certaines compos de Starkey, pote de label, comme si le titre Miracles se paraît d’un manteau aux tissus un peu plus légers.

Winter Sole mettra les amateurs de dubstep déviant à genoux, en balançant un morceau sombre, d’une jolie profondeur, parfaite pour étriper la dimension sonore d’un casque audio. Habité par des cordes à chialer sur son introduction, le disque va basculer graduellement sur des claviers analordiens désabusés, réminiscences trance et autres vrombissements bien sentis, pour une fresque aride, presque minimale, mais plutôt belle.

Reste que le premier morceau à filer une petite claque, et surtout imprimer un joli sourire sur nos trombines, se profile avec To New York, que l’on sent tubesque dès ses prémices, avec cette ligne de basse imparable, et cette petite litanie 8bits naïve et marrante, qui va petit à petit s’enrichir, emplir l’espace, bouffer les pistes, avant d’exploser sereinement et nous emmener sur une électro parfaite pour faire dandiner le cul de Yoshi. Le morceau est lumineux, en constante progression, et use intelligemment du coté chiptune pour tailler une tuerie guillerette mais nostalgique. Le final en convaincra plus d’un, basé exclusivement sur ce chapelet de Gameboys camées qui s’enlacent. Même délire avec Our Loss, garage dubstep conventionnel faisant de nouveau la part belle aux voix puputes, va basculer en sa moitié en nouvelle invocation assez énorme, à la gloire des jeux vidéos rétro.










Mais bizarrement, ce qui sort cet album de FaltyDL de la case “galette bien sympa” pour le foutre dans celle des “galette bien sympa avec des passages qui te cloutent au siège”, c’est sa dernière ligne droite. Les 4 titres finaux, qui semblent avoir été placé exprès en conclusion, histoire de te filer la baffe que t’attendais patiemment depuis le début, climax violemment beau d’une ballade juste affriolante.

Le premier, Anxiety, se réclame directement du son à la Burial, Pangaea, Clubroot and co, avec ce rythme syncopé et sec donnant la repartie aux vocals fantomatiques toujours pas capables d’aligner une phrase entière. C’est les échos qui te font planer, les beats qui te cisaillent la gueule, c’est la mélancolie poisseuse d’une mégalopole cradingue qui galope dans tes tympans et qui te choppe le coeur. Mais c’est surtout un break superbe, intervenant assez rapidement, qui ouvre sur un violon synthétique à crever, qui accompagnera le morceau jusqu’à son extinction. La montée des cordes, qui resteront pourtant toujours en retrait, file la chair de poule, fait basculer le tout dans une valse des sentiments, dans une mini introspection, façon “je regarde la pluie tomber par la fenêtre en soupirant, avec une tasse de thé ou une bière lovée dans la main”. Plus d’un Skinner paieraient pour poser là dessus. Un vrai petit diamant. Ca se la joue dancefloor, mais c’est d’une tristesse à couper au surin.

Pink On The Inside se permettra lui aussi de nous titiller la colonne, en plongeant le son de FaltyDL dans une piscine plus electronica. Le tout commence dans la norme imposée par le disque, avec ce dubstep spectral. Mais ce dernier va doucement muter, et accueillir un très beau synthé typiquement µ-ziq, façon Idm belle mais malsaine, candide mais cancéreuse. Radieuse, c’est un masque. Et ça monte, ça monte, ça t’arrache les cheveux un par un, avant de finir dans un océan de nappes esseulées, dissonantes, hypnotiques, presque grandiloquentes.

Faisons une petite entorse à la chronologie de ces 4 dernières munitions, en passant directement à la dernière piste de l’album, The Shape as Come. Et quelle piste ! Commençant sur une superbe mélodie, le morceau va se farder d’une mélodie très Plaid tout en clochette, qui va se dérouler tranquillement, en évitant quelques bugs cradingues, nous défonçant l’échine dans le même mouvement. Rien de spécial, peu d’évolution, et pourtant tout se tient parfaitement, offrant une conclusion magnifique à l’album.

Et si les trois morceaux du dessus peuvent aisément trouver racines chez Burial, µ-ziq et Plaid dans l’ordre, Paradise Lost, l’avant dernière entité du tracklisting, créée son propre terreau, son propre tremplin vers l’espace. Les synthés arrivant en vague vont laisser rapidement place à une superbe mélodie 8bits, chialant sa mélancolie sur une bassline bien rugueuse, puis se cristallise, s’envole, nous arrache la gueule. C’est déjà magique, mais des pulsations angéliques, façon shoegaze électronique se pointent, nous reversent, nous volent l’âme et nous laisse dériver dans l’espace, béat par la teneur du tout. Tout se calme, mais les 45 dernières secondes façon chiptune-shoegaze-épique en tueront plus d’un sur place, pour peu que l’on soit sensible à ce genre d’envolées faussement fragiles.











