Ital Tek – Control

Posted in Chroniques on November 18th, 2013 by Dat'


Honor Beats 



Ital Tek n’est pas un mec né de la dernière ondée. Fer de lance du label Planet-Mu lors de la première vague Dubstep du label en 2006/07, à coté de MRK1, Pinch, Distance ou Boxcutter, Ital Tek avait débarqué avec un Ep et un album (l’excellent Cyclical) rudes mais néanmoins mélodiques, symbolisant le dubstep d’il y a une demi-douzaine d’années : peu de wobble bass, mais aux forces telluriques sacrement instables, avec une belle part d’émotion dans le bordel.  La musique Ital Tek prenait tout son sens dans cette dualité, avec des tours de force comme le sublime White Mark, vraie caverne de glace à l’intro magique, qui se retrouvait défoncée par un rouleau compresseur.

Le label se cherchant un peu après le succès des années pré-2010, l’anglais sort un album le cul entre deux chaises, mais qui défonce, Midnight Color, avant se de s’engouffrer dans la vague Juke/footwork de Planet Mu, pour sortir le très bon Nebula Dance, un peu écrasé par les sorties de Machinedrum ou Kuedo, mais au moins aussi intéressant à écouter. Cavalcades de snares, synthés qui s’envolaient à n’en plus finir, cet album se démarquait de ceux de ses collègues par une propension plus importante à lorgner vers l’Idm.

Autant dire que l’on attendait durement la prochaine livraison du bonhomme, Control, surtout après avoir entendu les quelques extraits.







Premier étonnement, derrière son artwork superbe se cache une durée assez frustrante. Control est un mini-album, ou un faste EP, pointant légèrement en dessous des 30 minutes. Durée d’écoute de plus en plus fréquente, et pas foncièrement gênante si le disque est à 100% pertinent. Et de ce coté là, Ital Tek ne s’embarrasse pas de fioritures :

Fireflies démarre sur les chapeaux de roues, voix d’anges en boucle, rythme rafale proche de la drum’n’bass, ça part dans tous les sens, avant l’arrivée d’une mélodie limpide vers 1min20, un synthé que l’on va quasiment pas entendre mais qui porte complètement le morceau. Les changements violents de métronomes n’y feront rien, la charge semble sans pitié, elle est au final quasi sensuelle.

C’est ce coté “je passe à tabac ta colonne vertébrale de sale émo” qui prédomine tout le long de la galette, ce sentiment d’opposition en exergue sur des morceaux comme Control, qui sort les beats pachydermiques, bien ronds et chauds, pour un début de track assez lugubre. Sauf que le tout va vite partir soudainement dans une house dreamy assez ensoleillée, en mode lunette de soleil-décapotable à Miami, le tout filmé en VHS. Claviers uk, rythme qui s’emporte, ambiance posée, on apprécie le voyage.

Encore plus beau, et pourtant beatless, c’est Zero, petite fresque ambiant-mélancolique, à la mélodie parfaite, qui dressera bien des cheveux sur la caboche. Rien de spécial, interlude dans la durée mais pas dans l’impact émotionnel, cette vignette aurait du durer 4 minutes, afin de se voir parachuter directement à la tête des plus beaux morceaux du disque.

Mais justement, à la pointe, deux morceaux, ahurissants, écrasant toute concurrence sur la galette, voir même sur ce qui est sorti sur planet-mu en 2013. Violet de son petit nom, qui récupère les voix samplées du départ, mais transpose le tout dans un écrin élégiaque. Mélodie uniquement composées d’exaltations, quand le rythme fait son entrée, c’est déjà la chair de poule. Et tout ce putain de bordel ne va faire que progresser, pour toucher à la perfection. C’est comme si le Moments In Love d’Art Of Noise se faisait sodomiser par un Kuedo en goguette, la fragilité, la transpiration. Peaux qui se frôlent, ce morceau est vivant, il se déverse dans tes oreilles en rampant, jouissance lente suintant le cul, BO d’un porno plagiant Gravity, d’un coït en apesanteur de deux personnes qui s’aiment à en exploser la terre.

Et tu n’as même pas le temps de profiter de la descente d’endorphine, que Challenger Deep déboule et te file en 5 seconde la claque de l’année. Une poignée de seconde, car tu es convaincu dès les premiers notes de ce synthé complètement fou que le morceau va être gigantesque. Rouleau compresseur affectif, arpèges hystériques, beauté folle, pure et lumineuse, le morceau broie tes tympans, ras de marée. Tu penses que c’est parfait, et mais ça devient encore plus dingue à 1min27, avec ce synthé Blade Runner qui déboule de nul part et t’arrache le cœur. Putain ce clavier, merde. Et le tout qui continue de tout brutaliser, mélodie napalm, clavier de fin du monde. Et cette sortie en bruit blanc complètement dingue, ce machin que l’on entend que pour une demi douzaine de seconde à partir de 2min30, c’est pas un machin qui t’arrache la gueule ? La conclusion nickel entérinera notre avis : ce morceau est trop haut.

Dommage qu’Ultra, seule petite déception du disque, ne continue pas sur cette lancée héroïque, cassant un peu le trip avec ses rythmes hardcore et ses percussions cheloues. Heureusement, le tout se rattrape in-extremis avec break intervenant au milieu du morceau nous laissait planer sur de jolies choses, avec le pied bourrin du départ qui passe à la trappe. Jupiter Ascent partira dans un trip clairement Jungle, assez rétro au départ, mais qui va là aussi rapidement évoluer sur un apparat plus mystique, avec cette bonne idée de laisser la jolie ligne mélodique s’exprimer. Le disque se terminera sur le court et ambiant Doom/Dream, qui sans être révolutionnaire, rempli plutôt bien son office avec sa jolie litanie, que l’on aurait, comme pour Zero, entendre un peu plus longtemps…





Control est court, mais Control tabasse dur. Difficile de reprocher à Ital Tek cette durée frustrante si un vrai LP est en approche sur début 2014. Parce que si le bordel est aussi bon que ce que laisse entrevoir ce mini-album, on risque de se prendre une mandale du tonnerre. Car Control contient certains des morceaux les plus aboutis de l’anglais avec en point d’orgue le tryptique Zero / Violet / Challenger Deep, cœur de ce disque, incontournable, beauté folle.

Court album d’un grand bonhomme, cela augure de sacrées mandales pour la prochaine livraison.






Ital Tek – Violet






8 Titres – Planet Mu

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Ricardo Tobar – Treillis

Posted in Chroniques on November 13th, 2013 by Dat'


Petite brume au cœur cassé



Il y a des artistes qui vous écrasent le palpitant le temps d’un EP, vous défonce la tronche sur quelques morceaux, avant de disparaître dans les limbes de votre encéphale. Ricardo Tobar, chilien de son état, m’avait impressionné avec son EP sorti l’année dernière sur In Paradisium, le label de notre bien aimé Mondkopf. Joli petit diamant de techno ésotérique (ce n’est pas moi qui le dit, mais Tobar lui même), mélangeant quelques petits appels du pieds à l’Idm d’antan ou à des sonorités tribales, mais toujours après un long plongeon vers une piscine pleine de drogue. Et si l’Ep avait clairement marqué mon année musicale (Recuerdos sublime, Carnival complètement flippante), j’en suis venu à complètement oublier le mec, vraiment. Jusqu’à me balader dans les rayons de Shibuya et tomber nez à nez avec Treillis, nouvel album du chilien, que j’achète ni une ni deux, sans hésiter, malgré les lamentations de mon porte monnaie.

Et si j’espérais que la recette du dernier EP écouté allait être déroulée sur long format (ce qui est en partie vrai), je ne m’attendais pas à une telle démonstration, force tranquille techno versus mélodies tire larmes. Saveurs.







Si l’on pliait légèrement du dos sous les coups de butoirs de Tobar en 2012, avec des tracks hystériques, des rouleaux compresseurs qui ne faisaient clairement pas tache chez In Paradisium, passage à tabac sans pitié malgré la mélancolie ambiante du bordel, Ricardo Tobar semble avoir trouvé la paix sur cet album. Mais une paix branlante, nauséeuse, à l’image de l’introduction Sleepy, qui aurait pu se glisser sans peine dans un Duntisbourne Abbot, avec ses synthés cancéreux, sa mélodie de fin de vie, cette candeur désaccordée qui renvoi plus aux moignons qu’aux balançoires de squares.

C’est Organza qui nous permettra de cerner plus facilement Treillis : une techno-house-brumeuse-émo-mélodique du plus bel effet, pour danser le cœur à la main et la tête dans les comètes. Mais Tobar n’est pas un adepte des rails sans virevolte, et même sur une track aux apparats banals, le bonhomme va multiplier les sautes de rythmes déstabilisantes, les bugs sonores impromptus, les filtres progressifs, pour un millefeuille diamant.

Il faudra attendre la 4ème track, Hundreds, pour se prendre une vraie claque dans la tronche. La belle, la violente, celle qui te déplace la mâchoire sur le coté de quelques centimètres. Parce que si encore, ça commence de façon propre, avec respect et manières, en mode techno vaporeuse, ça va vite prendre son envol vers le soleil. Nappe cosmique qui te file le blues, rythme qui s’emballe légèrement, mélodie qui te donne l’envie de courir dans les champs de blés en écartant les bras. Et BOUM, un synthé de folie déroule ses arpèges et harponne le cœur, retourne le cerveau, détruit les hanches. C’est la danse, la peine, la déraison. C’est un truc que tu as envie d’écouter en club après trop de bières. C’est un truc que tu as envie d’avoir à pleine balle en rentrant chez toi dans une nuit zébrée de néons. C’est un truc que tu as envie d’entendre en faisant l’amour. En pleurant devant ton ordi après une rupture, à sauter dans toute ta chambre en tapant sur les murs. Tu as envie de faire du rap sur ce morceau. De danser. De courir. De planer toute une putain de nuit. Rien de spécial, ne te méprend pas. Mais putain, qu’est ce que c’est beau. Et ce n’est pas la conclusion non invitée en mode simili-braindance qui me fera dire le contraire.

Autre ravissement, Straight Line In The Water n’a pas à rougir de la comparaison, avec un rythme plus ralenti, un beat se rapprochant d’un battement de cœur un peu flingué, et surtout une mélodie candide et cristalline qui chiale sa mélancolie pendant plus de 6 minutes. C’est beau, céleste, tout ce que tu veux, mais c’est aussi défoncé par une bassline caverneuse échelle 5 sur Richter pour rehausser le tout. Toujours peu avare en surprises, détails et cassures en tout genre, le morceau semble traversé constamment par fantômes et conversations de l’au delà captées par hasard via une veille radio. Beau comme la mort.

Essen, un des plus beaux morceaux de Treillis, et pourtant presque vu comme un interlude du haut de ses 3 minutes (tous les morceaux font entre 5 et 7 min), fourmille de détails, de frottements, de bruits bizarres. Assistons à la naissance d’un monstre, jeune vélociraptor cassant doucement la coque de l’œuf. Et puis cette mélodie, lunaire, folle, absolue, qui agonise dans ce laboratoire funèbre. Petite brume au cœur cassé, angoissante et angélique dans le même mouvement.





Mais Tobar ne se limite à la techno claudiquante, et injecte parfois une vraie progression façon fusée Ariane dans ces morceaux. Otte’s Denial commence comme un morceau tranquille, renvoyant légèrement à l’Ep précédant avec ses nappes dissonantes et son rythme tribal. Mais l’on va vite sentir que le tout semble vouloir prendre le large, à coup de saturations étouffées, et de mur du son contenu ne demandant qu’à fulminer. Ce qui ne manquera pas d’arriver après quelques minutes, le chilien conviant les Ufo pour un dernier à broyer les colonnes, tous synthés dehors, avant un long déclin assez planches du Canada.

Et ce cérémonial doucement shoegaze se retrouvera sur quelques autres track de Treillis, comme sur le très beau final Le Quartier du Quatrième, à la rythmique chaotique, énervée, tabassant un nombre incalculables de synthés qui tourbillonnent dans tous les sens, entre les sourds qui servent de drone dans le fond, les mélancoliques qui remplissent le quota émo, les cristallins tout guillerets qui s’enivrent à n’en plus finir, et les quelques saturations extra-terrestres pour rajouter au vertige. Ca sent grave l’opium, ça n’en fini plus de se déplier, c’est Warp techno x Nuggets Original Artifacts x Boredoms, et ça fait du bien après 55 minutes de baston quasi intégral.

On a Back Home pour poser l’ambiance également, juste avant, fresque ambiant beatless préparant le décollage du couloir de la dope du dessus. Pas forcément le plus plaisant des morceaux quand on a des bijoux comme Essen un peu avant, mais ce n’est pas désagréable non plus. If I love you, pré-single, tape dans la techno angélique, en apesanteur, légèrement flippante aussi.

Reste que Tobar sait aussi appuyer assez fort pour nous faire sauter les tympans, noyant ces amours de douceurs dans un pilonnage agressif, ici présent via Garden, morceau à la rythmique quasi industrielle, qui n’en fini plus de vociférer, en sortant ses claviers les plus rugueux. La couleur sadboyz est toujours présente, tentant de se frayer un chemin sous les attentats, ici aidée par des voix bizarres, maltraitées, découpées, mais construisant néanmoins une vraie mélodie. L’usage de la voix que l’on retrouvera aussi dans l’excellent Mirror, exercice frôlant le techno-2step avec ses samples cutés, ses beats difficilement prévisibles même si une ossature binaire tente, difficilement, de se poser comme ossature d’un morceau qui n’arrête pas de se briser, de se cabrer, hypnotique.






Si Treillis me plait, c’est évidemment grâce à ses mélodies pleines de chagrins, avec cette facette « club trempé dans la tristesse » fortement présente, dancefloor des larmes, baise de rupture. Danser seul dans sa bulle, écrasé par le stupre du monstre foule. Sauf Ricardo Tobar se démarque du simple disque de Techno émo avec cette tendance à nous submerger de détails, de bugs, d’aggravations sonores impromptues, transformant de beaux squelettes linéaires en guerre des tranchées. C’est crade mais pur, cristallin mais traumatisé. On se retrouve avec un disque endommagé, carambolé à chaque seconde, mais qui n’oublie jamais cette forte propension à nous faire voir les étoiles. In Planetarium ? Peut-être.

Mais Ricardo Tobar, dans son club moite et mélancolique, c’est surtout l’irrépressible envie de nous mêler à la masse tourbillonnantes des corps.






Salut je suis la petite fée émo qui vient pour voler ton coeur. Clique sur le superbe Straight Line in the water ou Hundreds stp.






11 Titres – Desire / Modulor

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Tokyo Red Bull Music Academy Weekender – November 2013 / Diamond Version, U-ziq, World’s End Girlfriend & Aoki Takamasa

Posted in Chroniques on November 6th, 2013 by Dat'


“Les week-ends aussi chargés que le tour de France de Lance Armstrong”



En amont de la Red Bull Academy qui vient d’être annoncée sur Tokyo pour 2014, la boisson qui donne des ailes et qui me file pas mal de tachycardie (j’avais vite compris lors de l’écriture de ma thèse de fin d’étude que continuer à boire de ce truc allait clairement faire gicler mon coeur sur le bureau), organisait sur début novembre pas mal de concerts dans toute la ville, avec de sacrés artistes comme FaltyDL, Daedelus, Gilles Peterson, Sprinkles, Dj Krush ou Fennesz. Votre serviteur n’ayant plus le cerveau assez coriace pour s 5 jours de tabassage sonore, l’affiche du dimanche 4 Novembre avait fait frétiller mes Esgourdes : Alva Noto + Byetone et U-ziq se partageaient l’affiche, accompagnés de quelques légendes locales comme Aoki Takamasa, Fragment ou World’s End Girlfriend.

Beaucoup de monde pour un festival ayant eu énormément de pub dans la rue/médias, avec plusieurs salles débordant de rythmes concassés, avec une oasis de sofas moelleux pour se reposer, et quelques stands de bouffe degueu mais salvatrice. Comme toujours au Japon, on est surement dans le seul pays où l’on peut croiser une population aussi hétéroclite à un concert d’Alva Noto, des demoiselles en mini-jupes et casquettes YMCMB aux diggers autistes fous, en passant par les fous/folles furieux relookés comme des dingues sublimes. Stilettos et infrabasse, Autechre et lèvres glossées, mélange parfait.





Voir Aoki Takamasa faisait quelque chose à mon palpitant, car c’était la première fois (de mémoire) que j’avais l’occasion d’assister à un live de ce mec, malgré mes années passées au Japon. Grand fan de sa techno neurasthénique, rêche et répétitive, comme de ses exercices plus pop et funky de sn milieu de carrière ou sa collab avec T.Noriko, je me demandais ben ce que cela pouvait donner en live. Première bonne impression, le son est massif, écrasant, tout le live se fait peu de morceaux, tirés de RV8, étirés à n’en plus finir, à imprimer rythmes et variations jusqu’à nous perdre dans le bordel. Autre bon point, c’est du live pur, prouvé par les petits problèmes techniques sur certains lancements de nappes, nous prouvant que le mec est loin de seulement rester assis derrière son laptop à fumer des clopes. Un live qui serait parfait si il n’y avait pas le sempiternel problème des concerts au Japon : le son était bien trop fort. Ridiculement fort. Te mettant face à un dilemme cornélien… protéger ses oreilles mais écouter un live altéré, ou défoncer littéralement ses tympans pour aller à coup sur à l’hôpital demain. C’était pire que pour le live de Dalek, les connaisseurs comprendrons.
On touche d’ailleurs ici à un vrai problème de la nuit japonaise. Bien plus que ces fameux articles sur l’interdiction de danser au Japon dans certains clubs, ce qui est véridique, mais seulement presents dans les médias étrangers pour remplir le quota d’articles “uhuh ils sont vraiments bizarres ces japonais” (à l’instar des derniers laïus sur la disparition des parties de jambes en l’air dans le pays). Non, le vrai problème de la nuit Tokyoïte, c’est que les limitations sonores, tu peux te les foutre bien profondément dans le cul, et que si l’ingénieur du son n’est pas un putain de génie, et bien tu vas passer la soirée à entendre de grosses basslines qui grondent, et rien d’autre (imagine les résultats catastrophiques lors de concerts hiphop, avec Mc inaudible). C’est dommage, et c’est loin d’être la première fois que cette donnée flingue une de mes soirées dans la mégalopole.





World’s End Girlfriend nous a habituer à plusieurs formations en concert, pour autant de styles musicaux differents. Post-rock drill’n bass en solo sur scène, en formation quasi heavy-métal avec le Black Hole Carnival, ou accompagné d’un groupe de cordes, on ne sait jamais ce que nous reserve WEG. Ce soir, avec un seul acolyte, via un line-up inédit pour mes oreilles, je ne savais pas à quoi m’attendre. Premier soulagement, les niveaux sonores reviennent à quelque chose d’acceptable, et s’il n’y a que du vent (littéralement) pour les 5 premières minutes du concert, toute la richesse du son WEG apparait ensuite. le premier quart d’heure est quasi ambiant, avec voix de femmes triturées, field recording superbement réparti sur les enceintes de la salle et en 3D dans ta tête, accompagnés mélodies chialantes qui te flinguent le coeur.
Car WEG nous offre la primeur de 3 premiers morceaux inédits, 3 morceaux sublimes, à base de mélodies folles, de rythmes hiphop pachydermiques ou d’escapades jungle hystériques. Si ces tracks préfigurent ce que l’on pourrait trouver sur le prochain LP du Japonais, on risque de se prendre un petit chef d’oeuvre dans la gueule, retour à l’electronica escarpée après son dernier album très rock (qui fait néanmoins parti des chef d’oeurves de ces dix dernières années, ne l’oublions pas). Le concert continuera sur deux morceaux de Seven Idiots, dont un sublime Bohemian Purgatory épique qui va partir en tunnel techno hystérique pendant plus de 10 minutes. Pogos sur du WEG? c’est bien possible.





Le Japonais passe la main à l’homme que j’attendais le plus ce soir, Mr Mike U-ziq Paradinas, qui m’a complètement flingué avec son dernière album, et que je n’avais jamais eu le plaisir de voir en live non plus. Peu de surprise, le bonhomme va balancer un bon nombre de morceaux de son dernier album, plus quelques classiques et inédits (ou morceaux que je n’ai pas reconnu). Paradinas axe son set/live sur ses morceaux les plus dansants, n’hésitant pas à appuyer les rythmes et rallonger ses délires house/techno pour faire bouger le monstre foule. Les mélodies émo-idm ne sont pas en reste, et l’on se laisse clairement emporter par quelques escapades époque braindance. Mais là encore, le son est trop fort. TROP FORT. Si sur certains morceaux, le tout passe crème (Mountain Island Boner parfaite, Ticky Flanks aussi), d’autres sont littéralement noyés par les saturations causées par un ingé son qui doit être sourd comme un pot pour pousser autant les potards (Taikon inaudible, alors que c’est loin d’être un morceau hardcore). Un beau gâchis.





La formation massue de la soirée, c’était bien évidemment Diamond Version, aka Byetone et Alva Noto, pour leur projet ultra massif, techno et frontal. Et clairement, en live, ils n’ont aucune pitié, massacrant la salle à coup de basslines impressionnantes, franchissant allègrement le mur du son, tout en nous explosant les rétines avec des visuels hystériques. Si le volume est là encore complètement abusé, il est moins dommageable que pour Paradinas, Diamond Version jouant bien évidemment plus sur les textures, à en faire trembler les viscères, faite pour le live. Tympans déjà trop blessés (c’est vraiment le mot) par Takamasa, ça sert des dents sur certains passages, on abdiquera. Ne cherchez pas de photo de ma part, la soirée ayant été exclusivement, pour ces 4 concerts, dans le noir complet, avec des visuels discrets noir/blanc pour la plupart (un peu de couleurs chez Paradinas). Le photographe courant dans tous les coins à du pas mal galérer, solidarité mec. J’ai des Vine inaudibles et inintéressants si vous préférez.






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DJ Rashad – Double Cup

Posted in Chroniques on October 28th, 2013 by Dat'


Je ne sais faire que le bandit



C’est l’histoire d’un mec, assez jeune, qui traînait avec ses potes, allait en soirées, pour écouter de la house en dragouillant à droite à gauche, sans jamais réellement s’amuser. Il lui manquait un truc. Du piment. Il avait beau descendre des packs entiers de Koenigsbiers en jouant à Mario Kart avec son crew, avant de filer vers le plus gros club à minette de la ville, ça n’allait pas à 100%. Il lui fallait de l’action, de l’imprévu, de la violence. Coincé dans une vie riche mais dénuée de risque, le bonhomme se trimballait bonant malant, en courbant le dos, de soirées défonces en soirées en aprem déboitées, à boire des Double Cup d’alcool, à danser élégamment sur de la house, à flirter avec les peaux de soie du club.  
Un soir, il rentre chez lui, un casque enfoncé sur les oreilles, et voit dans une rue crade une machine à laver en marche. Il l’ouvre, y jette une brique et contemple le chaos en bougeant son cul : le footwork était né.







L’intérêt de cette sortie, c’est qu’elle s’écarte distinctement du footwork originel, celui fait avec un fruity loops buggé exclusivement afin de remuer son boule, pour arpenter des térrains plus propice à l’écoute sur canapé. Certes, on a déjà parlé des essais de Kuedo, Machinedrum ou U-ziq, mais ces derniers dépècent carrément le mouvement, pour recracher une nouvelle mixture. Chez Rashad, après avoir fracassé les cerveaux de l’humanité pendant des années, on bifurque simplement légèrement, tout en rajoutant quelques couches de richesse au bordel.


Signé chez Hyperdub après avoir trainé ses guêtres sur Planet Mu en Europe (même si le mec est l’un des papes du mouvement aux USA), Rashad semble avoir eu la prescription nécessaire de Rivotril pour enfin soigner ses crises d’épilepsie. Ou peut-être via l’influence du label de Kode9, lui demandant de calmer le jeu. Ou Rashad lui même, fatigué de se faire coffrer par les flics après chaque soirée vu que la moitié du public partait en convulsion. Et grace à ces envies d’accalmies que Double Cup frappe un grand coup. Réalisé en grande partie avec son pote Dj Spinn, Rashad balance une galette fortement teinté hiphop, avec des samples chauds et soul, qui pourrait traumatiser bien des Mc en manque d’instrue à dompter. En ce sens, Feelin ouvre superbement le disque, instrue hiphop faite pour être écouté au volant de sa bagnole, les fenêtres baissées, la clope au bec, en roulant au ralenti. Beat pachydermie, légers craquages donnant un caractère imprévisible au morceau, qui va d’ailleurs lentement évoluer de l’uppercut ghetto à la folie jungle. Tu n’as pas envie de danser comme un chaman voodoo sur ce truc, juste de bouger la nuque en te plongeant dans la drogue.

Et avec étonnement, on se rend compte qu’une bonne majorité de ce Double Cup LP se concentre sur un hiphop massif et ghetto plutôt que sur l’hystérie pure du Footwork. C’est l’une des rares fois que j’écoute un disque du mouvement en ayant plus envie de marcher dans la rue en levant mes mains en l’air plutôt qu’en me roulant par terre en bavant. Ce sont ces morceaux hiphop qui dynamitent l’album, et le porte haut dans le ciel, teinté de drogue et de voix screwées : Pass That Shit est une folie pimp, Double Cup ou Drank Kush Barz devraient arriver aux oreilles d’Asap Rocky ou Schoolboy Q sous peu, et le sublime She a Go, un des meilleurs morceaux du disque, quasiment rappé, représente parfaitement ce coté ghetto–soul-hiphop ultra massif, graduellement vicié par une boite à rythme effrénée.

Mais Hyperdub semble être passé par là, et Rashad s’essaie presque à un genre bien apprécié par le label : le Uk Garage. Là aussi, ce dernier est réduit en bouilli par le cerveau malade du dj de Chicago, mais des morceaux comme Only One, avec mélodie planantes et voix puputes, et surtout Let U Know, qui aurait pu se glisser dans le dernier mix de Dj EZ, avec son rythme claudiquant, ses voix émo et sa ligne acid sur la fin. Rashad lorgne sur un espèce de UK deep mutant façon Chicago (ça tombe bien, ils viennent du même patelin) avec l’excellent Leavin, qui fera pleurer plus d’un dancefloor, déjà rendu fou par la rythmique chaotique.

Il y aura même quelques extra-terrestres inclassables, façon Reggie qui désintégrera toute synapse passant sur son chemin, ou le violent Acid Bit, qui s’est littéralement échappé d’un album de Ceephax, et qui est demandé à l’accueil car papa s’inquiète.

Au final, les tentatives de Footwork originel, pur et dur, sont assez rares, et pas foncièrement les plus convaincantes, comme le fatiguant Everyday Of My Life,  mais assureront le boulot pour les fans, via le single I Don’t Give A Fuck, bombe vicieuse, folle et minimaliste, avec sa mélodie qui rend complètement fou. Je veux entendre ce machin en club, à 4h du mat’, après dix bières de trop.






Je n’attendais rien de ce disque, à part pour les jours où j’ai envie de tout casser en bavant, et je tombe sur un parfait album hiphop assez saccadé pour me donner envie de faire la bringue, et dans le même temps assez laidback pour me poser sur un canapé en dodelinant de la tête. Pas de mauvais gout, pas de track inécoutable, que des bombes, malgré quelques rares écarts de conduite dans la cohérence du LP (Acid Bit, que s’est-il passé?). On pourrait presque ériger Double Cup comme une référence, une géniale porte d’entrée tout du moins, une galette parfaite pour appréhender le mouvement sans avoir l’impression se faire tabasser par mutants forcenés. Rashad abandonne l’ecstasy habituelle pour des gros pilons, et ça lui va très bien.


Oh certes, on nous retorquera que le Juke/Footwork, c’est pour de la danse, pas du canapé. Mais voyez-vous, j’ai pas encore reussi à ma vie, j’ai un chat à nourrir, j’ai donc encore besoin de mes neurones. Libre à toi de te les griller sur du Dj Nate. Moi, c’est sur ce Rashad que je prends mon pied.






DJ Rashad – She A Go (feat Spinn and Taso)






DJ Rashad – I Don’t Give A Fuck






14 titres – Hyperdub

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ps : cette chronique fut effacée par Office, et donc réécrite à la va-vite une deuxième fois. Word sera donc jeté en pâture aux loups-garous.




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CUM ON MY SELECTOR SPECIAL : CTC Records X Chroniques Automatiques

Posted in Chroniques on October 14th, 2013 by Dat'


Sweet Serenade



Si Tiago a surement la plus belle chevelure du tout Paris, il est surtout connu comme le bonhomme derrière le label Cooler Than Cucumbers, dont on parle assez régulièrement dans ces pages (à chaque fois qu’il sort une tape gargantuesque en fait). Se baladant dans le hiphop indépendant, qu’il soit autiste et abscons, ou maculé de cyprine, le label reserve quelques sorties importantes sur cette fin d’année. On peut de plus croiser Tiago au détour des pages d’Union Street ou du Tag Parfait. Puisque ce saint homme a décidé de se délocaliser sur l’Italie pendant quelques temps, je me suis dit que le mettre à contribution pour un Cum On My Selector ne pouvait être qu’une bonne idée.

Au menu, rap drogué, productions vaporeuses et lyrics flingués. Tout ce que l’on aime pour nos nuits blanches ou pour accompagner nos retours de club, carbonisé.



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Spark Master Tape – Half Of Nepal

Tiago : Une institution de mon épiderme et canaux auditifs en 2013. Une esthétique incroyable, des jeux d’ombres à faire pâlir la Chine, un sens aiguisé du grandiose, de la montée en puissance. Un jeu de violon accordé au slow-motion, une montée d’armée, un soulèvement, un morceau aux allures d’invincibilité. “HALF OF NEPAL ON MY UNDERCOAT” à crier à tout moment de la journée.

Dat’ : J’avais vu sa première tape passer, sans m’y arrêter malgré la cover, quelle erreur. C’est un peu tout ce que j’aime ce morceau, avec une mélodie lacrymale, une structure explosée, des cordes épiques, une rythmique flinguée, et une voix caverneuse. J’ai l’impression d’avoir un géant camé derrière moi, qui rappe avec un couteau entre les dents, même si dans la vraie vie, Spark Master Tape doit être un sosie de Woodkid. Sauf que le rap, ce n’est pas la vraie vie, c’est des nanas en bikini et des pluies de billets. Boucherie de l’année.






Xavier Wulf – Dengen

Tiago : Triangle équilatéral à succès dans le rap pour garçons émotionnels, Eric Dingus à la prod, Xavier Wulf (Ethel Wulf, ex-Raider) et TeamSESH aux visuels. Des hi-hats parkinsoniens accompagnant chaque larmes lâchées, des envolées de traîtrises pour un final bouche ouverte.

Dat : Parce que l’on aime tous se poser au bord d’une piscine, complètement drogué, à faire du headbanging sur la pelouse, habillé en noir. Je trouve ça beau, parce que cela me rappelle mes retours avinés en sortie de club, à marcher en diagonale dans la rue, un casque vissé sur la tête, à m’extasier devant chaque réverbère surplombant mon itinéraire.






Chris Travis – Reflections (Intro)

Tiago : Un autre rescapé du Raider Klan, très proche dans le style visuel de son comparse Xavier Wulf (même réal, même lieu et probablement même jour de tournage). Un concentré de mysticisme émotionnel à rouler avec modération.

Dat’ : Tombé sur cette track complètement au hasard, car je suis loin de maitriser toutes les ramifications du Raider Klan, l’organisation du groupuscule ayant l’air encore plus bordélique qu’une thèse sur les reptiliens. Putain, cette instrue est absolument parfaite. Entre ambiant décharné, electronica tire-larmes et hiphop glauque, Eric Dingus (encore!) balance un vrai diamant. Chris Travis n’a plus qu’à cracher des rimes en pilotage automatique de sa voix rauque, c’est limite trop facile. Il te parlerait du cul de son chien que cela marcherait quand même. Bref, pour moi, c’est un des morceaux de l’année, sans hésitation, même si je dois être le seul à le penser.






Yung Dick – Drive Thru Love

Tiago : L’amour de consommation, celui de l’obsession, de la foudre. La définition du sentiment, dans un Drive-Thru, totalement envoûtant. Une emprise sur le corps, l’envie de croire à cet amour par speakers interposés. Des grillz et des potatoes. Cette voix si particulière alliée au beat et aux néons pour une atmosphère des plus éthérées. Pour ne rien cacher, j’ai écouté ce morceau par obsession, par besoin, une journée incomplète sans son écoute, un mal-être à dissiper dans les vapeurs d’amour que Yung Dick disperse. J’attends beaucoup de ce monde où la bouffe servira de préliminaires, où les frites pénètreront des wraps un peu trop ouverts.

Dat’ : Quand tu m’as filé le lien, à la première écoute, je me suis bien marré. Puis tu m’as dis que c’était la plus belle déclaration d’amour de 2013, alors j’ai écouté avec un peu plus d’attention, jusqu’au flashback : quand j’habitais en province durant mon adolescence, et que j’allais au macdo juste pour croiser les yeux vairons de cette caissière au physique de rêve et au sourire fascinant. Comme Yung Dick, je voulais arriver au Mc Drive avec mes lunettes de soleil, pour lui dire d’une voix de velours que le bigmac qu’elle me servait était le plus beau bigmac que j’avais vu de ma vie, et que les Nuggets subtilement huilés me faisaient penser à son vagin. Mais j’ai loupé le coche, car je ne connaissais pas Yung Dick. Quelques années plus tard, j’ai enfin eu ma voix gutturale de cancéreux et ma barbe naissante, j’aurai pu revenir pour la draguer, mais j’ai appris entre temps qu’elle était fan de Ska, donc j’ai laissé tombé.






Ideal – Babel feat OI

Tiago : Le rap se lève toujours au Japon, dans un délire 90’s froid et minimaliste, du rap de forêt aux sonorités lyriques toujours aussi alléchantes. Les mains dans les poches, au calme.

Dat’ : Petite friandise de Tokyo, correspondant bien au thème rap-drogué de ce Selector. J’avais déjà pas mal parlé de ERA, un des premiers japonais à s’approprier la vague purple rap de façon intelligente, et il revient ici accompagné de ses deux acolytes, Hi-Def et OI, pour un morceau bien sombre et atmosphérique. Mais ce qui fait le sel de cette track, ce n’est pas la mélodie cristalline, ni les rythmes caverneux, ou les flow rageurs des japonais, mais bien ce violon, qui intervient en fond sonore, très discrètement, plusieurs fois pendant le morceau. Et qui fait passer ce dernier d’une simple digression hiphop expérimentale à une grosse mandale qui fout la chair de poule.






Onoe Caponoe – Flower Power / House OF Funk

Tiago : Le rap UK a finalement reçu sa cargaison de LSD, émergent d’un foetus où seraient passés George Clinton et Sun-Ra, Onoe Caponoe caresse l’afro-futurisme avec sa plume intelligente et son étalonnage Desigual (mais on lui pardonne).

Dat’ : Alors là merci, c’est la découverte de l’été ce truc. Cet anglais semble avoir encore mieux pigé que les américains comment faire du rap drogué. Sous la posture psychédélique légèrement fallacieuse on se retrouve avec des bombes gluantes et camées, entre instrues screwed’n chopped et flow malaxé dans tous les sens par des filtres et effets. La tape (gratuite) regorge de tubes absolus, complètement intoxiqués par la drogue, c’est beau, imparable, propre, indispensable.






Blue Daisy – I Used To Give A Fuck

Tiago : Un concentré de haine signé Blue Daisy, lui déjà instigateur de “Fuck a Rap Song” il y a peu. Des visuels léchés comme des timbres, un beat rentre dedans et un couplet, même si non gorgé de finesse, très efficace néanmoins. A répéter plusieurs fois.

Dat : Si Blue Daisy pouvait éviter de se pointer chez moi en pleine nuit avec son masque, cela m’arrangerait, merci.






Black Dawg – Nico Javan

Tiago : Comme un jeune Sharkula sous acide qui serait tombé sur un dossier caché “INTERNET, NE PAS OUVRIR”. Un cousin éloigné des délires visuels de Metro Zu qui ne fera probablement pas la plus belle carrière rap de cette décennie mais qu’on a envie d’aimer fort.

Dat’ : Je ne l’ai jamais dit à grand monde, mais mon père était épileptique. A cause de cela, je me suis toujours demandé si les avertissements avant de commencer un jeu video ou un clip chelou étaient à prendre au sérieux. Peut-on vraiment avoir des convulsions et avaler sa langue devant Mario Kart ou Enter The Void ? Reponse affirmative avec ce clip de Black Dawg. Ce mec c’est un peu la Kyari Pamyu Pamyu du hiphop us, je ne pensais pas ces hallucinations possibles, même après avoir léché pendant 2 heures un poster de Selena Gomez maculé de Khat.






ɪɲ ʕʰɘɼrʏ ɟȺɱɨʟʮ – Люби меня, люби

Tiago : Comme une centaine de coeurs brisés en milles morceaux s’éclatant délicatement contre mes tympans. Un tire-larme à la beauté céleste, brumeuse et sombre. Après écoute, j’ai juré que ce piano serait mon époux et que cette voix nous unirait. Voilà de quoi transformer Bronson en garçon émotionnel.

Dat’ : Je ne sais pas comment tu es tombé sur ce truc sorti des tombes de Russie, mais c’est un joli petit traumatisme. Divagation oscillant entre un Mondkopf dépressif et un Salem cancéreux dénué de poses grossières, ce morceau de Witch House, “très 2008” comme le dirait un certain Krampf, est assez sublime. Drone poisseux, bassline fulminante, ce morceau pourrait bien être la quintessence du mouvement émo. En écoutant ce morceau, tu as envie de chialer, de te couper les veines, de sauter par la fenêtre pour voir ta vie défiler au ralenti. Je ne suis jamais allé en Russie, mais si, comme dans ce morceau, il y a des anges sublimes qui te susurrent l’amour pendant que le monde s’écroule autour de toi, et bien je prends un vol direct.