Facile de conclure, cet album sympathique qui se transforme en bombe lors de son dernier quart est une curiosité à mettre dans les oreilles friandes d’excavations 8bits vulnerables et mélancoliques, de morceaux sombres et habités façon vague post-Burial, d’envie de Uk Garage et autres amateurs de vignettes electronica.

Love Is a liability n’a rien d’indispensable, ni de spécial (si l’on excepte les 4 derniers titres, frôlant l’excellence), mais reste une galette surprenante, et extrêmement plaisante…












Mp3 :


FaltyDL – To New York (Clic droit / Enregistrer sous)


FaltyDL – Anxiety (extrait) (Clic droit / Enregistrer sous)











13 Titres – Planet-Mu
Dat’












Deerhunter – Cryptograms

Posted in Chroniques on July 8th, 2009 by Dat'


Flux et refus






Il y a des disques qui nous étouffent. Qui nous plongent la tête dans un océan de crises de panique, de paranoïa et de psychose aigue. Qui nous jetterait presque des pilules à la gueule, que l’on mâcherait d’un coup, en tremblant comme des damnés, sans même prendre le temps d’aller chercher un verre d’eau.
Ou qui cristallisent justement ce manque de cacheton, terrible, qui survient au milieu de la nuit, au moment où l’on s’apprête à se coucher. A retourner les meubles pour trouver une boite égarée, un médoc perdu dans un coin de sa chambre, noyé sous la poussière. A hurler de rage après une recherche que l’on devinait stérile et infructueuse, pour se recroqueviller sur soi même en attendant que les minutes, les secondes, les centièmes, trop longs, défilent. Les mâchoires crissent, se bloquent. Les yeux se mouillent, brulent. Les mains tremblent, les oreilles sifflent. Le champ de vision se rétrécit, l’ouïe parasitée par des battements de coeurs qui explosent dans nos tympans, alors que le palpitant n’est pas plus déchainé qu’à l’accoutumé. Le corps y est juste plus réceptif. Il écoute, il prend en compte. Puis une chape cotonneuse, similaire à la prise de médicaments, s’installe. Brouille les repaires. Anesthésie, sans chloroformer. Endolorît le corps, mais continue de faire marcher la tête. Le lieu se distord, les murs s’écartent, les lignes tanguent. Il ne reste plus qu’un bout de bidoche affalé sur un lit. Un merdeux qui roule sur lui même, qui maugrée, qui gémit. Impossible d’arrêter son cerveau de tourner. Les pensées s’entrechoquent, dérivent, deviennent parasites. Rendent dingue au fur et à mesure. Filent le vertige. Donnent la gerbe. Pour s’endormir une demi-heure avant la sonnerie programmée du réveil. Et se reveiller avec le sourire d’une nouvelle journée, et de la promesse d’une sieste réparatrice.

Comme dit au milieu du top disques de l’année 2008, je n’avais pas du piger le dernier album de Deerhunter, Microcastle, trop sage, et directement mis sur orbite, adoubé avant même sa finalisation. Peut être trop attaché à son prédécesseur, Cryptograms, et cette ambiance effarante, entre renoncement total et révolte désespérée. D’un groupe propulsé comme nouvelle tête pensante de l’indie (bon ok, il y en a un par an) alors qu’il n’en a pas vraiment les codes. Un groupe presque aussi poissard que Gang Gang Dance, entre un bassiste mort à cause d’un accident de skateboard, un chanteur instable rongé par une maladie rare, des membres qui se barrent de la formation sans prévenir et une soudaine exposition qui grille tout le monde.
















L’intro, visqueuse, mélangeant bruits aquatiques, voix fantomatiques et grondements/saturations mystérieux plonge directement dans le bain. C’est sale, éthéré, calme mais malsain. Glauque mais rassurant. Tout joue sur les échos, les effets, l’espace. Mais une phrase claque. “My greatest fear, I fantasized / The days were long, the weeks flew by / Before I knew I was awake / My days were through, it was too late” sont les premiers mots du disques, ouvrant le morceau titre Cryptograms. Les grondements restent présents, la batterie claque come la mort, une guitare claire s’immisce, aérant presque le morceau. Ça pue la mort, la voix de Cox est parasité, étouffée. Mais il chante, il aboie ses lyrics avec une molle conviction. Le truc, c’est qu’à la fin de son couplet, un vortex lui tombe sur la gueule, aspirant le dernier mot, l’étripant, l’étirant, le trainant sur le goudron après l’avoir attaché à l’arrière d’une bagnole. On pourrait parler de cris, mais ce ne sont que des distorsions. Quand le tourbillon sonore s’éloigne, et laisse la normalité reprendre ses droits, c’est pour mieux fondre sur nos trombines trente secondes après, emportant le tout dans un océan de convulsions, superbes, hypnotiques, rêches mais contenues. Un vrai siphon sonore, qui débouche sur une dernière ligne droite épileptique, avec une batterie affolée devenue martiale.

Et c’est le calme, presque total, qui revient. Une plage électro ambiant succède au déluge, lave le sang, panse les plaies. Un simple roulis de guitares noyées dans les réverbérations. Qui avance vers nous. Puis se retire. Puis reviens. Marée sonore, mâtinée de nappes à couper au couteau. Les deux premiers tiers de l’album sont de toute façon construits de la sorte. A chaque déchainement puant le cadavre se succède une fresque dépouillée, electronica étrange où les cordes à l’infini s’embrassent, s’enlacent sans lasser une seconde. Jouant toujours sur ce flux et reflux sonore, sur cette alternance hypnotique qui perle même dans le tracklisting. Providence, c’est une guitare qui tourne, légère et insaisissable dans cette chape de plombs, à peine transpercée par clavier angélique. White Ink, ode aux pédales à effets ? Peut-être.

Lake Somerset, ode à la crise de panique ? Surement. La basse déjà, absolument énorme, imparable, jouissive. Le chant, complètement dérouillé, nécrosé, dégueulasse, inintelligible. La densité du morceau, qui, graduellement fait flipper. Alors, ça crache, ça éructe, ça se plaint. Et le morceau sombre. Dans un gouffre absolu, on se prend une distorsion ultime, qui emporte tout, la voix n’est plus que pantin, balancée de tout les cotés avec violence, sous les coups de butoirs rythmiques, sous la gratte qui craque complètement, shoegaze gangréné, vague à lâme de fond en pleine gueule, magnifique. Le mec vient de foutre le feu à sa piaule en cherchant ses calmants, et continue de hurler en se roulant dans les décombres, les ongles enfoncés dans sa panse. Indescriptible.

Et apres l’interlude de rigueur intervient le monolithe Octet, du haut de ses 8 minutes. Un pied presque Techno se fait entendre, la guitare déverse une mélodie parfaite. La voix hulule au loin. On se croirait dans un Lcd Soundsystem en slow-motion. La basse, encore une fois, qui file des fourmis dans les jambes. Et ça va se déplier, se perde, avancer sans fléchir. Ascension claudiquant, qui se perd dans un brouillard shoegaze se densifiant à chaque mesure. Une voix qui se tord, torturée par les effets. Qui répète les mêmes syllabes ad nauseam, qui se superpose pour former des choeurs. Qui expulse, qui souffre. Mais dans son coin, écraser par trois tonnes de textures sonores neurasthéniques. C’est un mec qui barbouille dans les psychotropes. Qui nage avec la conscience de perdre. Qui se complait dans l’obscurité. Marathon de l’errance, c’est drôlement beau.









Mais à la fin d’un nouveau morceau ambiant, et très synthétique (Red Ink que n’aurait pas renié M83), le disque se fracture. S’ouvre. Trouve la lumière. Apres avoir marché sur des cadavres pendant 30 minutes, Deerhunter foule soudainement les nuages. L’album a été enregistré en deux sections distinctes, et ça s’entend. Sans jurer une seule seconde avec ce qu’il y avait précédemment. Au contraire, le tout s’avance comme suite logique, comme une bouffée d’air salvatrice et inévitable, juste avant le réel étouffement. Spring Hall Convert est le premier titre à laisser perler les lyrics du chanteur, à porter une voix claire et apaisée sur une mélodie lancinante et un rythme moins escarpé. Morceau de dream pop parfait, en suspension totale, en ascension constante, tout en gardant la densité et la force des exercices précédents. Le refrain se fait presque indie fédérateur, si la voix n’était pas noyée, esseulée dans ce trop plein de textures joliment amenées. Que les amateurs de musique putride se rassurent, ça reste écorché, sur le fil, parasité. Les distorsions s’infiltrent, font tanguer un morceau qui part petit à petit dans un cosmos étrange, à dominance verte et orange. La fin repart dans un trip expérimental, sans jamais écorcher le semblant de sourire, de soleil, d’espoir perlant tout au long du morceau.