Tiago & Dat’

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Machinedrum – Vapor City

Posted in Chroniques on October 7th, 2013 by Dat'


Peines de vit



Deux albums ont contribué à changer le game du Footwork et de l’Idm en Europe, via Planet-mu : Le Severant de Kuedo, et le Room(s) de Machinedrum. Si ma préférence va au premier, le dernier LP de Machinedrum avait remporté tous les suffrages, avec cette Juke-epileptique-émo-pute du plus bel effet, contenant quelques tours de force (l’ovni Come1, She Died Here, le sublime What Did We Go Wrong…). L’artiste s’était même payé le luxe de sortir une réédition avec quelques titres bonus, pratique souvent très proche de l’arnaque, il faut le dire.

Machinedrum semblait comme un poisson dans l’eau chez Planet-Mu, mais Ninja Tune, en pleine furie/cure de jouvence depuis 2 ans, signe l’anglais pour l’intégrer dans le roaster. Le mouvement est intéressant, car le label, qui semblait complètement sclérosé il y a encore peu de temps, commence à s’ouvrir à nouveau, et à regarder vers l’avant, même si les disques ne sont pas toujours exceptionnels (Falty DL a tout du transfert raté par exemple). Malgré tout, la stratégie de Ninja Tune semble moins foireuse que l’actuelle ligne directrice de Warp, comme si le destin de ces deux maisons hystoriques ne faisait que constamment se croiser.







Le concept de ce Vapor City est de nous faire visiter quelques quartiers d’une ville imaginaire. Ses rues coupe-gorge, son Red Light District, ses coins plus posés. Mais à l’écoute du LP, j’ai la forte impression que Vapor City nous raconte surtout l’histoire d’un type défoncé qui déambule dans le voisinage. Images de rues, certes, mais passés par le prisme de l’alcool et des nuits blanches. Autre précision, qui pourrait sembler cauchemardesque sur le papier, mais qui se révèle plutôt bien géré sur disque : Vapor City tient plus de la jungle-drum’n’bass que du Footwork, et je t’avouerai que si tu m’avais dis ça avant que je pose une esgourde sur ce LP, je serai parti en criant me crever les oreilles.

Car sur la (sublime) ouverture du disque, Gunshotta, c’est bien des rythmes puant les caves de province de 98 qui tonnent. Avec en plus un simili toaster qui ambiance le bordel, on y est. Sauf que le tout est sec que la mort, squelettique, ça t’assaille la tronche comme une volée de couteaux. Et que les synthés de folie, ainsi que le traitement des voix, rappelle très fortement Burial & co. On se trouve dans une drum-uk hystérique et hypnotique, filant le vertige, pleine de soubresaut et contre sens. Vous allez me dire “hey, footwork ou jungle c’est un peu la même chose, on bastonne des rythmes à 200bpm jusqu’à ce que tu craques”. Mais non, car sur ce disque Machinedrum perd quasi entièrement sa facette hiphop émo, pour partir sur une cavalcade bien plus sèche et électronique.

Infinite Us fait même franchement revival, avec cette drum classique et racée, mais clairement inoffensive, presque rétrograde. Mais là encore, le morceau est sauvé par cette lente décrépitude, ce coté rongé par l’acide, le coté angélique du morceau, en mode Roni Size bisounours, se laissant lentement pourrir par des sonorités plus agressives, dissonantes, et des voix beaucoup plus plaintives, perdues au milieu du maelstrom. Tout s’embrouille, se mélange, pour finir sur une lente agonie pleine d’échos et de réverbérations. Vraiment, comme si l’on avait en accéléré la balade d’un mec dans la ville, bourré de vodka jusqu’à l’os, dérivant lentement dans les rues, aveuglé par les néons, le cerveau embrouillé. Puis agressif car ayant l’alcool mauvais, avant de finir affalé sur un banc du vomit sur les fringues.

Ce coté “défoncé et perdu dans la ville” se retrouve dans pas mal de titres de ce Vapor City. Le planant Vizion malaxe field recording et ambiant christique, comme si l’on écoutait un concert du mec au milieu du Shibuya Crossing après avoir ingéré 20 gouttes de Rivotril. Rize N Fall sort elle aussi la belle drum’n’bass avec bassline et tout le toutim, pour une belle progression échouant dans un nuage de voix fantomatiques, supplanter dans son dernier tiers par une sacrée belle nappe. Epique et hypnotique, quand tu écoutes ça, tu fais la même tronche que Unicorn Kid dans son clip : les yeux écarquillés par la drogue, à encaisser les lumières fluos par centaines. Du plus bel effet. Vile église, rues embrumées, voilà sa ville.

On a même un extraterrestre dans le disque, plus proche de Boards Of Canada que de Dj Rashad, sur Center Your Love, avec cette drum chantante qui va lentement partir sur des terrains mélancoliques chers aux deux écossais. Même roulement dans les rythmes, même samples ensoleillés et mélancoliques, avec en bonus une gratte acoustique. On savait Machinedrum fan du duo warpien, il balaie les derniers doutes avec ce titre. Un peu mièvre, mais quand même très beau.





Mais Machinedrum n’a pas annihilé toutes ses velléités Juke et Hiphop, bien heureusement, et l’on entend très légèrement ces éléments dans pas mal de morceaux du disque, en nous offrant quelques perles bien vicieuses : Seesea renoue avec ses amours glitch-hop pré Planet-Mu, tout en le malaxant avec un art de la répétition qui ne décevra pas les nouveaux fans de l’anglais. Ca sent le nuage et le driveby, le soleil qui se lève sur les rues sales. C’est beau comme la mort, triste et tubesque.

On frôlera même le bad trip avec Eyes Don’t Lie, tourbillon épileptique qui n’a pas le coté cotonneux et rassurant des autres morceaux, et qui appuie encore plus le coté nauséeux du disque avec des samples de voix n’hésitant pas à glisser sur les mauvaises notes. On n’est plus vraiment en train de déambuler dans les boulevards, mais plutôt séquestré par un psychopathe qui nous susurre des conneries dans l’oreille en chantant comme un taré. Rassurant.

U Still Lie fait carrément dans le cloud-rap, affolant dans le mille feuilles de textures, drogues dures et lettres de rupture, slow-motion et sirop violet. Yung Lean aimerait poser sur ce truc. Toi, tu te laisses attirer par cette mélasse angélique, par ces échos qui n’en finissent plus de disjoncter les synapses. Et au moment où tu penses partir dans un sommeil sous opiacé, un synthé incroyable, sorti des plus beaux U-ziq, se fraie un chemin et t’envoie dans le ciel avec de jolis coups de pied au derche. En 4 minutes, tu passes de la mélasse puant le béton aux envolées lyriques d’un cumulonimbus, c’est beau comme un cul de reine. Un des meilleurs morceaux du disque.

Mais la vraie claque de ce Vapor City, c’est Dont 1 2 Lose U, ahurissante fresque vomissant sa diatance à tout ceux qui osent rentrer dans son périmètre. Sérieux, dès les premières secondes, j’étais éblouie par ce truc, qui te prend de haut en t’assenant un vindicatif “c’est moi le pimp, ferme ta gueule et écoute”. Hiphop flingué et défoncé, sublime dans ses claviers, dans ce rythme claudiquant, dans l’utilisation des voix ultra émo faisant passer Burial pour un PUA sans âme. Si j’étais un rappeur, je poserai sur cette instrue. Ca serait le but de ma vie. Et puis c’est quoi cette fin qui t’aspire pendant plus d’une minute dans son siphon, qui t’étouffe lentement jusqu’à ce que tu n’entendes plus rien ? C’est le sexe puis la mort, c’est le coït et la dépression. Peines de vit.






Si Vapor City n’est pas aussi marquant que son prédécesseur, qui avait une pertinence rare dans son propos comme dans le mouvement dans lequel il s’inscrivait, ce disque reste une jolie réussite. On aurait pu croire à la catastrophe avec son concept faisandé et son orientation bien plus jungle que juke, mais Machinedrum continue de nous sortir de petits diamants émo-mélodico-melancoliques puant le béton et les néons. Si il y a deux trois tracks frôlant le mauvais gout (Infinite Us frôlant le lounge, Baby Its U sans grand intérêt…), Vapor City balance aussi quelques ogives nucléaires qui violeront bien des âmes (le vertige U Still Lie, l’imparable Dont 1 2 Lose U, le furieux Gunshotta…).

Mais c’est surtout cette dualité entre le cul et le mélancolique, ce coté quartier rouge passé sous un filtre salement drogué, qui fascine. Cette balade dans la ville où bas résilles et talons hauts copulent avec amours perdus et remords rongeant le cerveau.


Ce disque, surtout sur certains morceaux, c’est la mise en musique parfaite de la vie d’un maquereau, de ses heures de gloires dans les clubs à cyprine de la ville, paradant devant le monde avec ses plus belles putes… avant de mourir seul dans une impasse, comme une veille merde, assassiné par un jeune concurrent. Cet enculé te regarde, le sourire aux lèvres, et toi tu te dis que putain, même si tu as bien baisé, tu aurais finalement préféré fonder une famille et vivre à la campagne.






Machinedrum – Gunshotta






Machinedrum – Don’t 1 2 Lose U






10 titres – Ninja Tune

Dat’

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CUM ON MY SELECTOR 11 : Clams Casino, Mujuice, Seekae, Raffertie, FKA Twigs, Felix K, Psykick Lyrikah, Nickelman, Audio Cream

Posted in Chroniques on September 30th, 2013 by Dat'


Trick Baby



Clams Casino – Crystals

Je ne vais pas vous le cacher, le manque de chronique depuis une dizaine de jours est principalement du à l’arrivée de GTA 5 dans mon foyer. Et si le jeu est riche à en foutre le vertige, c’est encore du coté de la bande son que l’on est bouche bée. Fort de morceaux (parfois inédits) de Future, Aphex Twin, Machinedrum, Gucci Mane, Cashmire Cat, Tyler The Creator, Mala, Gangrene, Black Strobe… ainsi qu’une tripoté de classiques (même le Pure Shores d’All Saints, putain !), tout nous pousse à l’envie de conduire à la poursuite de l’horizon, à traverser forets et déserts, délaissant une vie de crime pour une existence sponsorisée par le guide du routard. Et dans ces radios, un morceau éclate l’oreille : ce Crystals de Clams Casino, déflagration ultime, quasi orgasmique, presque trop imposante, comme si l’américain voulait gaver le spectre sonore pour en faire du foie gras. D’autant plus étonnant que Clamyclams n’était que l’ombre de lui même depuis 1 an, à filer des productions faisandées pour des Mc trop vite adoubés. Mais sans prévenir, le bonhomme débarque dans un jeu blockbuster, et nous file l’un des beats les plus traumatisants de l’année 2013. Ce n’est plus du hiphop, c’est le bal des fantômes de Shining en plein driveby.






Seekae – Another

L’album +Dome des australiens Seekae est pour moi l’un des meilleurs albums de ces 5 dernières années. Mélange de Uk Garage émo-mélodique à la Mount Kimbie et de post-rock chialant sa mélancolie, ce disque m’a marqué au fer rouge à jamais. Autant dire que j’attendais la nouvelle livraison avec une impatience non feinte. J’ai pourtant été circonspect à la première écoute de ce Another, premier single d’un album prévu pour début 2014. Etonné forcement, car moi, je voulais encore des rythmes uk garage et des voix putes pitchées, et que le groupe cède ici aux sirènes du morceau pop, un peu comme tout le monde (Moderat, Mount Kimbie, Phaeleh…). Sauf que, passé l’étonnement, on se rend compte de la réussite de ce morceau, loin des élucubrations fainéantes d’un Darkstar, pour nous filer un diamant en progression, avec voix cristalline, rythme pachydermique, et surtout trance pute étouffée qui n’en fini plus de monter. L’ouverture finale casse la colonne, et si l’on aurait aimé entendre le morceau repartir pour un dernier assaut, on ne peut que s’incliner devant la perfection de l’exercice. Et devant un clip superbe, puis terrible, mettant en image un mythe urbain bolivien, obligeant les promoteurs à enterrer vivant un mendiant avant de construire un immeuble, pour protéger ce dernier (il semble que les fœtus de lamas sont privilégiés, en vrai). L’album pour l’année prochaine ? Putain grouillez vous les mecs, je n’attends plus que ça.






Mujuice – Without You

Il a des artistes qui nous ont marqué il y a des années, puis qui disparaissent dans les limbes de notre inconscient, avant de surgir à nouveau, sans crier gare. Le russe Mujuice m’avait éclaté les synapses en 2008 avec son superbe Teal Day EP, qui bat des records dans mon itunes. Sorte de techno candide précédant la déflagration Rone, cette mini galette était une réussite absolue, avec le morceau Blink en tête de liste. Bref, j’oublie ce mec, jusqu’à ce qu’un rappeur barbu fou me balance ce morceau il y a peu. Etonnement, Mujuice fait désormais, 5 ans après, du Uk Garage burialisé. Mais un Uk racé, travaillé à l’extrême. Alors forcément, ceux qui lisent ces pages savent en écoutant ce Without You que j’ai été convaincu en moins de 5 secondes, tant ce morceau regroupe tout ce que j’aime dans le genre : voix putassières pitchées, rythme claudiquant, mélodie émo, facette tubesque imparable légèrement viciée. En bonus, ce coté légèrement techno-electronica-candide infiltré, réminiscence de ses travaux passés, évite à ce Without You d’être considéré comme un simple erzats de Uk chill comme l’on en entend par centaine. Du très beau boulot.






Raffertie – Build Me Up

Encore un revirement surprise (décidément) avec Raffertie. Ce dernier a fait les bonnes heures de Planet Mu, avec un dubstep déviant et agressif dans les années pré-2010, avec en point d’orgue son Ep Wobble Horror, et son Sugar très rave hystérique. Peut être que l’anglais a vu avec horreur le dubstep muter salement, et a préféré voguer sur des chemins plus calmes. Car c’est en crooner de l’extrême que Raffertie déboule chez Ninja Tune, avec un LP un peu convenu, loin d’être réussi de bout en bout, mais contenant quelques belles perles, qui conviendront à ceux qui ont retourné le dernier Moderat, et qui cherchent quelques morceaux supplémentaires pour finir leurs bières. Parmi eux, l’excellent Build Me Up, pop spectrale, où les voix se perdent sans que l’on puisse réellement en distinguer le sens, tabassés par un beat lourd et des synthés de folie. C’est beau, pop en slow motion, parfaite pour accompagner nos divagations nocturnes dans la mégalopole bardée de néons. Avec, là encore, un sacré clip, nous donnant la preuve qu’en plus de se sortir les doigts du cul, Ninja Tune ne blague pas sur le budget communication dernièrement.






FKA Twigs – Papi Pacify

Ce clip pue le sexe. La transpiration, la salive, le stupre. Doigts explorateurs, étranglements sensuels, peaux qui se frôlent. A la base, le morceau ne pourrait exister que par et pour ce clip affolant. Car si FKA Twigs marque les esprits en ce moment, c’est d’abord par ses clips, à l’univers visuel très marqués, (un code couleur pour chacun, une idée forte à chaque fois, un constant positionnement entre malaise et sexualité), même si sa musique est vénéneuse. Si les premiers morceaux de la dame ne m’avaient pas foncièrement convaincus, j’ai pris ce Papi Pacify en pleine tronche. Couplets gluants, coulants sur nos tympans comme du magma, et surtout refrain majestueux, épique, grandiloquent. Ce morceau, c’est un peu comme si Tricky revenait 15 après en nous disant “Hey salut les mecs, je sais encore faire de la bonne musique !”.






Felix K – Flowers Of Destruction 4

Encore plus sombre, encore plus magmatique, quasiment repoussant, Felix K a sorti un album suffocant sur Hidden Hawaii, oscillant entre IDM sombre ambiant post-conflit et abstract dangereux. Si les titres concept peut paraitre pompeux au premier abord (Flowers Of Desctruction / Flowers of Hope), certains morceaux laissent passer une faible lumière, comme ce tourbillon Flowers Of Destruction 4, justement clippé par le hasard du net. Pulsations sourdes, mélodie en sous-sol, rythme sursautant sans jamais s’emballer, on est fasse à un tunnel interminable, aveuglé par la saccade des lumières passant devant nos yeux. Trop sombre pour écouter cela en allant au boulot, mais parfait en retour de flamme d’après soirée, avachis dans un métro cradingue et bondé






Nickelman – 船の無い波止場

Cela faisait quelque temps que je n’avais pas parlé de rap japonais (pub détournée pour ma super mixtape), mais je ne pouvais pas passer sous silence un de mes coup de cœur, Nickelman, qui a sorti l’Ep Babaluma, entre rap poisseux, élucubrations jazz et electro. En extrait, ce 船の無い波止場 et son clip tout chétif. Ca ne paie pas de mine, sauf que le morceau est absolument sublime, tout en retenu, avec cette instrue incroyable, entre tintements mélancoliques et nappes noisy hypnotiques. Je ne sais pas pourquoi ce petit instant m’a complément retourné, mais je n’ai pas été dragué par une track j-hiphop à ce point depuis un bail. Symbolisant parfaitement les divagations nocturnes à travers ville, à traverser harajuku en skate, une bière à la main.






Psykick Lyrikah – Mon visage

J’ai un rapport assez ambivalent avec Psykick Lyrikah. Absolument fan de ses exercices avec TeddyBear, ou de certains morceaux qui tabassent (il y en avait plein dans le précédant LP Derrière Moi), je suis assez réfractaire à ses tirades plus abstraites avec Mellano. Les textes d’Arm étant de plus en plus cryptiques, il m’est difficile de prendre du plaisir sur les fresques les plus expérimentales, si la musique derrière est elle aussi trop rigoureuse. Bonheur intersidéral quand je vois que le Psykick débarque avec un nouveau morceau produit par dieu-en-personne TEPR, qui revient décidément aux affaires après de longues années à tourner à travers le monde. Pour faire simple, Mon Visage est un morceau fou, avec une instrue émo-mélodique-pachydermique-tubesque absolument incroyable, rouleau compresseur arrachant cœurs et colonnes. Et s’il est toujours difficile de percer à jour ce que Arm veut réellement dire sur ce texte, même si l’on y distingue les affres d’un MC (j’ai du trop écouter les lyrics débilitants du dernier Mike Will x Miley Cyrus, ça a saccagé mes neurones), on se retrouve à nouveau estomaqué par la force de ses lignes, brefs slogans d’une pertinence rare, fascinants musicalement ( “du poison dans les artères / j’ai repris mon visage, retrouvé ma voix, l’ordre et les affaires” ), ce qui était aussi la force de Derrière Moi ( “Je regarde le monde bruler / je regarde le monde disparaître” ). Si Norman aime dans ses vidéos montrer qu’il écrit des phrases poétiques sur les murs de sa chambre, j’ai moi aussi envie de peindre dans mon salon, mais avec du sang, un implacable “reprend ta place, garde la !”. Je pensais que le Confused de Future et Gucci Mane était le tube de l’automne, mais ce Mon Visage risque de lui voler la place dans mon palpitant. Car oui, on peut dire ce que l’on veut, ce Psykick Lyrikah vs Tepr, c’est un tube. Un putain de tube.