Même combat pour Strange Lights et Hazel Street, carrément pop shoegaze, avec cette voix un peu nasale, et des mélodies qui se sifflerait presque. Les lyrics illustrent bien l’ouverture du disque, à base de “We walk into the sun” and co, et il n’y a bien que les montées, bizarrement souffreteuses, qui nous rappelleront qu’il y a encore dix minutes, on se complaisait dans un océan de renoncement. Des réminiscences persistent, on sent que le tout est branlant, que les fondations sont rongées, que les sourires ne tiennent que par le saint esprit. C’est naïf mais ça sent le lit d’hôpital. L’après crise de nerf.

L’album se terminera sur un titre superbe, Heatherwood, et son gros rythme techno/tribal, sa petite mélodie guillerette et ses petites lacérations contrôlées. Le groupe semble rayonner, libre, avec un break qui semble accueillir toutes les voix de la formation pour un dernier barou d’honneur, avant la jolie envolée finale. Dernier morceau d’un album en constante progression, et seule piste dénuée de toute saleté, de tout parasite, de toute nécrose et fracas. Les éléments s’entendent tous avec distinction, on pige la totalité de ce que nous susurre Cox, on se prend le pied de batterie en plein bide.











De toute façon, Cryptograms repose presque sur cette dualité, sur cette volte face, ou cette progression vers la lumière, de plus en plus évidente, de plus en plus forte, alors que l’on farfouillait les tréfonds du désespoir à l’orée du voyage. Une vraie fresque, avec un départ et une arrivée. Telle une horde qui aurait pataugé dans la chiasse toute sa vie et ayant pour unique but de trouver l’eden, apercevait enfin ce dernier au loin, trouvant une concrétisation à son errance en ligne droite. L’envie irrépressible d’abandonner se mue petit à petit en espoir, puis en conviction. Pourtant le bonheur de trouver la clarté semble presque factice, tant la noirceur des deux premiers tiers est palpable, tant le bonheur final semble détraqué, précaire, comme si la première partie avait irrémédiablement marqué le moral de chacun. Peut être que le vide absolu se créé dés que la quête s’estompe.


Ce qui est concret par contre, c’est que l’album lui même semble tourner intégralement sur le principe de flux et reflux, sur ces vagues incessantes qui viennent chatouiller nos pieds pour se retirer l’instant d’après. Sur ce va-et-vient perpétuel d’un psychisme irrégulier, au sein du tracklisting (l’alternance de plages ambiant avec les morceaux de déséquilibré), de la pochette ou de l’album et sa structure, avec cette première moitié, ce voile de violence, de noirceur qui nous gicle en pleine face, avant de se retirer vers l’horizon d’une façon plus calme et sereine.

Mais surtout au sein même des morceaux, omniprésents et incessants ressacs de sonorités, (les instrumentaux basés sur des sons “en vague”, la voix de Cox défoncée par des effets cycliques, en onde, voir même de vrais samples de marées se superposant parfaitement aux morceaux) suivant les courbes fluctuante d’un moral gangrené, rongé par l’angoisse.

A l’instar de l’album, après s’être englué dans la merde, il est surement facile de trouver la lumière. Reste encore à savoir quoi en faire.
Nous ? Nous retournons fureter derrière les meubles pour chercher nos cachetons.











Mp3 :


– Deerhunter – Cryptograms (Clic droit / Enregistrer sous)












12 Titres – Kranky
Dat’














Clark – Totems Flare

Posted in Chroniques on June 26th, 2009 by Dat'


Push Down & Turn






Surprise. Je me promenais tranquillement dans les disquaires de Tokyo, d’un regard morne, à la recherche d’une belle occaz. Et d’un coup, je le vois. En gros, en tête de rayon : le nouveau Chris Clark, qui doit normalement sortir dans (au moins) 3 semaines. Ce Totems Flare, que j’attendais comme un mort de faim. Dans sa boite, dans son édition japonaise, avec sa Bonus Track. Alors après être resté debout sans bouger, comme un con, pendant 10 secondes, à me demander si il n’y avait pas un problème, une camera cachée quelque part, ou une hallucination provoquée par la nouvelle grippe, je me dirige vers la caisse. Et voilà que la nana me sort un Cd inédit, cadeau dans la pure tradition “not for sale”, filé avec le nouveau Clark, intitulé Bonus Cd : Live at womb tokyo 28/04/09 avec un petit sticker expliquant que dedans, ya encore de l’inédit qui nous attend. Ok, il y vraiment une camera.

Passons les présentations, Chris Clark, c’est un génial enfoiré qui nous a enchanté avec ses premiers disques, puis broyé le coeur avec le mirifique Body Riddle, puis tabassé la gueule avec Turning Dragon, avant de sortir un Ep il y a trois mois, prélude à ce Totems Flare.
