Audio Dope – Cream

Parce que je voulais finir ce Cum On My Selector par un petit morceau parfait, ce Cream d’Audio Dope, entre rythme jouissif et voix putes pitchées, le tout accompagné d’une jolie photo d’une fille en petite culotte. Claquer des doigts, mettre ses ray-ban, boire une bière au soleil. Les plaisirs simples de la vie.







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Clark – Feast / Beast

Posted in Chroniques on September 18th, 2013 by Dat'


Total Annihilation



Marrant. J’aurais mis mon bras à couper que la prochaine sortie de Clark serait une captation de ses lives inhumains. Car tous ceux qui ont vu l’anglais en live sont d’accord pour dire que l’expérience est légèrement traumatisante, l’écrasement sonore déjà ressenti sur CD étant décuplé en concert. L’annonce d’une compilation de remixes aurait pu provoquer l’ire populaire, d’autant plus que le dernier album de l’artiste, Iradelphic, fut une semi-déception, détonant dans une carrière musicale absolument sans faute.

Sauf que ceux qui ont laissés traînés leurs esgourdes sur les remixes de Clark au cours de ces dernières années savent que certaines de ses meilleurs morceaux en font parti. Que le bonhomme met sa science de la destruction pleine d’affection aux services des autres groupes, qu’ils soient issus de la plus obscure frange de l’Idm, ou bien en vue du rock indie. Bref, une introduction un peu chiante, que l’on va conclure de façon alléchante : tu étais tristoune de te retrouver avec un album planplan il y a 1 an, et les déflagrations émo-pop-electronicapocalyptiques de Clark te manquaient ? En ce moment, tu as envie de te jeter contre les murs de ton appartement à hurler car tu écoutes un truc trop beau ? Clark et Warp viennent de te rendre un sacré service avec Feast / Beast.







La pochette est chelou ? Certes. Le tracklisting est impressionnant ? Tout à fait. Oui, car toi aussi tu sais que les remixes de Clark sont incroyables, mais que d’arpenter youtube ou beatport pour en récupérer une bonne partie, c’est usant.

Feast / Beast se décompose de façon pertinente, deux parties distinctes, Feast regroupant les fresques les plus calmes de Clark, et Beast s’occupant de déchaîner les enfers. Alors forcément, comme toute bonne compilation qui se respecte, un joli pourcentage des morceaux ici présents sont dispensables. 30 morceaux, c’est beaucoup, vraiment, et une sélection s’impose si l’on ne veut pas mourir d’overdose. On peut se demander si Warp n’a pas voulu trop en faire, oubliant que l’exhaustivité peut tuer l’impact :

Le Kitchen Sink d’Amon Tobin sonne désormais bien daté, même si toujours agréable. Certains remixes n’offrent que peu d’intérêt, même si le travail sur les textures est souvent intéressant (Sea de Vampillia bien mieux retouché par U-ziqEvil Beast bien trop court, Siberian Hooty juste sauvé par son finish, Bender assez générique…). Certains choix sont étranges, mais pas désagréables, comme la présence des deux remixes de Clark par Bibio, qui transforme l’implacable Ted en jolie fresque fragile. On peut pinailler sur le Sun Of Tempers Bear Paw Kicks Version qui reprend la track originale, en rajoutant juste une intro plus funky. Son auto-remix d’ Absence, en mode trance mélancolique est par contre superbe. Et l’on n’évite pas non plus les quelques remixes ratés, vraiment ratés, ceux qui torpillent l’original, ou n’offrent aucune plus value (La relecture de Milanese est fatigante comme jamais, celle du Freestate de Depeche Mode est rébarbative et banale)



Mais mais mais. Il faut être positif dans la vie. Parce que ce Beast / Feast contient des putains de diamants, des morceaux invraisemblables, des ogives permettant de retourner n’importe quel cœur / dancefloor :

J’avais déjà parlé du Glow de Kuedo par Clark, je ne vais pas me répéter. Mais bordel, putain, cette conclusion de morceau, ce rythme pachydermique, cette mélodie incroyable, tu sens que c’est la fin du monde, le règne des morts, la marche funèbre des robots géants qui écrabouilles les immeubles et détruisent tout ce qui bouge. Barrissements d’éléphants androïdes, vaisseaux qui atterrissent en créant des cratères. On n’avait pas entendu une métaphore sonore d’une machine qui prend vie aussi réussie depuis le Stone Pills de Raoul Sinier. La longue fresque mélancolique Spur, de Barker and Baumecker, en fera chialer plus d’un.

On touche au sublime avec la relecture du Fentiger de Nathan Fake, qui invoque les forces de l’electronica cristalline, avec un début de morceau ressemblant étonnamment à certaines divagations de Plaid pour la BO d’Amer Béton. C’est beau à t’en faire dresser les cheveux, rêve cotonneux, beat claudiquant. Mais avec Clark, l’autodestruction n’est jamais loin, et le morceau se brise pile en son milieu, pour se faire violer l’âme par un terroriste déprimé, à coup d’explosions contenues et synthés tire-larmes. Complètement fou.

L’anglais semble sortir un inédit dont ne sait ou, Alice (je ne me souviens pas d’avoir entendu ce morceau auparavant), et nous sort du Chris Clark pur jus, avec des claviers beaux comme la nuit, qui s’enroulent à n’en plus finir en sanglotant la pureté même. Sincèrement, comment ne pas tomber amoureux du dernier tiers, longue montée vers le paradis, avec voix d’ange et mélodie tubesque qui se nécrose lentement. Peter de Nils Frahm nous relancera dans la période plus psychédélique de Clark, façon Empty The Bones Of You, pour un tunnel drogué complètement dingue, à flinguer les viscères et casser les colonnes. Je ne connaissais pas l’original, je vais aller écouter ça de ce pas.

Et si tu veux VRAIMENT pleurer comme une madeleine, tu as un remix du Let’s Go de Rone, lui aussi assez bien loti pour faire pleurer dans les chaumières. Clark transforme le tube hiphop synthétique du français en longue complainte élégiaque, avec les Antipop Consortium qui se débattent dans des nappes folles, belles à tomber, filant le vertige. La track n’en fini pas de monter, c’est très rapidement épique, affolant de richesse, puis tout s’éteint. Plus de rap, plus d’énergie, on se laisse attirer, étouffé par une mélodie qui n’en finit plus de se démultiplier, de partir dans les échos, de fracasser les planètes. En écoutant ce morceau, j’ai envie de dériver dans l’espace, de me laisser porter par les étoiles, au ralenti, en crevant à petit feu par manque d’oxygène, alors que des connards hurlent dans le micro qu’ils ne peuvent plus rien faire pour moi. Cela ferait un bon scénario de film.





Mais vu qu’à force de chialer en ce moment, avec tous ces disques émo, j’ai choppé une conjonctivite, il serait de bon ton, parfois, d’écouter de la musique qui balance la sauce violemment, histoire d’avoir envie de tabasser des gens au hasard dans la rue en convulsant comme un malade mental. C’est ce que nous propose Beast.

Le Red Light de Massive Attack, qui n’est jamais sorti officiellement, b-side d’Heligo Land, se transforme en tube techno autiste, façon rouleau compresseur écrasant tous les danseurs d’une soirée trance. Nathan Fake s’attaque au Growls Garden de Clark, et transforme l’hymne pop hystérique en techno de cathédrale détruite, laissant de coté tous les éléments catchy du titre de base pour partir dans un délire hypnotique drogué, décontenançant au premier abord, mais foutrement jouissif au final. Les soubresauts qui décalent le rythme sont surprenants, on est en constance insécurité pendant 7 minutes, comme si le dancefloor allait se dérober sous nos pieds à tout moment, et nous entraîner dans une chute sans fin, un vrai tour de force. Parfait pour danser nu dans une cave de Berlin avec plein de drogues dans les veines.

Le coté house sexy de Letherette est complètement disséqué par Clark, pour transformer D&T en parade cauchemardesque, façon Ça le clown qui déboule dans la nuit pour te bouffer le bide. Horrible, mais assez fascinant. Clark arrive même à rendre Aufgang intéressant via Dulceria, génial craquage techno débile qui va se nécroser sans prévenir en ambiant lunaire.

Mais les 3 remixes les plus dingues de Beast, ceux qui ravagent tous sur leurs passages, c’est les tracks les plus pop. Ces remixes, c’est la violence, la déraison. Battles et Gary Numan deviennent méconnaissables sur My Machines, abasourdis par la charge déchainée de Clark. Le chanteur mythique semble perdu, dépressif dans ce maelstrom indescriptible, à gueuler des My Machiiiiines entre deux immeubles qui lui tombent sur la gueule. La conclusion, avec ces cordes géniales, et cette explosion camée, est ébouriffante. Le morceau original ? Mec, après avoir écouté ça, il n’existe plus.

Alors, sinon, Clark remix le tube ultime de HealthDie Slow, groupe labellisé camisole de force. Dieu sait que j’aime la track originale, parfait tube pute-métal-noise. Mais Clark transforme le truc en délire techno-pop-pachydermique, bigger than life, avec mélodie imparable et rythme de folie. A 1min50, quand le morceau entame réellement son assaut, quand tout déboule et te roule dessus, c’est l’orgasme. Le chanteur d’Health est là aussi complément paumé dans ce bordel, avant de se laisser aller à quelques élucubrations sataniques, ouverture à un vrai attentat émotionnel. Ce morceau me fait dire que j’aimerai entendre Clark remixer Marylin Manson. Si si. Sinon c’est magnifique, c’est bourrin comme jamais, c’est la charge finale, héroïque, avec soldats tombants sous les balles en hurlant leurs mères. Si mon chat n’était pas aussi beau, je lui aurais ouvert le ventre pour dessiner un pentagramme dans mon salon, avant de me jeter par la fenêtre en étant convaincu que je peux voler.

Pour finir, surement le remix le plus épique de toute la carrière de Clark, c’est le Let’s Get Clinical de Maximo Park. Là non plus, plus grand chose à voir avec l’original, on écoute surtout un Chris Clark qui a envie d’invoquer le grand Chtulhu, de soulever la colère de dieu sur nos oreilles, de faire passer Pacific Rim pour un film d’auteur avec Jean-Pierre Bacri. Il faut que je le dise, ce morceau, j’ai du l’écouter 300 fois dans ma vie. Alors bon, je ne suis plus très objectif. Mais quand j’entends le début, avec ce synthé complètement psychotique, ces voix gutturales, ce rythme absolument ahurissant, et bien j’ai envie de hurler. De baver, de me prendre pour un chanteur de métal, d’égorger des agneaux, d’écouter les météorites détruire la mégalopole. Ce morceau, c’est télescoper Armin Van buuren faire une cover du Ordo Ad Chao de Mayhem. C’est le monstre foule, celui qui parasite ta vie, se nécroser, se retrouver en boule, et s’immiscer en toi par tous les pores de ta peau. Quand j’écoute ce morceau, j’ai envie de casser la ville. De devenir cannibale. De me transformer en monstre, d’arracher ma peau, d’enculer le monde. De sauter comme un damné, de hurler, de taper mes murs jusqu’à voir mes os repeindre mon champ de vision. Parce que c’est beau. Let’s Get Clinical est la plus implacable, la plus massive des créatures remixées par Clark.






Alors forcément, on peut se dire que 2h20 de musique, c’est beaucoup. 30 morceaux aussi. La sélection est parfois étrange, le premier disque ayant d’ailleurs du mal à démarrer, et certains tracks manquent (Où est le beau remix du Til The days Falls du groupe lyonnais Para-lel ?). On peut déceler quelques tics de productions de Clark, qui reviennent assez fréquemment dans les remixes, là où l’artiste les disséminaient plus discrètement dans un album (certaines cassures, les outro ambiant-émo, les effets nécroses…).

Mais écouter ce Feast / Beast, c’est aussi se rendre compte de la principale force de Clark : ce mec pond des compositions d’une force folle, d’un point de vu strictement technique, mais aussi d’une puissance émotionnelle dingue. Feast / Beast donne l’impression de se faire agresser au marteau en plein climax orgasmique.Tu peux tomber sur un morceau hystérique (Let’s Get Clinical par exemple), quasi-terroriste en terme de volume, mais qui t’arrache le cœur avec ses mélodies. Et c’est souvent ce qui fait la réussite d’un morceau de Clark, qu’il soit calme (The Autumn Crush, Night Knuckles, Talis…) ou ultra énervé (New Year Storm, Growls Garden, Rainbow Voodoo…) : ses tracks ont un relief absolument fou, à filer la frousse, le vertige. Clark est toujours aussi fort pour faire de la musique en 3D, et tient toujours fermement à son statut du James Cameron de l’electronica.

Clark n’a pas son pareil pour tabasser les sens, écraser les esgourdes et voler les âmes même si Feast / Beast est trop complet pour être une tuerie à 100%. Reste qu’en faisant sagement une sélection des 15 meilleurs morceaux de cette compilation, on peut se créer un album qui enterre dix fois Iradelphic.


Faire une sélection séparant la mélancolie (Feast) de la violence (Beast) est extrêmement pertinent au premier abord, afin de donner une ligne directrice au disque. Mais au final, tout est bien moins manichéen que cela, car en écoutant cette compilation, une évidence frappe : dans chaque morceau de Clark, ces deux données se mélangent, se télescopent, copulent à n’en plus finir. Quand Clark se surprend à avoir des accès de violence, c’est pour mieux nous faire chialer au final. Et quand il semble jouer de teintes et mélodies ouatées, c’est toujours dans une optique de destruction sourde, d’annihilation totale. Clark a toujours fait cohabité chaos et pureté, démence et caresses, filles nues et lettre de ruptures, stroboscopes et dépression.

Deux visions séparées sur le papier dans Feast / Beast mais constamment réunies à l’écoute du projet, dans chaque note, chaque synthé, chaque soubresaut. Jusqu’à étouffement. Indispensable.






Clark / Maximo Park – Let’s Get clinical






Clark / Nathan Fake – Fentiger






Clark / Health – Die Slow






Clark / Rone – Let’s Go






30 titres / Warp – Beat Records

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Earl Sweatshirt – Doris

Posted in Chroniques on September 12th, 2013 by Dat'


Conseil de discipline



A moins d’être un pro de l’underground ou d’avoir fait du skate dans les interminables artères de Los Angeles, la majorité des gens normaux sont rentrés en collision avec le crew Odd Future grâce à la première video de Earl Sweatshirt, mélange intriguant de Jackass, d’enquête exclusive sur les teens d’aujourd’hui et de rap gangsta trash. A l’époque, le clip fait son petit effet, choque, et ouvre une porte sur un crew encore bien jeune, mais à la discographie déjà bien fournie, avec comme pièce maîtresse l’incroyable premier Lp de Tyler The Creator, Bastard. La tornade est engagée, ravage tout sur son passage, porte le crew des plateaux de Jimmy Fallon aux studios photos de Terry Richardson, se fout à dos les associations féministes – LGBT, et fait des concerts massifs à Tokyo ou Paris.

Mais le mec le plus prometteur du crew, Earl, n’a pas vécu tout ce bordel, banni par sa mère aux iles Samoa dans une école de redressement pendant plus d’un an, sa disparition soudaine contribuant grandement à la légende d’Odd Future, peu avare en rebondissements.

Même si l’on brocarde souvent Tyler pour la violence de ses textes, c’est bien Earl Sweatshirt qui avait sorti le LP le plus hardcore du groupe… mais passer plus d’un an exilé à la plage pour faire des travaux d’intérêts généraux a du calmer le bonhomme, ce dernier annonçant que son deuxième album serait bien plus sage et ouvert aux collaborations extérieures. Bref, fini de parler d’éjaculation sur corps découpés à la machette placés dans des sacs plastiques ergonomiques pour faciliter le travail du personnel de la voirie. Dommage? Pas forcement.







La vraie surprise, à la première écoute de Doris, c’est que le disque est sombre. Très sombre. On pensait que le LP serait aéré par le nombre de feats et producteurs. Chez OF, on était convaincu que Tyler avait l’apanage de la noirceur crade, là ou Earl semblait se montrer plus mélancolique dernièrement. Mais Doris pue le souffre, les impasses glauques, les tapins égorgées. Le disque est tellement âpre et hermétique que l’on a même du mal, à la première écoute, à distinguer les morceaux marquants, un peu comme l’indigeste Goblin à l’époque. Sauf que si ce dernier frisait l’étouffe-chrétien, Doris nous étrangle avec bien plus d’intelligence.

Le disque semble d’ailleurs être une lente et logique progression vers la lumière, car les ogives les plus dures sont en première partie. Ce qui ne veut pas dire que l’on ne se prend pas quelques grosses mandales : Burgundy cajolé par les Neptunes ouvre l’album de façon presque aussi épique qu’un “It was supposed to be easy” de la grande époque, grâce son orchestre hiphop complètement flingué (et aura fait une bien meilleure introduction que le plus anodin Pre). Earl ne parle plus de violer ta soeur après lui avoir chié dessus, et fait dans l’introspection, froide et clinique (“Grandma’s passing / But I’m too busy tryna get this fuckin’ album cracking to see her / So I apologize in advance if anything should happen / And my priorities fucked up, I know it, I’m afraid I’m going to blow it…” ça a le mérite d’être clair)

Samiyam, étonnamment recruté de chez Brainfeeder/hyperdub balance l’une des instrues tubesques du disque (20 Wave Caps, une tuerie déconcertante, avec un Domo Genesis impeccable, seul feat réellement indispensable de Doris, par deux fois) et Tyler The Creator intervient sur un plaisant Sasquatch se situant clairement dans la zone de confort d’Odd Future. Les vrais coups de poings de la première moitié de disque sont les deux singles. Chum est un superbe morceau claudiquant, hypnotique, juste parfait, dans son instrue comme son texte, avec une des plus belles vidéos de 2012 pour accompagner le morceau. Hive, au clip lui aussi incroyable, est le tube d’enculé du LP, l’instrue grondante (produite par Earl lui même) est imparable, collant parfaitement à la nonchalance de Earl et Staples. Cette track est rêche comme la mort, mais pourrait retourner n’importe quel dancefloor de sales camés en conclusion de trip dans un club de fin du monde. Le bonheur. Ce morceau, c’est se faire racler le visage contre le bitume, et aimer ça.

Au final, cette première partie de disque n’est entachée que part un Sunday chiant comme la pluie, avec un Frank Ocean qui rappe timidement au lieu de nous foutre la chair de poule avec ses cordes vocales. Le morceau n’a pas de vrai intérêt, mou et austère, et ce n’est pas la petite pique sur Chris Brown qui nous ferra crier au génie.





Puis le disque se brise, et prend une tournure plus lumineuse en son milieu, en nous frustrant méchamment au passage : deux vignettes se succèdent, d’une minute, et font parties des meilleures pistes du LP. 523, petit interlude tout mignon produit par Earl, distille une bien belle mélodie, que l’on aurait aimé voir exploité un peu plus longtemps. Pire, Uncle Al aurait pu être le meilleur morceau du disque s’il avait pointé à plus de 60 secondes. L’instrue est folle (Earl & The Alchemist), avec ces voix d’anges pilonnées par un beat pachydermique. Au moment où tu commences à trouver le tout génial, on te dit d’aller te faire foutre en écoutant un feat du faisandé Mac Miller. Ce dernier est méconnaissable sur Guild, autre bombe absolue de Doris, rap psychotropé screwed hypnotique, à l’instrue superbe, mélodie parfaite, même si je suis surement le seul à le penser. Quand Earl déboule avec sa voix ultra grave et modifiée, c’est les poils qui se hérissent, drogue chérie, dieu te bénisse.

Bref je parlais de lumière, et ne crois pas que je te baratine, car même les trucs chelous juste au dessus sont bien moins lugubres et désespérés que ceux de la première mi-temps de Doris. Et que le reste me donne raison : Whao feat Tyler est un morceau 100% wolf gang, hiphop impur et narquois, marque de fabrique du crew. Molasses feat RZA est peut être l’instrue la plus aérienne du disque, avec un sample chaud et optimiste, pour une jolie leçon tru3 hiphop à première vue un peu forcée (salut-on-fait-venir-le-Wu-et-on-fait-du-old-school) mais au final foutrement belle.

Avec Samiyam, l’autre surprise, c’est la présence de BadBadNotGood à la prod de Hoarse. Le groupe de jazz flingué amène Earl sur leurs terres, pour un morceau presque rock, étonnant dans un album aussi strict. Hoarse est au final indispensable à Doris, lui donnant une sacrée dose de mélodie, pour une conclusion de disque épique, prouvant que le Mc pourrait se balader sur des chemins où l’on ne l’attendait pas forcement. En bonus, si tu veux t’assurer que le duo Domo x Earl marche du feu de dieu, il suffit d’écouter Knight, autre diamant incontesté du LP, placé en queue de peloton.






Bon, grosse erreur pour article hiphop de la sorte, j’ai fais une chronique track by track, parce que j’ai l’habitude d’écrire d’une traite en écoutant le disque, et que si je faisais une chronique courte, on se demanderait si je suis payé à rien foutre (ce qui est une mise en abîme extrêmement intéressante d’ailleurs vu l’endroit où j’ai commencé à écrire ce texte). Alors divaguons quelque peu, histoire de raccrocher les wagons:

Important, les lyrics. Car là où Tyler et ses potes naviguent plus dans la prose agressive et les blagues potaches (bien qu’écrites avec une précision extrême), Earl déboule dans ce nouveau disque avec des textes ultra personnels, plutôt sérieux, foncièrement introspectifs. Grand bien lui fasse. Mais il faut savoir que les lyrics de ce Doris sont quasiment incompréhensibles pour les non anglophones. Oh certes, on pigera les lignes les plus frontales, les références salaces à One Direction ou Rihanna, et les deux trois comportements délictueux évoqués dans le disque. Mais les textes d’Earl regorgent de double sens, de métaphores évoquant des métaphores évoquant elles mêmes des métaphores, et de jeux de mots/sonorités improbables.

Si quelques rares morceaux sont (presques) limpides (Chum, Burgundy…), le disque est difficilement déchiffrable. Le meilleur exemple de ce bordel lyrical est surement Whoa, un des tubes incontesté du disque, avec des couplets ultra complexes, qui ferrait passer DoseOne pour Miley Cyrus : « Pissed as Rick Ross’s fifth sip off his sixth lager / Known to sit and wash the sins off at the pitch alter / Hat never backwards like the print off legit manga / Get it? Like a blue pill, make ya stick longer / Or a swift fist off your chin from his wrist launcher / Chick, chronic thrift shopper, thick like the Knicks roster / Stormed off and came straight back like pigs’ posture ».

De quoi assurer un gros trafic sur Rap Genius. Même mon pote Néo-zelandais m’a dit, en écoutant ça, qu’il devait sacrement se concentrer pour bien piger le bordel. Et mon pote est loin d’être con. Donc ne nous dit pas que tu as tout pigé du premier coup, personne ne te croira.


L’autre point important, c’est que ce Earl semble prendre le contre-pied de ce que sort Odd Future, même s’il en garde évidemment le pedigree. Là où Tyler est enfin sortie de sa cave poisseuse avec un nouvel album apaisé et mélodique (l’excellent Wolf), là où Domo fricote avec Bronson et Alchemist, Mike G avec Charly XCX, Frank Ocean avec la fame, The Internet avec le jazz soul… Earl se lance dans la galette la plus sombre estampillée par le crew depuis Goblin.

Mais plus que sombre, Doris lorgne souvent plus du coté du hiphop expérimental des années 2000 que des sonorités droguées actuelles. De part ses instrues anxiogènes, minimalistes, sales, et ses textes cryptiques, Earl semble s’attacher à nous servir un rap indé 2.0, mélange parfait entre l’héritage d’un MF Doom ou d’Anticon avec le nouveau son effronté et goguenard des jeunes cramés actuels. Se prendre la tête de façon intellectuelle tout en passant pour un gros branleur qui fait du skate la majeur partie de sa journée, c’est le grand écart que fait Earl sur Doris, avec un sacré talent.

Doris n’est pas foncièrement l’album que j’attendais de la part de Earl. Ici, point de Lp révolutionnant la face du rap, ni de galette radio-friendly permettant d’introniser Earl en douceur dans le rap game, avant la la pluie de billets promise dans les prochaines années. Le jeune Mc a au contraire décidé de ne faire aucune concession, de sortir un disque dur, nécrosé et difficilement assimilable à la première écoute. D’autant plus qu’Earl semble chapeauter le projet de bout en bout, sortant l’album de ses tripes, et non pas en attendant la bouche ouverte qu’on lui balance de belles productions, chose de plus en plus rare.


Futur classique ce Doris? Pas forcement. Mais que ce deuxième album soit le jalon pour qu’Earl Sweatshirt se pose comme l’une des jeunes têtes incontournables du rap actuel, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Doris est une putain de galette, cohérente et hypnotique, qui pourrait seulement pécher par un excès de noirceur et un manque de tubes. Mais s’ébrouer dans les ténèbres convient parfaitement à l’américain, traumatisant les esgourdes avec un quasi-sans faute. On devrait trouver le LP dans bien des tops 2013, sans forcer. Diplôme validé.






Earl Sweatshirt – Hive






Earl Sweatshirt – Chum






Earl Sweatshirt – Whoa






15 titres – Tan Cressida / Columbia

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µ-Ziq – Chewed Corners

Posted in Chroniques on August 28th, 2013 by Dat'


Never gonna lose your love



Sincèrement, j’ai attendu ce µ-Ziq avec la même, si ce n’est plus, impatience que le nouveau Boards Of Canada. Certes, la campagne marketing fut moins épique, certes le bonhomme n’a pas l’aura des écossais, et oui, Mike µ-Ziq Paradinas n’avait pas littéralement disparu de la surface de la planète. Mais au final, il n’y a pas eu de vrai album estampillé µ-Ziq depuis 2007, une plombe dans le monde de la musique électronique. Et dieu sait comme ce Duntisbourne Abbots Soulmate Devastation Technique était grand, un vrai disque malade, cancéreux, hanté, en rupture totale avec ce que faisait Paradinas jusqu’à lors (en décalage même avec son label, en pleine période Dubstep à l’époque).

Mais de l’eau à coulé sous les ponts, et Planet-Mu, bastion de l’Idm, puis du breakcore, puis du Dubstep, est devenue, en Europe et au Japon, la référence du footwork/juke depuis quelques années, en important avant tout le monde les grosses sorties officielles du mouvement (les Bangs & Works, les disques de Dj Diamond, Nate, Rashad, Traxman, Yung Smoke…). Les artistes maisons du label sont eux aussi tombés dans la marmite footwork, pour offrir une musique moins dure et épileptiques que les puristes, grâce à un acquis electronica non négligeable. De ce mélange batard est sorti de belles galettes, comme le LP de Machinedrum, celui d’Ital Tek et surtout le Severant de Kuedo, véritable déflagration dans mes oreilles, autant qu’un Untrue de Burial, ou un Bad Thriller d’Abstrackt Keal Agram.

En 2013, après tant d’années de silence, µ-Ziq nous a servi un excellent album de vieilles compositions inédites, et un sympa disque house-pop (Heterotic) en compagnie de sa femme et du chanteur de Gravenhurst. Mais c’est clairement son Chewed Corner que j’attendais la bave aux lèvres, annoncés à coup d’extraits ravageurs. Et, selon les dires de Paradinas lui même, le LP serait hautement influencé par Kuedo, le tout plongé dans une bassine d’electronica mélodique.






Et cette influence, on la sent, omniprésente. Que les allergiques aux rafales de snares et boites à rythmes survoltées passent leur chemin, car l’on trouve dans Chewed Corner de quoi bien se faire brutaliser la colonne vertébrale. Mais avec prestance, toujours. Car dans ce disque, point de footwork hystérique et débilitant. La démarche est similaire à celle de Kuedo. Garder une ossature flinguée, malaxant les Bpm comme les cons dans un porno slovaque, mais sous une belle couche de mélancolie.

Preuve en est avec l’ouverture Taikon, qui aurait clairement pu se glisser sur Severant sans aucun problème, tant l’ambiance “blade runner vs uzi rythmique” renvoie au diamant de Kuedo. Même chose pour Christ Dust, et son final traumatisant, façon vaisseau mère qui se pose directement sur tes esgourdes. Wipe sera le premier titre à se détacher un peu du modèle, en tentant de porter la bass music sur des terrains plus µ-Ziq : le tout va troquer ses apparats futuristes pour une direction plus putassière, synthés kitsch cosmiques qui vont s’échouer sur un final complètement nauséeux, comme si The Underdog Project tentait de faire un live après avoir avalé 3 packs de bières. En mode severant-juke, on a aussi les imparables Twangle Melkas ou Ticly Flanks, parfaits pour remuer ton body en contemplant les étoiles.

Mais Paradinas n’est pas l’un des dieux de l’électronica pour rien. Et il ne va pas, sur ce LP, s’escrimer à décliner la recette de Kuedo sur un long format, cela serait trop facile, en plus d’être stérile. Alors toi qui veux de la belle IDM, de la mélancolie en pagaille, des productions pleines de mélodies cristallines et de tirades émo, ouvre les bras, Paradinas t’emmène en voyage.

Déjà, tu as Mountain Island Boner, qui fait bien plus que de l’émo. Le mec le fait en sachant pertinemment que cela va marcher. Trop facile. Mais tellement bon. C’est un peu comme si U-ziq remixait le thème d’Urgence et d’Hartley Cœur à Vif (il paraît que c’est l’hymne des Chicago Bulls aussi), en mode Warp nineties, pour finir sur un footwork flingué. C’est beau, ça te fait rêver, c’est ultra régressif, dans le sens où tu penses à ton adolescence un peu inconsciente, à rigoler avec tes potes en buvant des bières, loin de tes problèmes d’adultes.





On le sait, Mike Paradinas, tout comme son pote Aphex Twin, n’a jamais pris le game de l’IDM au sérieux, distillant toujours un peu d’ironie ou d’humour dans ses disques. Il s’est de plus toujours posé assez loin des expérimentations fractales de ses collègues, privilégiant souvent les rythmes binaires et teintes parfois cheesy. Chewed Corner continue dans cette branche, et balance de sacrés putain de trésors. Des exemples ? Houzz 10 a pourri mon été, j’ai chanté ce morceau sous la douche, au bureau, dans le métro, partout, partout, partout. C’est une synthèse entre le vieux U-ziq avec des mélodies sublimes, le Paradinas cancéreux du dernier LP avec ces synthés déstabilisants, et le musicien adulte, qui n’a plus rien à prouver, tout de house candide et bondissante. Ce morceau est superbe, longue montée un peu cheap mais hypnotique, avec ses claviers imparables, tubesques, ce truc qui te donne envie de danser dans un club en te marrant comme un débile à tourner sur toi même en fixant les stroboscopes. Ouai c’est exactement ça. Ce morceau me donne envie d’entrer en rotation, les bras écartés, en gueulant comme un con. Le genre de tracks qui te fait sentir gamin, qui te lave le cerveau, qui te rempli les poumons de lumière. A courir dans les hautes herbes, le froc plein de terre, en tentant de rejoindre ta cabane alors que tes potes te canardent avec des bombes à eau. Normalement, je te parle de club dépressif, de dancefloor drogué, de camés et mini-jupes. Mais pas ici. Là c’est club amoureux, club lumineux. Le bonheur.

Tu as aussi Melting Bas, qui est aussi complètement ahurissante. Je vais vous faire une confession. Je n’ai jamais vu un seul épisode de Game Of Throne. Les trucs médiévaux/heroic fantasy, ça me fait chier. Mais vu que je n’ai jamais croisé quelqu’un m’ayant dit que Game Of Throne, c’est nul, je vais surement m’y mettre un jour. En plus, il paraît que Hannah Murray apparaît dedans. Reste que, on me soutient souvent que cette série est le symbole de l’épique-badass. Moi je réponds que non, parce qu’il y a The Shield. Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que je n’ai pas beaucoup dormi donc je divague, et aussi car Melting Bas est un truc héroïque, une chute electro-techno-hypnotique folle, ce morceau, il ne te plante pas des ailes d’ange dans le dos. Non. Il te les brule avec un chalumeau, puis il te fout un coup de pied dans le bassin pour que tu chutes dans un ravin sans fond. Les ténèbres, ça fait peur, mais tu trouves ça beau.

Monyth fait son petit effet aussi, bien trop courte, mais tellement parfaite. Ces hululements, ces notes cryptiques, qui t’enveloppent, qui résonnent. Tu as l’impression de perdre son pucelage dans une caverne de glace, l’extase.

Et il y a, évidemment, pour conclure le disque, la fameuse Weakling Paradinas. La track que tout le monde attendait après avoir entendu les premiers jets du LP. Le morceau qui tournait sur les rips youtubes, celui que tout le monde avait sur le bout des lèvres. Pour faire simple, c’est le tube dance débile kitch old-school émo cristallin electronica de l’année. La mélodie toute simple, les claviers super candides, le beat binaire et lineaire. Mais bordel, quel ravissement. Quelle envolée. Vers les étoiles, vers le cosmos, vers le destin. Ce morceau, c’est des chats mignons qui volent au dessus de ta ville en chiant des arcs en ciel de cœurs. C’est danser avec l’amour de ta vie en bouffant de la barbapapa. Mais c’est aussi un peu triste. Pas dépressif, juste légèrement mélancolique, la larmichette qui te tord le bide, même si tu as le sourire aux lèvres. Putain, mais tu entends cette mélodie, ce truc fou, qui te donne envie de câliner le monde, même si ce dernier est en train de pourrir ? C’est une conclusion délirante, épique, un peu débile, pourquoi pas banale, carrément niaise, triplement émo. C’est forcément à la limite du bon gout. Mais moi, ça me fait rêver. Pendant plus de 7 minutes. Prendre son pied, bien accroché à son canapé.





C’est assez rare pour l’admettre, mais j’ai pour une fois cédé aux sirènes du dématérialisé, le LP Chewed Corner étant accompagné, sur le shop de Planet Mu, d’une mixtape comprenant plus d’une quinzaine de morceaux inédits de Paradinas (surement des reliquats de l’album), certains étant vraiment beaux. Un deuxième Lp en bonus, ça ne se refuse pas.

Chewed Corners est surement bien moins dérangeant et singulier que Duntisbourne Abbots. Il n’a pas non plus la rage sourde de Billious Path, et les rêveries IDM d’antan se trouvent lovées dans la compilation Somerset Avenue. La forte influence de Kuedo sur ce disque pourrait être critiquable, tant certains morceaux pourraient être labellisé Severant, mais quand la perfection copie la perfection, il n’y a pas de raison d’être chafouin. µ-Ziq semble ode toute façon offrir bien plus que ça avec son nouveau disque. Certes, on a une relecture du mouvement footwork/juke, dont il semble fondu depuis quelques années,  mais il y a surtout une envie de balancer des morceaux sans se prendre la tête, avec cette forte impression que le mec n’a plus rien à prouver. Il veut faire copuler morceaux vrillés et épileptiques avec des fresques dance-émo-puputes ? Pas de problème, tapis rouge. Il veut nous demander de l’aider à choisir les morceaux qui seront dans l’album, en teasant comme un enfoiré ? Avec plaisir, on en redemande.

Duntisbourne Abbots fut un vrai pavé dans la mare à sa sortie, me choquant pour bien des années. Ce nouveau disque semble assez loin de cela, ensemble disparate extrêmement plaisant  mais ne cherchant jamais à être révolutionnaire, ou à s’affranchir de quoi que ce soit. Juste à draguer les tympans et coller des papillons dans le ventre. Un beau projet.


Reste qu’en concentrant footwork atmosphérique, Idm mélodique, dance émo et techno hypnotique, Chewed Corners est un sans faute, une petite merveille de galette électronica qui tombe à pic pour les amateurs du genre. Une musique touchante et joyeuse, riche comme la mort, bourrée de détails et de surprises.

A l’instar du Boards Of Canada sorti plus tôt dans l’année, on a vraiment besoin de disques comme ce Chewed Corners en ces temps instables. Une des belles sorties de 2013.






µ-Ziq – Houzz 10






µ-Ziq – Taikon






14 titres – Planet Mu

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Moderat – II

Posted in Chroniques on August 8th, 2013 by Dat'


Alcachofa



L’été, quand on se prélasse les doigts de pied en éventail à son boulot, un cocktail à la main, il faut écouter des disques cools. Qui ne prennent pas la tête, mais qui ont suffisamment de présence pour te filer la larmichette ou te coller des papillons dans le ventre.

En ce sens, quand on me demande “hey je n’aime pas trop la musique electronique, j’aimerai écouter un peu, tu as un disque à conseiller?”, je sors assez souvent le Happy Birthday de Modeselektor en exemple. Car ce disque, tout en restant assez exigeant, avait l’ouverture nécessaire et une certaine facilité dans les compos qui permettaient aux profanes d’apprécier un disque électro sans prendre peur. Tout en permettant de définir vers quelles directions ils souhaitaient ensuite aller, vu que le LP convolait sur une tonne de genres.

Le premier Moderat, même si plus linéaire, avait cette même force : servir un disque d’une excellente qualité, tout en restant accessible au plus grand nombre. Un disque à double lecture, pouvant autant plaire aux fans hardcores du genre qu’aux auditeurs du dimanche. C’était beau, mélancolique, dansant, pop et techno, parfois un peu facile mais jamais indigent, avec même quelques titres cultes.