Alors pour le packaging, l’artwork est en soit encore plus énigmatique que ces deux grands frères. Bizarrement, le fameux “Falling Man” faisant le lien entre toutes les dernières sorties de Clark a disparu de la version finale de la cover, et l’on trouvera ce dernier en cherchant bien, sur la tranche. Pas de livret, un simple feuillet cartonné. (et un roman fleuve en jap)






Totems Flare débute sur de belles nappes éthérées, typiquement Chris Clark. Des sons venus d’ailleurs, que l’on pourrait presque toucher, qui s’envolent en vrombissant comme des damnés, qui s’enroulent autour de nos tympans pour les étouffer en mode 3d. Le rythme déboule, techno épileptique, qui tabasse, qui bastonne, qui tonne comme la mort. Outside Plume démarre en trombe, dans la directe lignée de l’Ep précédant, meurtrissant une boucle technoïde imparable, bugée, rongée par la crasse. Qui semble faire fie du rythme, qui se cabre, qui saccade, qui se tait pour hurler l’instant d’après. Break, le rythme est avalé, silence, un clavier sublime déboule, genre dance-pute dépressive à tomber. Un clavier qui m’a donné envie de sauter par la fenêtre pour vérifier si je pouvais voler. Je me suis fais mal. Pas à cause de la chute (rez de chaussée), mais bien suite à la claque administrée par le morceau. Surtout quand le beat crache sur la mélodie. Quand tout explose, te soulève, t’agrippe la gueule. Sauf que cette fin est trop courte. Une minute à tout casser. Alors que le truc aurait pu continuer 10 minutes et rentrer dans la légende. Tant pis, c’est déjà une belle baffe.

Alors bon, après, c’est Growls Garden. J’en ai déjà énormément dit lors de la chronique de l’Ep du même nom. Je vais faire le fainéant, et juste rajouter que ce morceau est toujours aussi épique, absolument gigantesque, qui m’avait fait l’effet d’un vrai coup de fusil en pleine gueule à la première écoute, entre ces voix parfaitement placées, ces montées à arracher la gueule, ces textures en mode mille-feuilles à te cramer la colonne vertébrale. Et bien c’est toujours pareil.

Mine de rien, on commence à se dire que merde, c’est drôlement bien, mais que Clark nous propose quelque chose qu’il nous a déjà servit depuis quelques temps. On veut être étonné. On veut prendre sa punition. C’est là qu’intervient Rainbow Girl. Qui va remettre en avant la voix de Clark, nous assurant par la même occasion que l’exercice Growls Garden n’était pas le coup d’un soir, et que ce dernier veut chanter sur la moitié des titres de l’album. Ouvrir sa musique. Créer des hymnes. Puis les écharper à la ponceuse. Rainbow Girl, c’est d’abord une mélodie débile, 8 bits. Puis un chant, un peu débile aussi. Qui fredonne un truc du genre : “go outside go outside don’t turn around girl… take me to the rainbow girl / I want to go inside the molecule girl of a rainbow girl”. On se marre, à se demander si Clark vient pas de pêter un plomb. Mais non, c’est pire. Un rythme traumatisant, genre Drum hardcore qui pourrait casser un immeuble débarque, te prend la tête et l’explose contre un mur, cent fois, et en frottant bien, pour te faire profiter des vibrations. Il se remet à chanter, sans hélium cette fois, et le rythme d’après est encore pire, encore plus traumatisant, c’est un morceau hardcore qui aurait bouffé un troubadour-arlequin pour te le chier dans les oreilles. Puis la litanie débile reprend de plus belle, sur une déformation, une saturation immense, sur un tsunami synthétique, sur un rythme complètement épileptique. Les lyrics, on ne les comprends plus tellement tout est déformé, tellement tout est plongé dans une lave en fusion.
C’est bon, ça va mieux ? Non car Chris Clark décidé de susurrer comme dans un morceau de Black Metal, de bouffer son micro en direct. Puis ça hurle, ça crisse, ça freine, autodestruction, la violence disparaît. le morceau part sur une litanie complètement régressive et enfantine, genre générique de dessins animés crétins avec pleins de couleurs et d’animaux gentils qui se font des bisous sur le fion. C’est n’importe quoi. C’est mortellement jouissif. On se dandine comme un con sur cette musique de cirque pendant plus d’une minute. On pense que c’est la fin, mais les quinze dernières secondes repartent en mode tabassage ultra violent, avec rythme dingue et machines qui beuglent, qui se déchirent. On est ahuri, à se demander ce qui vient de nous passer sur la tronche, mais en fait, l’équation est assez simple : c’est Manu le Malin vs Teletubbies vs Cradle of Filth. Le morceau de pop déviante ultime.
J’ai passé un coup de fil à Mike Patton, il m’a confirmé que Mr Bungle aurait rêvé de faire ce morceau. (Par contre rien sur un éventuel nouveau disque de Faith No More, le salaud)