L’annonce d’un deuxième opus ne pouvait être qu’une excellente nouvelle, même si les deux entités formant Moderat pédalent un peu dans la semoule depuis quelques années (les Modeselektor brillent bien plus via les sorties de leurs label que par leurs propres disques, et Apparat n’est plus que l’ombre de lui même depuis quelques temps). Pour Schématiser, j’ai été traumatisé par Rusty Nails, et je ne voulais qu’une chose dans ce Moderat II : qu’il y ait au moins un ou deux morceaux d’apparat chialant sa peine sur du 2step. Ce nouvel album contient bien plus de surprises encore…







Alors mettons les pieds dans le plat tout de suite : des morceaux pop ultra émo ayant pour literie du uk garage bien branlé, il y en a. Et c’est beau. Très beau. Si Apparat m’emmerde depuis quelques temps en solo, il devient un chanteur hors pair d’albums en albums. On peine à croire que l’allemand, il y a encore quelques années, avait honte de chanter, caché derrière ses machines, avant qu’Ellen Allien lui donne un coup de pied au cul et l’oblige à susurrer sur Orchestra Of Bubbles.

Bad Kingdom qui ouvre l’album, est absolument parfaite. La synthèse d’années de travail de la part des deux groupes, entre pop-electro avec featuring clinquants de Modeselektor (Thom Yorke, Maximo Park…) et complaintes ultra sensibles d’Apparat. Le mélange atteint ici une sorte de perfection, une pureté mélodique folle, un morceau universel, que pourrait chanter Robbie Williams comme Sebastien Schuller. La dureté (toute relative) de l’instrue contraste avec le refrain, lunaire, directement dans le cœur. Un truc sublime. Il n’y aurait que ce morceau de chanté, j’aurai déjà été aux anges.

Mais les allemands sont joueurs, et alignent un peu plus loin l’autre chef d’œuvre du disque, Gita, incroyable morceau de garage-pop tellement émo que les groupies de Good Charlotte s’ouvriraient instantanément les veines en l’écoutant. Tout est parfait, entre le rythme hésitant, les petits samples cuttés, les synthés incroyables, et surtout la voix d’Apparat, qui t’enfourne la colonne vertébrale dans le cul à chaque gémissement tellement qu’elle est belle. Gita est un morceau complètement dingue, neurasthénique, lumineux, mélancolique, avec cette infime once de putasserie qui rend le tout indispensable. Chiale sur ce morceau, larmes musique.

Plus en retrait, moins frappant à la première écoute, Damage Done distillera la même dose d’émotion que les précédents morceaux. Et si le coté chagrin/nostalgique sur-prononcé pourra faire grincer les dents des cœurs de pierre, les autres se laisseront complètement embarquer dans ce slow electro de folie. Si j’avais 13 ans, j’aurai voulu danser dans une boum avec la nana que je convoitais au collège, à valser sans être trop serré, de peur de lui effleurer les seins, avant, peut-être, d’obtenir un bisou sur la joue qui m’aurait empli de joie. Mais il paraît que maintenant, les boums sont composées de jeunes qui se droguent et qui baisent à 5 dans les chiottes, donc cela colle drôlement moins avec le morceau. Ok, on peut avoir l’honnêteté intellectuelle de dire que Damage Done tient parfois plus de Phil Collins que Popnoname, mais cela reste quand même foutrement beau.

Dernier représentant des morceaux chantés, Last Time impressionne autant que le reste du disque, avec un coté tubesque-pute légèrement plus prononcé, à base de synthés imparables et chant qui file la chocotte à chaque envolée. Et si ces 4 morceaux sont, pour moi, les piliers de l’album, Moderat me servant exactement ce que je voulais sur ce II, il ne faut pas oublier que les deux tiers du LP sont instrumentaux. Et vraiment, ces derniers sont magnifiques, eux aussi.





Oh certes, c’est très classique, sans surprise, à part celle d’être à fond dans une veine garage-burialesque, plutôt que sur la techno planante du premier opus. Car ici, c’est rythmes claudiquants, samples de voix pitchés et synthés de folie. On sent l’influence de Phon.O sur un Versions sublime, sorte de 2-step lunaire ébouriffant flirtant avec la trance, d’une richesse dingue, entre claviers 3D et litanie d’une tristesse à retourner les palpitants. Cuaron, ne cherche plus, tu l’a trouvé, ta BO pour Gravity. Pourtant le morceau est tellement classique que l’on parlerait presque de nécrose. Moderat n’invente rien. Nous sort une recette déjà entendue mille fois (le uk-garage-émo-planant-drogué). Mais putain de bordel de pute borgne, ce Versions, c’est le genre de track que je cherche quotidiennement sur le web depuis des années. Moderat est en retard, vraiment, et sort quelque chose de presque archaïque. Mais il te la bichonne, cette track. Tellement que l’on frôle la perfection, le fan-service ultime.

Et ce que je viens de dire, je peux le copier/coller pour Let In The Light, très bon tube garage dance, pont parfait entre The Artful Dodgers et Apparat période Walls. Le chant est ici dérouillé pour en extirper une voix robotique, presque gênante, avant qu’un refrain affolant de pureté, à te dresser tous les cheveux sur la caboche, déboule et tabasse tous les cœurs qui bougent. On se retrouve avec un anthem qui pourrait flinguer les charts à la manière d’un Get Lucky ou un I Follow Rivers, s’il n’y avait pas cette pincée de drogue par dessus. Il faut imaginer les Spice Girls en pleine dépression, avalant du rohypnol avant de se dandiner en club, le tout screwed’n chopped. Si si, vraiment.

Tu veux encore du bon uk garage bien dégoulinant d’émotion ? Therapy est là pour vous servir, et là encore, on sent qu’un Black Boulder est passé par là, entre tabassage via rythmes pachydermiques et claviers filant le vertige. Met moi ça dans un club, sur un bon soundsystem, et je risque de m’y perdre pour l’éternité. Ilona assurera lui aussi le taff, de façon légèrement moins flamboyante que les autres, mais avec prestance néanmoins. C’est plus direct, un peu plus dancefloor, un peu plus sombre, parfaitement écoutable lors de longues nuits blanches. Du tout bon.

La surprise, c’est de voir la portion techno-electronica très présente dans le premier disque à un seul et unique morceau dans II, Milk. On est forcément circonspect, tant les escapades cristallines de 2009 étaient belles. Milk n’attendra pas les sommets du premier album de Moderat. Cette longue fresque de 10 minutes, un peu frustre au démarrage, partira dans des circonvolutions assez réussies, et diablement hypnotiques. C’est au départ le morceau que j’ai le moins apprécié du disque, pour, au final, y revenir assez régulièrement, ce dernier coupant bien l’album, et lui offrant une respiration assez salvatrice. La conclusion, quasi hystérique, façon mur shoegaze techno, surprendra au premier abord. Mais l’envie de se faire molester les synapses pointera vite le bout de son nez, pour nous convaincre rapidement.





Moderat ne surprend pas. Déçoit même au premier abord, tant le classicisme du disque fait peur. La première écoute m’avait même complètement décontenancé, surpris par le coté très polissé du tout. Là où le groupe était en avance, ou tout du moins servait une musique ancrée dans l’actualité il y a 4 ans, sort aujourd’hui un disque qui déboule avec des années de retard. Le 2step/uk garage émo, en attendant le sauveur Burial, il y en a partout, de Phaeleh à Skrillex en passant par Mount Kimbie ou Seekae, et voir les allemands se concentrer là dessus, en délaissant complètement la techno (à part sur Milk), cela surprend franchement. Premier écoute, je n’ai pas aimé, presque dégouté. Après quelques écoutes, j’ai trouvé ça très bon. Après trente écoutes, le disque m’est indispensable.


Ce II est presque banal dans son parti pris, sans aucune (mais vraiment aucune) prise de risque. Pas d’aventure, pas d’innovation, on te sert un album electronica-garage-pop qui sent presque le grenier tellement il est référencé.

MAIS si le disque arrive avec 4 ans de retard, il n’en reste pas moins sublime, sur la majorité des morceaux. C’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes, évidemment. Si le disque était sorti en 2008, on tiendrait un manifeste presque révolutionnaire du new-uk-garage. En 2013, l’album ne surprendra personne, mais délectera les amateurs du genre.

Certes, ce disque est plus fait pour se noyer dans la mélancolie que dans des poitrines opulentes à Ibiza, mais lors de longues nuits d’été, cela nous suffira. Parce qu’un disque aussi solide, même avec un léger coup de mou sur le dernier tiers, on n’en a pas tant que ça.






Moderat – Bad Kingdom






12 Titres – Monkeytown

Dat’

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Jackson And His Computer Band & Mr Oizo

Posted in Chroniques on July 21st, 2013 by Dat'


Batifole moi le corps



Bon c’est l’été, il fait chaud, plus grand monde n’est devant son ordi, à part pour checker la météo, surveiller l’arrivée de Breaking Bad, mater les nouveaux clips de Lil B et mettre de la musique douce pour impressionner la jolie mannequin / beau surfeur bronzé que tu as pécho sur la plage. Sauf si tu plies l’échine et que tu vas bosser toute la journée dans un open space alors qu’il fait 34° et que tes collègues veulent absolument baisser tous les stores “parce que tu comprends man, il fait chaud”, ce qui fait que tu ne te fait pas lécher plus de quelques minutes par le soleil pendant toute une journée. Forcément, en juillet-aout, les sorties de disques ralentissent, les chroniques aussi. C’est paradoxalement quand on est en vacance que l’on manque de temps pour écouter ou tartiner un texte sur de la musique.

Mais la période estivale n’est pourtant pas avare en mélodies, entre les sempiternels tubes de l’été (Daft Punk semble avoir remporté le combat haut la main), sorties de mixtapes droguées parfaites pour dodeliner de la tête sous le soleil (Yung Lean, Main Attraktionz, Partynextdoor…), voir mêmes quelques annonces de disques qui risquent de secouer méchamment la rentrée (Earl Sweatshirt, je pense à toi)



Et c’est justement deux frenchies qui font parler d’eux durant ces affriolantes chaleurs. Sur Warp d’une part. Car il y a quelques temps, le retour de Jackson And His Computer Band était encore aussi improbable que celui de Boards Of Canada, même si bien moins attendu. Le parallèle n’est pas si foireux, les deux groupes ayant disparu de la planète terre la même année, en 2005. C’est au final deux légendes du roaster de Warp qui reviennent en 2013 car oui, Jackson avait sorti un disque de fou il y a 8ans, une galette qui a marqué la majorité des amateurs du label à l’époque, en proposant (exactement comme son pote Mr Oizo la même année) le mélange parfait entre putasserie electro française encore inédite à l’époque et délires expérimentaux de neurasthénique. Souvenons-nous de Utopia :



Car si Smash détonnait à l’époque, c’était autant par sa musique folle, belle, que par l’incongruité de certains choix pour un label qui était encore marqué du sceau “serious business” (le mec faisait chanter sa mère, avait des artworks improbables, se situait toujours entre le foutage de gueule et le chef d’œuvre…). Bref, ça puait l’autisme et la pop MTV dans le même mouvement, comme si le français avait voulu continuer le travail de sape effectué par Aphex Twin et son Windowlicker à l’époque.

Des rumeurs, il y en avait depuis un bail, le mec retravaillant ses morceaux depuis tant d’années, que tout le monde avait arrêté d’y croire. Et voilà déboule sans prévenir un trailer d’une minute pour annoncer la sortie du deuxième LP.



Et là, c’est la claque, gigantesque. 1minute, c’est court, surtout quand on voit des filles à poil dans une grange. Mais c’est évidemment que l’extrait présenté balance le beat de l’année, la prod épique par excellence, le traumatisme. Comme si Chris Clark se mettait à faire de la trap music dans une église. Oui. La frustration, c’est que cet extrait n’est toujours pas écoutable en version entière, et que l’on doit se contenter de peu. Heuresement que Warp a sorti deux autres morceaux pour présenter le projet. Et si ces deux extraits ne calment en rien l’envie d’écouter la track du dessus en version longue, on ne peut que se plier devant la maitrise du bonhomme. Warp a grand besoin d’albums dans le genre en ce moment.






Oh, cela sera surement moins groundbreaking que le premier album, mais s’il y a moyen de prendre son pied, je signe tout de suite.





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L’autre petite actu de cet été, c’est le retour de Mr Oizo, qui, entre deux films (son fou Wrong, hautement recommandable) continue de balancer quelques conneries auditives pour le bonheur de tes hanches. Est apparu il y a 15 jours, sur le moins moderne des sites de musicien (après myspace), un nouvel EP de Dupieux, gratos. Alors pourquoi parler d’un EP dont pas mal de gens se branlent, qui dure moins de 10 minutes et qui sent la pitrerie à plein nez ?

Parce qu’Amicalement a surement la plus belle pochette de 2013, parfaite photo de Dupieux qui me fait rêver, avec sa moue aguicheuse et son téton qui affleure. Cette écriture au rouge à lèvre, ce soleil couchant romantique, ce collier à fleur trouvé dans le désert de Mojave cristallise exactement cette lune de miel que j’imagine avec Mr Oizo depuis quelques années maintenant. Comme si le mec, après l’inondation exaltées de nos entre-jambes, se levait, se rhabillait, et écrivait sur le miroir de la salle de bain cet Amicalement d’une violence rare. Amicalement, qui symbolise cet amour à sens unique, alors que j’attendait un simple mais limpide Je t’aime, Dupieux se servant de moi comme fuckfriend avant de batifoler ailleurs, libre comme l’air.



Sinon l’EP, dans les 4 tracks, balance deux petites bombes, tubes crades débiles qui n’auraient pas démérités sur Stade 2 (instant promo : une des 10 chroniques les plus lues ici), même si aucun de ces morceaux n’égalent les ultimes Textes et Stade 3 du précédant Ep, ou l’excellent Secam sorti il y a peu, pour citer les derniers tubes imparables de l’Oizo. Copain comme cochon avec Marylin Manson (qui fait l’acteur pour Dupieux, et qui lui commande un clip en retour), la star dégommée vient pousser le refrain de Solid, highlight de ce mini Ep, avec sa bassline à faire cramer un mort. Quand j’écoute ça, j’ai envie de remuer le cul. Vraiment. J’ai beau me dire qu’Oizo applique une recette déjà faite mille fois, en faisant ses morceaux à une main, un cocktail dans l’autre, lors de pauses clopes… impossible de résister. Ca reste la musique parfaite à écouter quand on sort de la douche, à agiter son cornichon dans l’air habillé d’un peignoir fraîchement sorti de la machine à laver. La définition du bonheur… Ca se télecharge donc sur www.oizo3000.com





Mr Oizo, c’est comme une branlette à l’âge adulte : depuis quelques années, c’est toujours la même chose, mais bordel, ca reste quand même sacrement bon.






Dat’

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Raoul Sinier – Welcome To My Orphanage

Posted in Chroniques on July 9th, 2013 by Dat'


Far From Yesterday



Moi qui avait l’habitude de faire un petit paragraphe sur l’hyperactivité de Raoul Sinier à chaque nouvelle sortie, l’année 2012 / 2013 fut plus calme pour le producteur, si l’on excepte un bien sympa Covers, compile gratuite qui nous proposait des reprises dérouillées de Metronomy, Portishead ou Prince. Un changement de label aidant, le parisien a donc pris son temps pour sortir ce Welcome To My Orphanage et peaufiner les obligatoires clips accompagnant ses albums.

Alors moi, je vous avouerai qu’après le palier atteint avec Guilty Cloaks, j’avais vraiment envie d’entendre Ra pousser encore plus le vice, continuer à foncer dans la brèche ouverte par des morceaux comme She Is A Lord ou Too Late. Le truc qui te prend les tripes et te parasite la tête toute la journée. Un tapis de bombe et de la destruction massive oui, mais en mode Anthem. Le mec qui crache sa peine dans le micro, le cœur grenadine, alors que tout s’effondre autour de lui.







Ra fait dans l’épique, dans la charge frontale, plus émo que guerrière, plus mélodique que criarde. Et cela se sent dès le premier morceau, bien nommé Entrance vers l’orphelinat, lente progression hantée, fait de synthés qui copulent, de nappes grondantes, de zébrures épiques. Et un rythme implacable, qui vrille parfois, qui tabasse avec violence. On pense Raoul Sinier déjà parti dans ses instrumentaux vengeurs, mais au moment où l’on s’attend à une explosion incontrôlée, le morceau glisse vers une musique de chambre cristalline, flippante, belle comme la mort, 1 minute de conclusion à flinguer bien des colonnes. Alors on se dit que ce nouveau LP de Raoul commence drôlement bien, et que cet amateur de bière risque de marquer, encore une fois, au fer rouge.

Mais Raoul Sinier s’est découvert, depuis quelques disques, des velléités plus pop. Je ne dis pas qu’il en fait, mais le bonhomme s’autorise enfin à se lâcher niveau litanies, à ne plus forcément partir dans la destruction furibarde. A faire des fresques avec des couplets, des refrains, des putains de mélodies. Comme un Apparat sorti de l’enfer, le couteau entre les dents, à vouloir dessouder tes enceintes. Dans cette recette du morceau chanté et à chanter, Ra a fait des tests, des expériences, souvent superbes (She is a lord, The Night, The Hole, Too Late…) parfois moins concluantes (quelques petites sorties de routes dans les aigues pas vraiment dommageables, mais qui peuvent écorcher les oreilles des plus tatillons). Et dans cette quête, volontaire ou non, du morceau parfait, de la composition qui arrache les viscères et dresse les cheveux, je pense que Raoul Sinier vient de trouver l’équilibre avec A Million Years. On était déjà proche du but avec She is a Lord du précédant disque. Mais il n’y avait pas ce dosage optimal que l’on retrouve sur ce nouveau morceau.

A Million Years commence par un rythme fou, un des plus hiphop entendu depuis un bail chez Ra, et ce chant désabusé, anémié, qui joue au ping pong avec une guitare imparable. Un gimmick, “life is good, life is nice, and she will cut off your…”. Et là c’est monté ultime, explosion, cyclone d’orgues, la terre s’envole sous tes pieds et tu te mets à hurler. Break jouissif, on part sur une mélodie au piano, à chialer, toujours pilonnées par ces beats ultra massifs.  Et Raoul se remet à chanter, te pond un classique electro-émo-pop-industriel-experimental-rock-depressivo-candide. Merde, ça tu peux le chanter sous ta douche. Sans problème. A tourner la bite à l’air, au chaud dans ton peignoir, à regarder la ville bruler au travers de ton vasistas. C’est ça qui est fort sur ce morceau. Qui est peut être la track la plus aboutie de Raoul Sinier. C’est qu’elle fait convoler l’hysterie des débuts avec la science mélodique catchy des derniers disques. Et qui représente bien le paradoxe qu’est Raoul Sinier, ce crooner mélancolique qui pourrait pousser la chansonnette dans un cabaret, mais qui ne peut s’empêcher de tout cramer. On le voit dans le clip du morceau, Coldplay du pandemonium, en slip dans son appart, écrasé par des cranes géants. Ce qui porte ce morceau, c’est aussi sa rupture. Car quand le tout se brise et part sur la complainte du marin imaginaire, t’es obligé se sentir ta moelle épinière vibrer. Tube de stade, oui. Mais avec 80.000 personnes qui s’éviscèrent au son des orgues, un public en furie qui s’arrache la gorge et s’envole vers le soleil. Bref, un truc épique et beau.

Cette science de la rupture, elle se retrouve sur quelques morceaux de Welcome To My Orphanage. C’est elle qui sauve The Good Ones. C’est elle qui fait passer cette track ombrageuse au chant presque dérangeant, en fresque folle, quasi homérique : mélodie en roue libre, église qui déboule dans ton salon, rythme incroyable, voix qui hulule en fond sonore, qui crache ses intestins jusqu’à s’étouffer. Cette deuxième partie de morceau est abusée. Elle tombe quasiment comme un cheveux sur la soupe, et brule tout au napalm. Seule, elle n’aurait pas de sens. Après la cavalcade fulminante du départ, elle confine au sublime. Tu rampais dans les égouts, et te voilà à planer au milieu des nuages, avec un putain de soleil qui te grille la gueule. Peut-être le meilleur moment du disque, aberrant et complètement inattendu.





La propension de Raoul Sinier à se muer en homme orchestre impressionne aussi de plus en plus. Au départ prostré sur ses machines, le mec semble devenir graduellement un vrai rock band à lui tout seul. Certains morceaux ne feraient pas tache sur un disque avec un line-up de 4 zicos chevelus. Pire, certains groupes doivent se demander comme un petit gars de Paris coincé dans son appart peut sortir des trucs aussi massifs. La grandiloquence de My Orphanage impressionne, entre cordes tire-larmes, synthés dépressifs, guitares appuyées, orchestre qui n’en fini plus de tanguer, et un Raoul Sinier qui pousse la chanson au milieu. Alors on se plait à l’imaginer en concert, assis devant un piano, avec une demi douzaine de musiciens qui s’agitent derrière pour balancer le mur du son. Il va falloir recruter et faire une tournée massive à la The Strokes.

Le bonhomme se permet même un exercice assez étonnant en filant un vrai morceau pop calme et cristallin, The Fine Lines, forcément très lié à ce que pourrait faire un Thom Yorke. Vrai morceau, vraie chanson, car couplets / refrains, car gimmicks entrainants (les petits “ooohouuuahhoooh”), car mélodie évidente, sans destruction, sans explosion facultative. C’est presque minimaliste de la part de Raoul Sinier, et ça marche pourtant superbement bien, entre ce rythme hiphop nickel et cette mélopée candide du premier tiers, qui va doucement échouer sur des synthés plus electronica. Le morceau n’évitera pas la petite progression anxiogène en conclusion, mais tout est dans la retenue, dans le contrôle, dans la finesse. Le musicien avait l’habitude de nous envoyer des parpaings en pleine tronche, il ne se contentera que de nous frôler avec une plume sur ce morceau. Et c’est cette modération étonnante de la part de Raoul aka chaos-man qui drague l’échine, et fait de The Fine Lines l’un des morceaux les plus réussis du LP.

Mais il ne fait pas que minauder sur le disque, et balance aussi ses sempiternelles ogives instrumentales. Et bonne nouvelle, le musicien (on le sentait déjà sur Guilty Cloaks) abandonne les escapades trop guerrières et théâtrales. Attention, on est encore dans un trip de sacré sauvageon, mais Ra semble désormais plus facilement privilégier l’émotion à l’emphatique. On avait parlé du morceau d’ouverture, mais il y a aussi Screw & Bandages fera pleuvoir arpèges de synthés candides et cavalcade ultra sombre, grésillant de grattes électriques, avant de filer dans un tunnel bourré d’échos complètement flippant. Ambiant industriel, barrissements hydrauliques, le morceau se nécrose sur une deuxième partie en mode longue chute dans un gouffre insondable.

Where You Are confluera parfaitement l’album, avec une très belle boucle beatless qui avance vers nous comme du magma, tout en distillant une mélodie émo façon Hier Soir, parasitée par une voix gutturale de plus en plus présente, cette dernière emplissant graduellement l’espace jusqu’à nous faire exploser le cerveau. Sensation assez similaire à certaines nuits d’insomnies où tous les sons s’amplifient jusqu’à nous rendre fou.

Au final, pas vraiment d’écueil sur ce disque, seul Cleaning Man me crispe méchamment, les répétitions épileptiques de piano m’ayant toujours dérangé, et cela depuis que j’écoute de la musique. Le morceau s’arrange dans son milieu, mais l’introduction me ponce trop la caboche pour pouvoir accéder au reste le sourire aux lèvres. Analog Sh*t avec Mr Robot en featuring n’est pas indispensable non plus, même si le concept du morceau donne surtout envie d’entendre de “vrais” MC poser à nouveau sur les instrues torturées de Raoul Sinier, comme il y a quelques années. Car avec les teintes nouvelles des compositions du parisien, le résultat pourrait être complètement fou.






Ra continue à creuser ses tranchées, affinant album après album sa recette d’une musique sombre, progressive, grondante, et pourtant plein de lumière. Une lumière blafarde, de bout de tunnel, mais jamais froide. Là où certains musiciens opèrent un changement radical d’un album à l’autre, Raoul Sinier imprime une progression logique, tendant de plus en plus à quitter les terrains abstraits pour des chansons en mille-feuille. Des bizarreries, il y en a toujours (Where You Are, Bandages, Ruined Map…). Des tubes, il y en a encore plus. L’album brille par ses déchirements, ses changements soudains (ou progressifs), ses envolées épiques, ses prises de risques. Ce coté one-man band aussi, donnant un coté ultra riche aux compositions, frôlant parfois la rupture, sans jamais déborder. On se plait presque à imaginer un Raoul Sinier évoluant sur scène en tenant son micro, avec derrière lui toutes ses créatures en rang serré, radis-ninja derrière le synthé, whaleman sur les fûts et deux robots à la guitare/basse.

Si Welcome To My Orphanage est peut être plus irrégulier que le fou et monolithique Guilty Cloaks, ce nouvel album contient des tours de force, des mandales implacables, presque tubesques, constituant parfois les meilleurs morceaux qu’ait pu pondre Ra jusqu’à maintenant (The Fine Lines, A Million Years, The Good Ones et son segment final…).

Chanter du Raoul Sinier sous sa douche avec des feux d’artifices dans la tête et des papillons dans le ventre, c’est maintenant possible. Et bordel, c’est ce que j’attendais depuis longtemps.






Raoul Sinier – A Million Years






Raoul Sinier – Ruined Map






11 Titres – Good Citizen Factory

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Mount Kimbie – Cold Spring Fault Less Youth

Posted in Chroniques on June 27th, 2013 by Dat'


White lie



Il fut un temps que les moins de 12 ans ne peuvent pas connaitre. Une ère où Mount Kimbie était le groupe le plus porteur d’espoirs pour le futur de la bass-music-uk-garage-émo, grillant presque la priorité à leur pote James Blake. Les deux premiers Ep de Mount Kimbie furent gravés dans la roche, le groupe avait la dalle et rien dans le bide, ça se sentait dans chaque note, en proposant une alternative plus pop et joyeuse à un Burial qui dominait sans pitié le game de l’époque. Longues montées mélodiques, fractures inattendues, rythmes imparables, mélancolie joyeuse… il y avait tout dans les Ep de MK pour que ces derniers frôlent la perfection, et se placent dans les sorties indispensables du mouvement.

Alors forcement, le premier album du groupe, et sa pochette désormais légendaire, était espéré. Pour être, au final, un semi-disque ultra frustrant, avec ses moments de bravoure incroyables (Carbonated, Blind Night ErrandField, le classique parmi les classiques Before I Move Off…) mais aussi son lot de casseroles, couplées à une durée d’écoute famélique. On sentait vraiment que le groupe était à deux doigts de balancer le disque culte absolu, sans jamais réellement y parvenir, ni combler totalement nos attentes (là où Seekae déboulait sans crier gare pour filer une tatane à tout le monde).

Autant dire que le deuxième LP était attendu au tournant, d’autant plus quand ce dernier fut annoncé sur Warp. Longue tournée, mutation annoncée, on ne pouvait pas accepter être déçu par cette deuxième plâtrée.








Et autant l’annoncer tout de suite, le groupe a encore fait illusion, en balançant les meilleurs morceaux de ce deuxième LP pour l’introduire. Alors comme pour Crooks & Lovers, je me suis un peu laissé berné. Oui, j’y ais cru. Oui, en entendant les premiers singles, j’ai eu envie de courir nu dans la ville en hurlant mon amour pour le groupe. Car tomber sur Made To Stray la première fois, c’est comprendre que ta vie va être belle, c’est tomber amoureux, c’est conduire à 30km à l’heure dans une ford mustang avec des lunettes de soleil sur le nez, en claquant des doigts au ralenti. Ce morceau, c’est peut-être la fresque la plus aboutie de Mount Kimbie. Celle où ils ne choisissent pas. Où ils font convoler leur tendresse pour la pop adolescente avec leurs penchants techno drogués, sans jamais oublier leurs racines Uk-garage émo. Qui continue à perpétuer la tradition du revirement soudain, si cher au duo. Balancer un rythme techno ultra puissant, à faire trembler les murs, pendant plus de 3 minutes. Un truc qui casse les jambes, qui brutalise les bassins, qui traumatise les culs. Le twerk à coté, c’est pour les nonnes. Cette mélodie qui s’immisce, tu flaires le tube. Que dis-je, tu le sens, dans ton échine, dans tes poils de bras qui, sous l’émotion, se hérissent comme une forêt de vits devant la cambrure d’Elodie Frégé.

Et voilà qu’après 3 minutes en mode rouleau compresseur, Mount Kimbie ne veut plus parler à tes hanches, mais à ton cœur. Se dit que te foutre des papillons dans le ventre après t’avoir fait danser comme un drogué, c’est une bonne idée. Alors le duo chante. Une mélodie imparable, un chorus qui te rappelle tes plus belles années. Un mélange d’adolescence et de mélancolie aérienne. Un mélange entre American Pie et Philadelphia. Tu ne comprends pas trop les lyrics, mais tu le murmure sous la douche ce putain de titre. Tu le chantes dans le métro, quand il fait beau, à ton bureau. Il te parasite la tronche, le cerveau, à n’en plus finir. Un des morceaux de l’année ? Evidemment. D’autres bombes comme ça sur le disque ? Tu te fourres le doigt dans l’œil tellement profond que tu pourrais te chatouiller les glandes surrénales sans forcer.

Mais les Mount Kimbie ne sont pas cons. Ils savaient que l’on attendait ce Cold Spring Fault Less Youth au tournant. Alors ils ont balancé une deuxième bombe en amont. Avec le phénomène King Krule en featuring, aka le mc-crooner anglais le plus alcoolo de l’angleterre depuis Jamie T. Oh putain, qu’il est beau ce You Took Your Time. L’instrue sublime, la mélodie folle, qui te donne envie de chialer à grosses larmes en éventrant des lapins. Le truc nauséeux, candide, absolu. Avec King Krule qui déblatère, qui dégueule littéralement ses paroles, avec une entrée en matière trop folle pour être oubliée “Now did you see me, I killed a man / they all stay down but he choosed to stand” et cette invective pleine de poison “you trsust these snakes to die ?!”. On imagine le gars te gueuler dessus avec une pluie de postillons, à divaguer aléatoirement une bouteille à la main, la rage au ventre, une boule dans la gorge. Et la gorge, toi, tu la sens se serrer à mesure que le morceau se déroule. Quand la voix déraille. Quand le simili-accordéon chiale sa crasse. Quand la guitare égrène une litanie trop émo pour le commun des mortels. Il faudrait le clipper ce morceau. Ca puerait la liqueur, le sexe et le désespoir. Ca serait beau. On le passerait aux enterrements. Les tristement joyeux, ceux où l’on dit adieu à un marin breton qui a partagé nos vies en les remplissant de sourire, et ayant succombé à une lutte déséquilibrée avec la maladie.

Ces deux morceaux surnagent complètement au dessus du disque. Ils écrasent tout, imposent leur force et leur présence, réduisant presque le reste du disque au rang de faire-valoir, de décoration agréable, de subalternes ayant pour mission de faire bonne figure.





Oh, ne vous inquiétez pas, il y a pas mal de morceaux qui méritent bien des attentions, jolies digressions folk-pop-electronica-garage, un peu éloignées de ce que l’on pouvait attendre, mais néanmoins réussies. Home Recording est une jolie entrée en matière, excellent morceau, assez proche des vieux morceaux du groupe, pièce enfumée avec un joli apparat pop, qui évolue graduellement vers une house feutrée en slow motion, tube claudiquant et timide. Si tous les morceaux du disque étaient de cette trempe, on aurait un sacré LP. Break Well, se compose d’une longue montée ambiant, un peu anodine, mais sauvée  par une complainte rock émo belle comme le jour. Un dernier tiers qui te fout la banane, à écouter posé sur ton balcon, en plein été, quand le soleil se lève. Les lépidoptères sont de retours dans tes intestins, sur et certain.  Meter, Pale, Tone feat King Krule à nouveau, est bien foutue, même si loin des sommets atteints avec l’autre morceau accueillant le chanteur anglais.

Sullen Ground fera penser aux premiers James Blake ou à certains délires d’Actress, avec ce uk cafardeux, bouffé par des filtres qui étouffent complètement le morceau, te donnant presque l’impression de l’écouter à travers un mur de béton. Bombinette imparable mais cancéreuse, fantôme bizarre difficilement descriptible, qui fera néanmoins des ravages en club à 4am. Fall Out clôturera le disque d’une façon parfaite, comme si Moby période I Like To Score se retrouvait télescopé à une gratte esseulée, avec une mélodie tire-larmes.

Mais le disque trébuche plusieurs fois, et donne encore l’impression d’avoir un Lp inégal, frustrant, oscillant entre le génial et le stérile. Blood And Form nous fait frémir d’horreur, frôlant la catastrophe avec cette pop tribale trop moche pour être cautionnée, seulement sauvée in extremis par les très beaux synthés du dernier tiers. Problème : on n’a pas le courage d’écouter jusqu’à leur apparition. So Many Times, So Manye Ways nous servira un folk-rock sans intérêt, morceau copié collé que l’on peut entendre dans une douzaine de disques par mois (et souvent chez Warp d’ailleurs, ahem…). Lie Near tente de ressusciter les fantômes des premiers Ep, mais sans aucune émotion, donnant plus l’impression d’écouter un interlude étiré sur 3min30 (c’est bien la première fois que je me plains de la durée d’une track de MK). La même pour Slow, digression chelou, qui ne va nul part, et ne donne rien, sous ses apparats un poil plus bruyants que ses camarades. Voir l’inutile bonus track japonaise Pulse, simple flatulence échouant sur une ligne de guitare.






Au final, la livraison est bonne, très sympathique, plaisante, avec quelques tours de force. On reste néanmoins loin de l’album ultime tant attendu de la part de Kimbie, loin du traumatisme auditif. Ca glisse tranquille, sans marquer au fer rouge les esgourdes. C’est sympathique, parfois anodin, souvent plaisant. Mais comment un groupe capable de morceaux de l’acabit de Made To Stray et You Took Your Time (voir Before I Move Off, Carbonated ou Maybes pour remonter à plus loin) n’arrive pas à pondre un disque qui choquerait à vie ?

L’album souffre du même mal qui ronge le roaster Warp depuis quelques années. Ce petit virus pop-folk-indie conventionnel qui s’immisce dans les galettes de nos artistes favoris pour les vicier gentiment (Clark qui sort un disque mou du gland, Bibio qui oublie son folk émo luxuriant pour de la pop-electro guimauve, Darkstar qui se transforme en Animal Collective, FlyLo qui ronfle..). Signer sur Warp pouvait permettre de sortir un album ambitieux, et au final, ce nouvel LP sonne bien plus policé que Crooks & Lovers. Sans oublier que dans le genre Uk-garage flirtant avec la pop-rock, Seekae a fait bien mieux, il y a deux ans !

Encore une fois, Mount Kimbie sort une moitié de disque, avec des morceaux immenses mais bien trop de divagations sans interet. Déception donc, mais on ne peut pas s’empêcher de piocher dans le disque, le sourire aux lèvres, pour composer, sorties après sorties, le LP ultime du groupe, fait de leurs meilleurs morceaux. Histoire de claquer des doigts, le casque sur les oreilles, en allant au boulot.






Mount Kimbie – Made To Stray






Mount Kimbie – You Took Your Time feat King Krule






13 titres – Warp

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Boards Of Canada – Tomorrow’s Harvest

Posted in Chroniques on June 17th, 2013 by Dat'


Éons dans les néons



Toi comme moi, on a attendu ce moment depuis un bon bout de temps. Au final, le précédent Boards Of Canada étant sorti quelques mois avant que j’ouvre les Chros Autos, je n’avais jamais eu le plaisir de chroniquer une sortie de BOC. Oh, je m’étais bien permis un petit article rétrospectif lors d’une nuit blanche, mais à part ça, je faisais parti de ceux qui pensaient que les deux écossais ne ressortiraient jamais un Cd. Même un nouveau Lp de My Bloody Valentine me semblait plus crédible qu’un retour du duo mythique de Warp. Au moins, chez les shoegazeurs, il y avait des spasmes et rumeurs crédibles. Là, rien, que dalle, à part quelques rumeurs miteuses distillées en collier d’arlésiennes. Et boum, sans prévenir, un disque de 12 secondes atterri dans quelques magasins du monde, on pense à une blague, un hoax. Puis la campagne marketing prend forme, astucieuse, entre pistes underground-geek (le site internet à codes), speed-dating pour hippies (la transmission dans le désert), rencontres hype (le vin blanc) et quelques coups de maitre mettant Boards Of Canada sur le même plan que Kanye West ou les Daft Punk (la diffusion du single sur écran géant à Tokyo). Au final, deux légendes du label Warp font leur retour en 2013 (BOC et Jackson and his computer band), sans crier gare, et sans réel signe avant-coureur, et ça nous fait du bien.

Alors, ce Tomorrow’s Harvest allait il, lui aussi, sentir la mélancolie nauséeuse, les souvenirs brouillés, les enfants sur balançoire en slow motion ? Les teintes sépia, les vieilles photos mentales, la drogue à réminiscences ? Les feux de bois sur plage, les nuits blanches, les amis perdus ?