La fin du titre, c’est un “1,2,3,4” qui débouche directement sur un funk morbide, Look Into The Heart Now, semblant être enregistré dans une grotte, sans avoir vu le soleil depuis 6 mois. Grosse ligne acid imparable, qui tourne, s’envole, répond à une voix robotique qui lâche des “Ouh yeah” et d’autres trucs inintelligibles. Le milieu du morceau est vraiment beau, complètement fantomatiques, avec ces handclaps étouffés, ces machines parlantes détraquées, ces synthés cristallins tout en parabole. Le tout se finira sur une nouvelle digression acid un peu trop appuyée, mais qui n’entache presque en rien la classe du morceau.

Quand j’étais petit, j’avais peur de Ca, le clown de Stephen King qui bouffait les bras des enfants parce qu’ils avaient eu le malheur de passer leurs mains dans les égouts. D’ailleurs, j’ai toujours refusé de faire ça après visionnage du film, abandonnant donc des tonnes d’objets tombés dans les bas-fonds de nos rues. (Dont un bonhomme au corps élastique qui collait sur les murs, me souviens plus du nom). Bref, si Ca, It, Il (il change de nom à chaque fois, ce con de clown) avait fait un morceau de musique électronique, ben ce serait Luxman Furs. Dès l’entame, le titre glace. Pourtant, il a l’air marrant, avec sa mélodie claudicquante, enjouée, presque rigolote. Mais non, rien à faire, ça fait flipper. Peut être parce que le beat est complètement abusé, ultra appuyé, perçant les murs. Ou à cause de cette vieille ligne analordienne, qui file un coté malsain/malaise au tout. Ou cette mélodie qui sature petit à petit, qui se retrouve bouffée, parasitée par les bugs, les soubresauts, la saleté. Yep, tu voix le clown s’avancer vers toi en riant comme un détraqué, aiguisant son couteau de boucher. Mais une grille te sépare de lui, alors tu tires la langue, tu fais encore un peu le malin.
Sauf le morceau se paralyse, se braque, devient complètement camé, slow-motion bouffé, tu sens la main du diable toucher ton épaule, panique, on perd le souffle. Le rythme, lui, perd complètement les pédales, et part dans un 200bpm de carnaval, c’est n’importe quoi et on pense à notre testament.

Mais une déflagration énorme te redresse, te plante des étoiles dans les yeux. Totem CrackerJack commence, et on perçoit presque la tuerie électro en à peine trente seconde : Rythme imparable, mélodie imparable, logique. Sauf que Clark a oublié ce mot. Car après les soubresauts de rigueurs, après le break rachitique, le morceau commence à prendre de l’ampleur, à se faire violence, à tonner comme un dancefloor killer, et à lâcher une mélodie presque dépressive. Bug. Ca se répète, ça se bloque, ça saccade sévère. On est perdu. Grosse cavalcade qui débarque, c’est même plus de la drill and bass, c’est l’enregistrement d’un train passé en mode rapide, c’est Seaweed passé en vitesse X20, c’est un passage à tabac hystérique. Proche d’une autoroute, le passage à tabac, vu que des bruits de moteurs se font entendre, et vrillent le semblant de structure d’un morceau complètement fou. On ne sait plus à quoi s’attendre, le tout se barre encore au loin, pour nous laisser sur une sublime mélodie angélique, synthés fragiles pleurant et se faisant rapidement défoncer par un rythme simili Hip-hop pachydermique, et un synthé renversant, qui s’épaissît, s’étend, s’embourbe jusqu’à l’implosion ultime. Nous laissant complètement cramé, sur une plage ambiant désertique façon boite à musique, puis sur un piano esseulé. On a rien compris, alors on repasse le morceau une deuxième fois. 5 fois. 10 fois. Et à chaque fois, on lâche un “putain c’est quoi ce bordel ultime ?” Ce bordel ? C’est le Of Montreal de la musique électronique.