Impossible de l’ignorer, le premier single annonçait un album bien sombre. Et si la belle pochette du disque montrait un soleil en train de se lever, à l’écoute du disque, les premiers rayons du soleil ne percent qu’à partir de la moitié du disque. Oh, bien sur, le début du LP impressionne, étouffe, emporte. Mais l’on ne s’attendait pas à quelque chose d’aussi poisseux, anxieux, non éclairé. Boards Of Canada, ça n’a jamais vraiment été la foire du trône, mais il y a toujours eu (même dans Geogaddi), cette âme d’enfant flirtant doucement avec les teintes éthérées du groupe. Sur Tomorrow’s Harvest, l’enfant a été remplacé par un adulte désabusé, errant sur un champ de bataille immense et vide, contemplant d’un œil torve la folie des hommes. Drones personnels, synthés dance décrépis, rythmes irréguliers (voir absents), les premiers morceaux de Tomorrow’s Harvest ne manquent pourtant pas de mélodie (Reach For The Dead, âpre comme la mort au départ, céleste à la fin… ou White Cyclosa, sublime morceau trance-émo désertique, tourbillon qui finira sur un battement de cœur), mais sont loin d’être accueillants au premier abord. Même un morceau typiquement BOC, avec mélodie diffuse et vestiges d’enfance, comme Jacquard Causeway, se retrouve ici dérouillé par un rythme pachydermique, à tourner sur lui même à n’en plus finir, nous provoquant presque la nausée. Elles sont loin, les fresques candides gentiment bousculées par un rythme hiphop, les gamins qui courent dans les champs avec des bonbons plein les mains. Sur Jacquard Causeway, on est plus proche de la jolie fille aux moignons qui se baladait, esseulée, dans Duntisbourne Abbots.

Collapse ou Sick Times seront eux aussi plus proche de la dépression et du drone brumeux que des souvenirs amoureux brulés par le soleil. Dans cette première moitié de disque, seul Cold Earth apporte un peu de chaleur, malgré son titre. Parfait exercice dans la plus pure tradition de BOC, le morceau convoque âmes et fantômes pour valse romantique, et délaisse les nappes grondantes et claviers simili-trance des tracks susnommées.





Puis déboule, sans prévenir, Palace Posy. Marche militaire claudiquante, étrange divagation hypnotique. On ne se sent pas foncièrement rassuré, c’est toujours aussi nauséeux, oppressant, on suffoquerait presque. Puis le morceau s’étire, se nécrose, et s’illumine soudainement. Première vague de chaleur sur Tomorrow’s Harvest, astre qui perle enfin de la ligne d’horizon, et irradie la plaque, avec cette mélodie belle comme le jour, et ces chants possédés, incantations rassurantes, même si trop cryptiques pour être chantées sous la douche.  Et à partir de là, le disque décolle et quitte le plancher des vaches. On pataugeait dans la boue et la cendre, on frôle désormais les nuages. Split Your Infinite nous fait flotter dans l’espace, entre arpèges de synthés et messages de cosmonautes inaudibles, Gravity apaisé et détendu. Nothing Is Real, lente montée vers la lumière, morceau qui se rapproche le plus des anciennes divagations abstract du duo.

Et survient le triptyque de fin, hallucinant de force. Le disque monolithe, qui n’était que brume poisseuse et noire, s’ouvre enfin. On ne parle plus de rayons de soleils qui percent la purée de pois, mais bien d’un boule de feu qui recommence à cramer les tronches. New Seeds est un putain de tube, une progression folle, de 5min30, qui se construit autour d’une ligne mélodique imparable, à base de synthés planants et cristallins. Avant qu’une mélodie enfantine et ultra émo déboule et nous file un sourire. Le sourire niais, celui que l’on arborait en écoutant des vieux Plaid, Kettel ou Link. C’est majestueusement branlé, ça file la frousse, mission accomplie.

Mais c’est bien avec Come To Dust que l’on se prend la claque absolue. Le morceau qui semble sorti de nul part, détaché du reste du disque, dernière estocade, il nous la faut épique, belle, massive. Avec un rythme abusé, hors normes. Des synthés fous, christiques, à chialer. Et cette mélodie, qui te roule dessus, te tabasse la colonne, viole ton âme et te la balance dans les comètes. Ce morceau m’a déchiré à la première écoute, c’est seulement là que je me suis dis “merde je vais adorer ce disque”. C’est ce morceau qui brule le LP, et qui l’explique, qui le révèle. Comme si tout le disque tendait vers cet envol final, vers ce moment où après avoir trop cherché le soleil, on se rend compte que l’on prend feu de toute part. Semena Mertvykh s’occupera de balayer les cendres avec une ambiant-drone frôlant la perfection, rémanences de fin de conflit noyés sur les parasites, émotion tout en retenue, impressionnante de force malgré son avarice, en total contraste avec le traumatisme ultra démonstratif précédant.






Ce disque est une folie. Sans aucun doute. Cela faisait même un bail que l’on n’avait pas eu une galette aussi belle, aussi aboutie, aussi complète sur le label Warp (qui a bien besoin de ce genre de sorties en ce moment). Et si Boards Of Canada fait du Boards of Canada, avec ce que cela implique de bonheur (morceaux sublimes, teintes mélancoliques que l’on ne trouve nul part ailleurs) et de ratés : les interludes sans grand intérêt de Tomorrow’s Harvest étant le petit point noir du LP, la majorité de ces mini pistes ne menant à pas grand chose et ne proposant pas de belles mélodies (ne cherchez pas un Kaini Industries ou un Bocuma), ce qui était déjà un problème sur Geogaddi.

Oui, l’album est beaucoup plus sombre, et beaucoup moins facile à appréhender au premier coup d’oreille. Oui, il y a une absence qui me brise le cœur : fini les rythmiques hip-hop décharnées qui me ravissaient sur les anciens disques de BOC. Et vu que c’est le type de morceaux que je préférais chez les Ecossais, je suis tristesse.

Mais le groupe a fait un pas en avant avec ce nouveau disque. Bonjour les synthés trance-émo-cadavériques. Bonjour les rythmes pachydermiques et les structures monolithiques. Il y a aussi, dans ce disque, une confiance folle, un coté sur de soi, implacable, que n’avait pas le duo auparavant. Boards Of Canada sort un album qui s’écoute comme un album, un vrai, un objet qui a un début, une fin, une progression, un climax, une denrée de plus en plus rare. Ce qui est étonnant c’est de voir que ce Tomorrow’s Harvest se présente en menhir, en entité sombre difficilement dissécable, là ou les précédents alignaient les tours de forces entre vignettes enfumées, avec une poignée de titres forts, marquant une vie à jamais : il n’y a pas sur ce nouveau disque un équivalent de Dawn Chorus, de 1969, de Smokes Quantity, de Peacock Tail, de Amo Bishop Roden (plus beau titre de BOC à jamais), de Sixtyten

Ce LP va t’il autant compter pour moi qu’un In A Beautiful Place Out In The Country ou Music Has The Right To The Children? Je ne pense pas. Pourquoi? Aucune idée. Alors que je préfère largement ce Tomorrow’s Harvest à Campfire Headphase. Je n’arrive pas à savoir si c’est parce que le disque est moins bon que les deux monuments précités, ou si c’est simplement parce que j’ai vieilli. Qu’en découvrant MHTRTC, il n’y avait rien de plus important dans ma vie que d’écouter de la musique. Et qu’en étant adulte, les problématiques ont changé, les priorités aussi. Qu’un BOC sorti maintenant ne peut pas avoir le même impact qu’un BOC sorti il y a 10 ans. Pour le savoir, il faudra surement faire une update de cet article dans une décennie.

Pour le moment, je peux dire sans crainte que Tomorrow’s Harvest a le bon goût de marquer mon année 2013, et c’est déjà énorme. Indispensable.






Boards Of Canada – Reach For The Dead






Boards Of Canada – Come To Dust






17 Titres – Warp

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CUM ON MY SELECTOR 10 : U-Ziq, Ultrademon, Suicide Year, Bones, Yung Lean, Budamunk, Dubb Parade

Posted in Chroniques on June 3rd, 2013 by Dat'


Bleu presque transparent



µ-Ziq – monj2

Bon tout le monde est sensé savoir qu’un Boards Of Canada déboule ce juin. Mais un autre album sort le même mois, par un artiste au moins aussi légendaire que les BOC, même s’il ne jouit pas de la même aura dans l’inconscient collectif. Mike Paradinas, aka µ-Ziq, sort Chewed Corner, 8ème album. Et croyez moi, pour avoir posé une oreille sur le LP, ce mélange juke-dance-electronica-émo va faire date dans le cœur des amateurs d’electronica. Mais le boss de Planet Mu n’est pas avare en surprise, et sort, 1 mois avant sa grosse galette, un Ep à la belle pochette, XTEP. Et dans ce mélange de musiques candides et aériennes, se trouvent deux trésors. New Bimple, et surtout Monj2, qui cristallise tout ce qu’a pu sortir le label depuis quelques années : Un rythme épileptique simili-footwork, cher à Paradinas via ses compilations Bangs & Works. Des synthés blade-runner qui semblent tout droit sortis de chez Kuedo. Et cette âme d’enfant, qui ne semble jamais vraiment quitter Paradinas, avec cette mélodie cristalline imparable. Ce morceau, c’est une longue fresque folle, belle comme la mort, comme l’on en entend rarement. C’est aussi le morceau qui prépare le mieux à l’envolée que va proposer le LP à venir fin juin. Un bon moyen de nous encleindre à boucler nos ceintures, avant de se prendre une des mandales de l’année.






Ultrademon – 1996

Je ne comprends pas trop le mouvement seapunk, et j’en ai rien à carrer d’ailleurs, mais j’ai cru comprendre que c’était une philosophie fashion via vêtements aux couleurs criardes, dauphin en 3D et bijoux dégueulasses (pas loin de ce que l’on peut trouver à Harajuku depuis bien des années d’ailleurs). Quel rapport avec l’IDM? Aucun, mais tant que je peux voir des nanas taille 34 avec des fringues déglinguées et des cheveux de toutes les couleurs, ça me va, je valide. Ce Seapunk LP de Ultrademon a une esthétique douteuse oui. Mais bordel, que cette braindance-juke-rave-bass-psychée a de la gueule ! Ca pue la drogue, les crèmes aux algues et les hippocampes multicolores. Synthés kitschs, Roland en roue libre, on navigue sur un océan vert en pensant à sa prochaine coloration. Le disque frôle le mauvais gout à chaque seconde, ça n’a souvent aucun sens, entre un DMX Krew qui se serait mit à la juke ou un T.Doyobi qui voudrait se lancer dans la bass-music. D’ailleurs le Lp sort, de façon détournée, sur le label Rephlex ! Là, pour le moment, j’ai l’impression d’être devant une bizarrerie foutrement cool… mais je ne serais pas étonner de le considérer comme l’un des disques de l’année après quelques mois d’écoutes, vu que je prends de plus en plus mon pied, à chaque nouvelle rotation itunes. Je ne sais absolument pas quel morceau mettre pour ce Selector, donc je vous claque le plus cramé du disque.






Hybrid Theory – So High

Si ce nom d’artiste renverra toujours et à jamais à un album de Linkin Park, notre Hybrid Theory du jour pond un morceau qui m’a foutu une vraie baffe. Parce qu’il est constamment en équilibre. Certes, d’une oreille distraite, tu entends une bombe Uk Garage absolue. Bassline de folie, voix puputes, rythme frisant la perfection. Ca respecte le cahier des charges, mais ça tabasse plus que le morceau 2step lambda, avec une force et une rondeur dans la production qui fait office de detox pour les tympans. Mais je parlais d’équilibre, de double facette. On ne le saisit pas vraiment, c’est fugace. En intro, une mélodie ultra émo, mélancolique en diable, se fraie un chemin, avant de se faire balayer par le dancefloor. Comme si l’artiste avait hésité à faire un morceau triste et crève-cœur, pour tout envoyer chier pour aller danser. Le break émo reviendra en milieu de morceau, ferra entendre sa dépression, avant de disparaître une nouvelle fois. Cette facette cafardeuse, presque romantique, qui prend les trippes, donne un coté boiteux au tout. Comme si, au milieu d’une rave euphorique, tu te tapais deux flashs de tristesse, avant de repartir dans une fête sans fin. Indispensable.






Budamunk x Takumi Kaneko x Minismooth – Mellowed Out Cruisin’

J’ai déjà évoqué Budamunk dans ces pages, le mec étant sur tous les fronts au Japon, étant membre du meilleur groupe de hiphop nippon de ces dernières années (Sick Team) et dans un des meilleurs labels japonais (Jazzy Sports). Vous pouvez un peu écouter de tout ça dans ma Cum On My Selector Japanese Underground Mixtape (CLIQUE, c’est une pub, même pas détournée). Bref, le bonhomme sort une galette tous les 3 mois, et déboule dans les magasins avec un First Jam Magic, collaboration avec Kaneko-san de Cro Magnon et la douce Minismooth. Album beaucoup plus sage que d’habitude, carrément jazz, foutrement laidback, à base de bars enfumés et mélodies feutrées. Au milieu de ce jazz-r’n’b apaisé, encore une fois, la science du beatmaker brille de mille feu. Et sur ce Mellowed Out Cruisin’, qui porte parfaitement son nom, on pige le truc. Ce disque est à écouter dans sa bagnole, en conduisant. Ou à marcher, à 3h du mat’, une bière/clope au bec, seul dans la ville, en claquant des doigts et en dodelinant de la tête. Certainement pas un disque à lancer avant d’aller au boulot, mais parfait pour de longues nuits blanches en solo.






Dubb Parade – Riot In G

Si le label d’Hiroshima Dubliminal Bounce continue de balancer des sorties juke/footwork 3 fois par mois (cf la chronique des très bons Poivre et CRZKNY), il sort parfois une petite perle de tout ce bordel épileptique. Ce Gunma In Tek de Dubb Parade en fait partie. Et contrairement à ce que le nom de l’artiste laisse penser, on a pas à faire ici à de la musique enfumée de marijuana pour dreadlocks. Dubb Parade ne se contente même pas de balancer un Ep de juke hystérique banal, et se dirige vers des terrains plus techno (Acid Is My Life, comme un Ceephax balancé dans un mixeur, Da Chime 2 U ou Hit The Right Path, presque rave…). Et c’est dans les deux derniers morceaux que l’Ep franchit une limite, atteint une complexité folle, flirtant bien plus avec Warp que Young Smoke. Le summum, Gravitational Force, progression footwork/Idm hallucinante, comme si le LCC d’Autechre se retrouvait malaxé avec un sampler hiphop pour une progression insensée, électronica organique télescopée par des rafales de snares. C’est abusé, impossible à défendre en public, mais bordel, quel pied ! Pour les amateurs de juke cramée, ce Gunma In Tek est surement l’un des meilleurs Ep du genre depuis ce début d’année.






Suicide Year – Hate In My Heart

Vu que comme tout le monde, tu dois être un sacré drogué, je te présente une galette bandcamp parmi tant d’autre, qui ne manque pourtant pas de charme. Ce Suicide Year, je ne le connais ni d’Ève ni d’Adam, mais il vient de sortir un LP d’instrues bien méchantes, pour tous les dealers en herbe que nous sommes, à la pochette assez dingue (d’ou vient cette photo incroyable ?). Rythmiques en mode uzi, ambiances thug, on a qu’une envie, entendre sur ces instrues un Mc avec une voix bien grave, sévèrement pitchée, histoire de rendre l’ambiance encore plus lourde. Mélancolie, flingues qui fument, rues tristes et grises. Le bonhomme a aussi balancé un sympathique Ep de remixes. A lui de trouver quelques Mc assez défoncés pour vouloir poser sur ses instrues, dans les mois qui viennent.






Bones & Grandmilly – Lords Of The Underground

J’avoue, je traine avec des gens qui ont une mauvaise influence sur moi, à me faire écouter trop de morceaux de blancs camés parlant de baiser ma mère en fumant du crack. Et en plus j’aime ça. Mais quand on tombe sur des instrues pareilles, comment refuser le trip ? Superbe prod ambiant-cloud, flow décharné, visuels nineties, ce Bones, qui semble tout droit sorti de Hartley Cœur à Vif, offre une mixtape tous les mois. On ne sait pas trop vraiment quoi écouter vu l’abondance, alors on se rabat sur les clips youtubes. Et c’est bien ce Lords Of The Underground avec un Grandmilly fou, qui remporte la palme, parfaite divagation paumée, dotée de quelques citations psychotropes que même Odd Future aurait du mal à assumer désormais ( “Feed that bitch drugs and I watch her overdose / Roll a blunt and finally fuck her now we’re both ghosts” ). Difficile d’enquiller la discographie de ce Bones sans avoir envie de se suicider, mais le bonhomme est trop fort sur quelques titres pour ne pas avoir envie de nager dans la Klonopin le sourire aux lèvres en l’écoutant.






Yung Lean – ♦ GINGSENG STRIP 2002 ♦

Alors là, on arrive à un sujet épineux. Les vidéos de teen se prenant pour Beyoncé pullulent, pour la plus grande honte des parents et la joie des zappings. Je ne sais pas si vous avez vu cette vidéo d’un gamin de 3 ans qui fout 95% des paniers de basket, sans se foirer (en live chez Kimmel ici). Un petit génie, une exception dans l’océan de vidéos mettant en scène des mouflards sur youtube. Génie du mimétisme, à reproduire un geste sans vraiment le comprendre, mais génie quand même. Yung Lean, c’est un peu la même chose : une anomalie. 16 ans, suédois, se prenant pour Lil B ou Gucci Mane alors qu’il va encore à l’école à Stockholm en bouffant des pains aux raisins. Tous les tics du HH gangsta sont copiés, de façon outrancière, ultra maladroite, exactement comme la petite conne qui se prend pour Rihanna en bougeant ses fesses devant sa webcam, après avoir torché ses devoirs de math. Yung Lean aurait pu être une blague, un mème, à l’instar de notre Dadane national (pour les bonnes mémoires). Pas mal de morceaux de Yung Lean sont d’ailleurs indéfendables. Sauf que… Sur deux ou trois morceaux, le mec devient cette anomalie, cette réussite totale, avec des instrues parfaites (3D spaceship, qui semble sampler Boards Of Canada, ou l’hypnotique Oreomilkshake) et une plume en roue libre (Les mecs de Metro Zu m’ont même soutenu que le mec se débrouillait vraiment bien).
De tout ça, on peut retenir un seul titre, la quintessence, celui qui cristallise l’aberration qu’est ce gamin (le clip à la ramasse, le coté flippant de l’attitude copié/collé thug) mais aussi sa réussite absolue (l’instrue parfaite, les punchlines, le coté émo ultra poussé). Le tout atteignant son paroxysme avec la phase “Got my balls licked by a Zooey Deschanel lookalike cocaïne addict” qui rend tous les Mc de la planète jaloux de ne pas avoir pensé à écrire ça avant un suédois inconnu. Ce mec a tout compris du hiphop cloud-émo alors qu’il n’est pas encore pubère, et s’il est encore loin d’être un artiste accompli, Yung Lean est déjà un génie du mimétisme, dès ses premiers morceaux. Le mouflet sort une mixtape en juillet, Unknow Death, qui pourrait vite me faire passer d’observateur à admirateur. Il n’en faut pas plus pour attiser ma curiosité comme jamais.







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