Le plus drôle, c’est que Future Daniel suit. Beaucoup devraient s’accorder sur le fait que ce morceau est l’un des plus grand pondu par Chris Clark. La mélodie d’entrée déjà, litanie 8 bits sublime, chapeautée de synthés orgasmiques coutumiers de l’anglais. Alors ça va se développer. Graduellement. On est loin des chevauchées intergalactiques précédentes. Un rythme parfait se greffe. Puis une saturation, soulèvement divin, la mélodie devenant grinçante, affolante, cradingue, absolue, à crever. C’est vraiment beau. Quand on retrouve la mélodie du début, c’est comme revoir un vieux pote, on a envie courir dans la ville en se marrant, de se noyer dans les vieux souvenirs, de faire la bringue. Alors on fait la fête, on perd la tête, on boit trop, on glisse et on s’ouvre le crane, la belle litanie se faisant tout à coup massacrer par un rugissement sorti des profondeurs. Il ne reste plus que le néant. Ou presque. Une voix féminine, esseulée, qui assure le lien avec Primary Balloon Landing, petit interlude ambiant d’une minute, basé sur un orgue synthétique céleste et une respiration dérangeante/apaisante.

Et vient l’enchainement des trois derniers titres. Le trio absolu, la conclusion rêvée. Talis. Cette masse de synthés, shoegaze saturé que l’on croirait sorti de Body Riddle. Et ce rythme qui claque comme la mort, coup de revolver dans le bide toutes les demi-secondes. Avec un Chris Clark qui reprend encore le micro, et lâche d’une voix complètement désincarnée un “I will find you / Winter time smile hiding gna gna beside me in the snow / faaaallin’…” à filer la chair de poule. Il y a des bruits de mouettes, des bruits de perceuses, des bruits de murs qui tombent. Puis une sirène qui chante. Et l’on repart dans la complainte dépressive, avec ce rythme militaire, pour finir sur une montée de synthé à t’arracher l’âme.

Puis Suns Of Temper. Beaucoup devraient s’accorder sur le fait que ce morceau est l’un des plus… Ah non merde je l’ai déjà dit ça… L’introduction est folle, hystérique, sublime. Un rythme en mode mitraillette, machine à laver touchée par la grâce, couvrant une mélodie à pleurer. Des synthés limpides, qui tracent une fresque mélancolique. Qui prennent de l’importance, reléguant la frénésie rythmique à l’horizon. Tout se calme, recueillement, explosion, beat assourdissant, saturations, et une voix. Cette voix, encore là, qui balance des mots incompréhensibles, donnant pourtant un coté imparable au morceau. Et là, tout se soulève, une mélodie, une putain de mélodie complètement dingue, monumentale, débarque, se pose, recouvre le tout, t’arraches des larmes, le fameux falling man, c’est toi, tu dérives dans le néant, tu lâches ta vie, tu l’oublies, tu la jette, tu n’en as plus besoin. Le morceau donnerait presque envie de se buter, juste pour avoir la possibilité de danser au milieu des nuages.

Alors que tout s’éteint, une guitare cristalline s’incruste. Te caresse, t’envoute. Rien d’autre. Une guitare, seule, fragile, noyée dans les échos, dans les réverbérations, ricochant directement dans le coeur. L’ Absence de tout autre élément électronique étonne au départ, séduit ensuite, parfait prolongement du titre précédant. D’ailleurs, pour moi, Absence est le titre précédant, sa conclusion, sa sortie de piste. Il complète, il termine, il emporte. Il aurait pu/du être couplé celui d’avant, mais ce n’est qu’une question de forme, le fond est là, on ne pouvait pas rêver d’un meilleur travelling final. Ou presque. Il aurait pu être plus long.










C’est là qu’intervient la Bonus track made in japan, Steepgrass Five. On voulait une longue fresque de Chris Clark, ça tombe bien, le morceau fait 20 minutes. Vingt. Twenty. Qui, étonnement, assure une complémentarité presque parfaite avec l’album. Qui cultive, entretien, prolonge ce sentiment de dérive qui nous étreint depuis les trois derniers morceaux du l’album. Ce bonus aurait pu faire parti de l’édition originale de Totems Flare sans problème. On n’est pas dans le truc experimentalo-un-peu-sterile de la bonus track du dernier Ep. Car a l’instar du dernier titre de Body Riddle, Steepgrass Five nous sert une tirade ambiant remplie de circonvolutions, de montées et de moments de recueillements. De sonorités distillées avec precision, annihilant toute notion de temps, sans jamais nous endormir, vu la variété des paysages et climats proposés, défilant sur ses vingt minutes. Compilation de vignettes ambiant ou véritable marathon, on va passer de synthés lunaires aux choeurs féminins timides, de drones dépressifs aux églises désertes (rappelant Farewell Mine Torch de l’ep précédant) et saturations de guitares électriques craquant sur une steppe balayée par le vent. On appréciera surtout le soulèvement final, mur de synthé presque organiques façon orgues tire-larmes étouffés, car joués au fond d’un océan.


L’autre titre bonus, il est présent sur le deuxième cd, que voici :


On notera le très serieux “Supecial”


Ce cd contient un morceau inédit de 7 minutes, (sans titre) capturé lors du live de Clark au Womb de Tokyo, que j’avais lamentablement raté. Premier bon point, le son est nickel, on croirait entendre un enregistrement studio. Deuxième bon point, ce morceau, que nous appelleront Live At Womb, commence d’une façon assez mortelle, en mode Hip-hop ultra cradingue décomposé, hachuré plusieurs fois pendant quelques secondes par de grosses déflagrations techno-épileptiques. Puis, la mélodie de l’hystérique The Magnet Mine se fait rapidement entendre, tente de se greffer au tout. C’est sale, ça craque dans toutes les directions, Clark semble apprécier le fracassage de morceaux en live, s’amuse à démonter le titre pendant une minute avant de l’envoyer valdinguer à coup de pompe, pour laisser intervenir une nappe fantomatique se déplier, calmer le soulèvement, passer en phase d’après conflit. Rapidement, l’ambiance se déride, on part sur un clavier dance assez énorme et bien jouissif, dérouillé par un beat de charpentier déstructuré qui va petit à petit prendre le dessus et bouffer le morceau. On finira sur une montée euphorique genre Chris Clark remix la musique traditionnelle bretonne, qui se mutera en synthé cristallin terrible façon tube dégénéré.
Probleme, tout se stoppe ultra brutalement, en plein milieu de la montée, ce qui s’avère plus que frustrant. (Ils ne pouvaient pas nous filer quelques minutes de plus ur ce cd bonus ?) L’arrêt brutal, la courte durée du tout et la qualité super propre de l’enregistrement pousse donc plus à prendre ce Live At Womb comme une deuxième piste bonus, bordelique et vraiment cool, plutôt qu’un live. Reste une confirmation, Clark a l’air d’être un vrai fou en live, et semble avoir encore de beaux morceaux inédits à nous lâcher dans les mois qui viennent…
Et ce petit bonus ouvre, pourquoi pas, la possibilité intéressante de sortir sur disque un Live de Clark dans quelques temps…











Ce nouvel album de Chris Clark est renversant. Vraiment. On pensait que le mec pouvait tourner en rond. Ou nous offrir une simple synthèse de Body Riddle et Turning Dragon, histoire de faire plaisir à tout le monde. Il le fait. Mais pas seulement. Clark pousse le vice de prendre des éléments du passer, pour les éclater, dépasser les limites, les transposer dans un écrin qu’il n’avait jamais caressé jusqu’à lors. Sur Body Riddle, Clark s’escrimait à salir, à détruire la beauté pure. Sur Turning Dragon, le processus était inverse, rongeant ses bombes frontales avec des blocs de sublime.


Avec Totems Flare, l’exercice est bien plus périlleux. Clark créé des hymnes, imparables, immédiats, pour les défoncer, les écharper, les réduire à néant. Des tubes, des complaintes qui pourraient graviter en radio, mais qui se retrouvent déchiquetés par la folie destructrice de l’anglais. De la pop débile de Rainbow Voodoo au funk putride de Look into the heart now, en passant par l’electro épique de Growls Garden, à la dance de Outside Plume au rouleau compresseur techno de Totem Crackerjack et à la mélancolie de Future Daniel ou Talis, tous se retrouvent démontés, dépecés, écrabouillés par des saturations, implosions et cassures qui subliment le matériaux de base. Il se permet même d’intervenir au chant sur la moitié de l’album. Qui est comme d’hab portés par une production et une densité sonore à filer le vertige. Seul bémol, certains moments excellents sont un peu trop courts. On aimerait parfois que l’anglais s’attarde, laisse dérouler un passage imparable trop rapidement mis sur la touche.

Le plus impressionnant dans tout ça, c’est que Clark ne semble pas se prendre au sérieux une seconde. Il préfère prendre un risque, énorme, celui de faire entrer la folie, la pure, dans ses compositions. De les dynamiter, d’y faire copuler sublime et hystérie, débilité et dépression, violence et sérénité absolue, souvent au sein même d’un même morceau. Et de nous étonner, de nous casser la gueule. Encore une fois.



Totems Flare scie les jambes, écrase le coeur, tord la colonne, fait fondre le cerveau.
Chris Clark est grand, Totems Flare est grand.
Tout va bien.











Mp3 :

Clark – Teaser/Sampler Mp3 (enregistrer sous)











Clark – Growls Garden












12 Titres – Warp Records / Beat Records
+ cd 1 titre
Dat’